L’écologie radicale, l’ »écoterrorisme » sont aujourd’hui souvent pointés du doigt dans le discours politique mais rarement définis ou contextualisés, alors que la réalité que ces mots éventuellement recouvrent, comme toute réalité sociale, est extrêmement complexe, variée, multiple (1)… Les actions coup de poing de militants et de militantes écologistes font ressurgir le débat sur les limites de la non-violence chez ceux qui luttent contre les dégradations environnementales. Tantôt qualifiées de vandalisme ou de saccage, tantôt rejetées par les associations pacifistes, elles drainent leur lot d’imaginaire, de questionnements et de préjugés…
Par Maylis Arnould
Les pratiques et les valeurs écologiques, à l’échelle individuelle ou collective (2), ont de plus en plus tendance à se voir inscrites sous l’étiquette de « radicales ». Même si ce phénomène n’est pas nouveau, un certain nombre d’actions, particulièrement en France ces derniers mois, ont amené l’écologie sur le devant de la scène du radicalisme. Mais alors, que veux-t-on dire par « écolo radical » et qui sont ceux et celles qui s’inscrivent, volontairement ou non, dans cette catégorie ?
Les différentes facettes du concept de radicalité
Beaucoup utilisée, depuis les attentats de 2001, pour définir des actions liées à des idéaux religieux, la question de la radicalité porte, dans l’imaginaire collectif, une connotation négative et c’est, le plus souvent, cette connotation sous-jacente qui est associée à l’écologie. À partir de 2015, lors des actions liées à la COP-21, puis encore dernièrement avec le rassemblement autour des méga-bassines de Sainte-Soline, en France… Pourtant, si l’on regarde la définition du mot radical que donne le dictionnaire Larousse, il est question « d’un genre d’action ou de moyen très énergique, très efficace, dont on use pour combattre quelque chose » ou de quelque chose « qui présente un caractère absolu, total ou définitif ». Le radicalisme quant à lui, selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, correspond à une « attitude qui refuse tout compromis en allant jusqu’au bout de la logique de ses convictions »…
Ces trois définitions ne proposent donc pas de connotations positives ou négatives et ne définissent pas un type d’action plus ou moins violente. Elles font d’ailleurs fortement écho avec plusieurs explications de la notion de radicalité par les personnes mêmes qui en sont accusées. Comme on peut le lire, à plusieurs reprises, dans la revue française Socialter, de juin-juillet 2019, dont le dossier principal traite de la radicalité, il est plutôt question de trouver la racine des problèmes écologiques et de renforcer la lutte, dans ses idées et dans ses moyens. Pauline Porro rappelle d’ailleurs que « étymologiquement, radical provient du latin radix signifiant « qui s’attaque à la racine d’une chose ». Une posture radicale serait dès lors une posture conséquente, au sens d’une position qui s’intéresserait aux fondements même d’un phénomène et non à ses implications – aux causes plutôt qu’aux effets. (3) » La radicalité serait donc, avant toute autre chose, un changement de regard sur la problématique écologique en allant chercher l’origine et en posant la question des valeurs, en collectif ou individuellement. C’est d’ailleurs dans cette lignée que se placent plusieurs militantes et militants écologistes, qu’ils soient en petits groupes ou en gros collectifs.
« Radicalité écologique » : un panel d’acteurs extrêmement diversifié
L’émergence d’une diversité de mouvements, au sein même des revendications écologiques, a fait couler beaucoup d’encre, ces derniers mois. À l’intérieur de ceux-ci, certains prônent une rupture avec la plupart des moyens d’action encadrés par l’institution, voire même avec l’institution elle-même. Parmi cette constellation écologiste, comme l’appellent Anthony Cortes et Sébastien Leurquin (4), voici les principales tendances qui sont apparues dans mes différentes recherches (5).
On citera, dans un premier temps, les organisations les plus anciennes et les plus connues qui se situent dans une idéologie pacifique mais utilisent également des actions comme le boycott. Nous pouvons citer, par exemple, le mouvement Alternatiba ou encore le réseau Action Non-Violente COP21 – ou ANV-COP21. Puis, en 2018, Extinction Rébellion – ou XR – arrive en France et ensuite en Belgique. Considéré, à l’époque, comme l’un des mouvements les plus radicaux des branches écologistes, il fait également de la désobéissance civile un de ses principaux outils de lutte. Venu de Grande-Bretagne, ce mouvement met en avant les actions directes et la résistance non-violente, en passant par des blocages – de banques, par exemple – ou par l’organisation de rassemblements dans lesquels se mêlent théâtre critique, danse et moments festifs…
Un des premiers mouvements qui apparaît aussi quand on s’intéresse à l’écologie radicale actuelle est le mouvement Deep Green Resistance, ou Deep ecology. Ce mouvement, aussi appelé écologie profonde ou écologie radicale, porte comme revendication de base le fait qu’il faut supprimer l’économie industrielle qui serait destructrice pour l’environnement. Même si ce n’est pas ici notre sujet, notons que ce mouvement a un lien très fort avec des croyances spirituelles et une forme de néopaganisme (6). Elle se démarque aussi, par son opposition complète au modèle sociétal actuel – rejet des technologies compris – et sa forte volonté d’y mettre fin, en parlant parfois même de guerre écologique. Ce mouvement peut trouver des points communs avec d’autres petits groupes pouvant être définis comme radicaux, mais qui sont peu médiatisés et dans lesquels la croyance prend une place non négligeable. C’est le cas par exemple de l’écofascisme (7), de la collapsologie, de réseaux à connotation spirituelle comme Solaris ou encore de l’écologie intégrale qui est la branche chrétienne de l’écologie.
D’autres mouvements, collectifs ou organisations prennent toutefois une place non négligeable dans cette vaste toile, sur le devant de la scène médiatique, et sont généralement ceux à qui on associe le plus rapidement la radicalité. C’est le cas des nombreux collectifs de luttes locales de « Zones À Défendre », ou ZAD. En Belgique, avec la Zablière d’Arlon entre 2019 et 2021, ou en France, avec celle de Notre-Dame-des-Landes entre 2009 et 2018, par exemple, les ZAD correspondent à des occupations de lieux où est prévu un projet jugé destructeur pour l’environnement. Une diversité d’idéologies, d’actions, de créations, de questionnements sociaux et de luttes s’y mélangent. Ces occupations questionnent les notions de légitimité, de propriétés privées et de pouvoir. Plusieurs collectifs locaux de ces ZAD font partie du réseau de lutte Les soulèvements de la terre (8), composé d’une pluralité d’individus, d’associations ou de collectifs, et qui a comme principal objectif la lutte contre l’agro-industrie et l’accaparement des terres. Comme ils l’ont eux-mêmes rappelé dans leur tribune, Les soulèvements de la terre se veulent être un mouvement pluriel, tant individuel que collectif, dans lequel sont invitées toutes les personnes souhaitant agir face aux problématiques agricoles et face aux institutions…
Tous les groupes cités ici, même s’ils prennent une importance non négligeable dans les luttes écologiques, ne représentent pas l’intégralité des individus qui sont, volontairement ou non, intégrés dans la radicalité. En effet, il est impossible définir précisément des cases dans lesquelles rentreraient un certain type d’individus, et c’est cela qui fait toute la beauté des dynamiques sociales. On observe également deux phénomènes qui sont difficilement saisissables : la convergence des luttes – qui regroupe les individus de plusieurs collectifs et/ou idéaux en faisant fluctuer les idées – et la volonté forte, dans les milieux militants, de modes d’action et de gouvernance qui vont au-delà des cases, des définitions institutionnelles et qui sont sans cesse en changement, à travers des questionnements autocritiques et une volonté d’évolution permanente.
Les actions radicales cataloguées comme violentes
Au-delà d’une définition générale d’une écologie radicale et de groupement d’individus considérés comme tel, ce sont également les moyens d’action qui servent, la plupart du temps, à définir le niveau de radicalité. Beaucoup d’actions peuvent être considérées comme radicales tout en n’utilisant jamais la force physique comme outil. Comme nous avons pu le montrer précédemment, la radicalité est souvent prônée à travers des actions non violentes et se trouverait plutôt dans une opposition avec certaines lois. C’est le cas notamment de la ZAD dont, comme l’explique Stéphane Tonnelat, « [l’opposition] correspond à un mode d’action considéré comme radical, car illégal, pourtant on observe dans de nombreuses ZAD une volonté de ne pas rompre avec l’opinion publique et donc un questionnement autour du type d’action « acceptable » ou non, donc la question de l’acceptabilité des actions » (9).
Dans les cas d’actes définissables comme violents, il est important de rappeler qu’aucune action volontairement écologique n’a jusqu’à présent porté atteinte à la vie humaine. Ce qui est alors défini comme de la violence est généralement du sabotage, de la destruction de matériel, ou encore du blocage de routes, d’usines, etc. Comme le rappelle Sébastien Leurquin, dans une interview donnée à la radio France Bleue (10) « certes, il y a un glissement de certains militants vers des méthodes plus dures : jets de peinture, blocages ou sabotage. Mais il n’y a pas de risque d’un écoterrorisme qui viendrait faire des morts. La vie humaine reste sacrée pour les militants. C’est une ligne rouge qu’ils ne veulent pas dépasser ».
En conclusion, il me paraît important de rappeler que les actions étiquetées comme radicales peuvent tout à fait être associées à quelque chose de positif et à des valeurs qui nous sont importantes. Cette notion est intéressante car elle pose la question des mots, de leurs définitions et de leurs utilisations. Elle nous amène à réfléchir à nos propres perceptions et à bien définir nos propres actions. Il n’existe pas de binarité d’un « bien » et d’un « mal » qui seraient prédéfinis. Entre blanc et noir, c’est toujours à nous qu’il appartient de concevoir et d’assumer notre propre gris, gris clair ou gris foncé, personnellement ou en groupe…
Violence versus non-violence
Il n’est évidemment pas question de prôner ou de valider ici un certain type d’action. En questionnant toutes formes de pratiques militantes, il est surtout de comprendre comment sont pensées, organisées et expliquées les actions auxquelles cette étiquette est attribuée. Tenter de comprendre dans quels contextes elles interviennent et quelles réflexions les précèdent. Le sujet est délicat ! Il est pourtant indispensable d’écouter ceux et celles qui déracinent, explosent, occupent et démontent. Les voix – et les voies ! – des personnes concernées sont importantes car il est presque impossible, sans elles, de se faire un avis cohérent sur le sujet. Je tiens aussi à rappeler, encore une fois, qu’aucune action écologique n’a tué ou n’a été directement dirigée contre des humain.es. Les actions définies comme violentes – et donc celles dont je parlerai ici – sont généralement des actions de destruction de matériels ou de biens privés, appartenant à des individus ou des groupes.
L’utilisation de pratiques à connotations violentes, bien que sujet de débat public actuellement, a toujours fait partie des révoltes. Notre imaginaire collectif autour des luttes historiques a tendance à nous laisser croire que bon nombre de droits humains importants ont été gagnés uniquement par le pacifisme. Or ce n’est pas le cas. Les suffragettes cassaient des vitrines de magasins et enflammaient des bâtiments publics, l’indépendance de l’Inde a comporté son lot de sabotages et Nelson Mandela – pourtant figure emblématique de la paix – en est arrivé à exprimer que « le temps de la résistance passive était terminé, que la non-violence était une stratégie vaine et qu’elle ne renverserait jamais une minorité blanche prête à maintenir son pouvoir à n’importe quel prix » (11). Hier comme aujourd’hui, aucun mouvement militant n’échappe au questionnement sur la violence, du féminisme à l’antiracisme en passant par l’écologie.
Cette violence ne s’exerce pas seule et n’est jamais, dans les faits, en opposition avec la non-violence. La perception de la non-violence, comme une idéologie et non comme une tactique, a engendré cette binarité très nette entre, d’un côté, le pacifisme et, de l’autre côté, tout ce qui n’est pas qualifié comme tel. Pourtant il n’est jamais question de se concentrer uniquement sur les affrontements ou le sabotage mais d’employer ces méthodes lorsqu’elles sont appropriées et font partie d’un tout, accompagnées d’autres stratégies (12). Comme l’explique très bien Andreas Malm, « maintenant, si l’on accepte l’idée que la destruction de bien relève de la violence et qu’elle est moins grave que la violence contre les êtres humains, cela ne condamne ni ne justifie en rien la pratique. Il semble qu’il faille l’éviter aussi longtemps que possible. […] Il faut des circonstances extrêmement impérieuses pour commencer à envisager des attaques contre les biens. » Le recours à la violence dans les actions militantes n’est donc pas impulsif et l’utiliser ne veut pas dire la prôner. C’est une tactique, pas un idéal. L’intention est donc un facteur primordial à prendre ne compte. Dans une perspective de détruire une chose pour en protéger une autre, par exemple endommager un bien matériel – une méga-bassine – pour préserver un bien commun – l’eau -, l’intention n’est pas la même que dans un cas ou seule la colère guide l’action et que celle-ci n’est pas encadrée, discutée ou préméditée.
Urgence climatique et contre-violence
L’argument principal du recours à des actions illégales dans les luttes environnementales, c’est l’urgence. L’urgence d’une biodiversité qui se dégrade à une vitesse folle, l’urgence d’un mode de consommation destructeur qui ne cesse de croître, l’urgence d’un climat qui change à une vitesse anormale… La liste peut continuer longtemps. On le sait, les voies institutionnelles prennent du temps, sans garantie de réussite. Face à des avertissements de scientifiques qui alertent sur les problématiques, presque tous les jours, plusieurs activistes écologiques ressentent cette urgence d’agir. D’agir vite.
Face à cette urgence, bon nombre de gens ont le sentiment que le recours politique est limité, voire impuissant, que les manifestions ou les pétitions ne suffisent plus. Comme nous l’explique cet extrait de communiqué de deux personnes ayant saboté un pipeline aux Etats-Unis : « après avoir examiné et épuisé toutes les formes d’action possibles, dont la participation à des réunions publiques, la collecte des signatures pour réclamer des études d’impact environnemental, la désobéissance civile, les grèves de la faim, les manifestations et les rassemblements, les boycotts et les campements, nous avons constaté l’incapacité évidente de notre gouvernement à entendre les revendications populaires. (13) »
Ne pas entendre les revendications et ne pas prendre en compte l’urgence ne sont pas les seuls faits qui sont aujourd’hui reprochés aux sociétés par de nombreux militants et militantes. Pour beaucoup, le système dans lequel nous vivons peut-être lui-même considéré comme violent, car « il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue », a affirmé Don Helder Camara (14). Dans le contexte écologique actuel, une forme de contre-violence pourrait donc apparaître comme légitime afin d’affronter des institutions, publiques ou privées, qui seraient perçues comme violentes pour le vivant. Aussi, cette violence s’exerce-t-elle également dans le quotidien de ceux et celles qui sont pacifistes car, rappelons-le, entre 2012 et 2021 plus de mille sept cents activistes écologistes ont été tués dans le monde (15) et l’association France Nature Environnement dénombre, cette année, plus d’une cinquante de menaces et d’actes de violences déplorés par ses membres : voitures abimées, maisons prises pour cibles, agressions (16)… Cette contre-violence est cependant loin de prendre la forme de guérilla que les mots laissent souvent entendre. Et elle passe particulièrement par une pratique bien connue qu’on appelle le sabotage…
Du sabotage au désarmement
La pratique du sabotage n’est d’ailleurs pas nouvelle. À partir des années septante, dans la même période où le pacifisme et le mouvement hippie battaient leur plein, nous pouvons trouver plusieurs exemples de pratiques plus intenses. En 1975, un groupe de personnes – dont Françoise d’Eaubonne – dynamitèrent la pompe d’un circuit hydraulique de la centrale de Fessenheim et, en 1990, un groupe de militants anglais pratiquèrent des blocages de routes et des occupations d’arbres…
Le mouvement qui fait actuellement renaître, dans l’opinion publique française, cette question de la destruction de biens matériels s’appelle Les soulèvements de la terre. Rassemblement de personnalités diverses, d’associations et de collectifs, Les soulèvements de la terre (17) sont multiples tant géographiquement qu’à travers leurs actions. Comme cela avait été le cas pour la centrale de Fessenheim, les actions sont assumées, relayées et défendues. Mais la particularité est qu’ici, elles sont, pour la plupart, officiellement déclarées préalablement, via toutes formes de réseaux. Parmi des pratiques diverses et joyeuses – organisation de courses de bolides pendant les manifestations, plantation de semences biologiques, mise en place de serres, défrichement, fêtes, etc. -, la destruction de biens matériels comme une bâche de méga-bassine ou une tractopelle sur un chantier perçu comme « écocidaire » (18) prennent une place non négligeable. Mais ici, pas question de sabotage, on parle plutôt de désarmement. Ce terme fut revendiqué à l’issue d’une occupation, fin juin 2021, et avait pour optique « d’expliciter directement la portée éthique du geste et la nature des cibles, de relier la fin et les moyens« . Tandis que le sabotage renvoie, dans le Code pénal, à « la destruction d’infrastructures vitales pour le pays« , le désarmement vise des infrastructures toxiques et destructrices. Il relève de la légitime défense, d’une nécessité vitale face à la catastrophe (19). Dans la lignée des arguments présentés précédemment, cette notion de désarmement renvoie directement au fait que du matériel dangereux est utilisé pour détruire des espaces naturels ou pour endommager des vies. Abîmer ce matériel participerait donc à ralentir ces destructions et donc à préserver le vivant. L’utilisation des mots prend donc un sens important car, chez Les soulèvements de la terre, ils ont toute leur place, même les policiers du service central du renseignement le reconnaissent : « en inscrivant les actions de sabotage dans une logique défensive des biens communs menacés, ils ont ingénieusement convaincu des militants habituellement adeptes d’actions de désobéissance civile à basculer vers la résistance civile« .
La violence et où elle se situe…
Alors, faut-il condamner la violence ? La prôner ? L’exclure ? Là n’est peut-être finalement pas vraiment le sujet du questionnement… Au-delà d’une binarité entre violence et pacifisme, l’important c’est peut-être d’abord de comprendre, de remettre en contexte, d’essayer d’écouter ceux et celles qui sont concernés. Se demander où situe-t-on la violence ? Cette question est vaste et complexe. Et la réponse dépendra de chacun et de chacune d’entre nous. Alors, tenter de dépasser les divergences dans les pratiques militantes en ne condamnant pas d’avance, sans connaître, celles qui nous sont moins familières pourrait être un moyen de sortir des conflits internes. Car finalement l’objectif est le même : vivre dans un monde plus juste, moins destructeur et plus respectueux du vivant et, comme le dit si bien Isabelle Cambourakis « loin de l’épouvantail médiatique construit autour du « militant d’ultra-gauche violent », loin du déni de la violence policière et de la violence d’État, loin d’une dichotomie fossilisée entre violence et non-violence, il y a une place pour une pratique contre-violente créatrice, efficace et non oppressive. »
Notes :
(1) Il est important de préciser qu’il n’est pas question ici de défendre une idéologie ou de justifier des valeurs personnelles – ou non – mais bien d’expliquer et de contextualiser des pratiques sociales.
(2) Par souci de clarté, nous ne traiterons pas du fait d’être stigmatisé comme radical ou extrémiste, à titre individuel, dans nos milieux sociaux. Cependant, je vous invite fortement, si le sujet vous intéresse, à vous tourner vers l’article de Julie Madon, intitulé « Tu peux être écolo sans être extrémiste. Les écologistes entre engagement par le mode de vie et évitement du stigmate », paru dans Politix, 2022/23 (n°139), pages 95 à 116.
(3) Pauline Porro, « Être ou ne pas être radical ? », Socialter, n°35, 2019.
(4) Anthony Cortes et Sébastien Leurquin, L’affrontement qui vient – De l’écorésistance à l’écoterrorisme ?, édition du Rocher, 2023.
(5) Cette diversité des mouvements étant tellement importante, il est fort possible que j’en aie oubliés et, d’avance, je m’en excuse…
(6) Pour des informations plus détaillées sur ce sujet, consulter l’article de Stéphane François, « Antichristianisme et écologie radicale », dans Revue d’éthique et de théologie morale, vol. 272, no. 4, 2012, pp. 79-98, et écouter l’épisode 6 de la saison 1 du podcast Methadechoc, intitulé « L’écospiritualité ».
(7) Voir l’article de Juliette Grange, « Écofascisme et écologie intégrale ou l’utilisation de l’urgence écologiste par les extrémismes de droite », Cités, vol. 92, no. 4, 2022.
(8) Voir : https://lessoulevementsdelaterre.org/
(9) Stéphane Tonnelat. « Convergence des luttes et diversité des tactiques. La ZAD du Triangle de Gonesse dans l’agglomération parisienne », dans Politix, vol. 139, no. 3, 2022, pp. 65-93.
(10) Interview de Baptiste Guiet, « « L’écoterrorisme n’existe pas en France », estime le journaliste Sébastien Leurquin », France Bleue, 2023.
(11) Nelson Mandela, « Un long chemin vers la liberté », Paris, Fayard, 2013
(12) Cette réflexion est issue du livre « Comment la non-violence protège l’état », de Peter Gelderloos, éditions Libre, réédition de 2023
(13) Andreas Malm, « Comment saboter un pipeline », Paris, La Fabrique éditions, 2020
(14) Don Helder Camara (1909-1999), qui fut archevêque de Recife au Brésil, lutta toute sa vie contre la pauvreté.
(15) Élisabeth Schneiter, « En dix ans plus de 1700 activistes écolos ont été tués dans le monde », Reporterre, octobre 2022
(16) FranceInfo, « Politique : des militants écologistes victimes de violences », mai 2023
(17) Ce collectif français d’écologie politique apparut en janvier 2021. Un décret de dissolution fut présenté par le ministre de l’Intérieur, lors du Conseil des ministres du 21 juin 2023, s’appuyant notamment sur les violences autour des méga-bassines de Sainte-Soline.
(18) C’est-à-dire « qui détruit les écosystèmes »…
(19) Extrait d’un ouvrage collectif intitulé : « On ne dissout pas un soulèvement », Paris, éditions du Seuil, 2023