En 2019, un scandale a éclaté en Allemagne concernant le laboratoire LPT-Hambourg dont d’anciens employés ont témoigné de fraudes dans des études toxicologiques réglementaires. Une instruction pénale a été ouverte contre ce laboratoire. Au moins 14% des nouvelles études fournies dans le cadre du renouvellement du glyphosate en 2017 proviennent de ce laboratoire, ce qui met en évidence le manque de fiabilité du système : l’industrie produit elle-même les études qui permettent d’évaluer ses produits.
Des animaux morts remplacés par des animaux vivants en cours d’étude, des tumeurs rapportées comme de simples inflammations, voici les pratiques du laboratoire afin de favoriser les intérêts des commanditaires des études.
Suite à la mise à jour de fraudes au sein du laboratoire LPT-Hambourg par une enquête de la télévision publique allemande ARD, les ONGs PAN Germany, Global2000 et Corporate Europe Observatory ont souhaité déterminer le niveau d’implication de ce laboratoire dans la ré-évaluation du glyphosate en 2017. Au minimum une nouvelle étude sur 7 fournie par Monsanto provenait de ce laboratoire. LPT-Hambourg est un laboratoire doté de la certification BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire), ce qui est vu par les autorités comme une garantie de probité et de fiabilité.
Martin Dermine, du Pesticide Action Network Europe indique : « Si le glyphosate a été reconnu « cancérigène probable » par l’OMS mais pas par les autorités européennes et belges, c’est parce que les études académiques démontrant sa toxicité ne sont pas certifiées BPL. Seules les études de l’industrie ont cette certification coûteuse et obligatoire et, bizarrement, elles ne démontrent pas de toxicité. »
Depuis de nombreuses années, les ONGs se battent pour que les études académiques soient systématiquement prises en compte car elles mettent en évidence une toxicité que les tests règlementaires ne démontrent pas.
Martin Dermine d’ajouter : « Les autorités européennes et belges favorisent les intérêts de l’industrie des pesticides au détriment de la santé des citoyens par ce système de certification. Il suffit de regarder le site fytoweb, le SPF y fait l’apologie de la certification BPL comme étant un système garantissant la « transparence et la qualité » alors que l’enquête d’ARD et de nos collègues démontrent clairement le fait qu’on ne doit pas laisser entre les mains de l’industrie le soin de produire ses propres études réglementaires. Le système n’est pas fiable. »
Et en Belgique, qu’en est-il exactement ?
En 2017, alors que l’autorisation du glyphosate arrivait à échéance, notre Ministre fédéral de l’Agriculture avait plaidé pour un phasing out, justifiant sa décision par le fait que ce temps allait être mis à profit dans le développement des alternatives. Nous sommes en 2020 et rien n’a encore bougé alors que le glyphosate est loin d’être nécessaire et que les alternatives existent déjà. Nous pouvons donc nous demander pourquoi rien n’a été fait en ce sens.
De plus, alors que l’administration fédérale devrait aider à la réduction des pesticides, cette dernière a préféré publier un dossier de justification du glyphosate. Ne mâchons pas nos mots, c’est une honte de prendre parti de la sorte lorsque l’on sait que les études prouvent la dangerosité et le caractère cancérigène probable du glyphosate.
Marc Fichers, de Nature & Progrès, nous indique : « En agissant de la sorte, nous piégeons les agriculteurs. En effet, en leur laissant croire que le produit sera réautorisé et en faisant fi des dangers de ce dernier, nous leur faisons perdre un temps précieux d’adaptation de leur méthode de travail. Lorsque le glyphosate sera définitivement interdit pour l’usage professionnel – car oui, cela va arriver – nos agriculteurs n’auront pas pu mettre à profit cette période pour se préparer. »
Le parlement fédéral autrichien a voté en 2019 la sortie du glyphosate. Le gouvernement du Luxembourg a confirmé l’abandon de cet herbicide en 2020. La France a suspendu les autorisations pour la majorité des herbicides à base de glyphosate (75% des volumes utilisés) car il existe des doutes sur la génotoxicité du produit.
Martin Dermine de conclure : « Il est inacceptable que le Luxembourg, l’Autriche et la France avancent dans la protection de leur population et pas la Belgique : ces mêmes produits interdits en France pour protéger la santé des citoyens sont toujours autorisés en Belgique, que fait le SPF ? ».
Contact PAN Europe, Martin Dermine, +32 486 32 99 92, martin@pan-europe.info
Contact Nature & Progrès, Marc Fichers, +81 32 30 52, marc.fichers@natpro.be