Pesticides à Bruxelles : des organisations se mobilisent aux côtés de la Région Bruxelles Capitale

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17 décembre 2024

Communiqué de presse

Pour protéger la santé et l’environnement des Bruxellois·es, Nature et Progrès, PAN-Europe, We Are Nature Brussels et la Société royale apicole de Bruxelles et environs (SRABE) ont décidé de se mettre aux côtés de la Région de Bruxelles-Capitale, attaquée par Belplant pour avoir adopté un arrêté visant à mieux encadrer l’utilisation des pesticides.

Suite à l’Ordonnance du 20 juin 2013, les pesticides chimiques étaient déjà interdits dans la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) dans certaines zones fréquentées par le grand public (espaces publics, crèches, écoles, maisons de repos, zones Natura 2000, etc.). Le 6 juin dernier, le gouvernement de la RBC a adopté, en troisième lecture, un arrêté plus ambitieux qui étend l’interdiction de principe à tout le territoire de la RBC, y compris aux jardins et parcs privés ainsi qu’aux surfaces agricoles consacrées à la production végétale, étant entendu qu’une période transitoire de six ans est octroyée pour ces dernières.

L’association Belplant, qui représente Bayer, Syngenta et d’autres producteurs de pesticides, a intenté un recours en annulation contre cet arrêté devant le Conseil d’État. Pour la RBC et les quatre organisations qui se sont portées parties intervenantes volontaires dans un recours déposé ce lundi 16 décembre, ce recours est non fondé et contraire au droit européen.

 » Il existe une directive sur l’utilisation durable des pesticides, la Directive SUD. Celle-ci impose des obligations   concrètes, dans le chef des Etats membres pour protéger l’environnement et les citoyens de la contamination des  pesticides, dont les risques ne sont plus à démontrer. La RBC a adopté un arrêté ambitieux visant à implémenter cette Directive sur le territoire hétérogène et spécifique que constitue la RBC. Mais force est de constater que cela dérange l’industrie. » précise Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer chez Nature et Progrès et auteure du recours.

La spécificité de la région bruxelloise, densément peuplée mais également composée de superficies agricoles et de nombreux espaces verts est une réalité qui n’a pas échappé à l’association « We Are Nature. Bruxelles », également partie intervenante dans cette procédure. 

 » L’usage répété des pesticides mortifie les sols, qui deviennent imperméables aux eaux de pluie, augmentant ainsi le risque d’inondation à Bruxelles. Les pesticides empêchent également les sols de jouer leur rôle de puits de carbone et de régulateurs de la température dans une ville déjà saturée par la bétonisation. Les terrains non construits doivent absolument être maintenus comme tels et rester des sols vivants. Ils sont nécessaires pour la biodiversité, pour notre santé, et pour nous adapter aux effets du changement climatique » soutient Jean Baptiste Godinot, président de l’association « We Are Nature Brussels.

Les obligations en matière de restriction de l’utilisation des pesticides et de réduction des risques liés aux pesticides, imposées par la Directive SUD ne sont que très faiblement mises en œuvre par les Etats membres. Nonobstant les plans de réduction des pesticides, leur commercialisation ne diminue pas réellement et des pesticides dangereux et toxiques sont encore présents sur le marché. La RBC dont la route vers le « Zéro pesticide » avait été amorcée en 2013 fait figure d’exemple dans la Directive SUD. 

Pour Martin Dermine, directeur de PAN Europe:  « L’utilisation de pesticides génère des nuages de produits chimiques qui voyagent parfois sur de longues distances. Les Bruxellois peuvent s’enorgueillir que leur région soit la première au sein de l’Union européenne à respecter une directive vieille de 15 ans, en prévenant sa population de l’exposition aux pesticides et en protégeant son environnement ». 

La RBC a déjà déposé son mémoire en réponse à la requête en annulation de Belplant, mais pour les organisations intervenantes, l’intérêt de l’acte attaqué est tel qu’elles demandent au Conseil d’État d’être parties prenantes à la cause, aux côtés de la RBC.

Pour Christine Baetens, administratrice de la Société Royale Apicole de Bruxelles et Environs (SRABE),   » il a été clairement démontré que les pesticides sont extrêmement toxiques pour les abeilles et les autres pollinisateurs. Ils modifient leur comportement et affectent leur capacité de reproduction. Or, les abeille sont les véritables chevilles ouvrières de l’agriculture, grâce à leur rôle de pollinisateur. Une initiative comme celle de la RBC de restreindre l’utilisation des pesticides les plus toxiques est une nécessité. « 

Il appartiendra au Conseil d’État de se prononcer sur l’intérêt des quatre associations à intervenir dans ce contentieux et de juger de la recevabilité de leur requête.

Pour le reste, la procédure en annulation suivra son cours habituel : échanges d’écrits, avis de l’Auditeur, audience, etc. Un arrêt du Conseil d’État sur le bien-fondé de la requête en annulation n’est pas attendu avant l’été 2026. D’ici là, les pesticides autres que ceux à faible risque seront interdits, sauf dérogation, et une période de transition spécifique sera prévue pour les agriculteurs, que la RBC entend accompagner dans cette transition.

Un tournant dans l’histoire des pesticides PFAS : flufénacet, flutolanil ; aujourd’hui autorisés, demain interdits ?

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3 décembre 2024

Communiqué de presse

Ces 4 et 5 décembre, les Etats membres de l’Union européenne décideront du sort du flufénacet, un pesticide PFAS, largement utilisé depuis 2004, qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA). Classé récemment comme « perturbateur endocrinien » et présentant un risque élevé de contamination des eaux à l’acide trifluoroacétique (TFA), la Commission européenne (CE) prend ses responsabilités et propose le non-renouvellement de cet herbicide dont les ventes ont atteint 63 000 kilos rien qu’en 2021 en Belgique. Cette dernière a indiqué qu’elle suivra la CE. Le flutolanil, fongicide utilisé notamment pour les pommes de terre et également émetteur de TFA, devrait connaitre la même destinée.

La pollution des eaux de surface et des eaux potables, y compris les eaux minérales, par le TFA est dénoncée par PAN Europe et ses membres, dont Nature et Progrès, depuis plusieurs mois.[1] En Wallonie, les analyses de la Société wallonne des eaux (SWDE) faisant suite à ces rapports montrent des concentrations moyennes de TFA allant de 500 à 1 500 nanogrammes/litre. En Flandre, les niveaux sont encore plus préoccupants : selon les données récentes de la VRT, certaines eaux potables atteignent jusqu’à 9 000 nanogrammes/litre. [2]

Le TFA, un métabolite extrêmement persistant des PFAS, serait principalement issu des pesticides PFAS dans les zones rurales, selon plusieurs études scientifiques[3] et l’Agence allemande pour l’environnement (UBA). Actuellement, 37 substances actives PFAS sont autorisées en Europe, dont le flufénacet et le flutolanil sur l’avenir desquels les Etats membres devront se prononcer demain. Toutes ces substances se décomposeraient en ce métabolite dénommé TFA. À ce jour, seule l’osmose inverse permet de neutraliser le TFA. Alors que les sociétés de distribution d’eau potable risquent de devoir faire face à des investissements exorbitants, in fine à la charge du contribuable, pour maintenir les taux de TFA en dessous des seuils acceptables ; les entreprises d’eau minérale, elles, ne disposent d’aucune alternative pour faire baisser le niveau de TFA dans leur eau.

Or, elles ne sont pas épargnées. A ce titre, la concentration impressionnante de TFA dans les eaux de Villers, révélée aujourd’hui par PAN-Europe, [4] à proximité de zones agricoles a de quoi interpeller. Les agriculteurs et les producteurs d’eau minérale subissent finalement les conséquences de l’industrie à la source de ces polluants. Les autorités qui  ont, jusqu’ici, autorisé la dissémination, en négligeant entre autres, de se soucier de ce métabolite ont la responsabilité de légiférer urgemment.  

Mais cela pourrait évoluer. D’éminents scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur la menace de l’accumulation irréversible de TFA dans l’environnement. Ils soulignent la nécessité de « mesures contraignantes » pour réduire les émissions de TFA [5]. Récemment, l’Allemagne, pour donner suite à une étude produite par Bayer révélant le caractère reprotoxique du TFA, a demandé de classifier le TFA comme Reprotoxique de catégorie 1B, conformément au Règlement EC n°1273/2008 [6], faisant du TFA un « métabolite pertinent », écrit la CE dans sa proposition de non-renouvellement du flufénacet. Une telle classification pourrait être lourde de répercussion pour l’avenir de tous les pesticides PFAS.

Pour Salomé Roynel, responsable politique chez PAN Europe : « L’interdiction proposée par la CE d’interdire les deux pesticides PFAS que sont le flufénacet et le flutolanil est légalement requise.» PAN appelle tous les États membres à « suivre la loi et la science, en donnant la priorité à la protection de la santé humaine et de l’environnement et à adopter rapidement ces interdictions. »

De source sûre, la Belgique a confirmé qu’elle soutiendrait la position de la CE sur le non-renouvellement du flufénacet[7], dont le caractère de « perturbateur endocrinien » et « les risques de contamination des eaux souterraines au TFA sont élevés ». Il devrait en être de même du flutolanil, même si, dans ce cas, c’est l’absence d’étude finalisée sur les risques pour le consommateur liés à la présence de TFA dans les cultures agricoles qui est invoquée à la source de la proposition de non-renouvellement. [8]

Pour Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer : « Dès lors que la CE propose un non-renouvellement de la substance, nous n’en attendions pas moins de la part de la Belgique. La Commission semble enfin prendre le TFA en main, ce qui constitue une étape majeure dans la bataille contre les pesticides PFAS. Mais même si le flufénacet était interdit demain, après avoir été autorisé pendant 20 ans, ce revirement démontre bien que les règles d’autorisation des pesticides ne sont pas fiables. Ce n’est pas parce qu’un pesticide est aujourd’hui légalement mis sur le marché qu’on peut en conclure qu’il n’est pas nocif ou toxique. »

Toutes les analyses de résidus de pesticides, qu’elles soient effectuées dans l’air, [9] dans les chambres à coucher [10]  ou sur les personnes elles-mêmes[11] révèlent la présence de pesticides autrefois autorisés et maintenant interdits : ainsi, l’imidaclopride, le malathion ou l’atrazine, continuent de contaminer nos environnements, même après leur interdiction. 

« Il est temps que la Belgique mette toute son énergie à encourager des modes de production agricole qui se passent de polluants chimiques et qui cochent toutes les cases des défis de notre société : santé publique, biodiversité, eau, environnement, lutte contre les changements climatiques, emploi en milieu rural, etc. », conclut Julie Van Damme, secrétaire générale de Nature et Progrès.

Une agriculture sans polluants chimiques doit devenir une priorité pour protéger notre santé et celle de la Terre.

[1] PFAS – Nature & Progrès

[2] Kleinste soort PFAS duikt op in Vlaams drinkwater: « Lozingen door industrie en pesticiden moeten teruggedrongen worden » | VRT NWS: nieuws

[3] Pesticides can be a substantial source of trifluoroacetate (TFA) to water resources

[4] PAN Europe

[5]  The Global Threat from the Irreversible Accumulation of Trifluoroacetic Acid (TFA), Hans Peter Arp et al, Octobre 30, 2024

[7] EU Commission proposal to ban Flufenacet

[8] Review report on Flutolanil

[9] EXPOPESTEN – ISSeP

[10] Onderzoek in slaapkamers vindt cocktail van 21 pesticiden, Tytgat ziet “geen risico’s voor gezondheid” | VILT vzw

[11] BMH-Wal – ISSeP

Nature & Progrès réagit aux nouvelles informations sur la présence du TFA dans l’eau potable en Wallonie

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17 octobre 2024

Communiqué de presse

Nature & Progrès exprime sa profonde préoccupation face aux chiffres révélés[1] et à la communication sur la présence généralisée d’acide trifluoroacétique (TFA) dans l’eau potable en Wallonie, un métabolite des pesticides PFAS. La détection de cette molécule persistante dans des concentrations importantes des eaux de distribution confirme les données de notre étude exploratoire « TFA, un polluant éternel dans l’eau que nous buvons »[2]. Elle soulève de graves questions quant à la sécurité de notre eau et la gestion des « polluants éternels » comme les PFAS.

Le TFA, un sous-produit des pesticides PFAS et des gaz fluorés, est particulièrement problématique en raison de sa persistance extrême et de sa capacité à se déplacer facilement dans l’environnement. La première source de ce TFA en région rurale, comme à Philippeville où les plus hautes concentrations ont été trouvées, proviendrait des pesticides PFAS. Vingt-huit substances actives sont à l’origine de cette pollution et se retrouvent dans plus de 200 produits commercialisés en Belgique : herbicides, fongicides, insecticides, tout y passe. Bien que la toxicité du TFA soit encore mal connue, certaines études révèlent déjà des effets potentiels sur le foie et le système immunitaire, similaires à ceux observés avec d’autres PFAS à chaîne longue. Contrairement à ce que certains chiffres officiels pourraient laisser croire, la probabilité que le TFA soit toxique pour les mammifères ne doit pas être sous-estimée : l’Allemagne a d’ailleurs demandé à l’échelle européenne de classer le TFA comme reprotoxique, à la suite d’une étude communiquée par Bayer révélant des malformations sur les fœtus de lapins exposés au TFA.

L’été dernier, suite aux études publiées par Nature et Progrès et PAN Europe sur la présence de TFA dans les eaux, la région wallonne avait mandaté la SWDE pour réaliser un monitoring exhaustif sur la présence de TFA dans l’eau potable. Les résultats révélés par le ministre wallon de l’Environnement, Yves Coppieters, indiquent des concentrations atteignant jusqu’à 3100 ng/L à Philippeville, bien au-delà de la valeur guide de 2200 ng/L proposée par le conseil scientifique indépendant, sur la base de l’institut néerlandais pour la santé publique et l’environnement, RIVM. Bien que cette valeur ne remette pas immédiatement en cause la potabilité de l’eau, elle souligne la nécessité d’un suivi rigoureux, mais surtout de mesures correctives urgentes, pour stopper la pollution en amont.

« Ces niveaux de TFA dans l’eau sont d’autant plus inquiétants que l’utilisation des polluants à l’origine du TFA est en augmentation, comme l’a révélé notre étude « Récolte toxique[3] ». C’est particulièrement le cas des pesticides PFAS dont les ventes ont augmenté ces dernières années, pour atteindre 220 tonnes en 2021. Les niveaux actuels de pollution de nos eaux au TFA sont donc appelés à encore augmenter à l’avenir, si rien n’est entrepris pour faire cesser les sources de contamination. ». Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer, Nature & Progrès.

Face à la difficulté de traiter le TFA par les méthodes classiques comme les filtres à charbon actif, seule l’osmose inverse permet à ce jour de stocker ce polluant, une solution qui reste coûteuse et difficilement généralisable. Nous refusons que les coûts de cette dépollution soient répercutés sur les consommateurs. Conformément au principe du « pollueur-payeur », les industries responsables de la mise sur le marché de ces substances doivent prendre leurs responsabilités et contribuer au financement des mesures correctives.

Au vu de l’ampleur de la contamination, nous demandons une action immédiate des autorités publiques. Conformément à la Déclaration de politique régionale (DPR), où le ministre Yves Coppieters se veut ambitieux en termes de lutte contre les PFAS, nous l’enjoignons, au titre de ses compétences et du respect du principe de précaution, à interdire le plus rapidement possible l’utilisation de tous les pesticides PFAS, générateurs de TFA (flufénacet, diflufénican, fluopicolide, etc.) ainsi que les gaz fluorés. Au niveau fédéral, nous demandons une révision et une interdiction de toutes les autorisations de ces produits. La santé de nos concitoyens et la préservation de nos ressources en eau en dépendent.

En parallèle, nous appelons à un accompagnement des agriculteurs pour les aider à se détourner de ces produits dangereux et à adopter des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement.

[1]http://environnement.wallonie.be/cgi/dgrne/plateforme_dgrne/news/visiteur/displaynews.cfm?idnews=695&langue=FR

[2] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2024/07/tfa-juillet-2024-v4.pdf

[3] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2024/03/recolte-toxique-pfas-etude.pdf

TFA, le polluant éternel dans l’eau que nous buvons.

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10 juillet 2024

Communiqué de presse

En mai 2024, Nature & Progrès, PAN Europe et d’autres organisations européennes, avaient sorti un rapport visant à alerter les autorités publiques sur une pollution chimique, jusqu’ici largement invisibilisée malgré sa présence généralisée : celle du TFA «TFA dans l’eau. Révélations exclusives sur une pollution ignorée». Ce 10 juillet, un nouveau rapport parait sur la présence du TFA dans l’eau que nous buvons. Les résultats de notre enquête ne sont pas rassurants. Nous demandons une interdiction rapide des sources de pollution, particulièrement les pesticides PFAS et les gaz fluorés.

Le TFA (l’acide trifluoroacétique) est un des principaux produits de dégradation des pesticides PFAS[1] et des gaz fluorés.[2] PFAS à chaine ultra courte, il n’en reste pas moins (par sa structure d’atome de carbone entièrement fluoré) extrêmement persistant dans l’environnement et très mobile. Négligé par les autorités publiques européennes, ses effets sur la santé publique sont encore largement méconnus. Cependant, les rares études toxicologiques laissent apparaitre des risques sanitaires comparables aux autres PFAS de structure similaire, comme le PFOA (malformation des fœtus -reprotoxicité et problèmes hépatiques), à des concentrations toutefois bien plus importantes[3].

Selon Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer pour l’ASBL Nature & Progrès, « Ce polluant émergent n’est pas nouveau, il a simplement été ignoré, tant dans le cadre de la réglementation européenne sur les pesticides chimiques de synthèse, alors qu’il s’agit d’un métabolite de pesticides, qui aurait dû être classé comme « pertinent » et à ce titre plafonné à 100 nanogrammes/L, que dans le cadre de la réglementation européenne sur l’eau. Résultat des courses, aujourd’hui, aucune limite claire et contraignante sur la présence du TFA dans nos eaux, n’existe à l’échelle européenne ».

Dans le cadre de la révision de la directive sur les eaux destinées à la consommation humaine, une limite réglementaire de 500 nanogrammes pour le « Total PFAS »[4] est proposée à partir de janvier 2026[5]. Ce plafond a été repris dans les trois régions, en Belgique. Mais, les résultats d’analyse des 55 échantillons d’eau potable, dont 36 échantillons d’eau du robinet, montrent que ce plafond « Total PFAS » est dépassé pour près de la moitié des eaux du robinet par le seul TFA.  On a observé une contamination des eaux potable au TFA allant jusqu’à 4100 nanogrammes/L, avec une moyenne de 740 ng/ L.

En Belgique, les deux seuls échantillons d’eau potable réalisés par nos soins dans le cadre de cette étude ont révélé des teneurs de 1100 et 320 ng/L. Ces résultats sont à mettre en perspective par rapport à d’autres sources d’information. Ainsi, à Bruxelles, selon la société Vivaqua, les analyses afficheraient des taux de 500 à 1500 ng/L, selon les points de captage et les dates. Les analyses chez nos voisins des Pays Bas pointent des valeurs entre 1200 et 1600 ng/L selon le rapport officiel néerlandais de 2022 sur la qualité de l’eau. En région wallonne, la SWDE a été chargée le 6 juin 2024 de coordonner un monitoring du TFA dans les eaux destinées à la consommation humaine de l’ensemble du territoire wallon.  Les résultats officiels sont attendus à la rentrée.

Par ailleurs, comme le montre notre rapport, un basculement vers la consommation d’eau en bouteille ne permet pas de s’assurer de l’absence de toute contamination. En effet, l’analyse des 19 eaux en bouteille révèle une contamination de 63% des eaux minérales et de source, même si la contamination moyenne affiche 278 ng/L.

Selon l’éminent institut des Pays Bas, le RIVM, qui s’est penché sur le TFA, une valeur maximale de 2200 ng/ L dans l’eau potable, pour le seul TFA, serait acceptable. A ce jour, dès lors les niveaux de contamination observés seraient, dans l’ensemble, encore contenus dans les marges de sécurité. Mais qu’en sera-t-il demain, sachant que les ventes de pesticides PFAS augmentent[6]?

Nous appelons à une réponse politique et globale rapide, pour garantir que nos eaux restent saines pour l’avenir. Cela implique au premier rang, l’arrêt en amont des sources de pollution au TFA de nos eaux, soit l’interdiction des pesticides PFAS et des gaz fluorés.

« Parmi les mesures sollicitées, dont un arrêt planifié et rapide des sources de contamination, nous demandons également une orientation des politiques publiques pour que les agriculteurs puissent se détourner du recours à ces pesticides PFAS. Également, conformément au principe du pollueur payeur, nous demandons que les distributeurs d’eau, et donc in fine donc, les consommateurs ne supportent pas la charge de la pollution et que les industries qui ont mis ces produits polluants sur le marché assument leur part de responsabilité. »

[1] Les pesticides qui contiennent des substances alkyls per- et polyfluorées (PFAS)

[2] Selon l’agence allemande (UBA), les pesticides chimiques seraient la principale source de pollution de l’eau en zone rurale. Viennent ensuite les gaz fluorés (que l’on retrouve dans l’eau de pluie), les stations d’épuration d’eau et la contamination industrielle, Trifluoracetat (TFA): Grundlagen für eine effektive Minimierung schaffen – Räumliche Analyse der Eintragspfade in den Wasserkreislauf | Umweltbundesamt

[3] Registration Dossier – ECHA (europa.eu)

[4] Le paramètre intitulé « PFAS (total) »,  vise à intégrer l’ensemble des PFAS mesurables dans l’eau.

[5] Directive – 2020/2184 – EN – EUR-Lex (europa.eu)

[6] Les ventes de pesticides PFAS, dont le top 3 en Belgique sont le flufenacet, le fluazinam, et le diflufenican, sont en augmentation sur la période de 2011-2021 de 20%. Rien que pour le flufenacet, 63 tonnes ont été vendues en 2021.  recolte-toxique-pfas-etude.pdf (natpro.be)

 

LIRE L’ETUDE

Nature & Progrès engage une nouvelle action en justice contre les décisions d’autorisation de pesticides qui ne respectent pas la réglementation européenne

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5 juin 2024

Communiqué de presse

Nature & Progrès, PAN Europe et Bond Beter Leefmilieu attaquent la Belgique en justice pour des autorisations illégales de pesticides. Alors que l’UE a mis en place un cadre rigoureux à l’autorisation des pesticides, et en l’occurrence de l’abamectine, la Belgique autorise les pesticides à base de cette substance active bien au-delà du cadre réglementaire. Une illégalité qui fait écho au manque d’engagement de cette législature en termes de réduction des pesticides, malgré la déclaration de gouvernement de 2020.

Ce mardi 4 juin, l’ASBL et les deux ONG ont lancé un recours en annulation devant le Conseil d’État contre l’État belge pour avoir réautorisé trois pesticides hautement toxiques contenant de l’abamectine (les insecticides Acaramik[1], Safran[2] et Vargas[3]), en violation des règles de droit européen. L’objectif premier de la réglementation européenne qui encadre l’autorisation des pesticides est de protéger la santé des citoyens et l’environnement. Vu les risques de l’abamectine, l’UE a posé comme condition que les utilisations d’abamectine soient limitées à des systèmes complètement hermétiques. Au lieu de cela, la Belgique vient d’autoriser des utilisations en plein air et dans les tunnels jusqu’en 2039, au mépris de l’environnement et de la santé des citoyens.

Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe, a déclaré : « L’abamectine est hautement toxique pour l’environnement et sa génotoxicité pour l’homme est sérieusement mise en doute par différentes études académiques. La Commission européenne a limité son utilisation à des systèmes qui empêchent tout rejet de la substance dans l’environnement, comme des serres. »

 

Cette condition, la Belgique en son ministre de l’Agriculture l’avait approuvée, en janvier 2023, lors du vote au niveau européen. Ils l’avaient aussi reconnue dans une communication externe en juin 2023. Mais à l’heure d’autoriser les produits, ils ont fait sauter les conditions restrictives d’espace fermé, indispensables pour protéger l’environnement, et particulièrement les eaux qui bordent les champs.

Virginie Pissoort, chargée de campagnes à Nature et Progrès Belgique, a déclaré : « Alors que la législation européenne définit clairement une serre comme un système fermé, la Belgique a créé sa propre directive en la matière [4], sous le terme « culture sous protection », se contentant de parois et d’un toit, comme un tunnel de plain-pied, laissant ainsi s’infiltrer les matières et l’énergie par les fenêtres, les entrées ou le sol. Cette option prise par la Belgique de « culture sous protection » est en contradiction avec les exigences européennes. »

Par ailleurs, elle déguise ces trois autorisations sous le vocable de « prolongation » qu’elle octroie pour 15 ans, sans aucune certitude que le travail d’évaluation des risques qu’elle est tenue de mener, condition nécessaire pour renouveler un pesticide pour 15 ans, ait été réalisé et finalisé.

Pour Nature & Progrès « Cette violation du droit européen par la Belgique doit être dénoncée en justice. Après l’octroi par la Belgique de dérogations d’urgence pour des substances actives interdites, ou l’absence d’évaluation comparative pour les pesticides les plus toxiques, c’est en contournant d’autres règles du droit européen, comme les restrictions d’utilisation, que la Belgique se met en porte-à-faux. » Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer et de campagnes.

En dépit des ambitions affichées par la Belgique sur la réduction de l’utilisation des pesticides dans la déclaration gouvernementale de 2020, notre pays reste l’un des plus gros consommateurs de pesticides en Europe. [5] Sous la tutelle du ministre fédéral de l’Agriculture, aucune mesure significative n’a été prise pour réduire l’utilisation des pesticides, et les plans de réduction de pesticides sont surtout des études, des mesures, des diagnostics, des évaluations plutôt que de récents projets ambitieux d’affranchir l’agriculture belge de ces produits chimiques délétères.

« C’est un triste bilan que nous tirons en matière de réduction des pesticides sous cette législature. Les chiffres de vente totale des pesticides ne diminuent que marginalement, alors qu’aujourd’hui c’est d’une autre trajectoire que notre agriculture, notre alimentation et notre environnement ont besoin et que la Belgique s’était engagée à suivre dans sa déclaration gouvernementale.»

Il est possible de s’affranchir des pesticides sur le terrain. Mais pour un abandon massif de ces substances, il y a besoin d’un accompagnement des agriculteurs avec un réel investissement de nos responsables politiques, une vision et un engagement sur le long terme.

[1] https://apps.health.belgium.be/fytoweb/pages/public/detail.xhtml?dswid=-943&product=38804466

[2]  https://apps.health.belgium.be/fytoweb/pages/public/detail.xhtml?dswid=-943&product=38805519

[3]  https://apps.health.belgium.be/fytoweb/pages/public/detail.xhtml?dswid=-943&product=38806588

[4]  https://fytoweb.be/fr/guides/phytoprotection/quest-ce-quune-culture-sous-protection

[5] NATPROG_la-belgique-royaume-des-pesticides.pdf

Contamination généralisée de l’eau par le TFA, un « produit de dégradation à vie » non réglementé des pesticides PFAS

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27 mai 2024

Communiqué de presse

Suite à une étude européenne sur la présence alarmante des métabolites de PFAS dans les eaux, Nature & Progrès et Pesticide Action Network Europe demandent une action politique rapide et efficace pour stopper cette pollution chimique délibérément passée inaperçue.

Une étude exploratoire conjointe de 23 échantillons d’eau de surface et de six échantillons d’eau souterraine provenant de dix pays de l’UE, menée par des organisations membres du Réseau européen PAN Europe (Pesticides Action Network) dont Nature & Progrès Belgique a révélé des niveaux alarmants de TFA (acide trifluoroacétique), un « produit chimique éternel » peu connu et largement non réglementé. Le TFA est un produit de dégradation connu des pesticides PFAS, des gaz F et d’autres produits chimiques à vie (PFAS). Les concentrations trouvées dans les échantillons d’eau sont en moyenne de 1 180 nanogrammes par litre (ng/l). Ce chiffre est 70 fois plus élevé que la concentration moyenne de tous les autres PFAS examinés combinés (17,5 ng/l), y compris les PFAS bien connus qui constituent des points d’attention tels que l’APFO et le PFOS.  En Belgique, l’échantillon prélevé dans la Mehaigne, une rivière wallonne qui sillonne le plateau de la Hesbaye, affiche même un taux de 2500 ng/l.

 « Cette contamination généralisée, qui n’est pas liée à des hauts lieux de l’industrie et donc à une pollution qu’on a souvent qualifiée de localisée, est extrêmement préoccupante. La Mehaigne, en Wallonie, sillonne une région à forte densité agricole, loin des hauts lieux de l’industrie chimique ou pharmaceutique. Or, parmi les 23 échantillons européens, c’est la troisième rivière la plus contaminée au TFA.» Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer pour Nature & Progrès.

Double échec des autorités et de la politique

À notre connaissance, la plupart des 27 pays de l’UE ne surveillent pas aujourd’hui officiellement les niveaux de TFA dans les eaux de surface, c’est en tous cas, la situation de la Wallonie/Belgique. Certains pays se sont penchés sur le TFA. L’agence allemande de l’environnement UBA a récemment identifié les pesticides PFAS comme une source majeure probable de contamination de l’eau par le TFA.

La réglementation européenne sur les pesticides exige que les pesticides ne soient approuvés que si leurs substances actives et leurs « métabolites pertinents » (= produits de dégradation) ne dépassent pas des concentrations de 100 nanogrammes par litre (ng/l) dans les eaux souterraines. Le fait que tous les échantillons d’eau dépassent largement cette limite, alors que les pesticides à base de PFAS restent approuvés, remonte à une décision fatale prise par l’Europe il y a plus de 20 ans. En 2003, l’agence a conclu que le TFA était considéré comme un « métabolite non pertinent », l’exemptant ainsi de toute obligation de surveillance et de toute limite.

« Cette décision désastreuse de négliger la contamination des eaux souterraines par le TFA a permis aux fabricants de commercialiser les pesticides PFAS et a jeté les bases de ce qui est sans doute la contamination la plus importante et la plus envahissante des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme dans l’histoire », déclare Salomé Roynel, chargée de mission à PAN Europe.

Cependant, la directive-cadre sur l’eau de l’UE aurait également dû empêcher cette contamination. Elle interdit notamment la pollution chimique des eaux par des composés organiques halogénés, dont fait partie le TFA (et tous les autres PFAS). L’article 4 demande explicitement aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour inverser les augmentations significatives et durables des concentrations de polluants résultant des activités humaines. Les résultats des tests montrent clairement l’incapacité des autorités et des responsables politiques à mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau pour protéger l’environnement et les citoyens. Ces « mesures nécessaires » exigées par la loi auraient sans aucun doute dû inclure une interdiction des pesticides PFAS et d’un autre groupe de PFAS, les « gaz F », qui pénètrent dans l’atmosphère par milliers de tonnes à partir des réfrigérants industriels et qui entrent ensuite dans le cycle mondial de l’eau sous forme de TFA par l’intermédiaire de la pluie.

Bien que le TFA soit le produit terminal persistant d’environ 2 000 composés PFAS, il existe peu de recherches sur sa toxicité pour l’environnement et l’homme. Cela s’explique également par le fait que l’industrie productrice de PFAS s’est donné beaucoup de mal pour présenter le TFA comme une petite molécule inoffensive dont le danger ne devrait pas être comparé à celui d’autres PFAS plus importants. Pour le Dr Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures (France):  « Cependant, ce discours a récemment été fortement ébranlé, ironiquement par une étude commandée par l’industrie elle-même, dans laquelle le TFA a provoqué de graves malformations oculaires chez des bébés lapins. Ces dernières années, les autorités européennes et américaines ont révisé à plusieurs reprises leurs évaluations de la toxicité de certains PFAS relativement bien étudiés et ont fixé des limites de l’ordre du nanogramme à un chiffre. Nous ne pouvons qu’espérer que le TFA ne s’avérera pas aussi toxique en fin de compte ».

L’Office fédéral allemand des produits chimiques a récemment informé l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de son intention de proposer d’établir un lien entre le TFA et la toxicité pour la reproduction.

« Il est plus que temps d’agir à la hauteur de la contamination. La dépollution de l’eau aux PFAS aura un coût énorme. L’étendue de la contamination détectée par le TFA nécessite une action rapide et décisive, à commencer par une interdiction rapide des pesticides PFAS. Nous réclamons aussi la mise en œuvre rapide de la restriction générale des PFAS dans le cadre du règlement REACH sur les produits chimiques, et la classification systématique du TFA en tant que « substance dangereuse prioritaire » dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau », revendique Virginie Pissoort de Nature & Progrès.

 

LIRE L’ETUDE

Pesticides : entre les paroles en l’air de nos gouvernements et la pause environnementale européenne, une bonne nouvelle, les mutuelles de santé montent au créneau

En début de législature, les gouvernements fédéraux et régionaux s’étaient montrés volontaires sur la réduction des pesticides. L’utilisation des pesticides n’a que très faiblement baissé ces dernières années et les mesures pour réduire l’utilisation et les risques des pesticides sont désolantes. A l’Europe, c’est la pause environnementale. Seule lueur d’espoir, les mutuelles de santé qui tirent la sonnette d’alarme. Amiante, pesticides, même combat pour la santé ! L’affranchissement des pesticides n’est pas qu’une question d’environnement, c’est un enjeu de santé publique.

Sur papier, le gouvernement fédéral s’était engagé à « réaliser un ambitieux plan de réduction des pesticides »1, et le gouvernement régional de son côté « en cohérence avec les décisions européennes visant à sortir progressivement des pesticides »2.

C’était en début de législature. C’étaient les intentions. En effet, le bilan de Nature & Progrès sur l’autorisation des pesticides en Belgique publié en mars 2023, intitulé « Belgique, royaume des pesticides » montrait au contraire des pratiques laxistes de l’administration belge et son inaction en matière de substitution pour des alternatives moins toxiques.  Pas étonnant que la Belgique soit dans le trio de tête des plus grands consommateurs de pesticides de l’UE (8.5 kg/hectare)3 et que les ventes de pesticides ne diminuent pas sensiblement4.

Nous fondions alors nos espoirs sur la troisième édition des programmes régionaux et fédéraux de réduction des pesticides 2023-2027, après ceux de 2011-17 et 2018-23 pour se mettre dans le bain. Ces plans étaient l’occasion d’adopter des mesures concrétisant l’engagement du gouvernement à la hauteur des enjeux et des revendications, comme :

  • Un calendrier concret pour une élimination des pesticides les plus toxiques, entre autres les candidats à la substitution qui doivent être remplacés par des alternatives moins toxiques, au terme d’une étude comparative, dès que c’est possible ;
  • Une recherche scientifique orientée exclusivement vers les alternatives non chimiques et l’abandon de tout fond public dans de la recherche qui viserait à maintenir et optimiser l’utilisation de produits phytosanitaires ;
  • La mise en place du principe du pollueur payeurà charge de l’industrie de la chimie qui retire tous les profits de la vente des pesticides, sans en supporter aucun coût sociétal ;
  • Des mesures et des moyens au niveau régional pour protéger les eaux et les riverains des dérives de pesticides (zones tampons suffisantes) ;
  • etc

Mais pour cette troisième édition, la Belgique en est toujours au stade du diagnostic, de la réalisation d’études, d’outils, de plans communication, de sensibilisation, du diagnostic, de la réalisation d’études, d’outils, de plans communication, de sensibilisation, de mise en place d’observatoires, d’élaboration de calendriers de suivis, de partage d’informations5, etc. Pas d’ambition assumée de réduction, pas d’élimination des produits les plus toxiques, pas de calendrier concret pour s’affranchir concrètement des pesticides.

 

« Que la Belgique ne nous parle pas d’ambition de réduction des pesticides » s’insurge Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer chez Nature & Progrès « Finalement publié le 3 avril 2024 (!) – alors qu’il concerne la période 2023-2027 – le NAPAN (ndlr/ Nationale Actie Plan d’action nationale) n’est qu’un agglomérat de collecte d’information et d’analyses, sans doute utiles, mais à mille lieues de l’ampleur des enjeux sociétaux auxquelles nous devons faire face aujourd’hui. Les conséquences néfastes des pesticides se conjuguent au pluriel6 sur les agriculteurs et leur santé, l’eau, la biodiversité, la santé des riverains … Et, on avance au ralenti ! »

 

Dans le même temps, à l’Europe, ce n’est pas mieux. Face à la grogne agricole, la Commission renouvelle son approbation du glyphosate pour 10 ans malgré l’absence de majorité qualifiée au Conseil, revient sur les mesures agri-environnementales de la PAC, abandonne le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR), etc.

 

Cela fait pourtant des décennies que la toxicité des pesticides chimiques est dénoncée. Le livre « Printemps silencieux », de Rachel Carson, avait fait couler de l’encre en 1962 déjà, et c’est 2 ans plus tard que la Communauté Nature & Progrès voyait le jour, à l’initiative de personnes du corps médical qui voulaient lutter contre l’agriculture chimique et développer l’agriculture biologique. Car des alternatives existent et elles se déploient tous les jours sur nos territoires7.

De nouveaux acteurs se joignent aujourd’hui à notre combat, ce sont les mutualités de santé. Cet engagement des mutuelles de santé a récemment vu le jour en France.8 Ce 11 avril 2024, les mutuelles de santé françaises, avec d’autres mutuelles en Europe, dont les mutualités libres (Partenamut)9 organisent un grand colloque au Parlement européen et à 16h, un goûter rassemblement sur la place du Luxembourg. Profondément inspirées par l’expérience de l’amiante, elles se mobilisent pour en appeler à la fin des pesticides chimiques10.

« Cette mobilisation des mutuelles est une excellente nouvelle, qui nous fera certainement gagner quelques années. Les pesticides chimiques sont appelés à disparaître parce qu’ils sont toxiques, mais avant d’être interdits, ils circulent et font des dégâts. Rien d’étonnant à ce que les mutuelles de santé entrent dans la danse. Ce n’est pas elles à payer pour les problèmes de santé dus à l’utilisation de ces poisons. Il est d’ailleurs temps que le principe du pollueur payeur s’applique en la matière », déclare Virginie Pissoort.




[1] Accord_de_gouvernement_2020.pdf (belgium.be), page 63-64
[2] DPR – Version définitive – PRESSE (wallonie.be), page 77
[3] DOSSIER_canopea_les-pesticides-dans-leau_WEB.pdf, page 18
[4] Données de vente des produits phytopharmaceutiques en Belgique maintenant en ligne | Phytoweb (fytoweb.be) – les données pour les années 2019-2020 et 2021, sont souvent classées C- confidentielles, Il est possible de les obtenir sur demande, elles montrent une diminution d’environ 10% sur la décennie.
[5] pfrp_programme_2023-2027_-_update_fev_2024.pdf (fytoweb.be)
[6] Biodiversité et services rendus par la nature : que sait-on de l’impact des pesticides ? | INRAE
[7] Wallonie sans pesticides – Nature & Progrès (natpro.be)
[8] En France, certains cancers et maladies neurodégénératives chez les agricutleurs.rices ont d’ailleurs été reconnus comme maladie professionnelles en 2021 Création du tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
[9] Le 14 novembre 2023, les Mutualités libres avaient déjà co-signé avec N&P et d’autres organisations un courrier à Ursula Von de Leyen demandant de ne pas ré-approuver le glyphosate. GGS – Open letter to VDL – Google Docs
[10] Santé publique : les mutuelles appellent à agir contre les dangers des pesticides – Basta!

Prosulfocarbe, l’administration belge pour une décision qui protège la santé des opérateurs.

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Fin 2023, Nature & Progrès a été alerté par des agriculteurs.rices biologique des problèmes de dérives du prosulfocarbe, qui voyaient leur culture contaminée et dès lors potentiellement déclassée, du fait de la présence de ce résidu de pesticides dans leurs productions ; principalement dans les fruits des vergers et les herbes aromatiques. Le prosulfocarbe utilisé comme désherbant en agriculture conventionnelle, est le deuxième herbicide sur le podium des ventes en Belgique, après le glyphosate. Selon l’administration belge, en 2022, plus de 213 000 kilos d’herbicides à base de prosulfocarbe ont été commercialisées. Particulièrement volatile, il peut se retrouver à des centaines de mètres du lieu de pulvérisation original (en l’occurrence les parcelles de toute évidence à l’origine de la consommation étaient à plus de 800m des vergers contaminés).

L’extrême volatilité du prosulfocarbe n’est pas nouvelle. En France, en octobre 2023, le gouvernement a pris la décision de limiter l’utilisation du prosulfocarbe drastiquement ( le prosulfocarbe ne peut plus être appliqué dans un rayon de 1 km autour des cultures non-cibles avant leurs récoltes ), en précisant que si ces mesures ne portaient pas leur effet et que les problèmes de dérives se poursuivaient la substance devrait être interdites. Syngenta a largement communiqué sur ces mesures et l’importance de les respecter pour éviter un retrait définitif.

En Belgique, une campagne de communication avait été lancée par les autorités pour éviter ces dérives sans mesures contraignantes. En 2022, les autorités fédérales reconnaissaient que cela n’avait pas résolu le problème et prenait finalement des mesures contraignantes fin 2022 (buse anti dérive de 90%, périodes de non-pulvérisation en hiver avec des exceptions). En 2023, le problème n’étant toujours pas résolu, suite à des réclamations d’agriculteurs biologiques, Nature & Progrès comme l’UNAB ont interpelé les autorités régionales et fédérales sur ce problème de dérive, qui constitue un véritable enjeu économique (et environnemental) pour les agriculteurs biologiques dont les productions ne pouvaient plus être commercialisées en « bio ». Par ailleurs, ce problème est potentiellement aussi celui des agriculteurs conventionnels qui peuvent ainsi voir leur limite maximale de résidus (LMR) augmenter et se voir sanctionnés en cas de contrôle. Sur les 3 dernières années, un cas de dépassement de LMR pour le prosulfocarbe a d’ailleurs été enregistré, sur du persil.

Finalement, la réponse est arrivée, radicale, nette le 9 février dernier : toutes les autorisations de pesticides à base de prosulfocarbe sont suspendues en Belgique – sans période de transition. Mais davantage que la mesure, c’est l’argumentaire qui nous a surpris : « Cette mise à jour faisait suite à la soumission d’informations sur des effets potentiellement nocifs ou inacceptables du prosulfocarbe par un des titulaires des autorisations. Sur base de cette mise à jour, il s’avère que le niveau d’exposition des opérateurs et des travailleurs pour certains usages dépasse le niveau acceptable. Le niveau d’exposition des résidents dépasse le niveau acceptable pour tous les usages. »

De l’audition du Ministre Clarinval en Commission du Parlement fédéral le 27 février dernier, il apparait que l’administration a examiné les conditions d’autorisation des produits contenant du prosulfocarbe afin de remédier aux dépassements de LMR. Les titulaires des autorisations ont soumis à cette fin une demande de révision des doses d’utilisation. L’ administration a également examiné de nouvelles données toxicologiques qu’un des titulaires d’autorisation a soumis. »

C’est sans aucun doute une bonne chose pour les agriculteurs biologiques dont les cultures se retrouvaient polluées, également tous les opérateurs agricoles dès lors que leur santé est en jeu. Au-delà, l’intérêt de cette mesure réside aussi dans le motif de la suspension. C’est dans le cadre de l’examen du dépassement des limites maximales de résidus (et de dérives, même si le texte ne le dit pas) que l’administration a reçu des titulaires de l’autorisation des nouvelles données toxicologiques qui ont conduit le comité d’agrégation à conclure à la suspension de l’autorisation. Cette soumission – volontaire – d’informations toxicologiques qui s’impose dans le cadre de l’article 56 du règlement européen sur les pesticides (1107/2009), est loin d’être monnaie courante. Ce qui est tout aussi rare et à souligner c’est la décision de suspension de l’autorisation d’une substance active de l’administration, avec effet immédiat.

Nous ne pouvons que nous réjouir de constater que le Comité d’Agrégation prend ses responsabilités. Nous l’avons dit, et redit, l’élimination des pesticides chimiques de synthèse est un enjeu de santé publique. Et les premières victimes sont les agriculteurs.rices et leurs familles. Notre agriculture doit s’affranchir de ces produits chimiques et construire sur les alternatives qui existent et se déploient tous les jours.

Mais, le dossier n’est sans doute pas clos. Cette décision peut faire l’objet d’un appel dans les 30 jours, et dans les coulisses on entend que Syngenta et la fédération wallonne de l’agriculture (la FWA) élaborent leur stratégie d’appel.

Sur ce point le Ministre David Clarinval a été clair «Il est évident que si des réclamations sont introduites, elles seront évaluées. Dès lors que les conclusions conduisent toujours à un niveau d’exposition des personnes inacceptables, le retrait des autorisations sera définitif, sans délai de grâce pour la commercialisation et l’utilisation des stocks existants. » Nous allons suivre l’affaire évidemment. Car, si une éventuelle levée de la suspension des autorisations devait être décidée par le Comité d’agrégation sur la base d’informations scientifiques nouvelles, il est impératif que des mesures de restrictions d’utilisation ambitieuses permettant de canaliser les problèmes de dérives soient prises. Nous mettrons toute notre énergie dans ce sens.

Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en vergers et petits fruits

Nouveau cycle de rencontres en ferme

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Le printemps 2024 marquera le lancement d’un nouveau cycle de rencontres dédié aux vergers et aux petits fruits bio dans toute la Wallonie. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides, nous y croyons !« , débutée en 2018 avec la mise en lumière des alternatives aux pesticides en prairies. Les années suivantes ont exploré les méthodes alternatives en agriculture bio, notamment dans les cultures de céréales, de légumes plein champ et de pommes de terre.

Pourquoi se Pencher sur les Alternatives en Fruitiers ?

Les vergers et les cultures de petits fruits demeurent fortement tributaires des pesticides. En 2017, ces cultures représentaient les plus grandes surfaces traitées en Wallonie, avec des quantités de substances actives bien supérieures à d’autres cultures. Pour donner une idée, un verger de pommiers peut nécessiter jusqu’à 17,6 traitements fongicides et 10,5 traitements insecticides/acaricides. L’utilisation globale de substances actives en culture de fruits est 5,6 fois plus élevée que celle en culture de légumes.

Une étude de l’Institut Scientifique de Service Public (ISSEP) démontre également que les concentrations de pesticides dans l’air ambiant sont les plus élevées dans les zones caractérisées par une densité importante de fruitiers. Cela souligne l’urgence de mettre en avant des alternatives.

Défis Actuels et Conséquences sur l’Environnement

La diminution des insectes auxiliaires, due à l’utilisation intensive de pesticides, crée un défi majeur pour les arboriculteurs. La production de petits fruits est également confrontée à de nouveaux ravageurs, comme la drosophile suzukii, engendrant des perturbations majeures dans les cultures. Pour y faire face, de nombreux arboriculteurs se tournent vers des produits chimiques, contribuant à une spirale d’utilisation de produits toujours plus puissants et destructeurs.

Illuminer les Alternatives Existantes en Production de Fruits !

Face à ces enjeux, il est essentiel d’informer arboriculteurs et particuliers sur les aménagements possibles pour faire de leurs cultures des réservoirs de biodiversité. Il est temps de réintroduire les populations d’auxiliaires pour une lutte biologique efficace et l’équilibre de nos écosystèmes.

Le projet « Vers une Wallonie sans pesticides » se consacre désormais à mettre en avant les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en vergers et cultures de petits fruits. Ces rencontres, prévues pour 2024, réuniront des producteurs bio partageant leurs techniques, des producteurs traditionnels, des entrepreneurs de parcs et jardins, des consommateurs curieux, et des experts du domaine.

Restez à l’affût : le programme des rencontres sera dévoilé en début d’année 2024 sur le site de Nature et Progrès ainsi que sur les réseaux sociaux. Rejoignez-nous pour découvrir les alternatives concrètes qui façonnent un avenir sans pesticides pour nos vergers et petits fruits !

 

 

Saga glyphosate : pas de majorité qualifiée. La Commission Européenne a les cartes en main

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16 novembre 2023

Communiqué de presse

MAJ 29/11: le 26 novembre, après échec du vote au Conseil (pas de majorité qualifiée), la Commission avait annoncé qu’elle renouvellerait l’autorisation du glyphosate (avant le 15 décembre – date d’expiration de l’autorisation), c’est chose faite. Le 27 novembre, la Commission Européenne a publié la décision de renouvellement.

Aucune majorité qualifiée en faveur de la ré-approbation du glyphosate ne s’est dégagée

Un deuxième tour de vote des Etats membres sur la proposition de la Commission de ré-approuver le glyphosate pour 10 ans était planifié ce jeudi 16 novembre. Faute de majorité qualifiée le 13 octobre dernier, le sujet continuait de diviser fortement les Etats et l’incertitude pesait sur l’avenir du glyphosate. Ce jeudi matin, le vote a à nouveau abouti au même résultat : pas de majorité qualifiée. La Commission Européenne a maintenant les cartes en main et doit prendre une décision d’ici le 15 décembre.

Le vote sur la ré-approbation de la substance active du glyphosate par les Etats membres réunis au sein du SCOPAFF doit recueillir une majorité qualifiée des voix, c’est-à-dire simultanément recueillir 55% des Etats membres, soit 15 sur 27, lesquels doivent compter pour au moins 65% de la population totale de l’UE.

Ce 16 novembre, en comité d’Appel, aucun majorité qualifiée ne s’est dégagée. La Commission a annoncé dans un communiqué qu’elle allait « maintenant procéder au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de 10 ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions« .

« Alors qu’on peut se réjouir qu’aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée, nous déplorons que la Commission Européenne annonce qu’elle décidera d’initiative lorsque l’on sait que la population et la communauté scientifique indépendante sont contre le renouvellement du glyphosate. », pour Virginie Pissoort chargée de campagne et de plaidoyer pour l’association Nature & Progrès.

 

Pour rappel, le 13 octobre dernier, la Commission avait échoué et sa proposition n’avait pas recueilli la majorité attendue. La Hollande, Malte, la Bulgarie, mais aussi des pays densément peuplés comme l’Allemagne et la France, pesant fortement dans la balance, s’étaient abstenus. La Belgique aussi, faute de consensus au sein de sa majorité parlementaire, s’était abstenue. L’Autriche, le Luxembourg et la Croatie avaient fermement voté « Contre ».

Depuis un mois, la mobilisation de la société civile et de la communauté scientifique s’était encore intensifiée, se basant entre autres, sur une nouvelle étude publiée par le Global Glyphosate Institute qui s’était intensifiée. L’institut Ramizzini a en effet révélé le 25 octobre dernier les premiers éléments d’une importante étude concluant au lien entre l’exposition au glyphosate à très forte dose et le développement de leucémie, dès le plus jeune âge chez les rats. Une nouvelles étude alarmante et qui s’ajoute aux nombreuses études de la communauté scientifique dénonçant le caractère probablement cancérogène du glyphosate pour l’humain, les risques de développement de maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, les effets épigénétiques, les dommages au microbiote, mais aussi les impacts pour la biodiversité, la pollution du sol et des eaux, les espèces non ciblées etc [1].

Il était crucial de pouvoir faire basculer des votes d’abstention vers le « Contre », et des votes « Pour » vers l’abstention ou le « Contre », pour barrer la route au glyphosate. La Commission européenne étant habilitée à décider « seule » de la prolongation de l’approbation à défaut de majorité des Etats Membres.

« Notre Belgique ne pèse pas bien lourd dans la balance européenne, il n’empêche obtenir une position engagée « contre » cette substance toxique aurait été un signal fort. Malheureusement, au sein de la majorité gouvernementale fédérale, le Ministre de l’agriculture a refusé d’écouter la science et les citoyens. Il a maintenu le fait que rien ne s’opposait au renouvellement », regrette Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer pour Nature & Progrès

L’EFSA avait pourtant souligné qu’il restait des lacunes et des points non résolus au terme des études qu’elle avait analysées, principalement l’évaluation d’une des impuretés présente dans le glyphosate, l’évaluation des risques alimentaires pour les consommateurs et l’évaluation des risques pour les plantes aquatiques. [2]

La Commission Européenne devra prendre une décision pour le 15 décembre au plus tard (date de fin de l’autorisation). Il est temps d’amorcer la transition et d’interdire ce dangereux herbicide. Les alternatives existent. Il en va de notre santé et celle de la terre.

 

[1] https://stopglyphosate.eu/human-health/ ; https://stopglyphosate.eu/impact-on-the-environment/

; https://stopglyphosate.eu/why-ban-glyphosate/carcinogenicity-and-genotoxicity/

; https://stopglyphosate.eu/why-ban-glyphosate/neurotoxicity/

; https://stopglyphosate.eu/impact-on-the-environment/

[2] Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance glyphosate – – 2023 – EFSA Journal – Wiley Online Library

Pesticides, une page se tourne !

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19 octobre 2023

Le Conseil d’Etat fait primer la santé et l’environnement

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Nous sommes heureux de vous communiquer qu’après quatre ans de procédures légales, le Conseil d’État a donné raison à Nature & Progrès et à PAN Europe dans une affaire concernant l’utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes en Belgique. Les néonicotinoïdes sont des pesticides qui s’attaquent au système nerveux des abeilles. Ils sont mis en cause dans le déclin massif des colonies d’abeilles et ont été interdits en Europe en 2018. Le Conseil d’Etat a choisi de faire primer la santé et l’environnement en stoppant les octrois de dérogations par l’administration belge !

Pour rappel, en 2018, l’Union européenne a interdit trois types d’insecticides néonicotinoïdes pour protéger le vivant. Cependant, la Belgique a accordé depuis 2018 des dérogations « d’urgence » pour continuer à utiliser ces pesticides, en particulier dans la culture de betteraves. Nous avons contesté la validité de ces décisions devant le Conseil d’État en 2018, 2019 et 2020.

Ce 18 octobre 2023, le Conseil d’État a tranché et a déclaré que « sont annulées les 6 décisions (ndlr : de l’administration belge) autorisant l’utilisation d’insecticides à base de substances actives « néo-nicotinoïdes » interdites dans l’UE pour le traitement, la mise sur le marché, et le semis de semences de betteraves sucrières, de laitue, d’endives, … »[1] Cela signifie que l’utilisation de ces substances est désormais bien interdite en Belgique, plus aucune exception ne peut permettre de réintroduire ces substances interdites en droit européen.

Pour Julie Van Damme, Secrétaire générale de Nature & Progrès

« Le jeu des dérogations est malhonnête et dangereux. Il maintient une partie des agriculteurs dans l’illusion qu’il n’y a qu’une seule manière de faire. Il verrouille la possibilité de se tourner vers les alternatives à large échelle. Depuis des décennies, Nature & Progrès met en avant des pratiques agricoles viables sans recours à ces substances. »

Il faut remonter en 2018, lorsque la Commission européenne avait interdit 3 insecticides néonicotinoïdes afin de protéger les abeilles.[2] Le ministre de l’Agriculture de l’époque avait alors voté contre l’interdiction, craignant une levée de bouclier du secteur betteravier plutôt que de protéger nos pollinisateurs – et donc notre alimentation – et l’entomofaune. Aussitôt l’interdiction décidée au niveau européen, il avait annoncé qu’une dérogation serait donnée pour maintenir leur utilisation en betteraves. Les dérogations se sont alors succédées depuis 2018 (sauf en 2023).

En 2019, Nature & Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe et un apiculteur liégeois ont introduit un recours contre les dérogations accordées par le SPF Santé publique. Le 19 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne avait déjà confirmé que les dérogations nationales pour l’utilisation de pesticides interdits au niveau européen étaient illégales.[3]

Une partie tierce, la confédération belge des betteraviers, ainsi que la société SES Vanderhave, ont également été impliquées dans la procédure. La SES Vanderhave a tenté de préserver ses intérêts commerciaux en soutenant (à titre subsidiaire) que les dérogations ne devraient pas s’appliquer aux pratiques d’exportation des semences contenant ces pesticides, malgré leur haute toxicité et les risques pour les pays importateurs.

Le Conseil d’État a heureusement rejeté ces arguments et a confirmé que la santé et l’environnement sont prioritaires. Ce jugement a des répercussions à l’échelle de l’Union européenne en recadrant les pratiques de dérogations pour les pesticides.

Pour Antoine Bailleux, avocat des parties requérantes :

«  La Cour de justice avait déjà clairement affirmé qu’on ne peut pas se servir de prétendues circonstances exceptionnelles pour autoriser la mise sur le marché de semences enrobées de substances actives interdites au niveau européen. Le Conseil d’Etat enfonce aujourd’hui le clou en annulant des autorisations de ce type octroyées précédemment par la Belgique. Fait remarquable, cette annulation s’étend aussi aux exportations vers les pays tiers. »

Cette décision marque un tournant en marquant un « stop » aux services belges d’homologation des pesticides qui, à tour de dérogations, ont maintenu l’illusion qu’il y avait encore un avenir possible avec ces substances tueuses d’abeille.

Aujourd’hui, nous voyons la confirmation que l’avenir n’est pas dans les pesticides et nous encourageons les administrateurs et les utilisateurs à tourner le dos à ces poisons en les accompagnant dans la mise en place des alternatives.

Tout comme sur le plan juridique où Nature & Progrès et PAN ont tenu bons, notre association n’a jamais lâché la nécessité de soutenir la transition vers une agriculture biologique. C’est pourquoi, au-delà de le plaider, nous reconnaissons et mettons en valeur, celles et ceux qui depuis des décennies ont appris à faire autrement – sans chimie de synthèse mais – avec la nature. Nous documentons leurs pratiques pour une conversion progressive, pas après pas.

Les alternatives existent, nos agriculteurs bio le prouvent chaque jour !

 

 

[1] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257640.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257641.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257642.pdf , https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/257643.pdf

[2] Les néonicotinoïdes sont les substances qui ont la même action que la nicotine sur le système nerveux. Tout comme la nicotine, les néonicotinoïdes agissent dans le même sens que l’acétylcholine (ils sont donc ce qu’on appelle des agonistes) ; ils en bloquent les récepteurs, ce qui perturbe le fonctionnement du système nerveux. Systémiques, les néonicotinoïdes envahissent toutes les parties des plantes traitées, y compris les fleurs, les fruits et les graines. Mais ils ne portent pas atteinte qu’aux abeilles : tous les pollinisateurs sont concernés mais aussi pour les milieux aquatiques ainsi que pour certains vertébrés terrestres, notamment les oiseaux et petits mammifères granivores.

[3] https://www.pan-europe.info/press-releases/2023/01/eu-court-justice-no-more-derogations-use-bee-toxic-neonicotinoids

   

Saga glyphosate : un vendredi 13 avec une lueur d’espoir

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13 octobre 2023

Communiqué de presse

Aucune majorité qualifiée en faveur de la ré-approbation du glyphosate ne s’est dégagée

Le vote des Etats membres « Pour » ou « Contre » la proposition de la Commission de ré-approuver le glyphosate pour 10 ans était attendu ce 13 octobre. Comme en 2017, le sujet divisait fortement les Etats membres, et l’issue était incertaine. Fort heureusement, aucune majorité qualifiée en faveur ne s’est dégagée. Depuis le 6 octobre, l’abstention de la Belgique était connue faute de consensus, mais c’est le vote de la France qui allait faire pencher la balance.

Depuis le 1er septembre, Nature & Progrès a lancé une campagne auprès des citoyens belges, visant à les mobiliser sur le refus de la ré-approbation du glyphosate. Avec nous, ils ont interpellé le ministre de l’Agriculture tout d’abord et ensuite les membres du comité des ministres restreint réunis le 6 octobre dernier pour définir la position belge.

En effet, malgré un vote contre l’approbation du glyphosate en 2017 et un avis du Conseil supérieur de la santé belge en 2020 demandant à la Belgique d’amorcer la transition, pour une sortie du glyphosate en 2022,[1] le ministre de l’Agriculture indiquait que, conformément aux conclusions finales des agences européennes (EFSA, ECHA) et à la proposition de la Commission, rien ne s’opposait à la ré-approbation de l’herbicide, le plus utilisé au monde.[2]

David Clarinval ne semble pas tenir compte des arguments avancés par les citoyens

La réponse du Ministre aux courriers reçus des citoyens accusait à tort Nature & Progrès et ses sympathisants de « jeter l’opprobre sur le travail de la Commission européenne et de l’EFSA». [3] Or, tout au long de notre campagne et de notre interpellation du monde politique, il s’agissait uniquement de rappeler aux autorités l’importance de prendre en compte toute la littérature scientifique, et de ne pas se limiter aux conclusions de l’EFSA, en charge de l’évaluation des risques. L’EFSA du reste, a souligné qu’il restait des lacunes et des points non résolus au terme des études qu’elle avait analysées, principalement l’évaluation d’une des impuretés présente dans le glyphosate, l’évaluation des risques alimentaires pour les consommateurs et l’évaluation des risques pour les plantes aquatiques. [4]

« Avec ces lacunes identifiées par l’EFSA, la quantité d’études indépendantes des chercheurs ou des centres d’études concluant à la toxicité du glyphosate sur la santé et sur l’environnement, il appartient aux responsables politiques, chargés eux de la gestion des risques d’appliquer le principe de précaution, de privilégier la santé et l’environnement et de voter contre le renouvellement. » rappelle Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer et de campagne, Nature & Progrès

Une Europe divisée, pourtant il faut une majorité qualifiée

L’approbation actuelle vient à échéance le 15 décembre prochain, soit dans 62 jours. C’est peu et beaucoup à la fois, sachant que cela fait près de 3 ans que la procédure de ré-approbation a été enclenchée.

Le vote sur la ré-approbation du glyphosate, par les Etats membres réunis au sein du SCOPAFF doit recueillir une majorité qualifiée des voix, c’est-à-dire simultanément recueillir 55% des Etats membres, soit 15 sur 27, représentants au moins 65% de la population totale de l’UE. A défaut de majorité qualifiée Pour ou Contre, un second round est prévu en Comité d’Appel, et en absence d’accord, c’est la Commission elle-même qui statue, en solo. Une position délicate toutefois …

« L’absence de majorité qualifiée des Etats membres ce vendredi matin est une petite victoire. Une lueur d’espoir pour celles et ceux qui ne transigent pas avec la santé et l’environnement et qui, depuis des années se mobilisent, mais la bataille n’est pas finie. En 2017, l’approbation avait finalement été votée en Comité d’Appel. Encadrer la proposition de quelques conditionnalités, ou réduire la durée de l’approbation à 5 ou 7 ans au lieu de 10, sont des manœuvres que la Commission pourrait tenter en vue d’obtenir une majorité des Etats membres. », pour Virginie Pissoort

Le 6 octobre dernier, la Belgique réunie en Conseil des Ministres restreints, n’était pas parvenue à un consensus, et faute d’accord, elle s’est effectivement abstenue lors du vote européen de ce vendredi 13. S’y ajoutait celle annoncée de la Hollande. L’Allemagne densément peuplée et pesant fortement dans la balance avait également exprimé son désaccord sur la proposition de la Commission. L’Autriche et le Luxembourg avaient depuis le début de la procédure annoncé clairement qu’ils voteraient « contre ».  Mais, face aux votes favorables attendus des grands pays comme l’Espagne, l’Italie et la Pologne, c’est la position de la France qui allait s’avérer décisive.

La Commission Européenne, face à la réticence ou aux hésitations affichées entre autres de la France qui avait indiqué un certain nombre de conditions nécessaires, pour que le renouvellement du glyphosate soit possible, avait publié le 5 octobre dernier, une version revisitée de sa proposition. Elle y apportait quelques points d’attention supplémentaires dans le chef des Etats membres principalement pour limiter les impacts du glyphosate sur l’environnement, mais sans aucune contrainte légale de restriction d’usage du glyphosate.

Cette manœuvre de dernière minute de la Commission visant à rallier les Etats membres réticents n’aura pas suffi, mais elle présage de la prédisposition de la Commission à revoir sa copie et encadrer davantage le glyphosate, pourvu qu’il soit ré-approuvé. En 2017, les tergiversations avaient finalement abouti de justesse à une majorité qualifiée de 18 Etats membres représentant 65.7% de la population. Espérons que la justesse cette fois-ci ira dans le sens du «juste». Il en va de notre santé et de celle de la terre!

[1] www.health.belgium.be

[2] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2023/10/Clarinval-Renouvellement-glyphosate.pdf

[3] David Clarinval répond et ne semble pas tenir compte des arguments avancés par les citoyens – Nature & Progrès (natpro.be) et 20230926-Reponse-aux-lettres-recues-via-Nature-Progres-Glyphosate.pdf (natpro.be)

[4] Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance glyphosate – – 2023 – EFSA Journal – Wiley Online Library

La saga des néonicotinoïdes touche à sa fin

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05 octobre 2023

Communiqué de presse

Dernière audience au Conseil d’Etat: la saga des néonicotinoïdes touche à sa fin

Après l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE de janvier dernier, une ultime audience a lieu ce jeudi 5 octobre au Conseil d’Etat sur l’affaire des dérogations fournies par la Belgique pour l’utilisation de néonicotinoïdes en betteraves, pesticide hautement toxique pour les abeilles pourtant interdit en 2018 au niveau européen.

Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer chez Nature et Progrès indique: « Cette dernière audience annonce l’issue d’une procédure de 5 ans, pour que la Belgique respecte enfin la réglementation européenne en vigueur. En janvier dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne a confirmé notre interprétation, à savoir qu’un pesticide interdit en Europe ne peut recevoir de dérogation, contrairement aux pratiques courantes de l’administration belge ».

Il faut remonter en 2018, lorsque la Commission européenne avait proposé d’interdire 3 insecticides néonicotinoïdes afin de protéger les abeilles. Le Ministre de l’agriculture de l’époque avait alors voté contre l’interdiction, craignant les levées de bouclier du  secteur betteravier plutôt que de protéger nos pollinisateurs et l’entomofaune. Aussitôt l’interdiction décidée au niveau européen, il avait  annoncé qu’une dérogation serait donnée pour maintenir leur utilisation en betteraves. Et, c’est ce qui a été fait, les dérogations se sont même succédées en 2020 et 2021.

Nature et Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe et un apiculteur liégeois ont alors introduit un recours au Conseil d’Etat dès 2019 pour faire annuler cette pratique habituelle de la Belgique, à savoir de donner des dérogations pour un pesticide interdit en Europe. Un recours similaire a été introduit pour les dérogations ultérieures. La confédération belge des betteraviers ainsi que la société SES Vanderhave sont intervenues comme parties tierces dans cette procédure. Cette dernière pratique entre autres l’enrobage de semences avec des néonicotinoïdes qu’elle exporte vers des pays tiers, activité pour laquelle le SPF Santé publique lui a fourni régulièrement des dérogations.

Suite aux arguments soulevés par les associations, le Conseil d’Etat avait envoyé 5 questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’UE afin de préciser les limites du règlement européen sur les pesticides[1]. En janvier 2023, la Cour a conclu[2]  que fournir des dérogations nationales pour l’utilisation d’un pesticide interdit en droit européen pour protéger la santé humaine ou l’environnement était contraire à la loi.

Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe ajoute: « L’impact de notre action a mené à une petite révolution dans tous les pays de l’Union européenne: les insectes, la biodiversité et la santé humaine seront mieux protégés. Il revient maintenant au Conseil d’Etat d’appliquer l’arrêt de la Cour aux 3 recours intentés et d’annuler les dérogations abusives. Quant à l’administration, il lui appartiendra d’appliquer correctement le règlement européen sur les pesticides.

Virginie Pissoort de conclure: ‘Notre action devrait aussi permettre une interdiction de l’exportation de semences enrobées par des néonicotinoïdes vers des pays tiers : ces pratiques s’avérant d’un cynisme total: exporter hors de l’UE ce qui est interdit chez nous ! ».

Ce 5 octobre, après une dernière audience, portant entre autres sur l’exportation vers les pays tiers, l’affaire a été mise en délibération.

[1] En particulier l’article 53 du Règlement (UE) 1107/2009

[2] https://www.pan-europe.info/press-releases/2023/01/eu-court-justice-no-more-derogations-use-bee-toxic-neonicotinoids

   

David Clarinval répond et ne semble pas tenir compte des arguments avancés par les citoyens

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Le ministre David Clarinval répond de manière groupée aux près de 1000 lettres de citoyens

Durant le Salon Valériane, nous avons proposé aux visiteurs d’écrire une lettre au Ministre de l’agriculture, David Clarinval, lui demandant de s’opposer fermement à la réapprobation du glyphosate. Ces lettres ont été déposées le 13 septembre au cabinet du ministre. Le mardi 26 septembre, nous avons reçu une réponse de la part du ministre de l’agriculture, David Clarinval. Nous regrettons qu’il n’ait pas pris le temps de répondre individuellement aux citoyens. Nous faisons donc parvenir son courrier par cette voie, dans la mesure de nos capacités. 

Lire le courrier

Nous regrettons que le ministre n’ait aucun regard critique sur le travail de l’EFSA qui donne la priorité aux études de l’industrie et non aux études de scientifiques indépendants qui montrent une toxicité du glyphosate pour la santé humaine (génotoxicité, cancérogénicité) et pour l’environnement (aquatique notamment).

Nous tenons également à revenir sur ses propos : « Nature et Progrès jettent l’opprobre », que nous ne pouvons pas accepter … Nature & Progrès est une association de citoyens et de producteurs, qui, comme les citoyens, a toutes les raisons de s’inquiéter de voir cette substance active prolongée en Belgique, alors que depuis 2017, son prédécesseur – Denis Ducarme s’était prononcé CONTRE le glyphosate.

Nous déplorons que David Clarinval balaye d’un revers de la main les conclusions du Conseil Supérieur de la Santé belge qui, lui, prend en compte toutes les études disponibles (pas seulement celles de l’industrie) et qui depuis 2020 a demandé que la Belgique sorte du glyphosate.

 

Pour rappel, nous demandons au Ministre de l’agriculture David Clarinval de :

  • Voter contre la proposition de réapprobation du glyphosate soumise par la Commission européenne le 22 septembre dernier.
  • Donner la priorité à la santé publique et à la protection de l’environnement plutôt qu’aux intérêts commerciaux et de prendre fermement position contre le renouvellement du glyphosate afin de préserver le bien-être des citoyens et des écosystèmes, en respectant le principe de précaution et en assurant un avenir plus sûr aux générations futures. Cette ré approbation empêche le système agricole d’évoluer vers la libération de la dépendance aux pesticides.

 

Le 12 octobre prochain, la Belgique et les autres États membres de l’UE auront à se prononcer sur la proposition de réapprobation du glyphosate. La Commission a déposé le 20 septembre une nouvelle proposition de réapprobation pour 10 ans du glyphosate. Sur le fond, comme sur la forme, cette approbation est inacceptable…

La santé et l’environnement doivent primer. Nature & Progrès demande aux membres du gouvernement de tenir leurs engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe, et la promotion des alternatives non chimiques auprès des agriculteurs. Interpellez les ministres qui se réuniront le 6 octobre prochain, pour décider de la position de la Belgique. Vous pouvez contacter les ministres très facilement par e-mail sur la page suivante : https://www.natpro.be/campagnes/stop-au-glyphosate/

Une probable abstention de la Belgique sur le dossier glyphosate ?

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29 septembre 2023

Communiqué de presse

Les conseillers des cabinets des ministres ne parviennent pas à se mettre d’accord quant à la réapprobation du glyphosate. La Belgique s’oriente vers une abstention

Ce vendredi 29 septembre à 14h, les responsables agriculture des cabinets du premier ministre et des vice premiers ministres se sont retrouvés au cabinet Clarinval pour discuter de la position de la Belgique sur la proposition de la commission européenne de ré-approuver le glyphosate pour 10 ans.

Une proposition inacceptable quand on connait les études académiques indépendantes qui depuis des années démontrent la toxicité du glyphosate sur la santé[1] et l’environnement[2]. Mais celles-ci, pour des raisons de label ou de protocole, sont minimisées voire balayées par les autorités européennes, qui continuent à prôner le renouvellement du glyphosate. Reconnu pourtant comme probablement cancérigène[3] par des institutions indépendantes, comme le Centre International de Recherche sur le cancer (le CIRC), l’OMS ou l’INSERM en France, le glyphosate devrait être classé comme tel par les agences européennes, et de ce seul fait, interdit.

Malheureusement le caractère probablement cancérigène n’est que la pointe de l’iceberg.  Le caractère neurotoxique[4] du glyphosate avéré sur les animaux et les humains (Parkinson, autisme etc) n’est pas pris en compte par les autorités européennes qui n’ont pas exigé d’étude de neurotoxicité développementale dans le dossier de renouvellement. Enfin, une multitude d’études d’impact fait état des effets néfastes du glyphosate sur le microbiome, sur les espèces non ciblées, sur la biodiversité, sur l’eau et de façon générale sur l’environnement[5]. L’agence européenne de sécurité alimentaire (l’EFSA) et la Commission européenne en nient la portée. Au mieux, elles se contentent de recommander aux Etats membres, d’apporter une attention certaine des faiblesses identifiées (espèces non ciblées, pollution des eaux, effets sur les petits mammifères herbivores, etc … ), mais de stopper purement et simplement il n’en est pas question.

C’est là que le principe de précaution devrait s’imposer, permettre de faire la part des choses, et considérer que, face à un éventail d’études alarmantes et des recommandations du Conseil supérieur de la santé[6], notre gouvernement devrait assumer de voter « Contre » le renouvellement du glyphosate. Mais, du principe de précaution, le ministre Clarinval n’en a cure. Comme il l’a dit, en Commission Santé du Parlement fédéral le 20 septembre dernier « Suivant l’avis des experts de mon administration, vu le fait que l’évaluation scientifique montre qu’un usage sûr de la substance est possible, il n’est pas utile d’appliquer ici le principe de précaution.» [7]!

A l’issue de cette réunion préparatoire du conseil des ministres restreint ce vendredi 29 septembre, on apprend donc et c’était prévisible que le cabinet du Premier Ministre (Open VLD) et du Ministre Clarinval (MR) sont « pour » le renouvellement, en se basant sur les conclusions de l’EFSA sans considérer les autres études d’experts indépendants ou du secteur académique, les cabinets des ministres Groen, Verts, PS et Vooruit invoquent le principe de précaution et l’avis du Conseil Supérieur de la Santé pour voter « contre ». Le CD&V ne s’est pas encore prononcé. On se dirige donc, a priori, vers une abstention le vendredi 6 octobre prochain.

Des alternatives au glyphosate existent ![8]

Désolant ! Car la décision de la semaine prochaine est une occasion unique de tourner le dos au glyphosate, de mettre un coup d’accélérateur sur la recherche et le déploiement d’alternatives.

« En amont de cette réunion préparatoire, nous avons fait part aux différents vice-premiers ministres, de tous les arguments qui devraient peser dans la balance et des alternatives. Signer et continuer, comme le souhaitent certains partis de la majorité, c’est verrouiller le système actuel. Ce système qui sabote notre santé, notre environnement, et piège les agriculteurs.trices. Nous espérons maintenant que nos interpellations vont être prise en compte »

Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer et de campagne, Nature & Progrès

Depuis le 19 septembre dernier, l’association Nature & Progrès mène campagne pour sensibiliser les ministres fédéraux. Nous les informons ainsi des dangers liés au glyphosate et des alternatives qui existent. Nous proposons également aux citoyens qui le souhaitent de joindre leurs forces aux nôtres en envoyant un mail aux ministres belges.[9]

 

[1] https://stopglyphosate.eu/human-health/

[2] https://stopglyphosate.eu/impact-on-the-environment/

[3] https://stopglyphosate.eu/why-ban-glyphosate/carcinogenicity-and-genotoxicity/

[4] https://stopglyphosate.eu/why-ban-glyphosate/neurotoxicity/

[5] https://stopglyphosate.eu/impact-on-the-environment/

[6] 20200303_css-9561_glyphosate_vweb.pdf (belgium.be)

[7]

[8] https://www.natpro.be/une-agriculture-sans-glyphosate-le-quotidien-des-agriculteurs-bio/

[9] https://www.natpro.be/campagnes/stop-au-glyphosate/