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19 février 2024
Communiqué de presse
L’accord de coalition fédérale 2025-2029 se montre plutôt favorable aux initiatives européennes de dérégulation des nouveaux OGM/NTG. Une position concertée des acteurs belges fédéraux et régionaux est attendue ce 20 février, à la veille d’un groupe de travail européen qui pourrait être décisif si la Pologne approuve son propre texte.
L’accord de coalition fédérale 2025-2029, dans son chapitre consacré à « l’agriculture, un secteur stratégique de notre économie », annonçait que le gouvernement soutiendra « les initiatives au niveau européen qui promeuvent de nouvelles techniques génomiques dans l’amélioration génétiques des végétaux, avec pour objectif une empreinte carbone réduite, une utilisation plus efficace des ressources telles que l’eau et les engrais, ou une diminution de l’utilisation de pesticides. » (nous soulignons).
À peine entériné par les partenaires de l’ARIZONA, le texte européen de dérégulation des NTG proposé par la présidence polonaise arrive désormais sur la table de la Belgique. Celle-ci est officiellement appelée à prendre position. En effet, si les discussions du groupe de travail d’experts européens, prévues le 21 février, aboutissent, le texte pourrait être rapidement validé lors d’un prochain COREPER[1].
Cette position de la Belgique attendue ce 20 février, au vu des enjeux (agriculture-santé-environnement) implique le fédéral, mais également les régions. Si la région flamande, où le secteur des biotechnologies est bien ancré est, sans surprise, favorable ; la région de Bruxelles Capitale, en affaire courante, devrait continuer à se positionner contre ce projet. Quant à la région wallonne, la Déclaration de politique régionale (DPR) est muette sur le sujet. La ministre de l’Agriculture Anne Catherine Dalcq, interrogée en Commission Agriculture au Parlement régional wallon ce 10 février, a annoncé son soutien aux NTG. Elle évoque également une volonté d’encadrement et une attention particulière par rapport aux plantes résistantes aux herbicides. [2] Le ministre Coppieters en charge de la santé et de l’environnement a également voie au chapitre mais n’a pas encore officiellement communiqué sa position.
Dans tous les cas, l’encadrement des plantes résistantes aux herbicides ou aux insecticides reste insuffisant pour protéger les consommateurs et les producteurs. La condition d’objectifs environnementaux ou climatiques ne suffit pas non plus, d’autant qu’il reste à démontrer [3] que l’on peut réellement parler de durabilité pour des organismes génétiquement modifiés. De plus, rien ne garantit que les NTG poursuivent effectivement ces objectifs[4]. Sans compter que l’impact sur l’environnement et la biodiversité demeure une préoccupation majeure. Quant aux agriculteurs, la mise sur le marché des NTG telle qu’elle est envisagée par l’Europe, renforcera le contrôle d’une poignée de multinationales semencières, notamment à travers les brevets mais aussi en limitant la liberté d’échange de matériel génétique pour les sélectionneurs et les agriculteurs.
« Les lacunes du texte actuel, qu’il s’agisse de protection des consommateurs, des agriculteurs, de l’environnement ou de la santé, sont abyssales. Alors qu’il existe des normes claires qui n’interdisent pas la mise sur le marché des nouvelles techniques génomiques mais les règlementent, l’Europe veut leur donner un blanc-seing à ces technologies, sous prétexte de répondre aux défis agricoles et alimentaires du XXI et de rester dans la course avec les autres puissances agricoles de la planète. » déplore Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer chez Nature & Progrès.
Dans une déclaration conjointe[5] entre autres co-signée par Nature & Progrès, la FUGEA, Natagora, l’UNAB, plus de 200 organisations en Europe appellent les pays à protéger leurs agriculteurs et cultivateurs, notamment par l’interdiction de la brevetabilité. Ils en appellent aussi à la préservation des droits en faveur des citoyens et de l’environnement. Concrètement, tous les nouveaux OGM doivent continuer à faire l’objet d’un étiquetage tout au long de la chaine agricole et alimentaire et permettre une traçabilité des NTG (et une responsabilisation le cas échéant des acteurs). Les NTG doivent également être exclus du secteur biologique ; avec des règles de co-existence strictes et les pays qui le souhaitent doivent pouvoir interdire ou restreindre leur culture sur leur territoire (opt-out), ce que la toute nouvelle proposition de la présidence polonaise de l’UE vient de supprimer dans son texte.
Ce 20 février, la Belgique devrait arrêter sa position officielle. Nous espérons qu’elle ne sera ni sourde à nos demandes, ni aveugle au point de se laisser hypnotiser par l’illusion que les NTG répondront aux objectifs environnementaux et climatiques. Ils ne doivent pas pour autant recevoir un chèque en blanc, au service de l’industrie. Ce serait un bien mauvais départ si les ministres belges en charge de la santé, et de la transition écologique acceptaient ce nivellement par le bas.
[1] Commission des représentants permanents
[2] https://www.parlement-wallonie.be/pwpages?p=ag-pub&cal=event&idag=29325
[3] La résilience des cultures non-OGM/NGT face aux stress environnementaux, dont ceux résultant du changement climatique, est une réponse physiologique de l’ensemble de l’organisme. Elle repose sur le fonctionnement équilibré de l’ensemble du patrimoine génétique de la plante et tenter de transmettre un caractère génétiquement complexe par le biais de l’édition des gènes ou d’une autre approche biotechnologique réductionniste, qui ne peut manipuler qu’un ou que quelques gènes, est vouée à l’échec si l’on veut obtenir un résultat robuste. Pas plus que les anciens OGM qui n’ont pas respecté les promesses de l’industrie – Voir le site de Nature et Progrès : Aller plus loin – Nature & Progrès
[4] Les promesses de durabilité des cultures OGM se sont jusqu’à présent révélées être des promesses en l’air. Malgré d’énormes investissements dans la recherche et le développement de nouveaux OGM concrets, résistants à la sécheresse et utilisant moins de pesticides, ne sont tout simplement pas disponibles sur le marché, et l’intérêt des NTG est surtout commercial ou industriel
[5] Traduction libre en Français https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2025/02/NGT_Declaration-commune.pdf