Quel état de santé pour notre agriculture wallonne ?

Comment se porte l’agriculture en Wallonie ?

Nous vous proposons ci-dessous quelques chiffres et constats pour lancer la réflexion.


EN RESUME

Par rapport à 1990, il y a 20 ans, la Wallonie compte 2 x moins de fermes (et 2 x moins de fermiers), des fermes 2 x plus grandes (surfaces, élevages) qui vont vers une spécialisation et une intensification.

L’accès à la terre agricole est difficile. La location, concernant 2/3 des terres agricoles, est régie par le bail à ferme, très restrictif, qui limite la mise à disposition des terres.De plus, le prix des terres augmente notamment à cause de la spéculation et du développement d’autres usages non-agricoles.

Le revenu des fermiers est très disparate, plus d’un agriculteur sur 10 est en faillite (revenu < 0 €), un sur trois ont un revenu inférieur à 10.000 €, tandis que 14,2 % des fermes ont un revenu supérieur à 50.000 euros (dont 5,8 % supérieur à 75.000 euros).

L’impact de l’agriculture sur l’environnement (pesticides, pollutions…) est important. Le développement des politiques agricoles tend à réduire ces impacts. L’agriculture biologique gagne du terrain en Wallonie (10 % des fermes et des terres).

L’agriculture wallonne n’est pas autonome, notamment les élevages qui nécessitent à l’heure actuelle d’importantes importations de fourrages (notamment le soja).

Les produits wallons ont relativement peu de plus-value, notamment en raison des normes AFSCA qui limitent la transformation à la ferme. Néanmoins, les circuits courts sont en développement et la valorisation des produits à haute qualité, notamment celle des produits biologiques, est le sujet de programmes de développement.

De nombreux produits wallons sont soumis aux marchés mondiaux. Ils connaissent dès lors une volatilité importante des prix agricoles.

 


EN DETAILS

 

La surface agricole utile en Wallonie est de 714.954 ha. Elle est répartie entre 13.306 fermes (chiffres de 2012).

La Wallonie est divisée en régions agricoles caractérisées par un sol et un climat particuliers. Chaque région agricole a ses orientations dominantes (cultures en région limoneuse, élevage en Ardenne, etc.). En effet, les rendements des cultures dépendent fortement du climat et du sol. A titre d’exemple, le froment d’hiver a des rendements moyens de 88 Quintaux/ha en région limoneuse et de seulement 58 Qx/ha en région jurassique (chiffres de 2012).

1- régions agricoles

Carte des régions agricoles de Wallonie (Source : SPW, Direction Générale de l’Agriculture)

 

Le nombre de fermes diminue : 2 fois moins de fermes en 20 ans

Entre 1990 et 2010, le nombre de fermes est divisé par deux, soit une diminution de 3,4 % en moyenne par an. Cette réduction du nombre de fermes est importante en Haute Ardenne où 7 fermes sur 10 ont arrêté leurs activités depuis 1990. Parallèlement, la main d’œuvre agricole est également réduite de moitié.

Succession des fermes : 4 agriculteurs de plus de 50 ans sur 5 n’a pas de successeur pour sa ferme ! Les petites fermes ont moins de successeurs que les grandes. On enregistre une nouvelle ferme pour 2 qui disparaissent en région limoneuse, et une pour 5 en Ardenne. Les nouvelles fermes ont une surface moyenne de 44 ha (rappel : moyenne wallonne : 53,7 ha).

 

La taille des fermes augmente : doublement des surfaces en 20 ans

Entre 1990 et 2012, la taille moyenne des fermes est passée de 25,8 ha à 53,7 ha, soit un doublement. Par comparaison, cette taille moyenne est de 24,5 ha en Flandre, 14,6 ha en Europe et 181,8 ha aux Etats-Unis. La taille moyenne des fermes est liée à la région agricole et à leur orientation.

Les petites fermes : un tiers des fermes sont actives sur moins de 25 hectares. On y compte beaucoup d’exploitations occasionnelles ou hors-sol (91 ne déclarent pas de superficie !).

Les grandes fermes : 1,5 % des fermes (203) ont plus de 200 hectares. Elles sont pour la plupart situées en région limoneuse ou en Condroz et orientées en grandes cultures.

 

La taille des élevages a aussi tendance à grandir

Le cheptel bovin par exploitation augmente : de 66 têtes en moyenne en 1990, on passe à 127 têtes en 2012, soit un doublement.

Le nombre de porcs augmente également : de 78 têtes en 1990, on arrive, en 2012, à 606 têtes en moyenne par ferme détenant des porcs !

Le nombre de poulets de chair passe de 523 par élevage en 1990 à environ 10.923 par élevage en 2012. 92 fermes élèvent plus de 10.000 poulets de chair : elles représentent à elles-seules plus de 90 % du secteur en Wallonie.

Pour les poules pondeuses, la progression est similaire avec actuellement une moyenne de 1.157 poules par élevage. Néanmoins, 40 fermes de plus de 10.000 poules représentent plus de 82 % du secteur en Wallonie.

Nous assistons à une concentration et à une spécialisation des élevages en Wallonie.

 

Une agriculture qui se spécialise et qui s’intensifie

En 2012, 85,2 % des fermes sont spécialisées et 14,8 % sont mixtes (polyculture, polyélevage, cultures et élevage…). La proportion de fermes spécialisée a augmenté depuis 2003 (81,9 %).

Selon l’agence européenne de l’environnement, l’agriculture wallonne se classe parmi les 10 régions où l’agriculture est la plus intensive d’Europe, eu égard à l’utilisation d’azote et à la production d’effluents d’élevage.

 

Pourquoi une telle évolution ?

Jusqu’où mènera-t-elle ?

 

Accès à la terre

La surface agricole totale diminue : entre 1990 et 2012, en 22 ans, elle a diminué de 5 %. Les raisons évoquées sont : «  le développement de l’économie (création de parc industriels), l’amélioration des conditions de vie (construction de maisons individuelles, infrastructures de service public), et la construction de voies de communication ».

Parallèlement, la location des terres agricoles via le bail à ferme est contraignante pour les propriétaires et limite la mise à disposition des terres. Elle concerne deux tiers des terres agricoles. En ce qui concerne le faire-valoir direct, le prix des terres augmente, notamment dans les régions fortement peuplées où d’autres usages entrent en compétition avec l’agriculture.

 

Une agriculture qui reste familiale ?

En 2003, la main d’œuvre non familiale représentait 9,1% de la main d’œuvre agricole. Elle augmente pour correspondre en 2012 à 13,2 % du total.

 

L’agriculteur : la corde au cou ?

La valeur de la ferme en capital explose.

Le capital mis en œuvre dans une ferme à caractère professionnel a presque doublé en 2012 (1.215.000 euros) par rapport à 2001 (658.000 euros). Cette augmentation est liée à l’accroissement en surface et en cheptel des fermes.

L’endettement augmente également.

Le capital est engagé à raison de 48 % par l’exploitant et 52 % par des bailleurs (banques / location de terres et de bâtiments). En 2001, la tendance était inverse. L’endettement augmente en raison de la valeur absolue des emprunts, et la proportion du capital pris en charge par les bailleurs a légèrement augmenté. Le taux de solvabilité diminue.

Quid du revenu ?

Le revenu du travail par unité de travail est, pour 2010-2012 en moyenne de 22.955 euros. La disparité des revenus est importante : près de 12,9 % des fermes observées ont un revenu inférieur à 0 euros, 30 % ont un revenu inférieur à 10.000 euros tandis que 14,2 % des fermes ont un revenu supérieur à 50.000 euros et 5,8 % supérieur à 75.000 euros. Pour la période 2001-2003, ces chiffres étaient plus équilibrés, avec 6,2 % de revenus < 0 et 2 % de revenus supérieurs à 75.000 euros.

L’orientation de la ferme joue énormément sur le revenu par unité de travail : en grandes cultures, la moyenne est de 55.185 euros par UT, en bovins lait, 26.315 euros par UT, et en bovin viande, seulement 18.318 euros par UT.

 

Agriculture et environnement

L’agriculture a des impacts négatifs sur l’environnement à travers l’utilisation de pesticides et d’engrais, qui causent une diminution de la biodiversité, une pollution des sols, des eaux et de l’air. Ces impacts ont tendance à se réduire suite à la mise en place de plusieurs programmes européens tels que la Directive Nitrate (Plan de Gestion Durable de l’Azote wallon), la Directive Habitats, etc.

L’agriculture biologique progresse en Wallonie. La barre des mille agriculteurs bio a été dépassée en 2012. Actuellement, environ 10 % des fermes et des terres agricoles sont biologiques ou en conversion vers le bio.

 

 Autonomie de la Wallonie : pas au top

L’élevage wallon est loin d’être autonome puisqu’un tiers (en valeur) des produits d’élevage sont réalisés à partir d’aliments qui ne sont pas produits dans les exploitations. La Wallonie importe « virtuellement » près de la moitié des terres nécessaires à son alimentation, notamment sous la forme de fourrages pour le bétail.

 

Relativement peu de plus-value sur les produits agricoles wallons

Selon IEW, la production agricole wallonne est essentiellement valorisée dans les circuits commerciaux traditionnels, avec peu de plus-value. La Wallonie dispose de peu de « produits de goût » (IGP – Indication Géographique Protégée, AOP – Appellation d’Origine Protégée) et valorise relativement peu sa production biologique malgré la demande importante pour ces produits et le développement de l’élevage biologique. L’agriculture wallonne dispose donc d’un important potentiel à exploiter dans la mise en valeur de ses produits.

 

Une agriculture soumise aux marchés mondiaux

De nombreux produits agricoles wallons sont soumis aux marchés mondiaux et à la spéculation, ce qui implique une volatilité importante des prix.

 


 

Sources :

Service Public de Wallonie : « Evolution de l’économie agricole et horticole de la Wallonie 2012 – 2013« .

Inter-Environnement Wallonie (IEW) : « Repenser notre agriculture et notre alimentation » (position IEW de septembre 2013)

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