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19 octobre 2023
Le Conseil d’Etat fait primer la santé et l’environnement
Nous sommes heureux de vous communiquer qu’après quatre ans de procédures légales, le Conseil d’État a donné raison à Nature & Progrès et à PAN Europe dans une affaire concernant l’utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes en Belgique. Les néonicotinoïdes sont des pesticides qui s’attaquent au système nerveux des abeilles. Ils sont mis en cause dans le déclin massif des colonies d’abeilles et ont été interdits en Europe en 2018. Le Conseil d’Etat a choisi de faire primer la santé et l’environnement en stoppant les octrois de dérogations par l’administration belge !
Pour rappel, en 2018, l’Union européenne a interdit trois types d’insecticides néonicotinoïdes pour protéger le vivant. Cependant, la Belgique a accordé depuis 2018 des dérogations « d’urgence » pour continuer à utiliser ces pesticides, en particulier dans la culture de betteraves. Nous avons contesté la validité de ces décisions devant le Conseil d’État en 2018, 2019 et 2020.
Ce 18 octobre 2023, le Conseil d’État a tranché et a déclaré que « sont annulées les 6 décisions (ndlr : de l’administration belge) autorisant l’utilisation d’insecticides à base de substances actives « néo-nicotinoïdes » interdites dans l’UE pour le traitement, la mise sur le marché, et le semis de semences de betteraves sucrières, de laitue, d’endives, … »[1] Cela signifie que l’utilisation de ces substances est désormais bien interdite en Belgique, plus aucune exception ne peut permettre de réintroduire ces substances interdites en droit européen.
Pour Julie Van Damme, Secrétaire générale de Nature & Progrès
« Le jeu des dérogations est malhonnête et dangereux. Il maintient une partie des agriculteurs dans l’illusion qu’il n’y a qu’une seule manière de faire. Il verrouille la possibilité de se tourner vers les alternatives à large échelle. Depuis des décennies, Nature & Progrès met en avant des pratiques agricoles viables sans recours à ces substances. »
Il faut remonter en 2018, lorsque la Commission européenne avait interdit 3 insecticides néonicotinoïdes afin de protéger les abeilles.[2] Le ministre de l’Agriculture de l’époque avait alors voté contre l’interdiction, craignant une levée de bouclier du secteur betteravier plutôt que de protéger nos pollinisateurs – et donc notre alimentation – et l’entomofaune. Aussitôt l’interdiction décidée au niveau européen, il avait annoncé qu’une dérogation serait donnée pour maintenir leur utilisation en betteraves. Les dérogations se sont alors succédées depuis 2018 (sauf en 2023).
En 2019, Nature & Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe et un apiculteur liégeois ont introduit un recours contre les dérogations accordées par le SPF Santé publique. Le 19 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne avait déjà confirmé que les dérogations nationales pour l’utilisation de pesticides interdits au niveau européen étaient illégales.[3]
Une partie tierce, la confédération belge des betteraviers, ainsi que la société SES Vanderhave, ont également été impliquées dans la procédure. La SES Vanderhave a tenté de préserver ses intérêts commerciaux en soutenant (à titre subsidiaire) que les dérogations ne devraient pas s’appliquer aux pratiques d’exportation des semences contenant ces pesticides, malgré leur haute toxicité et les risques pour les pays importateurs.
Le Conseil d’État a heureusement rejeté ces arguments et a confirmé que la santé et l’environnement sont prioritaires. Ce jugement a des répercussions à l’échelle de l’Union européenne en recadrant les pratiques de dérogations pour les pesticides.
Pour Antoine Bailleux, avocat des parties requérantes :
« La Cour de justice avait déjà clairement affirmé qu’on ne peut pas se servir de prétendues circonstances exceptionnelles pour autoriser la mise sur le marché de semences enrobées de substances actives interdites au niveau européen. Le Conseil d’Etat enfonce aujourd’hui le clou en annulant des autorisations de ce type octroyées précédemment par la Belgique. Fait remarquable, cette annulation s’étend aussi aux exportations vers les pays tiers. »
Cette décision marque un tournant en marquant un « stop » aux services belges d’homologation des pesticides qui, à tour de dérogations, ont maintenu l’illusion qu’il y avait encore un avenir possible avec ces substances tueuses d’abeille.
Aujourd’hui, nous voyons la confirmation que l’avenir n’est pas dans les pesticides et nous encourageons les administrateurs et les utilisateurs à tourner le dos à ces poisons en les accompagnant dans la mise en place des alternatives.
Tout comme sur le plan juridique où Nature & Progrès et PAN ont tenu bons, notre association n’a jamais lâché la nécessité de soutenir la transition vers une agriculture biologique. C’est pourquoi, au-delà de le plaider, nous reconnaissons et mettons en valeur, celles et ceux qui depuis des décennies ont appris à faire autrement – sans chimie de synthèse mais – avec la nature. Nous documentons leurs pratiques pour une conversion progressive, pas après pas.
Les alternatives existent, nos agriculteurs bio le prouvent chaque jour !
[1] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257640.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257641.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257642.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257643.pdf
[2] Les néonicotinoïdes sont les substances qui ont la même action que la nicotine sur le système nerveux. Tout comme la nicotine, les néonicotinoïdes agissent dans le même sens que l’acétylcholine (ils sont donc ce qu’on appelle des agonistes) ; ils en bloquent les récepteurs, ce qui perturbe le fonctionnement du système nerveux. Systémiques, les néonicotinoïdes envahissent toutes les parties des plantes traitées, y compris les fleurs, les fruits et les graines. Mais ils ne portent pas atteinte qu’aux abeilles : tous les pollinisateurs sont concernés mais aussi pour les milieux aquatiques ainsi que pour certains vertébrés terrestres, notamment les oiseaux et petits mammifères granivores.
[3] https://www.pan-europe.info/press-releases/2023/01/eu-court-justice-no-more-derogations-use-bee-toxic-neonicotinoids