Vente de pesticides PFAS en Belgique : L’administration révèle des chiffres en nette augmentation.

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20 mars 2025

Communiqué de presse

La semaine pour « les Alternatives aux Pesticides », du 20 au 30 mars, nous rappelle pourtant que les pesticides ne sont pas une fatalité.

Pour les 31 substances actives PFAS commercialisées en Belgique, les années 2022 et 2023 affichent une augmentation globale des ventes de plus de 20 % par rapport à 2021.[1] Malgré un consensus sur l’objectif de réduction de l’usage des pesticides chimiques et l’existence d’alternatives, particulièrement mises en avant à l’occasion de la Semaine pour « les Alternatives aux pesticides » du 20 au 30 mars, l’usage de pesticides PFAS, persistants pour notre environnement et risqués pour notre santé, continue de se répandre.

Initiée en France en 2006, la Semaine pour les Alternatives aux Pesticides a lieu chaque année du 20 au 30 mars.[2]. Ces dates sont symboliques, car elles correspondent aux dix premiers jours du printemps, marquant le retour des oiseaux et du beau temps, mais aussi celui des épandages dans les champs. En Belgique aussi, cette période est une occasion de montrer et de démontrer que les pesticides ne sont pas une fatalité et qu’il est possible de s’en passer. Nature & Progrès et ses membres – agriculteurs et agricultrices, consommateurs et consommatrices – l’ont bien compris et s’emploient depuis des décennies à prouver la réalité et la faisabilité d’une agriculture sans pesticides de synthèse, notamment à travers : le projet « Vers une Wallonie sans pesticides »[3], le film « intensif, ces agriculteurs, alliés de la terre »[4], le podcast « Les éclaireurs invisibles »[5], etc.

Mais les freins à l’essor de ces alternatives sont nombreux et, in fine, davantage politiques ou réglementaires que véritablement techniques ou agronomiques. Parmi les principaux obstacles figure l’autorisation et la commercialisation des produits phytopharmaceutiques (PPP). Parmi ces PPP, les pesticides PFAS ont pénétré le marché depuis le début du XXIᵉ siècle. Présentant des propriétés hydrophobes (hydrofuges) et lipophobes (répulsives aux graisses), ces herbicides, insecticides et fongicides bénéficient d’une stabilité renforcée, ce qui leur a permis de gravir les échelons dans l’arsenal des intrants chimiques à disposition du monde agricole.

Alors que, dans notre première étude exploratoire sur les pesticides PFAS en 2023, intitulée « Récolte toxique »[6], nous relevions une augmentation de 20 % des ventes de pesticides PFAS en une dizaine d’années, avec plus de 220 tonnes de substances actives vendues en 2021, les chiffres récemment révélés par l’administration pour les années 2022 et 2023 font état de plus de 270 tonnes en 2022. Cela représente une hausse de plus de 22 % en une seule année, tendance qui s’est maintenue en 2023.

« Depuis 15 ans, la Belgique met en place des plans de réduction de l’utilisation des pesticides (NAPAN, PWRP, etc.)[7]. Malgré cela, les ventes des produits les plus persistants dans l’environnement continuent d’augmenter. C’est aberrant ! La Belgique doit faire preuve de plus d’ambition et placer en priorité la protection de la santé et de l’environnement !»  souligne Virginie Pissoort, responsable plaidoyer chez Nature & Progrès.

La grande majorité des pesticides PFAS (c’est-à-dire les pesticides contenant au moins un atome de carbone entièrement fluoré), et probablement tous, se décomposeraient en TFA (acide trifluoroacétique). Les taux de contamination de notre environnement par le TFA, en particulier ceux de nos eaux, ne cessent d’augmenter. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’à ce jour, il n’existe aucune certitude quant à son élimination.[8] Au mieux, le TFA présent dans l’eau pourrait être neutralisé par osmose inverse, un procédé extrêmement coûteux, rendant sa généralisation peu envisageable.

Quant aux effets des pesticides PFAS et de leur métabolite commun, le TFA, sur la santé[9], ils restent mal connus et ont fait l’objet de trop peu d’investigations jusqu’à présent. Cependant, les études existantes suggèrent des risques similaires à ceux des PFAS à chaîne longue, notamment des perturbations endocriniennes, une reprotoxicité, des lésions hépatiques ou encore des maladies thyroïdiennes. D’ailleurs, les pesticides PFAS les plus commercialisés sont classés parmi les Candidats à la Substitution, une catégorie regroupant des pesticides reconnus pour leur haute toxicité.

Nature & Progrès ne peut que dénoncer la hausse continue de l’utilisation des pesticides PFAS. Il est donc urgent de stopper en amont leur vente et leur utilisation, et de mettre enfin les alternatives aux pesticides de synthèse au premier plan.

« La plupart des agriculteurs sont pris dans un entonnoir, un système de dépendance aux intrants chimiques en amont et de circuits de commercialisation qui leur échappent en aval. Les pouvoirs publics doivent encourager les pratiques agricoles sans produits chimiques, développer les filières, garantir un marché et mettre les agriculteurs en confiance afin qu’ils puissent s’affranchir des pesticides. Il en va de notre santé, de la leur, et de notre environnement aussi. » conclut Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer pour Nature & Progrès

[1] Données de vente | Phytoweb

[2] Semaine pour les alternatives aux pesticides – Du 20 au 30 mars 2025

[3] Wallonie sans pesticides – Nature & Progrès

[4] Intensifs, ces agriculteurs alliés de la terre : un documentaire à voir en exclusivité sur Auvio – Auvio

[5] Podcast – Nature & Progrès

[6] recolte-toxique-pfas-etude.pdf

[7] NAPAN, Nationale Actie Plan Action National Nationaal Actie Plan d’Action National (NAPAN) | Phytoweb, PWRP, Programme wallon de réduction des pesticides, Programme Wallon de Réduction des Pesticides | Région Wallonne

[8] Nature & Progrès réagit aux nouvelles informations sur la présence du TFA dans l’eau potable en Wallonie – Nature & Progrès

[9] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2025/01/3.-SSMG-Impacts_PesticidesPFAS_Sante.pdf

L’Europe vote enfin l’interdiction d’un pesticide PFAS : le Flufenacet sur la touche. Un pas dans la bonne direction.

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13 mars 2025

Communiqué de presse

Ces 11 et 12 mars, les Etats membres de l’Union européenne se sont réunis et ont voté l’interdiction du Flufénacet, un pesticide PFAS, largement utilisé depuis 2004 en Belgique et en Europe qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA) et qui a récemment été reconnu comme « perturbateur endocrinien ». Les Etats membres ont pris leur responsabilité en décidant l’interdiction de cette substance. L’interdiction du flutolanil, également sur la table, n’a malheureusement pas recueilli la même majorité.

Parce que c’est un perturbateur endocrinien reconnu comme tel par l’EFSA depuis l’été 2024, et qu’il se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA) dans des proportions inquiétantes pour la préservation de nos ressources en eau, l’herbicide flufénacet vient d’être interdit en Europe. Ce vote des Etats membres[1] , attendu déjà en décembre 2024, mais postposé pour des raisons de formalité administrative, est une décision dont on peut se réjouir.

« C’est une belle victoire pour la protection de la santé et de l’environnement, nos ressources en eau en particulier.  Nous savons que la Belgique a soutenu cette interdiction et nous nous en félicitons même s’il eut été difficilement admissible d’en décider autrement. Le caractère de « perturbateur endocrinien est ce qu’on appelle un critère cut-off, qui ne laisse aucune latitude ou marge d’appréciation. C’est un signal aussi et nous l’espérons un premier domino qui tombe … » déclare Virginie Pissoort, responsable plaidoyer chez Nature & Progrès.

Il est reconnu que les PFAS à chaîne longue sont des perturbateurs endocriniens.  . Leur toxicité est, au mieux, modérée.[2] Aucune étude ne permettait de croire que les PFAS à chaîne courte (-CF3), qui constituent les 33 autres substances actives pesticides PFAS encore approuvées en Europe, y échappent. L’étude du caractère de « perturbation endocrinienne » des pesticides n’est à proprement parler obligatoire dans le cadre de la réglementation européenne sur les produits phytopharmaceutiques, que depuis 2018. Plusieurs substances actives sont à ce jour à l’étude et cela peut prendre des années. Pour le flufenacet, il est aujourd’hui avéré que c’est un perturbateur endocrinien. Demain très probablement également de nouvelles analyses aboutiront aux mêmes conclusions pour les autres pesticides PFAS pulvérisés sur nos champs et nos aliments.

Par ailleurs, la dégradation des pesticides PFAS en acide trifluoroacétique est une autre raison de mettre fin à ces substances. Les taux de contamination des eaux sont extrêmement préoccupants. Les rapports de PAN Europe et de ses membres, dont Nature et Progrès en 2024, l’ont révélé.[3]

Le fultolanil, un fongicide, largement utilisé en pommes de terre était également sur la table des Etats membres à cette réunion, précisément pour sa dégradation reconnue en acide trifluoroacétique. Malheureusement, l’interdiction proposée par la Commission n’a pas reçu l’adhésion des Etats Membres. La position de la Belgique sur ce dossier ne nous a pas été révélée.

D’ores et déjà, la sortie du flufénacet n’est pas sans importance pour l’agriculture et les agriculteurs. En Belgique, pas moins de 78.000 kilos de flufénacet étaient encore été commercialisé en 2023 (dernière donnée connue) et ce chiffre représente une hausse de 20% en une dizaine d’années. En France, Bayer aurait déjà annoncé de nouveaux herbicides, à base entre autres de dilfufenican, un autre herbicide PFAS.[4] Ceci n’est pas la solution, et démontre bien que l’approche substance par substance dans le cadre de la réglementation sur les pesticides est insatisfaisante à protéger notre santé et notre environnement.

« Face à la créativité et les innovations de l’industrie, Nature & Progrès préconise une interdiction généralisée de tous les pesticides PFAS, parce qu’ils sont toxiques pour notre environnement et plus que probablement pour notre santé, ces substances doivent être interdites dans les meilleurs délais. En juillet dernier, une proposition de loi interdisant la mise sur les marché et l’exportation des pesticides PFAS avait été déposée à la Chambre.[5] Nous ne pouvons que soutenir cette proposition, aujourd’hui dans les tiroirs. »

L’agriculture belge doit se tourner vers des solutions alternatives qui protègent réellement et durablement l’environnement, la santé et les agriculteurs. L’agriculture sans polluants chimiques doit devenir une priorité dans le cadre de toutes les politiques publiques concernées. Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse existent, nos agriculteurs bio le prouvent tous les jours.[6]

 

[1] cdf19932-5774-4925-a901-4d1134bf6f07_en

[2] Mokra, K. (2021), Endocrine disruptor potential of short-and longchain perfluoroalkyl substances (PFASs). A synthesis of current knowledge with proposal of molecular mechanism. International Journal of Molecular Sciences, 22(4), 2148.

[3] PFAS – Nature & Progrès

[4] Un nouvel herbicide céréales pour l’automne 2026

[5] La Chambre des représentants de Belgique

[6] https://www.natpro.be/wallonie-sans-pesticides/

Un tournant dans l’histoire des pesticides PFAS : flufénacet, flutolanil ; aujourd’hui autorisés, demain interdits ?

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3 décembre 2024

Communiqué de presse

Ces 4 et 5 décembre, les Etats membres de l’Union européenne décideront du sort du flufénacet, un pesticide PFAS, largement utilisé depuis 2004, qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA). Classé récemment comme « perturbateur endocrinien » et présentant un risque élevé de contamination des eaux à l’acide trifluoroacétique (TFA), la Commission européenne (CE) prend ses responsabilités et propose le non-renouvellement de cet herbicide dont les ventes ont atteint 63 000 kilos rien qu’en 2021 en Belgique. Cette dernière a indiqué qu’elle suivra la CE. Le flutolanil, fongicide utilisé notamment pour les pommes de terre et également émetteur de TFA, devrait connaitre la même destinée.

La pollution des eaux de surface et des eaux potables, y compris les eaux minérales, par le TFA est dénoncée par PAN Europe et ses membres, dont Nature et Progrès, depuis plusieurs mois.[1] En Wallonie, les analyses de la Société wallonne des eaux (SWDE) faisant suite à ces rapports montrent des concentrations moyennes de TFA allant de 500 à 1 500 nanogrammes/litre. En Flandre, les niveaux sont encore plus préoccupants : selon les données récentes de la VRT, certaines eaux potables atteignent jusqu’à 9 000 nanogrammes/litre. [2]

Le TFA, un métabolite extrêmement persistant des PFAS, serait principalement issu des pesticides PFAS dans les zones rurales, selon plusieurs études scientifiques[3] et l’Agence allemande pour l’environnement (UBA). Actuellement, 37 substances actives PFAS sont autorisées en Europe, dont le flufénacet et le flutolanil sur l’avenir desquels les Etats membres devront se prononcer demain. Toutes ces substances se décomposeraient en ce métabolite dénommé TFA. À ce jour, seule l’osmose inverse permet de neutraliser le TFA. Alors que les sociétés de distribution d’eau potable risquent de devoir faire face à des investissements exorbitants, in fine à la charge du contribuable, pour maintenir les taux de TFA en dessous des seuils acceptables ; les entreprises d’eau minérale, elles, ne disposent d’aucune alternative pour faire baisser le niveau de TFA dans leur eau.

Or, elles ne sont pas épargnées. A ce titre, la concentration impressionnante de TFA dans les eaux de Villers, révélée aujourd’hui par PAN-Europe, [4] à proximité de zones agricoles a de quoi interpeller. Les agriculteurs et les producteurs d’eau minérale subissent finalement les conséquences de l’industrie à la source de ces polluants. Les autorités qui  ont, jusqu’ici, autorisé la dissémination, en négligeant entre autres, de se soucier de ce métabolite ont la responsabilité de légiférer urgemment.  

Mais cela pourrait évoluer. D’éminents scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur la menace de l’accumulation irréversible de TFA dans l’environnement. Ils soulignent la nécessité de « mesures contraignantes » pour réduire les émissions de TFA [5]. Récemment, l’Allemagne, pour donner suite à une étude produite par Bayer révélant le caractère reprotoxique du TFA, a demandé de classifier le TFA comme Reprotoxique de catégorie 1B, conformément au Règlement EC n°1273/2008 [6], faisant du TFA un « métabolite pertinent », écrit la CE dans sa proposition de non-renouvellement du flufénacet. Une telle classification pourrait être lourde de répercussion pour l’avenir de tous les pesticides PFAS.

Pour Salomé Roynel, responsable politique chez PAN Europe : « L’interdiction proposée par la CE d’interdire les deux pesticides PFAS que sont le flufénacet et le flutolanil est légalement requise.» PAN appelle tous les États membres à « suivre la loi et la science, en donnant la priorité à la protection de la santé humaine et de l’environnement et à adopter rapidement ces interdictions. »

De source sûre, la Belgique a confirmé qu’elle soutiendrait la position de la CE sur le non-renouvellement du flufénacet[7], dont le caractère de « perturbateur endocrinien » et « les risques de contamination des eaux souterraines au TFA sont élevés ». Il devrait en être de même du flutolanil, même si, dans ce cas, c’est l’absence d’étude finalisée sur les risques pour le consommateur liés à la présence de TFA dans les cultures agricoles qui est invoquée à la source de la proposition de non-renouvellement. [8]

Pour Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer : « Dès lors que la CE propose un non-renouvellement de la substance, nous n’en attendions pas moins de la part de la Belgique. La Commission semble enfin prendre le TFA en main, ce qui constitue une étape majeure dans la bataille contre les pesticides PFAS. Mais même si le flufénacet était interdit demain, après avoir été autorisé pendant 20 ans, ce revirement démontre bien que les règles d’autorisation des pesticides ne sont pas fiables. Ce n’est pas parce qu’un pesticide est aujourd’hui légalement mis sur le marché qu’on peut en conclure qu’il n’est pas nocif ou toxique. »

Toutes les analyses de résidus de pesticides, qu’elles soient effectuées dans l’air, [9] dans les chambres à coucher [10]  ou sur les personnes elles-mêmes[11] révèlent la présence de pesticides autrefois autorisés et maintenant interdits : ainsi, l’imidaclopride, le malathion ou l’atrazine, continuent de contaminer nos environnements, même après leur interdiction. 

« Il est temps que la Belgique mette toute son énergie à encourager des modes de production agricole qui se passent de polluants chimiques et qui cochent toutes les cases des défis de notre société : santé publique, biodiversité, eau, environnement, lutte contre les changements climatiques, emploi en milieu rural, etc. », conclut Julie Van Damme, secrétaire générale de Nature et Progrès.

Une agriculture sans polluants chimiques doit devenir une priorité pour protéger notre santé et celle de la Terre.

[1] PFAS – Nature & Progrès

[2] Kleinste soort PFAS duikt op in Vlaams drinkwater: « Lozingen door industrie en pesticiden moeten teruggedrongen worden » | VRT NWS: nieuws

[3] Pesticides can be a substantial source of trifluoroacetate (TFA) to water resources

[4] PAN Europe

[5]  The Global Threat from the Irreversible Accumulation of Trifluoroacetic Acid (TFA), Hans Peter Arp et al, Octobre 30, 2024

[7] EU Commission proposal to ban Flufenacet

[8] Review report on Flutolanil

[9] EXPOPESTEN – ISSeP

[10] Onderzoek in slaapkamers vindt cocktail van 21 pesticiden, Tytgat ziet “geen risico’s voor gezondheid” | VILT vzw

[11] BMH-Wal – ISSeP

Nature & Progrès réagit aux nouvelles informations sur la présence du TFA dans l’eau potable en Wallonie

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17 octobre 2024

Communiqué de presse

Nature & Progrès exprime sa profonde préoccupation face aux chiffres révélés[1] et à la communication sur la présence généralisée d’acide trifluoroacétique (TFA) dans l’eau potable en Wallonie, un métabolite des pesticides PFAS. La détection de cette molécule persistante dans des concentrations importantes des eaux de distribution confirme les données de notre étude exploratoire « TFA, un polluant éternel dans l’eau que nous buvons »[2]. Elle soulève de graves questions quant à la sécurité de notre eau et la gestion des « polluants éternels » comme les PFAS.

Le TFA, un sous-produit des pesticides PFAS et des gaz fluorés, est particulièrement problématique en raison de sa persistance extrême et de sa capacité à se déplacer facilement dans l’environnement. La première source de ce TFA en région rurale, comme à Philippeville où les plus hautes concentrations ont été trouvées, proviendrait des pesticides PFAS. Vingt-huit substances actives sont à l’origine de cette pollution et se retrouvent dans plus de 200 produits commercialisés en Belgique : herbicides, fongicides, insecticides, tout y passe. Bien que la toxicité du TFA soit encore mal connue, certaines études révèlent déjà des effets potentiels sur le foie et le système immunitaire, similaires à ceux observés avec d’autres PFAS à chaîne longue. Contrairement à ce que certains chiffres officiels pourraient laisser croire, la probabilité que le TFA soit toxique pour les mammifères ne doit pas être sous-estimée : l’Allemagne a d’ailleurs demandé à l’échelle européenne de classer le TFA comme reprotoxique, à la suite d’une étude communiquée par Bayer révélant des malformations sur les fœtus de lapins exposés au TFA.

L’été dernier, suite aux études publiées par Nature et Progrès et PAN Europe sur la présence de TFA dans les eaux, la région wallonne avait mandaté la SWDE pour réaliser un monitoring exhaustif sur la présence de TFA dans l’eau potable. Les résultats révélés par le ministre wallon de l’Environnement, Yves Coppieters, indiquent des concentrations atteignant jusqu’à 3100 ng/L à Philippeville, bien au-delà de la valeur guide de 2200 ng/L proposée par le conseil scientifique indépendant, sur la base de l’institut néerlandais pour la santé publique et l’environnement, RIVM. Bien que cette valeur ne remette pas immédiatement en cause la potabilité de l’eau, elle souligne la nécessité d’un suivi rigoureux, mais surtout de mesures correctives urgentes, pour stopper la pollution en amont.

« Ces niveaux de TFA dans l’eau sont d’autant plus inquiétants que l’utilisation des polluants à l’origine du TFA est en augmentation, comme l’a révélé notre étude « Récolte toxique[3] ». C’est particulièrement le cas des pesticides PFAS dont les ventes ont augmenté ces dernières années, pour atteindre 220 tonnes en 2021. Les niveaux actuels de pollution de nos eaux au TFA sont donc appelés à encore augmenter à l’avenir, si rien n’est entrepris pour faire cesser les sources de contamination. ». Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer, Nature & Progrès.

Face à la difficulté de traiter le TFA par les méthodes classiques comme les filtres à charbon actif, seule l’osmose inverse permet à ce jour de stocker ce polluant, une solution qui reste coûteuse et difficilement généralisable. Nous refusons que les coûts de cette dépollution soient répercutés sur les consommateurs. Conformément au principe du « pollueur-payeur », les industries responsables de la mise sur le marché de ces substances doivent prendre leurs responsabilités et contribuer au financement des mesures correctives.

Au vu de l’ampleur de la contamination, nous demandons une action immédiate des autorités publiques. Conformément à la Déclaration de politique régionale (DPR), où le ministre Yves Coppieters se veut ambitieux en termes de lutte contre les PFAS, nous l’enjoignons, au titre de ses compétences et du respect du principe de précaution, à interdire le plus rapidement possible l’utilisation de tous les pesticides PFAS, générateurs de TFA (flufénacet, diflufénican, fluopicolide, etc.) ainsi que les gaz fluorés. Au niveau fédéral, nous demandons une révision et une interdiction de toutes les autorisations de ces produits. La santé de nos concitoyens et la préservation de nos ressources en eau en dépendent.

En parallèle, nous appelons à un accompagnement des agriculteurs pour les aider à se détourner de ces produits dangereux et à adopter des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement.

[1]http://environnement.wallonie.be/cgi/dgrne/plateforme_dgrne/news/visiteur/displaynews.cfm?idnews=695&langue=FR

[2] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2024/07/tfa-juillet-2024-v4.pdf

[3] https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2024/03/recolte-toxique-pfas-etude.pdf

TFA, le polluant éternel dans l’eau que nous buvons.

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10 juillet 2024

Communiqué de presse

En mai 2024, Nature & Progrès, PAN Europe et d’autres organisations européennes, avaient sorti un rapport visant à alerter les autorités publiques sur une pollution chimique, jusqu’ici largement invisibilisée malgré sa présence généralisée : celle du TFA «TFA dans l’eau. Révélations exclusives sur une pollution ignorée». Ce 10 juillet, un nouveau rapport parait sur la présence du TFA dans l’eau que nous buvons. Les résultats de notre enquête ne sont pas rassurants. Nous demandons une interdiction rapide des sources de pollution, particulièrement les pesticides PFAS et les gaz fluorés.

Le TFA (l’acide trifluoroacétique) est un des principaux produits de dégradation des pesticides PFAS[1] et des gaz fluorés.[2] PFAS à chaine ultra courte, il n’en reste pas moins (par sa structure d’atome de carbone entièrement fluoré) extrêmement persistant dans l’environnement et très mobile. Négligé par les autorités publiques européennes, ses effets sur la santé publique sont encore largement méconnus. Cependant, les rares études toxicologiques laissent apparaitre des risques sanitaires comparables aux autres PFAS de structure similaire, comme le PFOA (malformation des fœtus -reprotoxicité et problèmes hépatiques), à des concentrations toutefois bien plus importantes[3].

Selon Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer pour l’ASBL Nature & Progrès, « Ce polluant émergent n’est pas nouveau, il a simplement été ignoré, tant dans le cadre de la réglementation européenne sur les pesticides chimiques de synthèse, alors qu’il s’agit d’un métabolite de pesticides, qui aurait dû être classé comme « pertinent » et à ce titre plafonné à 100 nanogrammes/L, que dans le cadre de la réglementation européenne sur l’eau. Résultat des courses, aujourd’hui, aucune limite claire et contraignante sur la présence du TFA dans nos eaux, n’existe à l’échelle européenne ».

Dans le cadre de la révision de la directive sur les eaux destinées à la consommation humaine, une limite réglementaire de 500 nanogrammes pour le « Total PFAS »[4] est proposée à partir de janvier 2026[5]. Ce plafond a été repris dans les trois régions, en Belgique. Mais, les résultats d’analyse des 55 échantillons d’eau potable, dont 36 échantillons d’eau du robinet, montrent que ce plafond « Total PFAS » est dépassé pour près de la moitié des eaux du robinet par le seul TFA.  On a observé une contamination des eaux potable au TFA allant jusqu’à 4100 nanogrammes/L, avec une moyenne de 740 ng/ L.

En Belgique, les deux seuls échantillons d’eau potable réalisés par nos soins dans le cadre de cette étude ont révélé des teneurs de 1100 et 320 ng/L. Ces résultats sont à mettre en perspective par rapport à d’autres sources d’information. Ainsi, à Bruxelles, selon la société Vivaqua, les analyses afficheraient des taux de 500 à 1500 ng/L, selon les points de captage et les dates. Les analyses chez nos voisins des Pays Bas pointent des valeurs entre 1200 et 1600 ng/L selon le rapport officiel néerlandais de 2022 sur la qualité de l’eau. En région wallonne, la SWDE a été chargée le 6 juin 2024 de coordonner un monitoring du TFA dans les eaux destinées à la consommation humaine de l’ensemble du territoire wallon.  Les résultats officiels sont attendus à la rentrée.

Par ailleurs, comme le montre notre rapport, un basculement vers la consommation d’eau en bouteille ne permet pas de s’assurer de l’absence de toute contamination. En effet, l’analyse des 19 eaux en bouteille révèle une contamination de 63% des eaux minérales et de source, même si la contamination moyenne affiche 278 ng/L.

Selon l’éminent institut des Pays Bas, le RIVM, qui s’est penché sur le TFA, une valeur maximale de 2200 ng/ L dans l’eau potable, pour le seul TFA, serait acceptable. A ce jour, dès lors les niveaux de contamination observés seraient, dans l’ensemble, encore contenus dans les marges de sécurité. Mais qu’en sera-t-il demain, sachant que les ventes de pesticides PFAS augmentent[6]?

Nous appelons à une réponse politique et globale rapide, pour garantir que nos eaux restent saines pour l’avenir. Cela implique au premier rang, l’arrêt en amont des sources de pollution au TFA de nos eaux, soit l’interdiction des pesticides PFAS et des gaz fluorés.

« Parmi les mesures sollicitées, dont un arrêt planifié et rapide des sources de contamination, nous demandons également une orientation des politiques publiques pour que les agriculteurs puissent se détourner du recours à ces pesticides PFAS. Également, conformément au principe du pollueur payeur, nous demandons que les distributeurs d’eau, et donc in fine donc, les consommateurs ne supportent pas la charge de la pollution et que les industries qui ont mis ces produits polluants sur le marché assument leur part de responsabilité. »

[1] Les pesticides qui contiennent des substances alkyls per- et polyfluorées (PFAS)

[2] Selon l’agence allemande (UBA), les pesticides chimiques seraient la principale source de pollution de l’eau en zone rurale. Viennent ensuite les gaz fluorés (que l’on retrouve dans l’eau de pluie), les stations d’épuration d’eau et la contamination industrielle, Trifluoracetat (TFA): Grundlagen für eine effektive Minimierung schaffen – Räumliche Analyse der Eintragspfade in den Wasserkreislauf | Umweltbundesamt

[3] Registration Dossier – ECHA (europa.eu)

[4] Le paramètre intitulé « PFAS (total) »,  vise à intégrer l’ensemble des PFAS mesurables dans l’eau.

[5] Directive – 2020/2184 – EN – EUR-Lex (europa.eu)

[6] Les ventes de pesticides PFAS, dont le top 3 en Belgique sont le flufenacet, le fluazinam, et le diflufenican, sont en augmentation sur la période de 2011-2021 de 20%. Rien que pour le flufenacet, 63 tonnes ont été vendues en 2021.  recolte-toxique-pfas-etude.pdf (natpro.be)

 

LIRE L’ETUDE

Contamination généralisée de l’eau par le TFA, un « produit de dégradation à vie » non réglementé des pesticides PFAS

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27 mai 2024

Communiqué de presse

Suite à une étude européenne sur la présence alarmante des métabolites de PFAS dans les eaux, Nature & Progrès et Pesticide Action Network Europe demandent une action politique rapide et efficace pour stopper cette pollution chimique délibérément passée inaperçue.

Une étude exploratoire conjointe de 23 échantillons d’eau de surface et de six échantillons d’eau souterraine provenant de dix pays de l’UE, menée par des organisations membres du Réseau européen PAN Europe (Pesticides Action Network) dont Nature & Progrès Belgique a révélé des niveaux alarmants de TFA (acide trifluoroacétique), un « produit chimique éternel » peu connu et largement non réglementé. Le TFA est un produit de dégradation connu des pesticides PFAS, des gaz F et d’autres produits chimiques à vie (PFAS). Les concentrations trouvées dans les échantillons d’eau sont en moyenne de 1 180 nanogrammes par litre (ng/l). Ce chiffre est 70 fois plus élevé que la concentration moyenne de tous les autres PFAS examinés combinés (17,5 ng/l), y compris les PFAS bien connus qui constituent des points d’attention tels que l’APFO et le PFOS.  En Belgique, l’échantillon prélevé dans la Mehaigne, une rivière wallonne qui sillonne le plateau de la Hesbaye, affiche même un taux de 2500 ng/l.

 « Cette contamination généralisée, qui n’est pas liée à des hauts lieux de l’industrie et donc à une pollution qu’on a souvent qualifiée de localisée, est extrêmement préoccupante. La Mehaigne, en Wallonie, sillonne une région à forte densité agricole, loin des hauts lieux de l’industrie chimique ou pharmaceutique. Or, parmi les 23 échantillons européens, c’est la troisième rivière la plus contaminée au TFA.» Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer pour Nature & Progrès.

Double échec des autorités et de la politique

À notre connaissance, la plupart des 27 pays de l’UE ne surveillent pas aujourd’hui officiellement les niveaux de TFA dans les eaux de surface, c’est en tous cas, la situation de la Wallonie/Belgique. Certains pays se sont penchés sur le TFA. L’agence allemande de l’environnement UBA a récemment identifié les pesticides PFAS comme une source majeure probable de contamination de l’eau par le TFA.

La réglementation européenne sur les pesticides exige que les pesticides ne soient approuvés que si leurs substances actives et leurs « métabolites pertinents » (= produits de dégradation) ne dépassent pas des concentrations de 100 nanogrammes par litre (ng/l) dans les eaux souterraines. Le fait que tous les échantillons d’eau dépassent largement cette limite, alors que les pesticides à base de PFAS restent approuvés, remonte à une décision fatale prise par l’Europe il y a plus de 20 ans. En 2003, l’agence a conclu que le TFA était considéré comme un « métabolite non pertinent », l’exemptant ainsi de toute obligation de surveillance et de toute limite.

« Cette décision désastreuse de négliger la contamination des eaux souterraines par le TFA a permis aux fabricants de commercialiser les pesticides PFAS et a jeté les bases de ce qui est sans doute la contamination la plus importante et la plus envahissante des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme dans l’histoire », déclare Salomé Roynel, chargée de mission à PAN Europe.

Cependant, la directive-cadre sur l’eau de l’UE aurait également dû empêcher cette contamination. Elle interdit notamment la pollution chimique des eaux par des composés organiques halogénés, dont fait partie le TFA (et tous les autres PFAS). L’article 4 demande explicitement aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour inverser les augmentations significatives et durables des concentrations de polluants résultant des activités humaines. Les résultats des tests montrent clairement l’incapacité des autorités et des responsables politiques à mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau pour protéger l’environnement et les citoyens. Ces « mesures nécessaires » exigées par la loi auraient sans aucun doute dû inclure une interdiction des pesticides PFAS et d’un autre groupe de PFAS, les « gaz F », qui pénètrent dans l’atmosphère par milliers de tonnes à partir des réfrigérants industriels et qui entrent ensuite dans le cycle mondial de l’eau sous forme de TFA par l’intermédiaire de la pluie.

Bien que le TFA soit le produit terminal persistant d’environ 2 000 composés PFAS, il existe peu de recherches sur sa toxicité pour l’environnement et l’homme. Cela s’explique également par le fait que l’industrie productrice de PFAS s’est donné beaucoup de mal pour présenter le TFA comme une petite molécule inoffensive dont le danger ne devrait pas être comparé à celui d’autres PFAS plus importants. Pour le Dr Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures (France):  « Cependant, ce discours a récemment été fortement ébranlé, ironiquement par une étude commandée par l’industrie elle-même, dans laquelle le TFA a provoqué de graves malformations oculaires chez des bébés lapins. Ces dernières années, les autorités européennes et américaines ont révisé à plusieurs reprises leurs évaluations de la toxicité de certains PFAS relativement bien étudiés et ont fixé des limites de l’ordre du nanogramme à un chiffre. Nous ne pouvons qu’espérer que le TFA ne s’avérera pas aussi toxique en fin de compte ».

L’Office fédéral allemand des produits chimiques a récemment informé l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de son intention de proposer d’établir un lien entre le TFA et la toxicité pour la reproduction.

« Il est plus que temps d’agir à la hauteur de la contamination. La dépollution de l’eau aux PFAS aura un coût énorme. L’étendue de la contamination détectée par le TFA nécessite une action rapide et décisive, à commencer par une interdiction rapide des pesticides PFAS. Nous réclamons aussi la mise en œuvre rapide de la restriction générale des PFAS dans le cadre du règlement REACH sur les produits chimiques, et la classification systématique du TFA en tant que « substance dangereuse prioritaire » dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau », revendique Virginie Pissoort de Nature & Progrès.

 

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