Je compte les ustensiles de cuisine de quatre appartements et maisons entières, histoire de voir jusqu’où culmine notre obstination à consommer. Nos existences sont façonnées d’objets que nous soutirons à la Terre, comme toutes nos ressources du reste. Depuis deux ou trois centaines d’années, nous lui retournons en échange uniquement des déchets. Manque d’élégance ou inconscience, nous précipitons ainsi notre extinction. Le vivant terrestre ploie.
Par Alain Maes
Partie 1 – Une seule brique dans le ventre ?
Simultanément aux comptages des objets, je mesure les volumétries des armoires qui accueillent tous ces magnifiques machins que nous possédons, toutes et tous, en grandes quantités. Je mets en relation leur nombre et la volumétrie des armoires derrière lesquelles ils sont cachés. J’ai longtemps pensé que les jeunes possédaient moins d’objets, par défaut de rangements. Ne sachant pas les ordonner avec élégance dans les armoires, ils ne peuvent pas accumuler, comme Papa et Maman…
Préjugé
Que nenni ! Grosse erreur. Pris en flagrant préjugé ! À ma grande surprise, je constate que les jeunes, comme les moins jeunes, bourrent leurs armoires avec autant de talent. La tranche d’âge des 20/34 ans entasse, en moyenne, deux cent soixante objets par mètre cube, les 35/59 ans entassent deux cent septante-sept objets par mètre cube, les 60/64 ans entassent deux cent nonante-sept objets par mètre cube. Globalement, ils oeuvrent de concert. Bien entendu, quelques champions caracolent au-dessus, au pinacle, un couple de 35/59 ans entasse jusque quatre cent quatre-vingt-cinq objets au mètre cube et un autre dans la tranche 60/64 ans agglutine six cent onze objets au mètre cube. Il s’est trouvé aussi une jeune capable d’entasser trois cent quatre-vingt-un objets par mètre cube. Nous observons quand même que l’expérience de vie – avec l’âge – facilite les qualités extraordinaires de rangement.
Ce qui différencie, en définitive, les scores élevés de nos aînés, c’est le nombre d’armoires ! Les 20/34 ans disposent, en moyenne, de 1,7 mètre cube d’armoire, les 35/59 ans de 3,4 mètres cubes – c’est le double ! – et les 60/84 ans détiennent 4,2 mètres cubes de rangements – c’est encore un tiers en plus. Comme déjà signalé précédemment, le pouvoir d’achat ne permet pas aux jeunes de suivre leurs ainés, pourtant l’envie ne manque pas, nous allons le voir plus loin. Et puis Sapiens copie Sapiens, les jeunes « apprennent » en observant les « grands », leur aînés, pour leur grande majorité. Puisque le nombre d’objets est signe de richesse, il n’y a aucune raison objective de croire que nos jeunes ne vont pas tenter l’exploit d’emmagasiner plus que leurs vieux. Les jeunes qui résistent au consumérisme sont peu nombreux et fortement tiraillés. Sortir du troupeau isole.
Tant que j’y suis…
Et rien que pour rigoler à gorge déployée, une bonne fois encore – puisque la fin de l’humanité approche -, je compte tous les objets de quatre habitations. Même mode opératoire que pour les cuisines, même entrain, nouveau bordereau : un pull, un t-shirt, un pantalon, une jupe, un slip, un ordinateur, un ceinturon, un serre-tête, une souche du magasin, une boucle d’oreille, un bracelet, tout compte pour un. Le GSM et sa coque font deux. Je ne compte toujours pas les produits d’entretien. Mais bien les sacs et sacoches, les chaussures, les gants de toilettes, les pyjamas, les marteaux et les manteaux, les « tchinisses », les clous et les colsons – par paquets -, les tondeuses, je compte tous les objets de toutes les pièces de l’habitation. De la cave au grenier, en scrutant, tout comme la géologue collationne le moindre événement des entrailles de la Terre. Je n’oublie pas le jardin, ni le balcon. Tout et absolument tout est compté ! Ce n’est pas compliqué à comprendre…
Un couple de jeunes de 25/29 ans entasse sept cent vingt-neuf objets dans un studio de cinquante-cinq mètres carrés. C’est « le » couple le moins consumériste de toute mon enquête. Un autre couple – père et fils adulte – entassent neuf mille deux cent septante-deux objets usuels dans une maison de deux cent seize mètres carrés (1), auxquels nous ajoutons les objets de travail du père qui bosse à domicile – votre serviteur ! – qui sont au nombre de quinze mille deux cent soixante-six ! Un dernier couple de pensionnés en visites alternées – voir illustration ci-contre – dispose de deux appartements (2) d’une superficie totale de cent septante mètres carrés – septante-neuf et nonante-et-un -, plus caves et garages. Ils entassent vingt-deux mille cinq cent quatre-vingt-trois objets dans leurs deux habitations. Henri, de son côté, « collectionne », en plus, quatorze mille cent trente-sept feuilles A4. Calculatrice à la main et une règle de trois, apprise à l’école primaire, me permet de projeter l’encombrement moyen d’une famille « standard » de trois personnes : dix-sept mille objets environ ! Plus les objets du travail, plus les objets de loisirs comme les piscines, les stades, les musées, les boîtes de nuit par exemple, plus les objets des transports communs comme les routes et leur éclairage, les autobus et les trains… Nous consommons une quantité incroyable d’objets en tous genres, de toutes les utilités et inutilités, dont toutes les matières premières sont « volées » à la Terre, parfois à prix d’or et sans jamais aucune contrepartie. Rien ne se construit qui ne soit extirpé du sol. La masse anthropogénique (3) est considérable – je reviendrais sur ce point cardinal dans le troisième article -, comme un couvercle sur une cocote sous pression.
« Y a un peu plus, je vous le laisse ? »
Minute papillon ! Dès lors que les cuisines sont comptées, je rassemble mes hôtes adultes autour de la table. Je leur fournis une feuille millimétrée et leur explique qu’un carré de dix millimètres de côté représente un mètre carré. Toutes et tous se plaignent d’avoir deux mains gauches, mais toutes et tous dessinent très bien. Sur cette feuille de papier, je leur demande de dessiner leur habitation telle qu’ils la perçoivent. Puis, dans un deuxième élan de générosité envers mon enquête, je leur demande de dessiner leur habitation telle qu’ils la souhaiteraient. Enfin, dès qu’ils ont terminé, je mesure et je dessine moi-même leur maison sur une autre feuille millimétrée – voir illustration ci-contre. La comparaison des trois est instructive. Pour faire simple, la tranche d’âge 20/34 ans qui possède une habitation d’une moyenne de quarante-six mètres carrés par personne désire – à 71 % – une augmentation de quatre-vingt-quatre mètres carrés par personne, soit presque le double ! Il me faut vous rappeler que cette tranche d’âge va bientôt en avoir dans la poche. Leur portefeuille va bientôt enfler, ils vont avoir les moyens de leurs désirs… La tranche d’âge 30/34 ans qui possède une habitation d’une moyenne de soixante-et-un mètres-carrés par personne désire – à 42 % – une augmentation de quatre-vingts mètres carrés et demi. Globalement, les demandes de cette tranche d’âge rencontrent celle des jeunes qu’ils ont été, il y a peu. Nous pouvons peut-être y voir un semblant de vérité, ce qui nous attend dans un avenir proche. La dernière tranche d’âge de 60/84 ans qui possède quarante-sept mètres carrés par personne désire – à 47 % – une augmentation de septante-six mètres-carrés et demi.
Un enseignement : les jeunes et les vieux ont la même volumétrie moyenne par personne à leur disposition, soit quarante-six et quarante-sept mètres-carrés. La tranche d’âge médiane, qui doit compter sur des enfants à charge, requiert de plus grandes habitations, et c’est normal. Ce qui inquiète par contre, à l’aune de la diminution radicale des consommations d’énergies fossiles et autres, c’est le désir que manifestent six personnes sur dix de la population visitée lors de cette enquête d’augmenter leur espace de vie de 62 %, pour déplacer la moyenne de la maison de cent soixante mètres carrés et demi à presque deux cent soixante mètres carrés, pour trois personnes. Nous voyons que cette projection recouvre et prolonge le désir explicité des jeunes de 20/34 ans. Ce qui équivaudrait à redistribuer les terres à quatre-vingt-six mètres carrés par personne. Une folie quand on sait que de plus grandes maisons comporteront plus d‘armoires plus volumétriques…
Pour terminer…
Oui, pour terminer sur ce qui nous reste de bonnes nouvelles à répandre, presque quatre personnes – quand même ! – sur dix pourraient vivre dans… quarante mètres carrés par personne ! C’est en tout cas leur souhait qui reste à mettre en pratique, bien entendu. Sans oublier qu’une personne sur dix est satisfaite par les espaces dont elle dispose, qu’ils soient grands ou petits, c’est-à-dire qu’ils oscillent de treize à… trois cent quatre-vingt-deux mètres carrés par personne, en passant par soixante-neuf, cent quatorze, cent quatre-vingts et deux cent vingt mètres carrés, par exemple. Nos besoins ne sont clairement pas comparables quand de telles distances opposent, comme des extrémités, nos choix individuels, nos modes de vie. Ils sont rationnellement inexplicables, comme l’étaient le nombre d’objets stratifiés de nos habitations.
Partie 2 – Il ploie, il ploie, le vivant…
L’espoir d’éviter le scénario catastrophe est mince tant les indicateurs sont cramés. La performance qui nous attend est simple : diviser par quatre notre emprunte carbone pour 2050, afin de limiter le réchauffement climatique à 2°C. Cela veut dire – à peu de choses près – diviser toutes nos consommations par quatre, à commencer par ces innombrables objets de « malheurs » que nous chérissons toutes et tous.
Quel est votre style de vie ?
À titre d’exemple, la seule fabrication d’un jeans 100% coton, que nous possédons toutes et tous en plusieurs exemplaires, requiert plus de vingt-cinq étapes accompagnées par autant de machines fonctionnant toutes aux énergies fossiles. Disséminées aux quatre coins de la planète, les matières premières du jeans et des machines sont rassemblées dans un lieu de fabrication, à grands renforts d’énergies fossiles. Une fois terminés, les pantalons sont renvoyés, par transports intercontinentaux – les avions et les bateaux fonctionnent aussi aux énergies fossiles – aux quatre coins de la planète, chez des distributeurs. Pour le Bénélux, par exemple, ce distributeur envoie, par transports routiers – énergies fossiles encore – toutes les caisses de vêtements dans les magasins de la marque en Belgique, en Hollande et au Luxembourg. Ensuite, nous faisons nos courses en voitures, elles aussi polluantes. Les voitures, même électriques, demandent une somme considérable d’énergie fossile pour leur fabrication, leurs entretiens, leurs réparations. Quelques mois plus tard, juste après son remplacement, le jeans « usagé » ou démodé retrouve la filière des immondices. Recyclés ou non, il consomme une dernière fois de l’énergie fossile. Et je ne parle pas des invendus…
Je me souviens du jour où le « pédégé » d’une marque interplanétaire américaine de sport, devant une audience acquise à son business, a lâché sérieux comme seul un arracheur de dents peut l’être : « je ne vends pas des vêtements, mais bien du style de vie. » Le bougre ! Le malheur veut que – grâce à la pub – le style – prononcez stâile à l’anglaise – change tous les six mois – quand tout va bien. La salopette du magasin vous tente ? Si celle-ci est un vêtement, elle durera bon gré – mal gré de cinq à dix ans. Si votre salopette est un style de vie, elle durera six mois, le temps que la mode change. Vendre du style de vie plombe, dès lors, bien plus le climat que tous les objets réunis dont nous avons réellement besoin, c’est une évidence. Chaque classe sociale, chaque sport, chaque profession, chaque âge, chaque genre humain a son style de vie, facile alors d’imaginer la déferlante. Le renouvellement est permanent. Le renouvellement est « la » raison d’être du capitalisme.
Comparons l’incomparable
La revue Nature, nous informe qu’en 2020 la biomasse et la masse anthropogénique sont équivalentes. La biomasse c’est, entre autres, 82% d’arbres et de plantes, 13% de bactéries, 0,4% d’animaux dont 2,5% de Sapiens. Ce qui revient à dire que l’homme et la femme représentent 0,01% de la biomasse. La biomasse, c’est le vivant sur Terre. De l’autre côté, la masse anthropogénique, c’est tous les objets solides construits par Sapiens, les maisons, les routes, les usines, les voitures, les ordinateurs, les objets, les vêtements, etc. En d’autres termes, un Sapiens adulte construit dix mille fois – 10.000 fois ! – sa propre masse pour subsister ! Si et seulement si nous plaçons tous les Sapiens de la planète sur le même pied de consommation. Mais un Zambien ou une Équatorienne, par exemple, n’ont pas notre mode de vie dispendieux. Le Sapiens occidental consomme combien de fois plus que ces deux autres Sapiens localisés à des endroits de la planète moins achalandés ? Cinq ? Dix ? Plus ?… Un total qu’il faudra multiplier par dix mille pour avoir une vague idée du cyclone que chaque Occidental fait subir au climat.
Carbone toi-même !
Tout-à-coup, le monde entier – exceptés quelques comiques – plante des arbres à tour de bras. C’est super, sauf que les jeunes arbres rejettent plus de carbone qu’ils n’en captent. Vingt-cinq ans plus tard, l’échange devient intéressant pour Sapiens, les arbres deviennent des puits à carbone. En plantant des arbres aujourd’hui nous réduisons l’empreinte carbone dans vingt-cinq ans – c’est super ! – mais nous l’augmentons d’ici là. Placer des panneaux solaires en abondance sur nos toitures est une fausse bonne solution. S’il est vrai que capter l’énergie solaire n’abîme pas le soleil, fabriquer des panneaux solaires reste un élan consumériste et est, lui aussi, énergivore et polluant pour sa fabrication. Puis, placer des panneaux solaires, c’est augmenter la production d’énergie… Or nous devons diminuer notre consommation ! Il y a là un paradoxe que le politique peine à m’expliquer, en encourageant les gens à investir dans l’énergie solaire des panneaux photovoltaïques. Je n’ose pas penser aux dépotoirs de panneaux hors d’usages qui fleuriront dans vingt-cinq ans, des panneaux dont on sait déjà que leur recyclage sera difficile et énergivore, « fossilement parlant ».
Il nous faut agir aujourd’hui sur notre empreinte carbone pour cause d’urgence, là maintenant ! Mais c’est quoi notre empreinte carbone, au juste ? Le synoptique ci-contre nous montre – en haut et en noir – la répartition de l’empreinte carbone d’un individu adulte. Le transport représente 27%, c’est le « champion » de notre empreinte, l’alimentation suit de près avec 24%, l’habitat 19%, les objets 16% et l’État 14%. Nous pouvons entrer en décroissance dès aujourd’hui en « tapant » dans ces quatre secteurs. Le cinquième répond – normalement – à nos choix de vote. En définitive, nous avons la mainmise sur toutes les commandes… Pourtant rien ne bouge, ou si peu.
En moyenne un Sapiens occidental de la classe moyenne consomme dix tonnes de carbone par an. Les plus riches consomment vingt-cinq tonnes, les plus pauvres cinq tonnes. Nous devons toutes et tous ensembles – riches, aisés et pauvres – réduire à deux tonnes notre empreinte carbone par an et par personne pour limiter le réchauffement à 2°C, ce qui est déjà trop… L’effort le moins pénible est pour les pauvres que nous devrons accompagner sans nul doute. Les autres peuvent s’en sortir seuls, ils ne sont pas en danger. C’est juste une question de priorités. Nous pouvons encore choisir les postes à réduire et la manière d’affecter nos habitudes énergivores. En d’autres termes nous pouvons encore choisir nos « inconvénients ». Bientôt, sans doute, ils nous seront imposés sans discernement.
Méprise
L’effort à fournir est considérable, mais certainement pas impossible. La publicité relayée par les médias et l’école nous ont appris à confondre « l’effort » et « la souffrance ». En faire le moins possible est devenu un signe existentiel de réussite sociale. Les volets de la baraque sont électrifiés, la barrière de la maison est télécommandée depuis l’habitacle de voiture, le hayon arrière de cette dernière s’ouvre d’un signe du pied sous le pare-chocs et je passe les plus savoureuses. Râper une carotte est un acte électrifié quand les feuilles mortes sont soufflées à l’essence. Il n’existe plus d’outils ni de fonctions musculaires. Depuis que nous sommes « pressés de gagner du temps », notre vie est entièrement assistée de prothèses. Vraiment ? Nos existences sont adoucies par une connexion 5G à Instagram ? Les brosses à dents électriques brossent mieux que ne saurait le faire une main valide ? Ah ouais ?
Esprit critique, où es-tu ?
Nous nous plaignions du Mondial de foot au Qatar à cause – entre autres – des sept stades climatisés du désert. Mais votre voiture l’est aussi, comme des centaines de milliers dans le monde. Zut ! Votre maison également, comme plusieurs centaines de millions dans le monde. Depuis les années mille-neuf-cent-soixante, des voix s’élèvent pour annoncer le mur de chaleur qui nous écrase le nez aujourd’hui. Mieux, il y a deux siècles, le très célèbre naturaliste Alexander von Humboldt annonçait déjà l’activité de l’Homme comme nocive pour la planète. Preuves à l’appui, le GIEC et d’autres continuent leur martèlement. La canicule et les pluies torrentielles sont déjà dans nos rues. Des jeunes aussi, par milliers, mais rien ne bouge ! Bien entendu, ce sont les ainés – des deux ou trois dernières générations – qui ont contribué à la production surabondante de carbone… Mais c’est aux jeunes d’aujourd’hui que revient la tâche de la réduire !
Presque tous les « vieux » regardent ailleurs
Ce n’est pas la faute aux entreprises car celles-ci sont prestataires de service, ce qui revient à dire qu’elles suivent nos inspirations. Nous avons la possibilité de les faire marcher au pas. Sans le consommateur docile que nous sommes toutes et tous, elles périclitent. Avec nous, elles deviendront durables. Pour cela nous devons imposer la conduite. Cette marche à suivre est entièrement décroissante, il n’y a pas de demi-solution, pas d’alternance (4), rien qu’une alternative. Croire le contraire, c’est croire – à fond – au Père Noël ! C’est tout notre « mode de vie » qu’il faut changer. Il faut renvoyer le style de vie à leur créateur.
Pour les transports : voitures, camions et avions capitalisent à eux seuls 93% de la cible où agir. Se déplacer à pied, à vélo musculaire – jusqu’à un certain âge – et surtout en transports en communs, pour les moyens et les longs trajets, est fastoche. Il faut juste repenser où accorder son temps libre, sur la banquette dans le train décontracté ou sur le siège de voiture dans les embouteillages ? Le temps du déplacement ne peut plus être un temps perdu, comme l’annoncent les vendeurs de mobilités individuelles.
Si la voiture est indispensable, à nonante kilomètres à l’heure sur l’autoroute et à soixante sur les nationales, vous réduirez votre consommation d’un bon tiers. Une idée enrichissante qui fait moins grimacer la planète. Pour l’alimentation : la viande et les produits laitiers – dérivés de la production viandeuse – capitalisent 56% de la cible où agir. Manger de la viande deux fois par jour, tous les jours, n’est pas utile. Pareil pour les fromages. Ne plus manger de viande – dans une quantité raisonnable – qu’une fois tous les deux jours, divise par quatre notre consommation ! Faisons pareil avec les produits laitiers et le tour est joué. Les boissons, elles, représentent quand même 19% de là où agir. Boire de l’eau quotidiennement et réserver un petit verre de bière et/ou de vin aux occasions ne devrait pas vous assommer, que du contraire.
Pour l’habitat, le chauffage et la construction capitalisent 85% à eux deux. C’est énorme ! Construire écologique – en matériaux renouvelables – des maisons basse énergie est une solution plus économique qu’il n’y paraît. Nous devons construire petit et compact. Fini les dressings. Terminé les cuisines de quarante mètres carrés et plus. Plus besoin de deux garages puisque nous nous déplacerons en transports en commun. Terminé les piscines chauffées, même – et surtout – au solaire. Autant garder cette production pour des postes utiles, si nous avons un faible pour les panneaux photovoltaïques. Nous avons appris, sans effort, à consommer. Nous apprendrons facilement à retourner notre veste, et sûrement à ajouter un pull plutôt qu’à augmenter le chauffage.
Pour les ustensiles, la maison et les loisirs engrangent la moitié – 50% – à eux deux ! Comme nous n’aurons plus autant d’objets, nous aurons aussi moins d’armoires. Les accessoires inutiles devenus absents diminueront les aménagements de la maison. Nous pouvons aussi abandonner tous les appareils thermiques et électriques du jardin et de la maison ou, à tout le moins, une grosse partie. L’énergie musculaire est garantie sans carbone. Nous pouvons encore nous prêter les ustensiles que nous utilisons à peine plus qu’une fois l’an, et les réparer est une nouvelle posture à afficher sans retenue.
Pour ce qui est de l’État, l’injonction que nous pouvons lui donner est de faire tout son possible pour montrer le bon exemple, en commençant par isoler – dans les plus brefs délais – tous les bâtiments administratifs du Royaume, dès aujourd’hui, demain c’est déjà trop tard. Diminuer les budgets déraisonnables de l’armée est une belle idée qui tarde à venir. Je serais curieux d’avoir le calcul carbone de dix minutes de vol des cinquante-quatre F-16 de l’armée belge. Et puis que peut-on bien faire avec autant d’avions de chasse ? Et je ne parle pas du reste du matériel, chars, jeeps, hélicoptères, etc. Dur de savoir que nous manquons de moyens et de bras pour les soins et l’enseignement.
Une remarque terre à terre pour terminer en roue libre : réduire nos consommations est relativement économique comme solution ! Une chance : vraiment pas cher de diminuer son empreinte carbone. Et ça sauve des vies…
Notes :
(1) Une maison qui a abrité jusqu’à cinq personnes…
(2) Ces deux appartements ont abrité jusqu’à sept personnes. Quelques objets ont suivi les départs et les déplacements de leurs habitants. De la même manière que le coeur des parents double à l’arrivée de chaque enfant, aucune pièce – sauf parfois une partie de la chambre -, n’est jamais expurgée du nombre d’objets utilisés par le jeune, dès lors qu’il abandonne le nid familial. La grande aventure consumériste se renouvelle toujours, comme une génération spontanée.
(3) La masse anthropogénique est la masse de matériaux solides issus des activités humaines.
(4) L’alternance, c’est remplacer les voitures thermiques par les voitures électriques en faisant croire au miracle technologique ! Le technologique, dans une très grande majorité de ses applications, a précipité Sapiens dans le déluge climatique. Le technologique ne sera pas le héros du vivant. L’alternative, c’est de remplacer la voiture – transport individuel – par les autobus, les trains – transports en commun – et les transports musculaires…