En participant activement au Réseau RADiS (Réseau Alimentaire Dinant Solidaire), Nature & Progrès a l’opportunité de tester ses idéaux, de concrétiser les nombreuses idées émises par ses membres et sympathisants sur ce que devrait être notre système alimentaire, avec une agriculture biologique autonome, au service d’une consommation locale et responsable.
Par Sylvie La Spina (Réseau RADiS) et Laurence Leduc (Influences-végétales)
Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté que nous partageons avec vous la première victoire de notre Réseau RADiS. Depuis octobre 2021, les légumes biolocaux des producteurs du Réseau alimentent deux cantines scolaires de la région dinantaise !
Rappelons que le Réseau RADiS (Réseau Alimentaire Dinant Solidaire), mené par Nature & Progrès et la Fondation Cyrys FUP, a pour objectif de développer des filières alimentaires bio et solidaires dans la région dinantaise. A travers ce Réseau, nous souhaitons créer du lien entre consommateurs, producteurs, transformateurs et commerçants, et remettre sur pied les outils nécessaires à une relocalisation alimentaire bio. Les actions mises en place, définies de manière participative, sont également pensées en vue d’optimiser leur impact social.
Un manque de légumes bio en région dinantaise
Dès le lancement du Réseau RADiS, fin 2020, la faible part de cultures de légumes en région dinantaise a attiré notre attention. D’après nos calculs, tous modes de production confondus, les fruits et légumes cultivés sur les six communes du territoire couvraient à peine 4% des besoins des citoyens. On était donc bien loin de l’auto-approvisionnement alimentaire, ce qui semblait très interpellant dans un milieu principalement rural. A l’époque, une seule maraichère bio, Florence, était active dans la région. Par ailleurs, au moment de définir les priorités du Réseau RADiS, deux écoles locales – accompagnées par Influences-végétales asbl – ont manifesté leur envie de se fournir en légumes biolocaux, dans le cadre de leur transition vers une cantine durable.
Bien ancré dans la philosophie de Nature & Progrès, le Réseau RADiS rassemble citoyens et producteurs bio dans une démarche participative. Lors des rencontres, on se rassemble, on s’informe, on réfléchit, on développe des idées… et on les met en place ! Une première réunion du groupe thématique « fruits et légumes », début 2021, eut pour objectif de définir nos priorités de développement et actions dans cette filière. La demande des cantines scolaires pour des légumes biolocaux a rencontré un enthousiasme généralisé : nourrir plus sainement et avec des produits locaux les enfants de tous horizons, et sensibiliser à travers eux leurs parents, que peut-on rêver de mieux ? L’engouement a également touché deux autres producteurs du territoire, Jean et Alessandro, qui ont rejoint le Réseau en passant le cap de la conversion bio. Fournir les cantines scolaires devint ainsi notre premier objectif fédérateur.
Coopérer, s’organiser
Devant les volumes de légumes à fournir aux écoles, une collaboration entre les maraîchers est indispensable, et force est de constater que « la sauce a bien pris » entre les producteurs qui, au départ, ne se connaissaient pas. Les contacts ont été nombreux pour tester du matériel de semis et de plantation, pour échanger sur l’état des cultures et pour évaluer les futures récoltes. Avec l’été particulier que nous avons vécu, les productions de 2021 seront évidemment insuffisantes pour couvrir tous les besoins mais les légumes manquants seront achetés à des maraîchers bio des environs. En parallèle, plusieurs porteurs de projet en maraîchage ont trouvé une terre grâce à notre action « Des terres pour nos RADiS » – voir Valériane n°148 – et préparent leur installation dès 2022. Un renfort bienvenu !
Certaines écoles n’étant pas équipées de cuisines – comme les écoles primaires communales d’Onhaye -, elles souhaitent être approvisionnées en potages-collations. Grâce à la petite cuisine aux normes AFSCA de Jean, un de nos maraîchers, le Réseau peut répondre à cette demande et « tester » la transformation. Faire de la soupe pour une collectivité, ça ne s’improvise pas : il faut travailler à de bonnes pratiques, s’organiser, effectuer des démarches administratives, trouver de la main-d’œuvre rémunérée… A terme, lorsque les volumes à fournir seront plus importants, la transformation aura lieu dans des locaux propres au Réseau RADiS. Par ailleurs, les légumes nécessitent un stockage à l’abri des gelées hivernales ou des redoux printaniers : un outil de stockage mutualisé est donc également en réflexion.
Nos producteurs : Florence, Alessandro et Jean
Florence Hautot cultive des légumes à Mesnil-Saint-Blaise, dans la commune d’Houyet, à côté de son emploi d’aide-cuisinière dans une école de Beauraing. Elle écoule la plus grande partie de sa production en vente directe et via la nouvelle coopérative « Comptoir paysan », à Beauraing.
Alessandro Maury développe la culture de légumes dans la ferme familiale de Falmagne, dans la commune de Dinant, principalement tournée vers les grandes cultures et l’élevage de bovins Blonde d’Aquitaine bio. Son truc à lui, ce sont les légumes de conservation à cultiver en champ, comme les pommes de terre, les carottes, les oignons et les poireaux. Ces cultures ne demandent pas trop de temps, ce qui est compatible avec son emploi à temps plein.
Jean Baivy a développé une petite ferme dans le village d’Awagne, sur la commune de Dinant. D’abord destinés à l’approvisionnement de sa famille, son grand potager et ses élevages alimentent aussi une clientèle en vente directe. Motivé par le Réseau RADiS, Jean souhaite consacrer davantage de temps et d’espace au maraîchage pour répondre, entre autres, aux besoins des écoles. C’est Jean qui assure actuellement la transformation et les livraisons du Réseau pour les cantines.
Deux écoles locales dans le processus cantines durables
Grâce au soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, deux écoles de la région de Dinant se sont lancées dans l’aventure de la cantine durable, avec le soutien d’Influences-végétales asbl et du Collectif Développement Cantines durables (CDCD).
– les écoles communales d’Onhaye
Les quatre implantations communales d’Onhaye ont démarré le processus de cantine durable, à la fin de l’année 2020. Malgré la crise sanitaire et l’arrêt de la livraison des repas chauds, toutes les actions prévues dans le programme d’accompagnement ont pu être menées : ateliers de sensibilisation dans toutes les classes, visite de maraîchage, conférence à destination des parents, sensibilisation des enseignants… Le partenariat développé avec le Réseau RADIS a abouti à la mise en place d’une collaboration entre la commune et les maraîchers locaux, ainsi qu’au développement d’une première filière de transformation des légumes en potage. La première phase de l’accompagnement s’est clôturée par le lancement du potage-collation une fois par semaine pour les trois cent quarante élèves. Un beau challenge pour les maraîchers locaux qui doivent fournir environ seize kilos de légumes par semaine, pour la préparation des quarante litres de soupe ! L’école aimerait poursuivre sa réflexion au niveau des collations et proposer, entre autres, l’année prochaine des bâtonnets de légumes issus de la production d’un producteur local. Affaire à suivre…
– le collège de Godinne
Le petit collège de Godinne – maternel et primaire – et le collège de Godinne-Burnot – secondaire – sont regroupés sur un seul site, au sein d’un parc verdoyant. Initié par le côté fondamental, le projet de cantine durable a rapidement « contaminé » l’équipe éducative du secondaire. C’est donc ensemble, et puisqu’ils partagent la même cuisine, que les deux écoles se sont lancées dans ce projet ambitieux. L’accompagnement pas à pas prodigué par Influences-végétales a permis d’embarquer les différentes parties prenantes dans l’aventure. Les élèves du maternel et du primaire ont notamment pu bénéficier d’ateliers de découverte et de dégustation végétale, ainsi que d’une visite chez Jean Baivy, un des maraîchers qui fournit désormais les légumes de leur potage-collation. La synergie développée entre les deux directions a permis la mise en place d’une distribution collective de potage-collation, deux fois par semaine, depuis début octobre, pour les trois cent cinquante élèves des deux écoles. Cela représente environ quarante kilos de légumes frais à livrer, chaque semaine, par le Réseau RADiS. Mais bien sûr, l’aventure ne s’arrête pas là ! Cette deuxième année d’accompagnement permettra la mise en place progressive d’une nouvelle offre alimentaire pour la cantine et l’internat !
Comment se passe la transition vers une cantine durable ?
La méthodologie développée par Influences-végétales et le CDCD prévoit un accompagnement complet, sur deux années, visant à la mise en place d’un nouveau modèle de cantine durable, au sein de l’école, et sa pérennisation. L’accompagnement, en première année, comprend toute une série d’actions mises en place pour et avec l’ensemble des acteurs de l’école : élèves, parents, équipe éducative, direction et pouvoir organisateur, cuisiniers et personnel de service, producteurs biolocaux…
L’approche est systémique et inclusive, et les actions travaillent sur le changement de culture alimentaire – informer, sensibiliser, faire tester – et préparent les changements de pratiques en cuisine – informer, mettre en place les premières alternatives.
Le Collectif Développement Cantines Durables (CDCD), actif en Régions wallonne et bruxelloise, a été créé pour accompagner les écoles qui veulent mettre en place un nouveau modèle d’offre alimentaire pour leurs élèves : une alimentation durable, biolocale, simple, savoureuse et accessible à tous. Il est composé de neuf associations réparties sur tout le territoire de la Wallonie, dont Influences-végétales sur la Province de Namur.
L’accompagnement proposé est structuré par une méthode et adapté à la réalité spécifique de chaque école. Le CDCD forme les cuisiniers et cuisinières à différents concepts de potages et de repas durables, et travaille sur deux axes de changements avec l’ensemble des personnes concernées par la cantine :
– une nouvelle culture alimentaire via des ateliers, des dégustations, des visites de maraîchages bio, etc.
– de nouvelles pratiques via un soutien plus technique, de la cuisine à la logistique en passant par les fournisseurs et la formation du personnel.
Le CDCD prend en charge une grosse partie du travail, ce qui le rend possible même dans un contexte scolaire fortement sollicité. La détermination de la direction soutenue par son équipe éducative est décisive. Les familles ont également l’occasion de jouer pleinement leur rôle de soutien au projet.
Pour plus d’infos :
– www.reseau-radis.be
– www.collectifcantinesdurables.be/
– www.influences-vegetales.eu