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La 39ème édition du Salon Valériane s’est tenue début septembre offrant l’occasion à Julie Van Damme, secrétaire générale, et Dominique Clerbois, présidente de Nature & Progrès (ASBL organisatrice du salon) de rappeler les bienfaits de l’agriculture biologique et les enjeux en ce début de législature.

Avez-vous déjà ressenti cette sensation d’entrer dans une « safe place »… où vous pouvez souffler une fois passé la porte en vous disant que tout ce que vous allez consommer et découvrir est raccord avec vos principes voire vos valeurs. Si vous êtes sensible à cela, vous pouvez remercier le comité d’organisation du Salon Valériane qui veille à une sélection exigeante des exposants pour obtenir ce résultat. 

Il y a 39 ans, Nature & Progrès organisait son premier « marché » des producteurs. A l’époque, le label bio certifié n’existait pas encore et c’était les producteurs signataires de la charte Nature & Progrès qui peuplaient les premières allées. Aujourd’hui, ils sont toujours au cœur du salon arborant la mention Nature & Progrès en plus du label bio, garantissant ainsi un bio local et éthique grâce à son Système Participatif de Garantie. Les pionniers de Nature & Progrès l’avaient compris : l’alimentation est la base la plus essentielle de notre santé.

Vêtements, produits de beauté, habitat, énergie : il est crucial de repenser tous nos gestes de consommation dans le respect de l’humain, du vivant et de son environnement. Cela ne doit pas se faire dans une logique de culpabilité ou de sanction, mais bien dans une démarche de liberté et d’efficience économique. Vivre Nature & Progrès, c’est viser l’autonomie tout en agissant ensemble.

« De toute façon, toute l’agriculture est vouée à devenir biologique à terme ».

Cette affirmation nous vient de l’ancien directeur du Centre Wallon de Recherche Agronomique. Coût de l’énergie fossile pour produire engrais et pesticides chimiques, impacts de ses substances sur la santé, pollution de l’environnement à l’image des PFAS et autres polluants émergents, il a sans doute raison… L’agriculture biologique offre des avantages considérables à la collectivité, notamment en générant des économies pour nos systèmes de santé. En France, par exemple, 50 millions d’euros sont dépensés chaque année pour soigner les agriculteurs victimes des pesticides. De plus, pour éviter les coûts astronomiques liés à la dépollution des eaux, des agences en France et en Allemagne accordent des primes de 400 € par hectare aux fermes qui passent en bio autour des zones de captage.

En réalité, le consommateur paie ces coûts « cachés » en dehors de son alimentation, à travers sa facture d’eau et ses impôts. En tant que consommateurs bio, nous choisissons délibérément de consacrer une part importante de notre budget ou de notre temps à une alimentation plus responsable. Pourtant, malgré cet engagement, il devient difficile de devoir encore supporter les coûts liés à des pollutions que nous ne souhaitons pas. Des solutions existent pourtant, comme le montre l’exemple du Danemark, où une taxation des pesticides basée sur leur toxicité est mise en place. Cela permet de créer un fonds public qui pourrait rendre le bio plus accessible à tous, à la fois financièrement et logistiquement. Investir dans la bio, c’est en réalité investir dans une économie publique plus saine, grâce aux externalités positives qu’elle génère !

Nous ne voulons pas d’une marche forcée à l’instar du cas des nitrates au Pays-Bas.

Depuis des décennies, Nature & Progrès construit main dans la main entre producteur et consommateur une agriculture respectueuse des humains et de la nature. Nous nous attelons à montrer que c’est possible de se passer des pesticides chimiques de synthèse. Que ce soit à travers de notre projet « Vers une Wallonie sans pesticides » qui documente culture par culture les alternatives ou ; dans notre film « intensif » qui met directement à l’image trois agriculteurs en toute sincérité et humilité.

Il nous paraît cependant difficile de continuer à investir dans deux voies parallèles de manière disproportionnée… Pourquoi vouloir nous entraîner, nous – consommateurs et producteurs – dans un système où les nouvelles techniques génomiques (en d’autres termes, les OGM) sont proposées comme la solution pour réduire l’usage des pesticides ? Cette promesse, déjà formulée il y a plus de 30 ans, n’a fait qu’entraîner une augmentation de leur utilisation ainsi que des résistances. Si il existe un moratoire européen sur les OGM c’est parce que cette voie, nous fais plonger dans l’incertitude du risque. Dans ce cas, le risque est  quasiment impossible à prédire. Pour l’évaluer, comme prévu dans la déréglementation des nouveaux OGM (NTG), il faudrait une surveillance générale des effets inattendus, donc non anticipés. Nous sommes cependant peu performant dans ce domaine, ce qui est assez logique. Comment prédire l’imprévisible ? Au mieux, nous dépenserons des sommes considérables à traquer un danger qui nous échappera probablement. Sans parler de la dépendance aux brevets chinois et américains auxquels les OGM exposent les agriculteurs. Alors à quoi bon investir dans l’incertitude et la dépendance !? 

Par ailleurs, pourquoi investir dans une voie sans avenir économique pour la Wallonie ? Les nouveaux OGM les plus prometteurs sont destinés à servir l’agro-industrie, en simplifiant davantage les processus industriels, comme avec des tomates en coulis qui ne s’oxydent pas par exemple.  Or, ces industries sont presque inexistantes en Wallonie, étant principalement implantées en Flandre ou à l’étranger.

La Wallonie est une terre favorable à l’agriculture biologique notamment parce qu’elle est une terre d’élevage. Avec encore 51 nouvelles fermes converties en 2023, 16% des fermes wallonnes sont désormais biologiques.

Cette voie que nous défendons depuis des décennies n’est, quant à elle, pas pleine d’inconnues. A l’image de notre film intensif, elle est complexe mais elle fait ses preuves depuis plusieurs décennies. Il ne s’agit pas simplement de renoncer aux pesticides et aux OGM… L’agriculture biologique est un rééquilibrage complet des interactions du vivant sous toutes ses formes : entre le végétal et l’animal, entre l’humain et la nature, entre les humains eux-mêmes. Par la recherche constante d’équilibre et d’autonomie, la bio favorise notre liberté.

Sur le plan de la production, investir de manière disproportionnée dans la génomique et la chimie est malheureusement incompatible avec le développement de l’agriculture biologique. Des exemples concrets au Portugal et en Espagne estiment qu’une zone tampon d’au moins 15 km est nécessaire entre les champs OGM et les autres. Les pesticides, eux aussi, contaminent les cultures bio, comme on l’a vu cette année en Wallonie avec le prosulfocarbe, un herbicide qui se disperse à des kilomètres, affectant bien plus que les cultures bio. Les organismes de contrôle tirent la sonnette d’alarme : les pollutions environnementales deviennent une menace croissante pour le secteur.

Concernant la consommation, le consommateur a bien sûr sa part de responsabilité dans ses choix alimentaires, mais il ne doit pas tout porter seul! Le secteur bio doit aussi raviver son « storytelling », car, contrairement à d’autres slogans comme le « local », il possède réellement tous les atouts pour répondre aux enjeux sociétaux de santé liés à l’alimentation. Idéalement, cela devrait se faire avec les ressources dédiées de l’APAQ-W. En matière de protection des ressources et d’orientation des agriculteurs et de nos systèmes alimentaires, il s’agit d’une responsabilité politique. Comme l’a souligné Georges-Louis Bouchez lors de la présentation de la déclaration de politique régionale (DRP), « plus de saupoudrage »… Cela doit également s’appliquer à l’orientation de notre agriculture et de notre système alimentaire.

«Dans tous les cas, le gouvernement continuera à soutenir fermement le secteur bio […] »

(DPR 2024-2029, p.88).

Nous insistons sur le fait qu’il y a urgence pour éviter la marche forcée et nous comptons sur vous pour cette nouvelle législature. 

Imaginons un instant un monde où l’alimentation biologique et locale devient la norme: dans les hôpitaux, les crèches, les écoles mais aussi au stade de foot, en vacances dans les complexes hôteliers, dans les festivals et les infrastructures des grands concerts. Parce que la bio, c’est aussi joyeux et festif, du gras et du bon gras !  

« L’alimentation, le fait de manger, ce qu’on mange, comment on le mange, avec qui on le mange » sont des façons de regarder et d’analyser nos sociétés. »

Emmanuel.le Fontaine

Faisons en sorte qu’il soit bon d’y vivre pour notre santé et celle de la terre !

« Do Something »

Michelle Obama

 

 

Discours prononcé par Julie Van Damme et Dominique Clerbois – Réécriture par Elsa Lefort