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Mi-janvier 2025, nous proposions à nos membres de participer à notre campagne « Alors votre assiette : avec ou sans OGM/NTG » et d’écrire aux présidents de partis: Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez, mais également aux ministres compétents : Yves Coppieters, Anne-Catherine Dalcq, David Clarinval, Frank Vandenbroucke et Zakia Khattabi.
Dans cette lettre nous leur demandions de : S’opposer à la nouvelle proposition de réglementation autorisant les nouveaux OGM et baliser les nouvelles techniques génomiques avec : Une évaluation des risques préalables pour la santé et l’environnement, même pour les NGT de catégorie 1, un étiquetage tout au long de la chaine de production, depuis les semences jusqu’au produit final, l’identification de méthode de détection, l’interdiction des NGT pour l’agriculture certifiée biologique, l’interdiction de breveter tous les NGT, la possibilité des Etats membres d’interdire les NGT sur le territoire (clause de opt out).
Nature & Progrès demande que les nouveaux OGM relèvent au minimum de la Directive 2001/18 comme l’interprète la Cour de justice de l’Union européenne. De plus, l’association souhaite que les analyses de risques soient réalisées en phase avec les conditions réelles de terrain.
Suite à l’envoi de ces mails, nos membres ont reçu une réponse type de Georges-Louis Bouchez que vous pouvez lire ci-dessous :
Mail de réponse de Georges-Louis Bouchez
Cher Monsieur,
Votre message relatif aux Nouvelles Techniques Génomiques (NTG) m’est bien parvenu et a retenu toute mon attention.
Le changement climatique expose de larges régions du globe à des températures extrêmes qui vont affecter la production agricole dont les populations ont besoin pour vivre. Heureusement, grâce aux NTG, il est scientifiquement possible d’adapter les espèces aux modifications climatiques : résistance à la chaleur et aux ravageurs (ce qui rend bon nombre d’insecticides inutiles), arrosage minimal, réduction des engrais et produits phytopharmaceutiques (qui polluent l’eau et dont la production et le transport émet beaucoup de CO2 pour leur production ou leur transport). Cela permettra aussi d’augmenter les rendements, sans étendre la superficie des terres cultivables et donc sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Des chercheurs ont déjà mis au point des variétés de manioc, de banane ou de maïs résistantes à certains effets du changement climatique et prêtes à être cultivées.
La grande majorité des associations et partis écologistes en Europe s’oppose avec âpreté aux NTG au nom du principe de précaution, alors qu’il n’existe pas la moindre preuve de leur nocivité. Le principe de précaution invite plutôt à réglementer sans tarder ces NTG. C’est l’avis de 35 Prix Nobel qui ont adressé une lettre ouverte aux parlementaires européens. Ils estiment que l’interdiction des NTG pourrait coûter 300 milliards d’euros par an à l’économie européenne car elle encouragerait le maintien de législations lourdes et contraignantes, favorisant paradoxalement les grands semenciers au détriment des sociétés de biotechnologie de l’Union.
Au niveau européen, notre député européen Benoît Cassart, lui-même issu du monde agricole, est en faveur de ces nouvelles techniques génomiques qui permettent d’accroître les rendements en réduisant l’utilisation d’eau, de fertilisants et de phytosanitaires.
La Commission européenne a présenté sa proposition en 2023. Le Parlement a adopté sa position, par 307 voix pour, 263 contre et 41 abstentions. C’est au niveau du Conseil européen que cela bloque car certains Etats membres, comme la Hongrie, sont totalement opposés aux NTG. La Pologne, qui exerce la présidence tournante de l’Union européenne actuellement, va reprendre les discussions afin de trouver une position commune. C’est dans ce cadre que la Belgique sera invitée à participer aux discussions.
Je prends donc dans ce cadre bonne note de vos recommandations et laisse le soin aux ministres de l’Agriculture fédéral et régional de vous partager davantage d’informations sur la ligne qu’ils défendront lors des discussions à venir.
A votre disposition,
Georges-Louis Bouchez
La réponse aux citoyens du président du Mouvement Réformateur, Georges-Louis Bouchez, n’est pas vraiment surprenante, elle manque de justesse et d’honnêteté intellectuelle, à moins que ce ne soit d’une connaissance approfondie du dossier.
En effet, le président du MR commence par reprendre les arguments sur les vertus des NTG pour lutter contre le changement climatique (plus faibles besoins en eau, limitation de l’émission de CO2…), pour réduire l’utilisation des pesticides, pour augmenter les rendements, etc. Autant d’éléments avancés par l’industrie comme une litanie depuis que les OGM existent, mais qui n’ont jamais fait leur preuve dans la pratique. Il s’emberlificote ensuite sur le principe de précaution, invoqué à juste titre par la société civile pour s’assurer que des balises soient maintenue dans le cadre de ces techniques génomiques. Il évoque l’absence de preuve de la nocivité des NTG alors même que ce principe de droit européen permet de légiférer en cas de doutes (et non de preuves) sur la non-nocivité des produits. Il poursuit en indiquant que « le principe de précaution invite plutôt à réglementer sans tarder les NTG ». Erreur ou ignorance ? Les NTG sont réglementés dans le cadre de la directive actuelle sur les OGM. L’application du principe de précaution préconise justement qu’une forme de régulation de ces produits soit maintenue, les techniques fussent-elles nouvelles par rapport aux OGM de première génération.
Sur quoi, il invoque alors un certain courrier signé en janvier 2024 par 35 Prix Nobel, qui indique que « l’interdiction des NTG pourrait coûter 300 milliards d’euros par an à l’économie européenne ». Primo, les NTG ne sont pas, à ce jour, interdits ; ils sont réglementés en tant qu’OGM. Secundo, la valeur et la pertinence de ce courrier est questionnable. Lesdits prix Nobels ne sont pas désintéressés des profits économiques qui pourraient découler de l’utilisation des NTG. Certains sont même en première ligne, comme J. Doudna et E. Carpentier, connus pour avoir inventé la technologie CRISP CAS9 et titulaires de plus de 500 demandes de brevets à travers le monde sur cette technologie. Quant au calcul des 300 milliards d’euros, il serait utile de savoir dans la poche de qui ils seraient perdus et de mettre en perspective le coût économique de la dérégulation des NTG pour toute une série d’acteurs pour qui l’arrivée des NTG serait dommageable : exportateurs dans des marchés opposés aux OGM, secteur bio, semenciers exposés aux licences de brevets, etc.
Bref, loin de convaincre, la réponse du dirigeant inquiète. La question des brevets sur les nouveaux OGM est centrale dans la mesure où elle attire avec elle un intérêt économique énorme pour une série d’acteurs – chercheurs, multinationales semencières… – qui ont « le bras long » et influencent les négociateurs. Or, l’intérêt de toute la société est en jeu ! Une réelle mise en débat de la réglementation touchant les nouveaux OGM s’impose, en incluant les citoyens, les agriculteurs et des acteurs scientifiques indépendants. Sans compter, on ne le dira jamais assez, que des alternatives existent !