Au sein de l’Union européenne, tous les OGM et les produits alimentaires et fourragers génétiquement modifiés sont soumis à l’autorisation de l’UE, à une évaluation des risques, à l’étiquetage des OGM et à la traçabilité. Cependant, la Commission prend actuellement des mesures pour déréglementer les « nouveaux » OGM. Il est temps de faire entendre notre voix !
Que sont les « anciens » OGM ?
Les entreprises multinationales de production des pesticides ont fait la promotion de la première vague d’organismes génétiquement modifiés [1] en affirmant de manière spéculative qu’ils allaient nourrir le monde et réduire l’utilisation de produits chimiques toxiques. En réalité, partout où ils ont été utilisés, les OGM ont aggravé la situation. La plupart des OGM utilisés aujourd’hui sont transformés en l’un des deux types de plantes suivants. Un type qui reste en vie après avoir été pulvérisé avec des désherbants, comme l’herbicide glyphosate. Un autre type qui produit des substances chimiques toxiques pour les insectes. Certains OGM présentent ces deux caractéristiques.
Le soja, le maïs, le colza et le coton sont les cultures les plus couramment soumises à ces modifications génétiques. Loin de réduire l’application de produits chimiques toxiques, les OGM a en fait augmenté leur utilisation. En Europe, les OGM ont jusqu’à présent été largement rejetés par le public et les décideurs : une variété de maïs génétiquement modifié étant actuellement le seul OGM cultivé commercialement dans quelques pays. Dix-neuf pays de l’UE ont explicitement décidé de ne pas cultiver ce maïs génétiquement modifié. Cependant, une armée de lobbyistes d’entreprises travaille à plein temps au démantèlement de la réglementation européenne sur les OGM depuis de nombreuses années pour promouvoir de nouveaux OGM.
Que sont les « nouveaux » OGM ?
La Commission européenne utilise les « nouvelles techniques génomiques » (NGT) pour désigner le nouveau génie génétique. L’industrie des biotechnologies a inventé toute une série de termes alternatifs caractérisant les nouveaux OGM, tels que « nouvelles techniques de sélection » ou « sélection de précision ». Pourquoi ? Pour semer la confusion alors que ses lobbyistes font valoir auprès des décideurs que divers processus et produits de génie génétique ne doivent pas être soumis à la réglementation existante sur les OGM.
Les NGT ne sont pas fondamentalement différentes des technologies de génie génétique de première génération – ou, comme leurs partisans préfèrent maintenant les appeler, de l' »édition des gènes ». Les processus sont restés essentiellement les mêmes au cours des trente dernières années. Ce qui a changé, c’est que les ingénieurs généticiens utilisent désormais une série de nouvelles techniques. Ces dernières ont réduit le coût du processus par lequel le matériel génétique est transféré au sein d’une même espèce ou d’une espèce étroitement apparentée. La plus célèbre de ces techniques, qui a valu à ses pionniers un prix Nobel et des millions d’euros de droits de brevet, est connue sous le nom de CRISPR/Cas9. L’industrie de la biotechnologie préfère que l’on pense qu’elle essaie de libérer dans les champs des organismes qui sont simplement de nouvelles races, plutôt que de nouveaux types des mêmes vieux OGM.
Des groupes de pression financés par les entreprises tentent maintenant d’influencer les décideurs de l’UE en affirmant que les nouveaux OGM aideront l’humanité à s’adapter aux effets des changements climatiques et à réparer les systèmes alimentaires « défaillants ». Pourtant, les « nouvelles » plantes génétiquement modifiées que les multinationales ont en projet sont déjà majoritairement conçues pour être tolérantes aux herbicides dont ces mêmes multinationales ont le monopole. Leur culture continuerait nécessairement à augmenter la concentration en résidus de pesticides dans le sol et l’eau, ainsi que dans nos aliments.
Une technologie dérivée de CRISPR : le forçage génétique
Les nouvelles techniques de génie génétique, telles que CRISPR/Cas9, ont également permis de réaliser ce que l’on appelle des « forçages génétiques ». Cette technologie de génie génétique permet à l’homme de répandre de nouveaux gènes dans des populations sauvages en forçant l’héritage des gènes nouvellement introduits à tous les descendants d’une population d’une espèce particulière. L’un des objectifs possibles du forçage génétique est de rendre la progéniture infertile.
Les organismes forcés, une fois libérés dans l’environnement sont incontrôlables et peuvent induire des risques élevés pour les écosystèmes, les réseaux alimentaires et la sécurité alimentaire : dans le cas le plus extrême, un organisme génétiquement modifié pourrait se propager à une vitesse exponentielle, remplacer toute la population sauvage par des organismes génétiquement modifiés ou conduire une espèce entière à l’extinction. Il existe un risque important que les « gènes d’extinction » forcés par les manipulations génétiques contaminent des espèces étroitement apparentées et fassent ainsi disparaître des groupes entiers d’espèces ayant des fonctions essentielles dans un écosystème, comme la pollinisation. Plus de 200 leaders du mouvement alimentaire mondial et des organisations représentant des centaines de millions d’agriculteurs et de travailleurs du secteur alimentaire ont exprimé leur opposition aux organismes génétiquement modifiés dans une lettre demandant un moratoire sur leur mise en circulation.
Les pièges linguistiques
Alors que les partisans des nouveaux OGM tentent de populariser des termes tels que « ciseaux génétiques », qui laisseraient entendre que les nouvelles techniques de génie génétique sont plus précises que celles utilisées pour les OGM de première génération, la réalité est que CRISPR et d’autres nouvelles techniques sont loin d’être maîtrisées, car elles génèrent une série d’effets et « hors cible » sur d’autres parties du génome que celles qui sont ciblées, avec des risques encore inconnus pour la santé des organismes modifiés et de ceux, y compris les humains, qui pourraient les consommer.
Les nouveaux OGM sont également utilisés dans le cadre de ce que leurs partisans appellent des « solutions fondées sur la nature », en affirmant que l’utilisation de cette biotechnologie est aussi naturelle que la sélection végétale traditionnelle ou que les mutations naturelles. Ceci est à présent vivement contesté par des scientifiques de renom dans des revues prestigieuses telles « Nature » par exemple.
Les risques des nouveaux OGM
Dix risques posés par les nouveaux OGM :
1. liés à l’augmentation de l’utilisation de produits chimiques toxiques (pesticides) affectant la santé humaine, animale et environnementale ;
2. intensification de la monoculture et de l’agriculture industrielle ;
3. menace de la souveraineté des agriculteurs ;
4. risques inconnus liés notamment aux effets non-intentionnels « hors cible » des nouvelles techniques de génie génétique ;
5. menaces sur la biodiversité ;
6. menaces pour la sécurité alimentaire ;
7. monopolisation et concentration du marché des semences ;
8. menaces pour les variétés de semences traditionnelles et le patrimoine culturel des communautés locales ;
9. propagation incontrôlée de caractères modifiés dans les écosystèmes agroécologiques et autres pratiques agricoles sans OGM ;
10. les organismes génétiquement modifiés pourraient faire disparaître des espèces entières et potentiellement des groupes entiers d’espèces ayant des fonctions clés dans un écosystème, comme la pollinisation, la prédation de ravageurs des cultures.
Testbiotech a émis des risques potentiels et avérés des nouveaux OGM à travers différents exemples concrets. Découvrez-les ici.
Les nouveaux OGM et leurs technologies doivent rester soumis à la législation européenne sur les OGM
La déréglementation des nouvelles technologies OGM et de leurs produits risque de nous éloigner d’un avenir fondé sur des systèmes alimentaires agroécologique plus équitables, plus durables et plus résilients, favorables à la souveraineté alimentaire. Comme pour les OGM de première génération, leur promotion – en grande partie par des entreprises occidentales – est liée à une nouvelle vague de colonisation des systèmes alimentaires dans le Sud, qui sape les systèmes agricoles écologiquement appropriés et les connaissances spécialisées des petits agriculteurs.
Pour protéger les systèmes alimentaires durables, notre patrimoine semencier collectif et la biodiversité, tant dans l’Union européenne que dans le monde, il est impératif d’empêcher toute diffusion de plantes et animaux issus du génie génétique sans évaluation préalable de leurs impacts sur la santé et l’environnement. Transparence, traçabilité et étiquetage de ces produits restent essentiels pour permettre aux producteurs et aux consommateurs de continuer à choisir des produits sans OGM. Tous les nouveaux OGM doivent rester soumis à la législation européenne actuelle sur les OGM (Directive 2001/18/CE) qui exige une évaluation rigoureuse des risques, la traçabilité, la détectabilité et l’étiquetage.
Pour en savoir plus
https://www.testbiotech.org/en/news/eu-commission-spreading-misinformation
https://www.eurovia.org/wp-content/uploads/2017/09/2017-09-EN-ECVC-STOP-new-GMOs.pdf
https://friendsoftheearth.eu/publication/regulate-new-gmos/
https://corporateeurope.org/en/2021/03/derailing-eu-rules-new-gmos
https://www.slowfood.com/wp-content/uploads/2021/06/2PAGER_NEWGMO6.pdf
https://www.organicseurope.bio/what-we-do/gmos/
https://www.etcgroup.org/content/gene-drive-organisms-destructive-and-uncontrollable
https://etcgroup.org/content/hijacking-food-systems-technofix-takeover-fss
https://www.stop-genedrives.eu
The Nature publication
[1] Les OGM sont définis par la Commission européenne comme : « des organismes, à l’exception des êtres humains, dans lesquels le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne se produit pas naturellement par accouplement et/ou recombinaison naturelle« .