Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en vergers et petits fruits

Nouveau cycle de rencontres en ferme

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Le printemps 2024 marquera le lancement d’un nouveau cycle de rencontres dédié aux vergers et aux petits fruits bio dans toute la Wallonie. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides, nous y croyons !« , débutée en 2018 avec la mise en lumière des alternatives aux pesticides en prairies. Les années suivantes ont exploré les méthodes alternatives en agriculture bio, notamment dans les cultures de céréales, de légumes plein champ et de pommes de terre.

Pourquoi se Pencher sur les Alternatives en Fruitiers ?

Les vergers et les cultures de petits fruits demeurent fortement tributaires des pesticides. En 2017, ces cultures représentaient les plus grandes surfaces traitées en Wallonie, avec des quantités de substances actives bien supérieures à d’autres cultures. Pour donner une idée, un verger de pommiers peut nécessiter jusqu’à 17,6 traitements fongicides et 10,5 traitements insecticides/acaricides. L’utilisation globale de substances actives en culture de fruits est 5,6 fois plus élevée que celle en culture de légumes.

Une étude de l’Institut Scientifique de Service Public (ISSEP) démontre également que les concentrations de pesticides dans l’air ambiant sont les plus élevées dans les zones caractérisées par une densité importante de fruitiers. Cela souligne l’urgence de mettre en avant des alternatives.

Défis Actuels et Conséquences sur l’Environnement

La diminution des insectes auxiliaires, due à l’utilisation intensive de pesticides, crée un défi majeur pour les arboriculteurs. La production de petits fruits est également confrontée à de nouveaux ravageurs, comme la drosophile suzukii, engendrant des perturbations majeures dans les cultures. Pour y faire face, de nombreux arboriculteurs se tournent vers des produits chimiques, contribuant à une spirale d’utilisation de produits toujours plus puissants et destructeurs.

Illuminer les Alternatives Existantes en Production de Fruits !

Face à ces enjeux, il est essentiel d’informer arboriculteurs et particuliers sur les aménagements possibles pour faire de leurs cultures des réservoirs de biodiversité. Il est temps de réintroduire les populations d’auxiliaires pour une lutte biologique efficace et l’équilibre de nos écosystèmes.

Le projet « Vers une Wallonie sans pesticides » se consacre désormais à mettre en avant les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en vergers et cultures de petits fruits. Ces rencontres, prévues pour 2024, réuniront des producteurs bio partageant leurs techniques, des producteurs traditionnels, des entrepreneurs de parcs et jardins, des consommateurs curieux, et des experts du domaine.

Restez à l’affût : le programme des rencontres sera dévoilé en début d’année 2024 sur le site de Nature et Progrès ainsi que sur les réseaux sociaux. Rejoignez-nous pour découvrir les alternatives concrètes qui façonnent un avenir sans pesticides pour nos vergers et petits fruits !

 

 

Des pommes de terre et des légumes plein champ sans pesticides chimiques de synthèse, c’est possible ! 

Notre brochure sur les alternatives

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Des pommes de terre et des légumes plein champ sans pesticides chimiques de synthèse, c’est possible !Une brochure rassemble les alternatives aux pesticides récoltées durant les rencontres en ferme BIO, sondages, Celle-ci était résumée lors de la matinée de restitution à Louvain-la-Neuve le 28 avril 2023.  

En 2021 et 2022, Nature & Progrès a organisé une série de rencontres en ferme pour parler des alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en culture de pommes de terre et légumes plein champ pour prouver qu’il est possible de se passer des pesticides. Les agronomes de l’association sont donc parties à la découverte de 15 fermes BIO (ou en conversion BIO) à travers la Wallonie. Les témoignages d’alternatives aux pesticides ont été rassemblé dans une brochure. De plus, les rencontres en ferme ont mis en lumière que la biodiversité est un allié pour une Wallonie sans pesticides. Il nous faut donc la protéger.

Les différentes rencontres en ferme et sondages mettent en lumière le fait que les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse existent, sont durables et peuvent être économiquement viables à condition qu’elles soient bien pensées. Les 15 producteurs rencontrés et installés aux quatre coins de la Wallonie présentaient chacun différentes manières de travailler : en système de polyculture-élevage ou en grandes cultures, en labour ou non-labour, etc. Malgré leurs différences, ils sont unanimes sur le fait que produire sans pesticides chimiques de synthèse est possible, moyennant bien sûr une réflexion poussée autour des pratiques à mettre en œuvre à cette fin. Mais, n’oublions pas le pouvoir ultime des consommateurs au travers de leurs actes d’achat dans la voie vers une Wallonie sans pesticides. La part de l’agriculture biologique augmente chaque année en Wallonie. Pour que le système soit pérenne, la demande doit évoluer au même rythme que l’offre.  

 

Mieux vaut prévenir que guérir 

La clé du succès, pour toute culture – incluant même les cultures à pression phytosanitaire très importante, réside dans la combinaison de différentes méthodes préventives. Ces moyens préventifs doivent être réfléchis bien en amont de l’implantation de la culture. Les techniques curatives doivent être considérées comme des méthodes de rattrapage et mises en place lorsque les méthodes préventives n’ont pas suffi à éradiquer la menace. 

Comme nous avons pu le voir, certaines pratiques sont réfléchies à l’échelle de la rotation (longueur et diversification de la rotation, choix des intercultures, place des différentes cultures dans la rotation, etc.), d’autres à l’échelle du parcellaire agricole (morcellement des parcelles, implantation de haies, etc.) et d’autres à l’échelle de la culture (avant et après semis : choix de la variété et de la période de semis, choix de cultures associées, etc.). 

 

Intervenir au rythme de la nature 

Afin de faire les bons choix, l’agriculteur se doit d’être au plus proche de sa terre. Par exemple, connaître les conditions microclimatiques du sol de ses parcelles (humidité, composition-granulométrie, présence d’une croûte de battance, etc.) est crucial pour choisir la bonne opération de désherbage mécanique et le bon moment de passage (d’autant plus que les fenêtres météorologiques favorables sont souvent très courtes). Avoir une bonne idée des conditions météorologiques et environnementales permet également d’anticiper l’apparition d’une maladie comme le mildiou. Savoir identifier les adventices, ravageurs et maladies, et avoir une bonne idée du cycle de vie de chacun de ces organismes est par ailleurs essentiel pour lutter efficacement et sans pesticides chimiques de synthèse. Les systèmes d’avertissement contre certaines maladies (mildiou, etc.) et certains ravageurs (pucerons, etc.) proposés par les centres pilotes peuvent être d’une grande aide dans la réflexion du producteur. 

 

Intégrer au maximum la biodiversité 

Être au plus proche de sa terre, c’est également intégrer au maximum la biodiversité aérienne et souterraine dans son exploitation. Pour ce faire, il est essentiel de réaliser des pratiques agricoles qui visent à l’augmenter : s’abstenir du labour si les conditions le permettent, éviter de compacter les sols, fertiliser avec du fumier composté, semer des engrais verts mellifères en intercultures, implanter des structures naturelles qui accueillent les auxiliaires, etc. La biodiversité est considérée comme un allié pour l’ensemble des agriculteurs dans leur lutte contre les menaces. Même si les méthodes sont globalement communes, chaque producteur procède à sa manière. Ainsi concernant les itinéraires de désherbage mécanique, chacun choisit les opérations les plus adaptées en fonction de différents facteurs : les conditions microclimatiques de ses parcelles, les caractéristiques de son sol, le degré d’ensalissement de ses cultures, les adventices dominantes, la disponibilité des machines sur l’exploitation, etc. Aucune opération n’est meilleure qu’une autre :il est question de s’adapter à sa terre et à ce qui y pousse. La plupart des producteurs rencontrés clamaient : « Les investissements et le travail fournis aujourd’hui, notre terre nous le rendra plus tard ! ». Les moyens mis en place aujourd’hui, par exemple en termes d’enrichissement du taux d’humus du sol et de réduction de la pression d’adventices vivaces par le biais de la mise en place d’engrais vert et de prairies temporaires, etc., doivent être vus comme des investissements sur le long terme. Les pratiques biologiques, respectueuses du sol et de la biodiversité, représentent un gage de durabilité. 

Tous ensemble : agriculteurs, citoyens, experts, encadrants, politiques, etc. développons et diffusons les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse pour continuer à cheminer ensemble sur la voie vers Une Wallonie sans pesticides !  

 

 

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Retrouvez ici les vidéos sur les alternatives

L’évènement de restitution

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Problématique des nouveaux OGM

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Louvain-la-Neuve, le 28 avril 2023 : Nature & Progrès, organise un évènement de restitution  des alternatives aux pesticides en cultures de pomme de terre et légumes plein champs, à l’UCL. Cet évènement vise à résumer les méthodes observée en fermes BIO en 2021 et 2022. 

Quatres personnes ont pris la parole durant cet évènement : Catherine Buysens (Agronome chez Nature & Progrès), Gilles Parotto (Représentant du Cabinet de la Ministre de l’Environnement Céline Tellier), Julien Piqueray (Natagriwal), et le Professeur Stephan Declerck (UCL). Julien Piqueray a présenté des outils pour favoriser la biodiversité dans nos systèmes agricoles et le Professeur Stephan Declerck a expliqué l’importance de la vie du sol et en particulier les champignons mycorhiziens. 
 

L’événement a attiré une soixantaine de personnes, notamment des agriculteurs, des journalistes, des étudiants et des experts du domaine agricole/environnement.

Retrouvez ici les vidéos des présentations

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Plan Bee : bilan de 3 années en faveur de la biodiversité

Plan Bee visite publique 2022

© Nature & Progrès : visite publique Plan Bee 2022

Comment favoriser la biodiversité, produire une eau exempte de résidus de pesticides et avoir une agriculture rentable ? C’est à cette question que Nature & Progrès a voulu répondre dans le cadre du projet Plan Bee.

Encourager un système agricole exempt de pesticides chimiques de synthèse en parallèle à l’implantation de mesures accueillant la biodiversité et de ressources florales est primordial ! L’intégration de cultures mellifères/entomophiles (sarrasin, bourrache, moutarde, fleurs sauvages, etc.) dans les assolements agricoles testée sur les terrains Plan Bee s’est avérée rentable tout en nourrissant nos pollinisateurs et auxiliaires des cultures qui sont des solutions pour pouvoir se passer des pesticides.

Comme elles sont de bons indicateurs de notre environnement, durant 3 ans, des abeilles mellifères & solitaires ont sillonné 5 sites d’étude Plan Bee, des sites de captage d’eau de la Société Wallonne des Eaux. Elles ont permis d’évaluer l’état de l’environnement proche et éloigné en matière de pesticides et ressources florales. Elles offrent ainsi aux acteurs de la protection des ressources en eau, une méthode de signalisation des sites à risques de contamination par les pesticides.

Objectif 1 : augmenter l’(agro)-biodiversité

L’objectif principal du Plan Bee est d’étudier la faisabilité agronomique, apicole et économique d’implanter des cultures mellifères sans pesticides sur de grandes surfaces pour produire du miel et des produits dérivés tout en favorisant l’entomofaune sauvage. Une collaboration apiculteurs/agriculteurs a été développée pour diversifier les produits agricoles. Les cultures mellifères peuvent être valorisées en semences, farines, huiles, condiments, engrais verts, etc. Les arbres, haies et autres vivaces constituent aussi des ressources pour la production de miel et l’accueil de la faune. La demande de miel étant plus grande que l’offre en Wallonie, il est important de favoriser ces cultures mellifères et l’apiculture wallonne. De plus, des grandes zones non-agricoles comme les sites de captages d’eau peuvent aussi être des lieux de biodiversité et servir de ressources alimentaires pour les abeilles.

Résultat : Ces premiers essais sont encourageants ! Nature & Progrès continue à œuvrer afin de développer l’agriculture biologique, les alternatives aux pesticides et diversifier les produits agricoles par l’implantation de cultures mellifères.

Objectif 2 : évaluer l’état de l’environnement à l’aide des abeilles

Le second objectif du Plan Bee était d’étudier l’état de notre environnement à l’aide des abeilles mellifères et osmies (abeilles solitaires). Un environnement sain est indispensable pour leur survie. Les abeilles mellifères ont un rayon de butinage de l’ordre de 3 km alors que les osmies ont un rayon de butinage de 300 m. Les secondes nous donnent donc l’état de l’environnement sur une plus petite distance. Quelles fleurs les abeilles ont-elles butinées [1] ? Quels sont les résidus de pesticides relevés par les abeilles sur les différents sites Plan Bee ? [2] Les résultats ont ensuite été comparés avec les analyses de résidus de pesticides retrouvés dans les eaux de captage [3] et dans le sol [4]. Cela a permis de déceler les contaminants auxquels une population (humaine, d’abeilles) est effectivement exposée. En ce compris les « effets cocktails » de ces contaminants dont les risques toxiques sont évalués individuellement alors que leurs effets devraient être analysés ensemble.

Résultat 1 : de nombreux résidus de pesticides en régions de grandes cultures…

Des résultats marquants en termes de présence de pesticides ont été observés en comparant les sites dont les environnements sont très différents : Orp-Jauche, une région de grandes cultures où les céréales, pommes de terre, betteraves et autre légumes plein champ conventionnels sont bien présents et Ciney, une région de terres d’élevage où les prairies et cultures céréalières (de plus en plus bio) dominent.

Dans le pain d’osmies , nous avons retrouvé à des concentrations élevées principalement des résidus d’herbicides pour les différents sites, excepté à Ciney où les herbicides sont à l’état de traces. Il s’agit surtout d’herbicides appliqués en culture de betterave, pomme de terre, légumes, céréales, maïs ou fruitiers et du tristement connu glyphosate. Quelques résidus de fongicides ont été retrouvés à des concentrations élevées (à Orp-Jauche, Thiméon et Ciney) principalement là où il y avait du colza ou des céréales proches des hôtels d’étude. En termes de résidus d’insecticides, nous avons des insecticides utilisés en fruitiers ou pommes de terre qui reviennent souvent à l’état de traces ou à de concentrations plus élevées à Orp-Jauche.

Les abeilles mellifères ont butiné une diversité de plantes plus importante que les osmies étant donné leur période de butinage plus étendue et leur rayon de butinage plus élevé. Néanmoins, nous constatons que de nombreuses plantes ont été butinées par les deux. Elles ont donc pu partager leurs ressources.

Dans leur pollen et pain d’abeille , nous avons observé principalement des résidus de fongicides et herbicides à des concentrations élevées et parfois supérieures à la Limite Maximale de Résidus (LMR) autorisées dans le pollen destiné à la consommation humaine, mais également des résidus d’insecticides. Il s’agit en général des mêmes molécules que celles retrouvées dans le pain d’osmies avec en plus des pesticides appliqués en été. A Ciney, les résidus de pesticides étaient nettement moins nombreux et à l’état de traces.

–> Les osmies comme les abeilles mellifères ont été exposées à des pesticides appliqués sur des cultures attractives aux pollinisateurs mais également des pesticides appliqués sur des cultures non attractives. Cela suppose qu’en plus d’une contamination directe du pollen, une contamination du pollen butiné via des dérives de ces pesticides sur plantes voisines ou à travers des plantes indésirables s’est produite.

Résultat 2 : certains de ces résidus de pesticides se retrouvent également dans les eaux de captage

Plusieurs pesticides détectés dans les substrats d’abeilles (ou leurs métabolites) ont également été détectés dans les eaux de captage et le sol, et y sont persistants. Certains ont déjà été retirés du marché, d’autres y sont toujours. Il faudra attendre plusieurs années pour que certains pesticides appliqués dans le passé disparaissent de nos eaux de captage. Il est grand temps d’interdire ceux qui sont encore sur le marché.

Toutes les substances retrouvées dans les substrats d’abeilles ne sont pas systématiquement recherchées dans l’eau. Une analyse doit être réalisée pour voir si ceux-ci peuvent arriver jusqu’aux nappes d’eau souterraines pour éventuellement étendre les recherches. Certaines se trouvent sur la liste des 12 pesticides dangereux pour la santé de l’Homme ou l’environnement pour lesquelles l’Europe a demandé des candidats à la substitution.
Le Plan Bee vient de prouver que les abeilles sont un indicateur de l’environnement intéressant pour jauger la présence de pesticides dans l’environnement et ainsi signaliser les sites à risques de contamination. Les abeilles sont nos alliées, protégeons-les !

Mettons en avant les alternatives aux pesticides !

Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse sont déjà bien développées chez nos agriculteurs wallons. Il reste néanmoins encore de nombreuses terres à libérer et à aménager avec des ressources florales. La meilleure issue pour réduire les coûts d’assainissement de l’eau, ce sont : des producteurs faisant le pari d’une production sans pesticides et des apiculteurs qui collaborent pour augmenter les rendements, éclairés par les structures de soutien existantes et soutenus par des consommateurs soucieux de leur santé et de leur environnement.

[1] Analyses réalisées par le Centre Apicole de Recherche et d’Information (CARI) et le Centre wallon de Recherches agronomique (CRA-W)
[2] Analyses réalisées par le CRA-W
[3] Analyses réalisées par la SWDE
[4] Réalisées par le CRA-W et l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP)

La Wallonie doit garantir des conditions d’utilisation des pesticides à même de protéger sa population

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Lire les derniers développements au niveau régional ici

Le Bio inscrit son histoire dans le refus d’une agriculture chimique. En Belgique, les producteurs et consommateurs de Nature & Progrès ont été partie prenante de cette évolution. Animés par un idéal commun, ils ont alerté contre les dangers d’une agriculture chimique, fait connaitre et progresser l’agriculture biologique. Mais malgré le développement du Bio, les dérives de pesticides de synthèse s’accumulent dans l’environnement et contaminent l’air, les sols et les lieux de vie.

Si l’industrie de la chimie fabrique des produits de plus en plus toxiques (quelques dizaines de grammes à l’hectare pouvant suffire à éradiquer insectes et adventices), elle a jusque-là lamentablement échoué à innover pour contenir la migration de pesticides à risque hors des lieux de traitement.

En Belgique, l’irresponsabilité de l’industrie face aux dérives de leurs produits se combine à une administration permissive vis-à-vis des pesticides liés à des nombreuses maladies chroniques comme les cancers, ainsi qu’à des effets sur le système immunitaire, le développement cérébral, la thyroïde et les maladies neurodégénératives.

Des mesures anti-dérives qui ne protègent pas la population

L’exposition environnementale (non alimentaire) de la population wallonne aux pesticides a été analysée entre 2016 et 2018 (Propulppp et Expopesten). Les résultats de ces études ont confirmé la présence de pesticides à usage agricole dans les lieux de vie des wallons (cours d’écoles, salles de classe, jardins privés et habitations). Les enfants vivant dans des zones d’expositions sont contaminés par des insecticides perturbateurs endocriniens pouvant induire des problèmes de développement cérébral, autisme, obésité, diabète et cancers.

La campagne de biosurveillance wallonne menée en 2021 a révélé que plus de 90% des adultes et adolescents participants était contaminé par un produit de dégradation (métabolite) d’insecticides neurotoxiques susceptibles notamment d’altérer le développement cérébral du fœtus et d’affecter les apprentissages et le comportement ultérieur des enfants. Le glyphosate, interdit d’usage dans la sphère privée depuis juin 2017 (toujours utilisé par Infrabel pour désherber les chemins de fer), a été retrouvé dans un quart des échantillons. D’autres pesticides, bien qu’interdits depuis plusieurs décennies, ont également été détectés chez 20% des participants.

Comment en finir avec la dérive de pesticides hors des zones de traitement ?

Nature & Progrès s’investit pour mettre un terme à la contamination de nos paysages et de nos lieux de vie. Une cause partagée par d’autres organisations de protection de l’environnement comme nos partenaires wallons et européens : Canopea (ex IEW) et Pesticide Action Network Europe (PAN Europe). Ensemble, nous agissons sur deux plans :
– auprès des autorités fédérales pour les conditions d’autorisation des pesticides les plus nocifs
– auprès des autorités wallonnes pour les conditions d’utilisation de ces pesticides

Au fédéral, Nature & Progrès dénonce les conditions d’autorisations de pesticides nocifs pour la santé et l’environnement

Nature & Progrès intervient régulièrement pour dénoncer les autorisations abusives des pesticides les plus dangereux pour l’environnement et la santé et pour lesquels aucune mesure de réduction du risque n’est compatible avec les pratiques agricoles. C’est le cas du sulfoxaflor, un insecticide très toxique pour les abeilles, dont l’autorisation a été conditionnée à la gestion des plantes adventices visitées par les abeilles. Mais est-il réaliste d’attendre des agriculteurs qu’ils contrôlent la floraison des plantes adventices avant chaque pulvérisation ?

Avec PAN Europe, nous avons intenté trois actions en justice pour nous opposer aux dérogations d’insecticides interdits : les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. Celles-ci sont toujours en cours et ont été portées devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Au niveau wallon, Nature & Progrès déplore une ambition de mise en œuvre très insuffisante

Bien que les grandes lignes encadrant l’utilisation des pesticides aient été définies dès 2018, Nature & Progrès déplore une ambition de mise en œuvre largement insuffisante :

  • les pulvérisations de pesticides sont interdites lorsque la vitesse du vent est supérieure à 20 km/heure alors que même les fabricants de pesticides les déconseillent au-delà de 18 km/heure
  • de même, la pulvérisation est interdite autour des lieux fréquentés par les publics sensibles mais rien n’est prévu pour les lieux d’habitation : un enfant est donc plus protégé dans une cour de récréation que dans son jardin ! De plus, les dit lieux n’ont pas encore été définis !

Conscients des manquements liés aux conditions d’utilisation des pesticides en Wallonie, nous avons contacté, dès son entrée en fonction, la Ministre wallonne de l’Environnement pour qu’elle organise la révision de cet Arrêté. A minima, nous souhaitons que soient précisées les conditions d’utilisation des pesticides et une interdiction de leur usage près des lieux d’habitation et de fréquentation par les publics sensibles.

Inquiets par la lente avancée de ce dossier et par le risque que cette révision ne soit plus possible sous cette législature, nous avons contacté la Ministre pour l’informer de l’urgence de continuer le travail entamé par ses prédécesseurs afin de rendre effectif l’Arrêté d’utilisation des pesticides et d’enfin garantir une gestion des conditions d’utilisation des pesticides.

Nature & Progrès s’interroge sur les modalités de contrôle des mesures anti-dérives en région wallonne

Le contrôle du respect de la mise en œuvre des conditions d’utilisation est également de la responsabilité de la ministre de l’Environnement de la Région wallonne.

Nature & Progrès a donc récemment adressé un courrier à la Ministre, lui demandant des précisions sur :

  • les modalités du contrôle de l’utilisation des pesticides
  • la manière dont ces mesures de prévention sont mises en œuvre par les utilisateurs de pesticides, notamment les mesures anti-dérives et le respect des distances de traitement
  • la mise en œuvre de conditions de protection des zones refuges pour l’entomofaune (haie, surface semée de plantes mellifères) en bordure de parcelles traitées
  • les résultats des contrôles effectués auprès des utilisateurs de pesticides durant les deux dernières années
  • la mise en place de mesures concrètes de protection de l’environnement et de la biodiversité

Il est également temps de responsabiliser les firmes fabricants les pesticides quant à la dispersion de leurs produits dans l’environnement : si la dérive d’un pesticide ne peut être contrôlée, ce pesticide ne devrait tout simplement pas être autorisé.

Une agriculture sans glyphosate : le quotidien des agriculteurs bio

Culture BIO mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

© Nature & Progrès, mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

En 2017, Nature & Progrès lance la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides ». Elle vise à réunir les agriculteurs.trices, les citoyen.nes et les expert.e.s qui partagent la conviction qu’une agriculture sans pesticides chimiques est possible. Les rencontres en ferme organisées par l’association offrent un espace d’échange et de partage de connaissances autour des techniques alternatives à mettre en place pour se passer, entre autres, d’herbicides chimiques de synthèse comme le glyphosate.

Avec plus de 400 tonnes pulvérisées en Belgique en 2020, le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le pays et aussi dans le monde (l’utilisation massive de variétés génétiquement modifiées pour résister au glyphosate n’y est pas pour rien). Pourtant, de nombreuses études montrent la nocivité de cette substance pour l’être humain et pour l’environnement. En plus des risques pour la santé (l’herbicide est classé cancérogène probable depuis 2015 au niveau de l’OMS), les concentrations de glyphosate dans l’environnement endommagent la vie du sol (microbiote, vers de terre), les écosystèmes aquatiques, les abeilles et les animaux d’élevage.

Si Nature & Progrès plaide tant pour une Wallonie délivrée des pesticides, c’est parce que l’agriculture sans pesticides fonctionne : les agriculteurs Bio le prouvent au quotidien. Alors, à quand la sortie définitive du glyphosate en Belgique au profit de méthodes alternatives non chimiques pour lutter contre l’apparition de « mauvaises herbes » de plus en plus résistantes aux herbicides ?

Les « mauvaises herbes », la préoccupation principale des agriculteurs

Une mauvaise herbe, ou adventice, est une plante indésirable envahissant les cultures et les prairies. Elle concurrence les plantes cultivées et cause un préjudice économique à l’agriculteur qui s’emploie à les détruire. La gestion des « mauvaises herbes » sans herbicide est la préoccupation principale des agriculteurs qui envisagent une transition vers le Bio. En effet, le passage d’un système conventionnel – où toute repousse de « mauvaises herbes » est systématiquement éliminée par un traitement herbicide – à un système où le seuil de tolérance aux adventices est plus élevé peut faire peur.

Si dans les prairies, les grandes cultures (céréales, colza) ou l’arboriculture fruitière, la présence d’adventices peut être bénéfique (augmentation de la biodiversité, support pour le développement de la faune auxiliaire, etc.), la rigueur est de mise en maraichage ou dans la production de semences lorsque les récoltes et la transformation sont mécanisées. Dans ce cas, la « propreté » de la parcelle doit être maximale pour éviter des soucis lors de la récolte et de contamination de la production.

Pourquoi les agriculteurs conventionnels utilisent-ils du glyphosate ?

Le glyphosate est un herbicide total qui agit « efficacement » sur les adventices vivaces comme le chiendent, le chardon ou le rumex. Il est absorbé par les feuilles et véhiculé jusque dans les racines qu’il tue.

Les agriculteurs bio, en revanche, se passent du glyphosate. Ils s’appuient sur toute une série de pratiques agricoles pour gérer ces indésirables et éviter leur dispersion et multiplication : rotations longues, couverts végétaux, nettoyage du matériel agricole, fauchage avant floraison, cultures intercalaires ou intercultures, travail mécanique, pâturage, bonne gestion de la fertilisation, etc.

Concrètement, quelles sont les alternatives ?

En prairie

Une prairie correctement pâturée ou entretenue (hersage, ébousage, fauche, fertilisation, sursemis, etc.) ne laisse pas de place aux plantes indésirables et n’a donc pas besoin d’être renouvelée ! Si toutefois la prairie doit être renouvelée car trop envahie de mauvaises herbes, des moyens mécaniques existent comme le labour.

En cultures (après moisson)

Un travail mécanique du sol directement après la moisson avec un déchaumeur à dents permet aux chaumes hautement carbonés de se décomposer. Ensuite un couvert (interculture) pour combler les vides sera appliqué. Les cultures de seigle, d’avoine, de chanvre, ou de mélange de céréales couvriront suffisamment le sol pour étouffer les potentielles adventices. Dans le jargon, on les appelle des « espèces concurrentielles » parce qu’elles accaparent les ressources (lumière, azote, eau) dont les adventices ont également besoin pour se développer.

Après la récolte, les semis de radis chinois, de phacélie, de trèfle d’Alexandrie Tabor, de moutarde brune permettent de réduire la croissance des adventices. Ces espèces offrent une bonne couverture végétale (foliaire) pendant la période entre deux cultures (l’interculture). Les germes d’adventices resteront dans l’ombre et n’auront par conséquent pas assez de lumière pour se développer. En cas d’envahissement important, le sarrasin au printemps puis de l’avoine ou de la moutarde permettent d’inhiber la germination de certaines mauvaises herbes.

En cultures (pour détruire une culture précédente avant de semer)

Un travail mécanique du sol sera réalisé. Plusieurs machines sont possibles :

  • Déchaumeurs : entre deux cultures, les interventions de déchaumage sont assez efficaces sur le rumex. Les outils à dents recourbées permettent d’extirper les rhizomes de chiendent, relativement peu profonds, et de les faire sécher en surface. Ces méthodes ne sont cependant pas efficaces sur le chardon ou le liseron. Sur chiendent et rumex, elles peuvent s’avérer satisfaisantes uniquement si la parcelle n’est pas trop infestée.
  • Vibroculteur : travail superficiel du sol avec des dents vibrantes,
  • Herse: engin permettant un travail superficiel du sol. Des griffes grattent le sol et permettent d’éliminer les plantules de mauvaises herbes.
  • Cultivateur : outil qui permet d’ameublir le sol.
  • Charrue : travail profond du sol (seulement si fortement envahi).

Le faux semis est une méthode consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules d’adventices sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci se reproduisent et se dispersent dans le sol.

Les rotations longues, c’est-à-dire l’alternance de différentes cultures sur une même parcelle pendant plusieurs années, sont des pratiques courantes en Bio. En plus de limiter la pression des adventices, les rotations permettent d’améliorer la structure du sol et d’enrichir sa fertilité. L’implantation de prairies temporaires pluriannuelles dans la rotation, en particulier de luzerne, et des fauches répétées épuisent les réserves souterraines des vivaces et permettent d’éradiquer efficacement ces adventices, en particulier les chardons.

En cultures, pour détruire des couverts végétaux
  • Roulage faca : permet un premier hachage du couvert
  • Le broyage : hachage du couvert végétal favorisant la minéralisation
  • Mulchage avec un travail superficiel du sol en utilisant un déchaumeur scalpant efficacement la surface du sol
  • Le labour
  • Les espèces gelives : utilisation de plantes sensibles au gel (exemple : moutarde) qui ne nécessitent pas un traitement chimique pour être détruites (détruit par le gel)
  • Le roulage classique (cambridge, crosskil,…) favorise la sensibilité des espèces au gel
En cultures (avant émergence de la nouvelle culture)

Le travail mécanique par des outils de précision est la meilleure alternative qui permettra d’éviter l’application du glyphosate sur un sol nu.

Le faux semis : méthode efficace consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules de mauvaises herbes sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci ne se reproduisent et se dispersent dans le sol.

En cultures (localement entre les lignes des cultures)

Les cultures intercalaires : les vides entre les lignes de cultures sont comblés par une autre culture ne laissant pas de place aux plantes indésirables. La plantation, par exemple, de trèfles blancs entre les rangées de maïs est une bonne association qui permet aux mauvaises herbes de ne pas pousser et au sol d’être dans une condition idéale de fertilité.

Le désherbage mécanique avec des outils de précision éliminant les plantes indésirables entre les lignes de culture est une autre option.

Sources : certaines des explications techniques ont été recueillies auprès de Patrick Silvestre, conseiller technique en grandes cultures chez Biowallonie asbl. D’autres proviennent des propos recueillis auprès des producteurs accueillants lors des rencontres en fermes bio. D’autres informations techniques proviennent du dossier « La maîtrise des adventices : comment fait-on en bio ? », Patrick Silvestre, Itinéraire BIO 40 – mai/juin 2018.

L’Europe prolonge l’autorisation du glyphosate avec l’appui de la Belgique

Malgré les alternatives au glyphosate, la Belgique soutient son autorisation jusqu’à fin 2023. L’Europe va donc prolonger l’autorisation du glyphosate d’un an avec l’appui de la Belgique. Le fédéral a en effet approuvé la décision de prolongation de la Commission européenne malgré le malaise autour de cet herbicide et en dépit de l’avis scientifique du Conseil supérieur de la santé qui recommandait en 2020 de ne pas attendre l’expiration de l’autorisation en cours pour mettre fin à l’utilisation du glyphosate.

En 2017, en plein « Monsanto papers », le Ministre belge de l’Agriculture avait voté contre son renouvellement pour 5 ans. Il avait justifié sa position par la nécessité d’entamer une transition vers une agriculture sans glyphosate. Cette période transitoire arrivant aujourd’hui à échéance, la Belgique aurait dû s’opposer à la prolongation du glyphosate.

Nature & Progrès demande l’interdiction du glyphosate

Nature & Progrès demande aux membres du gouvernement de tenir leurs engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe, et la promotion des alternatives non chimiques auprès des agriculteurs.

1.901

producteurs BIO en Wallonie (chiffre qui a doublé ces 10 dernières années)

+ 1 ha

agricole sur 8 est maintenant bio
(représentant 12 % de la SAU)

15 %

de fermes sont sous contrôle bio en Wallonie,
soit une ferme sur sept

Ecoutez Bernard Brouckaert de la Ferme bio de Moranfayt, producteur Nature & Progrès qui se passe du glyphosate depuis toujours !

« Chers citoyens, allez à la rencontre des agriculteurs de votre région et conscientisez-les ! Chers agriculteurs, bannissez ces produits et répondez à la demande des citoyens ! C’est tout bon pour notre santé et pour notre environnement.« 

Stop au glyphosate : choisissons les alternatives pour notre santé et celle de la terre

glyphosate

© Adobe Stock, tous droits réservés (glyphosate)

Le 14 octobre 2022, la Belgique a participé aux discussions européennes sur la prolongation de l’autorisation du glyphosate pour une année supplémentaire. Faute de la majorité nécessaire, la décision a été reportée. Mais l’on sait que la Belgique a voté pour la prolongation, ce qui choque Nature & Progrès ! Un second vote a lieu ce mardi 15 novembre. La Belgique restera-t-elle sur sa position sachant que le glyphosate a été classé comme « cancérigène probable » par l’Organisation mondiale de la Santé ? Faut-il d’autres preuves ? De nombreuses études récentes prouvent la toxicité de ce poison.

En juin 2022, un rapport de l’Health and Environment Alliance (HEAL) a révélé que l’évaluation de l’UE sur le glyphosate rejetait toute preuve scientifique liant ce pesticide au cancer. Des études fournies par l’industrie des pesticides elle-même soutiennent clairement une classification du glyphosate comme « cancérogène probable ». Mais malgré toutes les preuves scientifiques, les autorités de l’UE n’ont jusqu’à présent pas réussi à classer le pesticide de synthèse le plus utilisé au monde.

La situation en Belgique

En 2017, au moment du renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une période de 5 ans, notre ancien Ministre fédéral de l’Agriculture Denis Ducarme avait voté « contre » et plaidé pour un « phasing out ». Il avait justifié sa décision par le fait que ce temps allait être mis à profit dans le développement des alternatives. Cette période arrivant aujourd’hui à échéance, il est normal que la Belgique s’oppose à la prolongation de l’autorisation du Glyphosate.

Le vote de cette semaine concerne la prolongation de l’autorisation actuelle pour un an dans l’attente d’une décision sur sa ré-autorisation dépendante des résultats de l’évaluation scientifique toujours en cours. Prolonger l’autorisation du glyphosate jusqu’à fin 2023 serait une très mauvaise nouvelle pour la nature et la santé.

Le Ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval ne peut décider seul du sort du glyphosate en Belgique. Interrogé après le premier vote par des députées de la Chambre, le Ministre avait annoncé avoir respecté le protocole entre lui et le Ministre fédéral de la Santé. Nature & Progrès avait alors adressé des courriers aux autres Ministres compétents au niveau fédéral et wallon pour les informer de la prise de position du Ministre sans concertation préalable.

Le Glyphosate est déjà interdit pour usage personnel

Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès : « Preuves scientifiques et alternatives sont déjà disponibles pour interdire cet herbicide. Monsieur le Ministre David Clarinval, où en est la Belgique dans l’élimination progressive du glyphosate en agriculture promise en 2017 ? ».

En plus des risques pour la santé, les concentrations de glyphosate dans l’environnement endommagent les écosystèmes aquatiques, le microbiote du sol, les vers de terre et même les abeilles. A quand la sortie définitive du glyphosate en Belgique ? Pour rappel, il est déjà interdit pour les particuliers. Son usage est limité aux professionnels.

Les alternatives existent et fonctionnent !

Si Nature & Progrès plaide tant pour une Wallonie délivrée des pesticides, c’est parce que les alternatives existent. Les agriculteurs bio le prouvent au quotidien !

En Bio, la lutte non chimique, sans glyphosate ou autre herbicide, contre les plantes indésirables repose sur différentes méthodes préventives et communes à tout type de culture. Leur combinaison permet d’optimiser la résilience des cultures face aux adventices pour éviter le recours au désherbage, qu’il soit mécanique ou chimique. Les gestion des « mauvaises herbes » est l’une des préoccupations principales des agriculteurs en Bio même si le seuil de tolérance aux adventices est plus élevé qu’en agriculture conventionnelle. Un certain niveau de présence d’adventices peut même être bénéfique (augmentation de la biodiversité, support pour le développement de la faune auxiliaire, etc).

Nature & Progrès demande au gouvernement fédéral de tenir ses engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe.

1 million de signatures valides pour sauver les abeilles et les agriculteurs

sauvons les abeilles et les agriculteurs

Le 10 octobre 2022, l’Initiative Citoyenne Européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs » a été formellement approuvée par la Commission en atteignant le million de signatures valides. Nous sommes précisément 1,2 million de citoyens européens, dont beaucoup de Belges, à réclamer une sortie des pesticides de notre environnement.

Pour rappel, l’Initiative Citoyenne Européenne demande :

  • une réduction de 80% de l’utilisation des pesticides de synthèse d’ici 2030 et de 100% d’ici 2035 dans l’UE ;
  • des mesures pour restaurer la biodiversité sur les terres agricoles ;
  • un soutien massif aux agriculteurs pour une transition vers l’agroécologie.

Concrètement, la Commission a désormais jusqu’au 7 avril 2023 pour présenter sa réponse officielle à cette ICE. Les organisateurs seront invités par cette dernière. Ensuite, une audition au Parlement aura lieu dans les 3 mois avec les députés européens. La Commission et le Parlement européen ne vont avoir d’autre choix que de répondre aux demandes des citoyens pour une agriculture exempte de pesticides chimiques de synthèse et respectueuse des abeilles.

La Belgique, 2ème pays à avoir atteint son quorum

La Belgique peut se féliciter du résultat ! En effet, notre pays a été le second Etat européen à atteindre son quorum de 15.750 signatures en février 2020. Ce chiffre était nécessaire pour faire de notre pays le deuxième pays à atteindre le quorum obligatoire dans 7 Etats permettant la validation de l’Initiative.

Nature & Progrès se réjouit de cette réussite ! L’association a, durant des mois, sollicité ses Membres et sympathisants qui se sont montrés très réactifs. Nous avons ainsi récolté des milliers de signatures via les réseaux sociaux, via la revue Valériane ou encore lors du Salon Valériane. MERCI à toutes et tous !

Et en Wallonie, qu’en est-il pour les abeilles ?

En 2017, Nature & Progrès a lancé la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides » qui vise à éliminer les pesticides au profit des alternatives. L’association est heureuse de voir que la démarche a été suivie avec l’ICE pour recouvrir, cette fois, l’entièreté de l’Europe. Nous devons œuvrer ensemble à faire supprimer de ce pas les pesticides cancérigènes, reprotoxiques et génotoxiques de notre environnement. Pour ce qui est des autres, nous devons développer les alternatives rapidement !

De la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides » découle l’étude « Plan Bee ». Elle a pour objectif d’évaluer la faisabilité agronomique, apicole et économique de semer des fleurs mellifères sur de grandes surfaces pour produire du miel et accueillir la faune sauvage. Nous venons, ce 11 octobre 2022, de clôturer les trois premières années d’étude (lire le rapport) durant lesquelles nous avons analysé l’état de l’environnement à l’aide des abeilles. Il en ressort que les abeilles mellifères et osmies sont d’excellents indicateurs de notre environnement. Elles sont intéressantes pour jauger la présence de pesticides dans l’environnement et ainsi signaliser les sites à risques de contamination. Les abeilles sont nos alliées, protégeons-les !

Glyphosate : rejet des preuves scientifiques du lien entre glyphosate et le cancer au niveau européen

Un nouveau rapport de l’ONG Heath & Environnement Alliance (HEAL) révèle que les preuves scientifiques des effets cancérigènes du glyphosate ont été écartées de l’évaluation scientifique qui fondera un éventuel renouvellement de son autorisation de mise sur le marché européen. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait conclu le 30 mai dernier que la classification du glyphosate comme substance cancérogène n’était pas justifiée. L’avis de l’ECHA sur la classification des dangers du glyphosate est une étape fondamentale dans le processus de renouvellement de cette molécule. Sur la base de cette évaluation, la Commission européenne et les États membres décideront du renouvellement de la licence du glyphosate pour 5 années supplémentaires. L’enjeu est de taille puisque la législation européenne sur les pesticides prévoit que les substances classées comme « cancérogènes présumés pour la santé humaine » soient retirées du marché. Dans le cadre de cette procédure de réévaluation du glyphosate, HEAL a examiné 11 études fournies par l’industrie en 2019 dans le cadre du dossier d’homologation. L’ONG, avec l’aide de deux experts indépendants, a constaté l’apparition de tumeurs sur les animaux testés appuyant clairement la classification du glyphosate comme « cancérogène probable » au niveau international. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS, une référence en matière de recherche sur les causes du cancer, était parvenu à cette conclusion après avoir consulté plus d’un millier d’études.

Le glyphosate est le pesticide le plus utilisé au monde

Le Dr Peter Clausing, toxicologue et co-auteur du rapport, a déclaré : « Les animaux exposés au glyphosate ont développé des tumeurs avec des incidences significativement plus élevées par rapport à leur groupe témoin non exposé, un effet considéré comme une preuve de cancérogénicité par les directives internationales et européennes. Pourtant, les évaluateurs des risques de l’UE ont rejeté toutes les conclusions sur les tumeurs de leur analyse, concluant qu’elles se sont toutes produites par hasard et qu’aucune d’entre elles n’était réellement liée à l’exposition au glyphosate. » Les graves lacunes scientifiques et les distorsions dans l’interprétation des normes scientifiques européennes et internationales mises en évidence dans le rapport de HEAL remettent également en question la validité de l’évaluation en cours et de ses conclusions. Le Dr Angeliki Lyssimachou, responsable principale de la politique scientifique à HEAL, prévient que la non-reconnaissance du potentiel cancérigène de la substance marquerait un retour en arrière dans la lutte de l’Europe contre le cancer. Helene Duguy, avocate spécialisée dans les produits chimiques chez ClientEarth, a déclaré : « Certains des plus grands scientifiques du monde ont fait le lien entre le glyphosate et le cancer – et pourtant l’ECHA refuse d’étiqueter ce pesticide nocif comme cancérigène. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’ECHA ne justifie pas de manière transparente et claire son rejet des preuves scientifiques indépendantes. C’est incroyablement inquiétant étant donné l’engagement et le devoir de l’UE de protéger ses citoyens et l’environnement des substances les plus dangereuses ». Malgré les nombreuses preuves de ses effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement, le glyphosate reste le pesticide le plus utilisé au monde, et représente un tiers de toutes les ventes d’herbicides, soit 48.000 tonnes par an, dans l’Union européenne. L’exposition aux pesticides à base de glyphosate a également été liée à des effets néfastes sur le développement humain, la reproduction et les systèmes hormonaux, selon des preuves issues de la littérature scientifique indépendante.

En savoir plus

Législation pesticides : failles juridiques et leviers du Parlement européen

amphibien

 © Adobe Stock, tous droits réservés (législation pesticides, amphibiens)

Le 15 juin 2022, Nature & Progrès, PAN Europe et l’équipe de Secrets Toxiques ont participé à une conférence/débat au Parlement européen à Bruxelles sur les carences et les failles du système d’homologation des pesticides et sur les leviers d’actions des députés européens, notamment judiciaires, pour faire appliquer la loi.

Le règlement européen sur les pesticides (Règlement n° 1107/2009) prévoit de fortes exigences pour l’approbation de ces produits chimiques de synthèse et de leurs composants déclarés. Il vise à préserver l’environnement et la santé des effets néfastes liés à l’utilisation des pesticides. Pourtant, de nombreuses études scientifiques fournissent des preuves d’un lien entre ces produits et l’effondrement de la biodiversité et certaines maladies chroniques. Dans de nombreux pays européens, l’exposition aux pesticides est reconnue comme étant à l’origine de maladies professionnelles. Ces constats invitent à identifier les failles dans la mise en œuvre des conditions d’homologation des pesticides au niveau européen et à les résoudre.

Au niveau européen, les substances actives sont autorisées par la Commission européenne sur base d’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Les conditions et critères d’évaluation fondant ces avis scientifiques doivent répondre aux exigences de la législation européenne sur les pesticides.

Or, la pratique révèle des carences majeures dans les évaluations scientifiques de l’EFSA :

  • des effets à long terme des pesticides sur la santé humaine
  • des effets causés par l’interaction entre une substance active donnée et, entre autres, les autres constituants du produit : l’effet cocktail
  • de la toxicité des co-formulants, parfois plus toxiques que les substances actives déclarées
  • de la toxicité des pesticides sur les espèces non ciblées, directement ou indirectement exposées aux pesticides dans leur environnement naturel, tels que les amphibiens et les reptiles

Par exemple, concernant les effets à long terme de la formulation représentative, la Commission européenne ne peut légalement autoriser une substance active que si une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit pesticide contenant cette substance n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou l’environnement à court ou à long terme. L’EFSA doit donc inclure ses avis une analyse du danger à long terme de cette formulation représentative. Etant donné qu’une telle analyse n’est pas incluse dans le règlement de la Commission définissant les documents requis pour l’approbation de mise sur le marché, peut-on vraiment considérer que la Commission européenne et l’EFSA se conforment aux exigences du règlement pesticides ?

Le Parlement européen pourrait demander l’annulation de l’approbation d’une substance active devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) au motif que l’évaluation de la toxicité à long terme n’a pas été correctement effectuée – ce que les ONG ne peuvent pas faire. Devant le manque de transparence sur les méthodes, données et résultats des analyses de toxicité des pesticides – celles-ci n’étant pas publiées – un tel recours permettrait de contrôler réellement la manière dont les tests de toxicité à long terme sont effectués.

Réécoutez les différentes interventions au Parlement européen (vidéo entière et passages coupés) :

  • 3:40 – L’évaluation des effets à long terme des pesticides sur la santé humaine (en anglais)
    Dr Andy Battentier, directeur de campagne Secrets Toxiques
  • 16 :10 – L’évaluation de l’écotoxicité des pesticides sur les espèces non ciblées (en français)
    Salomé Roynel
    Chargée de la politique et des campagnes sur l’évaluation des risques liés aux pesticides à PAN Europe
  • 31 :05 – L’intégration de la littérature scientifique dans le protocole d’évaluation (en anglais)
    Dr Angeliki Lysimachou
    Chargée de politique scientifique
    Health and Environment Alliance (HEAL)
  • 45 :58 – La décision de la CJUE du 1er octobre 2019 : un repère fondamental pour l’évaluation des pesticides (en français)
    Guillaume Tumerelle
    Avocat de Secrets Toxiques et Générations Futures
  • 1 :24 :40 – Intervention de Martin Dermine, Chargé de la politique de l’environnement et de la santé à PAN Europe (en français)
  • 1 :30 :43 – Intervention de Marc Fichers, Secrétaire général de Nature & Progrès Belgique (en français)

Quatre nouvelles dérogations belges pour le pesticide flupyradifurone

La Belgique octroie quatre nouvelles dérogations pour l’usage de produits pesticides à base de flupyradifurone, l’un des insecticides de type néonicotinoïde nouvelle génération mis sur le marché en 2015.

Abeille sur pommier

Ces produits sont déjà autorisés en plein air pour la production de houblon ou de fruits (raisin, pomme, poire, etc.) et sous serre pour certains légumes (courgette, aubergine, etc.) ou petits fruits (fraise, framboise, mûre, etc.). Pourtant, la dérogation – dite d’urgence phytosanitaire et relevant de la législation européenne sur les pesticides – permet d’étendre l’application de flupyradifurone à plusieurs variétés de choux (chou-fleur, chou-rave, chou de Bruxelles, chou brocoli, etc) pendant une période de 120 jours comprise entre le 1er juin et le 28 septembre 2022.

Une substance neurotoxique

Tout comme le sulfoxaflor, dont l’homologation européenne est en sursis, le flupyradifurone est une substance neurotoxique perturbant le fonctionnement du système nerveux de l’insecte ravageur ciblé (ici, le puceron et la mouche blanche) pour l’éradiquer, avec, au passage, des effets collatéraux sur d’autres insectes non visés et inoffensifs pour les cultures traitées, en particulier les pollinisateurs. Comme ce fut le cas pour les néonicotinoïdes de 1ère génération (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine et fipronil) dorénavant interdits au niveau européen, les preuves scientifiques de la toxicité du flupyradifurone pour les abeilles s’accumulent.

La littérature scientifique a déjà identifié des perturbations majeures consécutives à une exposition au flupyradifurone avec un impact sur :

  • le comportement alimentaire (consommation de nectar) et de butinage,
  • la thermorégulation
  • Et la motricité de ces précieuses butineuses…

…diminuant ainsi encore davantage leur chance de survie. Pour certaines abeilles sauvages, en particulier l’abeille Megachile rotundat, le flupyradifurone présente une toxicité aigüe plus de 15 fois supérieure à celle des abeilles domestiques. Plus de 1.400 espèces d’abeilles sauvages sont des Megachile rotundat et beaucoup d’entre elles butinent les cultures et les fleurs sauvages à proximité des parcelles agricoles. De nombreuses plantes attractives pour les abeilles domestiques sont également visitées par les Megachile, qui pourraient donc être exposées à des doses de flupyradifurone présentant une toxicité aiguë, tant dans les champs agricoles qu’en dehors.

Flupyradifurone : les preuves scientifiques sont nombreuses

En permettant la pulvérisation de ces produits en plein champ et sans aucune mesure de réduction des risques (autre qu’une zone tampon de 20 mètres), l’Etat belge choisi d’ignorer les nombreuses preuves scientifiques disponibles alors qu’il devrait au contraire soigneusement évaluer toute nouvelle étude afin de compenser les lacunes du système actuel d’évaluation des risques pour préserver la biodiversité et les abeilles. Il aura fallu environ 25 ans pour interdire au niveau européen les utilisations de l’imidaclopride, du thiaméthoxame, de la clothianidine et du fipronil. Avec l’arrivée de nouveaux néonicotinoïdes, quelle chance reste-t-il aux abeilles quand l’Etat belge continue d’octroyer chaque année des dérogations temporaires à l’interdiction européenne pour ces anciens néonicotinoïdes ?

L’agriculture bio et les profiteurs de guerre

agriculture champ blé

© Tous droits réservés (agriculture champ de blé)

La surprise fut totale, ou presque. La guerre et son cortège de barbarie soudain nous écœure. Nous le savions pourtant pertinemment, depuis l’offensive Von Rundstedt, l’ex-Yougoslavie, le Rwanda, la guerre en Syrie… Et pourtant nous sommes encore surpris, non seulement par les cadavres mutilés qui jonchent les rues de villes qui ressemblent étrangement aux nôtres, mais plus encore par les manœuvres insensées de ceux qui, « n’écoutant que leur bon cœur », instrumentalisent déjà la situation…

Par Marc Fichers et Dominique Parizel (article complet disponible dans la revue Valériane)

On ne saura jamais quelle mouche l’a piqué. Mais elle l’a piqué. Poutine l’a fait. Mû par un complexe de raisons que lui seul connaît. En Ukraine, les hommes s’arc-boutent et résistent. Femmes et enfants ont quitté le pays, par millions, cherchant refuge à l’Ouest. Les médias déversent sur nous leurs flots d’horreurs, cherchant à discerner l’info de l’intox, à comprendre s’il y a vraiment quelque chose à comprendre…

L’agriculture nourrit, le pétrole aussi…

L’Ukraine, pour ceux qui l’auraient oublié, fit jadis partie de l’Empire des Tsars, puis de l’URSS. Staline y « favorisa » un de ses pires crimes : Holodomor, la grande famine de 1932-33 qui fit – selon les sources ! – deux millions et demi de morts, ou peut-être même le double… Car l’Ukraine est un pays essentiellement agricole, un pays énorme, plus vaste que la France. Dès le début de l’invasion russe, le lien parut limpide entre les denrées qui y sont produites – de même qu’en Russie qui serait immanquablement soumises à embargo – et tous les malheureux qui n’en bénéficieraient plus. Vingt-cinq pays africains par exemple, expliqua-t-on alors, dépendent directement des importations russes et ukrainiennes pour leurs produits agricoles de base (1) et il faut les aider, de toute urgence, car la pénurie guette ! Ainsi le Sénégal importe-t-il les deux tiers de son blé des pays belligérants. Ses voisins, la Guinée et le Mali, rien du tout ! La famine, pour autant, guette-t-elle davantage au Sénégal qu’en Guinée ou au Mali ? C’est que là-bas, vous savez, on mange plutôt du mil, du sorgho ou du maïs produits localement (2), ce sont les nouvelles boulangeries industrielles qui importent le blé ! Mais de cela tout le monde apparemment s’est bien moqué, il fallait, le temps de la supercherie, que les Sénégalais eussent faim de blé !

La vérité est évidemment plus complexe. Mais hélas pas moins grave. La soudaine flambée des prix du gaz et du pétrole – par ailleurs éminemment prévisible vu l’attitude des membres de l’OPEP (3) – fait grimper ceux des engrais et, par conséquent, ceux des céréales produites par l’agro-industrie, en ce compris bien sûr celles qui sont destinées… aux animaux ! D’où le fait que la viande devient impayable mais aussi les fruits et les légumes produits sous serres, ainsi que les produits de la pêche industrielle ! Pour les pays en développement, c’est cette façon de produire des denrées de première nécessité qui, selon la FAO, mènera à la famine entre huit et treize millions de personnes supplémentaires. Seules solutions envisageables : sortir d’urgence l’agriculture des énergies fossiles et mettre en place une « exception agricole » en matière commerciale (4). Dans les pays les plus riches, c’est la spéculation sur les denrées qui ne fera qu’accroître encore l’inflation. D’où un bond soudain, de l’ordre de 3 à 4% de l’ensemble de nos denrées alimentaires… Car ce n’est pas avec une terre fertile que l’agro-industrie nourrit le monde. C’est avec du pétrole !

Pourtant, dès que le grincement des vieux chars russes se fit entendre, des positionnements politiques étranges surgirent visant à intensifier, en Europe, le modèle agricole productiviste dominant, sous le funeste prétexte qu’il fallait absolument nourrir d’urgence ceux que la guerre priverait des livraisons de céréales et d’huile de tournesol venues de Russie et d’Ukraine. Ceux qui portaient ce discours avaient alors des objectifs bien précis :

  • réclamer la fin du Green Deal européen qui vise justement à rendre l’agriculture plus autonome, en l’affranchissant au maximum des pesticides chimiques grâce au développement de zones de biodiversité où se multiplient les prédateurs des insectes nuisibles,
  • faire d’urgence marche arrière dans la stratégie « De la fourche à la fourchette » visant une diminution de 50% de l’utilisation et du risque des pesticides, une réduction de 20% des engrais chimiques et un objectif de 25% de terres en bio pour 2030…

Cherchez à qui le crime profite…

L’attitude insensée des Institutions européennes

Revoir les ambitions de la stratégie « De la fourche à la fourchette » pour garantir l’alimentation de tous ? Le contresens est total. Car le Green Deal est un projet qui donne un avenir à l’agriculture mais la guerre ne fait que de confirmer sa fragilité. Il faudrait donc augmenter d’urgence les pourcentages qu’impose plutôt que les réduire. Or il faudrait cultiver les jachères et laisser les pesticides « protéger » les plantes pour assurer les rendements, alors que l’augmentation du coût de l’énergie – et, corollairement, celui des engrais – provoquera inéluctablement celle du coût des productions agricoles intensives ! Voilà la fable gobée par le Commissaire européen à l’agriculture, le Polonais Janusz Wojciechowski, qui appela… au report des réformes environnementales prévues, tout en demandant que les agriculteurs européens ne soient pas « accablés » par de nouvelles obligations !

En plus de cela, en Europe, les associations professionnelles conventionnelles exploitent la situation politique (5) pour demander une dérogation aux limites maximales de résidus (LMR) imposées par l’Union européenne, en ce qui concerne les pesticides dans les produits alimentaires et les aliments pour animaux importés ! Cette dérogation permettrait aux produits de base, non conformes aux normes de sécurité européennes, d’accéder au marché intérieur européen pendant six mois ! Ces organisations omettent évidemment de préciser que, si des pesticides sont interdits d’usage en Europe, c’est justement en raison de leur dangerosité pour l’environnement et la santé. On tire allègrement profit de la situation, et sans scrupule aucun. Et, pendant ce temps, sur le sol ukrainien, les exactions commencent… Les lobbys industriels liées à l’agriculture intensive en profitent pour faire progresser leurs « idéaux », leur unique ambition de laisser prospérer les exploitants agricoles comme premiers fournisseurs d’ingrédients pour l’industrie agro-alimentaire. Et comme premier client des industries d’intrants chimiques, qu’ils soient de Russie ou d’ailleurs…

La réalité est qu’un quart des engrais azotés utilisés dans l’Union européenne viennent… de Russie ! La vérité est que l’Union européenne achète énormément de céréales ukrainiennes et russes – principalement du maïs – pour nourrir ses animaux de boucherie ! Les organisations agricoles productivistes, quant à elles, ne savent penser que le court terme : elles voient ce que les nouvelles normes environnementales pourraient les empêcher de produire. Elles ne voient jamais à ce que leurs propres méthodes vont engendrer comme dégâts qui, de toutes façons, les empêcheront bientôt de produire ! Elles ne voient pas que la réduction des intrants chimiques donne de l’autonomie à notre production alimentaire. Quelle dose de mauvaise foi leur faut-il, par exemple, pour ne pas admettre ce que coûte déjà la baisse d’activité des pollinisateurs dont les néonicotinoïdes sont indiscutablement la cause ?

Graphique céréales Wallonie

Où sont passés les Européens de bonne foi ?

« Ne laissons pas la place au lobby vert, au lobby de la faim dans le monde », a déclaré – sans rire ! – Christiane Lambert, présidente du COPA-Cogeca, l’union des syndicats agricoles européens et des coopératives, lors du Congrès de la FNSEA, le syndicat majoritaire français, les 29 et 30 mars à Besançon !

L’Europe pourtant, avec sa stratégie « De la fourche à la fourchette », entendit sortir l’agriculture de l’impasse et lui donner la chance d’une transition. Où sont soudain passés ses défenseurs ? Sont-ils partis en vacances au pôle Nord ? Ou au fond d’une mine de charbon ? Pareille transition fut initiée, il y a cinquante ans, par les agriculteurs et les consommateurs biologiques. Les bio furent des visionnaires, eux qui développèrent un mode de production alimentaire basé sur le respect de l’homme et des écosystèmes. Le seul qui fonctionne ! Leur travail fut récompensé par l’engouement et le soutien sans faille des consommateurs envers les produits bio. Cette production agricole a développé des techniques de production très performantes qui font sans cesse augmenter la rentabilité des fermes mais en préservant notre idéal agricole : en développement leur autonomie, et sans engrais ni pesticides chimiques de synthèse !

Ce plébiscite public ébranle aujourd’hui les industries chimiques et agricoles prêtes à faire flèche de tout bois pour maintenir la production intensive ; elles veulent que l’agriculture demeure un client de l’industrie des engrais et des pesticides chimiques et un fournisseur d’ingrédients bon marchés pour les usines agroalimentaires qui vendront la nourriture aux quatre coins du monde. Elles oublient un peu vite que la stratégie « De la fourche à la fourchette » n’a finalement abouti qu’avec le constat flagrant que l’agriculture européenne est dans l’impasse ! Elle est dans l’impasse parce que son addiction absurde aux pesticides et aux engrais chimiques en a fait la première arme de destruction massive de la nature et de la biodiversité (7). Elle est dans l’impasse parce que sa dépendance aux énergies fossiles – à travers les engrais azotés, liés à l’utilisation du gaz naturel (8) et la mécanisation à outrance – compromettent gravement sa rentabilité. Il ne s’agit plus d’agriculture mais de la vulgaire fonction de fourniture d’ingrédients à l’agro-industrie, il ne s’agit plus de nourrir les humains mais d’alimenter un marché de produits toujours plus douteux. Une guerre commerciale où la seule loi est celle du profit ! Revendiquer le droit de cultiver les malheureux 4%, initialement prévus pour maintenir un peu de biodiversité dans les campagnes, ne traduit plus qu’un aveuglement qui empêche toute remise en question. Et pourtant, les experts parlent plutôt de 10%, si l’on veut espérer stopper l’augmentation effrénée des quantités de pesticides épandus sur nos champs (9).

Même constat là-bas : les agriculteurs ukrainiens – qui ont produit une récolte céréalière record l’année dernière – disent qu’ils manquent aujourd’hui d’engrais, ainsi que de pesticides et d’herbicides. Et même s’ils disposaient d’une quantité suffisante de ces matériaux, ils ne pourraient pas obtenir assez de carburant pour alimenter leurs équipements, ajoutent-ils… En Ukraine où la plus grande exploitation céréalière – 654.000 hectares ! – est détenue par l’oligarque Oleg Bakhmatiouk et le géant américain Cargill, et la seconde – 450.000 hectares ! – par le fonds de pension américain NCH Capital… Les mêmes qui font pression sur nos décideurs européens ? Ou juste leurs concurrents sur le marché inépuisable de la faim dans le monde ?

L’agriculture belge joue aussi à être exportatrice

Laisser croire que nos champs – et nos jachères ? (10) – belges sont indispensables pour nourrir l’humanité est une autre ineptie. En Belgique, les champs de céréales ne servent pas à faire notre pain ! Ils servent principalement à produire des agrocarburants et de la nourriture pour les animaux. Principalement pour les porcs et les volailles. En Wallonie, 9% des céréales seulement sont produites pour l’alimentation humaine. 32% pour l’énergie, 46% pour l’alimentation animale et 13% partent à l’exportation (11). Par conséquent, plutôt que de prétendre cultiver intensivement le moindre mètre carré disponible, il conviendrait peut-être de réorienter la destination des cultures. Quelle peut bien être l’utilité de consacrer un tiers de nos céréales à nourrir des animaux – principalement de la volaille et des porcs ? Le volume de nos exportations belges de viande de volaille dépasse de loin les cinq cent mille tonnes, principalement vers la France et les Pays-Bas. En troisième position, on trouve… le Ghana ! Soit 10% des exportations belges de volaille. On trouve encore la RDC, le Congo et le Gabon, autant de pays où l’exportation de notre viande de volaille déstabilise gravement l’agriculture locale (12).

D’autres de nos cultures sont principalement orientées vers l’exportation. C’est le cas des pommes de terre, par exemple, où seulement 10% des quarante mille hectares cultivés en Wallonie, à grands renforts de pesticides divers, servent à nourrir la population locale. Le reste part jusqu’aux confins du vaste monde, sous la forme de chips et de frites – ne parlons même pas ici du carburant nécessaire pour transporter tout cela ! Quelle serait donc la logique de vouloir stopper la volonté qu’affiche l’Europe de développer une agriculture moins dépendante des pesticides ? Pourquoi réclamer ces malheureux hectares dédiés à la biodiversité en prétendant nourrir le monde, alors qu’il est justement préférable de produire moins, mais mieux, en privilégiant les cultures vivrières ? Les céréales panifiables, par exemple, destinées à la population locale… Depuis un demi-siècle, la bio démontre l’utilité de maintenir des fermes en polyculture-élevage, où le bétail broute l’herbe et fournit les engrais qui amendent les cultures. Ces cultures sont diversifiées avec le recours à des rotations longues, incluant des légumineuses qui chargent le sol en azote. Or, justement, ces cultures de légumineuses favorisées par la stratégie « De la fourche à la fourchette ». Ce n’est donc pas un recul par des politiques agricoles visant une intensification qui permettra de nourrir le monde. Mais bien le développement d’une agriculture nourricière, respectueuse des écosystèmes, ainsi que le démontrent les producteurs bio depuis plus de cinquante ans… Osons le dire tout net : l’avenir agricole est dans une recherche de la sobriété. La sobriété énergétique, en tout cas.

Ras-le-bol de la « loi du plus fort »

Oui, vraiment, ras-le-bol de cette « loi du plus fort » des gros lobbies des industries agricoles mondiales qui prétendent détenir la vérité et dont la seule raison d’être est de faire du pognon. Pas de nourrir les humains. Marre de tous ces « hommes d’affaires » qui prétendent produire en sachant très bien qu’ils ruinent durablement l’agriculture. Marre de ces mégalos dont le système absurde appauvrit notre capital commun ! Il faut que nos politiques aient – une fois pour toutes ! – le courage de le reconnaître l’erreur historique de l’agriculture industrielle intensive et qu’ils y mettent le holà. Qu’ils les stoppent dans leurs prétentions absurdes ! C’est ce que tenta de faire le Green Deal…
Mais ceci ne doit pas opposer, entre eux, les agriculteurs – les vrais ! Ni les agricultrices – les vraies ! Tous-tes veulent une Wallonie agricole prospère et un métier passionnant et rémunérateur. Les plans de relance de Wallonie prévoient d’ailleurs de développer et de soutenir les structures – coopératives et autres – qui transforment la production agricole. Plutôt que de subventionner les engrais chimiques, consacrons ces montants pour doter notre Région wallonne de coopératives de transformation. Leur but : nourrir localement !

L’heure est à l’harmonisation des pratiques. Et, dans l’intérêt de tous, contre celles du lobby industriel qui, tel un bombardier russe, détruit tout sur son passage ! Evidemment que ce n’est pas de moins de biodiversité – ni de moins de bio – dont nous avons besoin. C’est juste le contraire. Contester cela, aujourd’hui, serait une forme vicieuse de révisionnisme agricole. Evidemment que nous n’avons aucun besoin réel de produits manufacturés à base d’huile de tournesol, même si c’est d’Ukraine qu’elle vient. Bien entendu qu’il sera nécessaire de changer nos habitudes de consommation et de tourner le dos aux biscuits dont les ingrédients ont fait le tour du monde avant d’aboutir dans notre estomac ulcéré… Bien sûr que l’Europe doit conserver ses objectifs généreux : 4% de biodiversité et 25% de bio en 2030 sont vraiment un minimum pour restaurer un environnement agricole fertile et sain ! Bien sûr que la terre est miséricordieuse et qu’elle oublie vite. En quelques années seulement, une terre polluée par les pesticides et les engrais chimiques redevient une source de vie pour des aliments bio.

Nous lançons donc ce défi : entendant la volonté de nourrir le monde les agriculteurs peuvent, dès cette saison, diminuer les doses d’engrais azotés sur les céréales en place afin de produire un blé plus panifiable. Et, dès cet automne, semez et semez encore des légumineuses pour nourrir le sol et le bétail, et des variétés panifiables pour les céréales. Libérez les sols des pesticides et des engrais chimiques ! Oubliez les rendements à l’hectare pour remplir les réservoirs des autobus – car c’est corrompre le métier d’agriculteur dans ce qu’il a de plus noble – mais comptez plutôt les sacs de farines pour les boulangers, les vrais. Nourrissez ceux qui vous sont chers, c’est la meilleure preuve de qualité de vos produits ! Ressemez des prairies pour élever du bétail, pour garnir nos tables – avec modération – de bonne viande faite localement et dont les effluents nourriront la terre.

Oui ! La transition est possible ! C’est chaque année que l’on sème !

Notes

(1) https://fr.statista.com/infographie/27093/les-pays-africains-qui-dependent-le-plus-du-ble-russe-et-ukrainien/
(2) https://www.iedafrique.org/Fabrication-de-pain-au-Senegal-substituer-les-cereales-locales-seches-au-ble.html
(3) Tant que la demande en pétrole reste forte, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP+) n’a aucun intérêt à augmenter substantiellement sa production, ce qui ferait automatiquement baisser le prix du baril de pétrole. Précisons que l’organisation entretient toujours des liens étroits avec la Russie.
(4) https://www.rtbf.be/article/guerre-en-ukraine-une-menace-pour-la-securite-alimentaire-une-de-plus-10957883
(5) https://www.pan-europe.info/sites/pan-europe.info/files/css/Press%20Release/Letter_shameless%20instrumentalisation%20by%20indutry%20de%20the%20Ukrainian%20conflict%20to%20maintain%20double%20standards_M[60932].pdf
(6) https://www.zonebourse.com/amp/cours/action/YARA-INTERNATIONAL-ASA-1413319/actualite/Les-agriculteurs-ukrainiens-sont-au-point-mort-alimentant-les-craintes-de-penuries-alimentaires-mon-39732074/
(7) Engrais et pesticides chimiques ont favorisés le développement de parcelles sans limites, ce qui apparaît comme la cause de perte d’habitats pour notre faune. Voir : https://spw.wallonie.be/sites/default/files/faune-des-plaines-2019-3.pdf
(8) L’engrais azoté représente 80% du coût d’une production céréalière basée sur son utilisation ; celle-ci est donc quasiment devenue impraticable d’un point de vue économique. Voir : https://fertilisation-edu.fr/production-ressources/engrais-azotes.html
(9) Rappelons ici la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides » menée par Nature & Progrès. Lire : https://www.natpro.be/archives/pdf/brochure_wasap.pdf
(10) Car il n’y a pas de jachères en Belgique ! Et pas davantage de jachères obligatoires en Europe mais bien une subvention PAC pour les agriculteurs qui accueillent 5% de « surfaces d’intérêt écologique » (SIE) sur leur ferme. En général, les agriculteurs lui préfèrent des solutions plus productives, comme les intercultures d’automne et certaines cultures de printemps. Ces jachères, sujettes à la PAC, représentent 1% de la surface agricole de l’Union européenne et non 4% à 6% comme on le lit ici ou là…
(11) https://sytra.be/wp-content/uploads/2020/05/UCL-brochure-cereales-web.pdf
(12) https://www.belgianmeat.com/fr/news/l%E2%80%99agroalimentaire-belge-est-prêt-pour-anuga-2019

Le sulfoxaflor bientôt interdit en Europe et toujours autorisé en Belgique

abeille sulfoxaflor

© Adobe Stock, tous droits réservés (sulfoxaflor)

La Commission européenne va interdire l’épandage en plein champ de produits pesticides à base de sulfoxaflor. Cette substance active de type néonicotinoïde, dont l’homologation européenne devait courir jusqu’en 2025, va être retirée du marché en raison de préoccupations concernant sa toxicité élevée pour les abeilles. L’utilisation de ce pesticide en agriculture sera bientôt limitée aux serres permanentes, au même titre que d’autres insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Le règlement d’interdiction devrait être adopté par la Commission européenne au printemps 2022.

Par cette interdiction, la Commission européenne fait application du principe de précaution devant l’absence de données scientifiques concluantes et l’impossibilité d’exclure tout risque inacceptable pour l’environnement, en particulier pour les pollinisateurs. Jusque-là, la proposition d’interdiction de cette molécule par la Commission européenne n’avait pas pu aboutir faute d’une majorité suffisante d’Etats membres lors des votes en comité technique (Scopaff) et en comité d’appel de février et mars 2022. La Belgique s’était d’ailleurs abstenue de voter.

Nature & Progrès et PAN Europe agissent

Initialement opposé à une interdiction européenne du sulfoxaflor en extérieur, le Ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval, a entre-temps renouvelé pour la saison printemps/été 2022, l’agrément en urgence de deux produits à base de sulfoxaflor pour les cultures de betteraves sucrières. Car, si en vertu de la législation européenne encadrant la mise sur le marché de produits phytosanitaires, l’autorisation et l’interdiction des molécules actives utilisées pour fabriquer des pesticides agricoles se décident au niveau européen, les Etats membres restent compétents pour octroyer l’autorisation de produits pesticides sur leur territoire. Ils peuvent notamment décider de permettre en urgence la vente et l’utilisation de certains pesticides chimiques de synthèse non autorisés lorsqu’ils jugent qu’aucune autre alternative raisonnable n’est disponible pour protéger les cultures.

Nature & Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe, et un apiculteur liégeois ont d’ailleurs introduit plusieurs recours devant le Conseil d’Etat et la Cour de justice européenne suite à des dérogations belges que l’asbl considère comme abusives et illégales.

En 2015, la Commission européenne avait autorisé la commercialisation de produits insecticides contenant du sulfoxaflor, alors même que depuis 2013, l’usage en plein champ d’autres néonicotinoïdes (le thiamethoxame, l’imidaclopride et la clothianidine), utilisés pour le traitement des semences et expressément interdits pour les cultures en plein champ depuis 2018, faisait déjà l’objet de certaines restrictions… à cause de leur toxicité aigüe, notamment pour les abeilles. A l’époque, la décision prise par l’autorité européenne nous était apparue pour le moins paradoxale. En effet, aucune des restrictions et mesures d’atténuation des risques applicables à l’utilisation de ces trois néonicotinoïdes n’étaient reprises dans l’acte d’autorisation du sulfoxaflor. Dès 2015, ce nouvel insecticide, de la famille des néonicotinoïdes (du fait de son mode d’action : il agit sur les récepteurs nicotiniques), pouvait donc être pulvérisé sans restriction pendant toute la période de production agricole, y compris lors de la floraison des cultures pollinisées par les insectes, et notamment les abeilles.

Un dossier en cours depuis 2015

Cela fait de nombreuses années que Nature & Progrès fait du dossier « Sulfoxaflor » une priorité. Grâce au soutien sans faille de ses membres et donateurs, l’association reste très attentive à l’évolution de la situation. Il serait en effet inadmissible que le Ministre fédéral de l’Agriculture octroie à nouveau une dérogation à l’interdiction européenne, au détriment des abeilles.

Des nouvelles du Plan Bee, le projet en faveur de la biodiversité

Plan Bee Andrena cineraria

© Plan Bee, Andrena cineraria (site de Gerpinnes)

L’étude « Plan Bee » de Nature & Progrès se déroule sur des terrains de protection de captage d’eau de la Société Wallonne des Eaux dans les communes de Ciney, Orp-Jauche, Gerpinnes et Pont-à-Celles. Son objectif principal est d’étudier la faisabilité agronomique, apicole et économique de semer une diversité de fleurs sur grandes surfaces (sans engrais, ni pesticides chimiques de synthèse) pour produire une multitude de produits agricoles (miel, fourrages, farines, huiles, condiments, …) tout en accueillant l’entomofaune sauvage. Quelles sont les abeilles que nous avons pu à nouveau observer sur les différents sites en 2021 ? Quelles étaient leurs sources de nourriture ?

A Ciney, ce sera notre 4ième année de cultures mellifères selon les pratiques d’agriculture biologique et notre 2ième année à Orp-Jauche. Le site Plan Bee de Gerpinnes quant à lui, contient une végétation sauvage et est entretenu en fauchage tardif pour favoriser les ressources pour les pollinisateurs. A Pont-à-Celles, c’est une prairie fleurie qui a été semée fin 2021 sur le site de captage pour augmenter les ressources en pollen et nectar de 2022.

Pour faire de bons choix de fleurs, il nous faut observer ce que les abeilles ont pu consommer les années précédentes. Les fleurs ont un pouvoir nectarifère et pollinifère. Le nectar sera source d’énergie pour les abeilles et servira pour la production de miel et le pollen est important pour le bon développement de l’abeille (source principalement de protéines). N’ayant pas encore les résultats d’origine botanique du pollen récolté par nos abeilles mellifères et solitaires en 2021, nous allons nous intéresser uniquement à l’origine botanique du miel produit en 2021. Les résultats des analyses polliniques en ce qui concerne l’origine botanique et les éventuels résidus de pesticides retrouvés dans le pollen ou pain d’abeille sera pour notre prochaine revue.

Les abeilles observées sur le Plan Bee

En 2021, les abeilles mellifères étaient bien sûres au rendez-vous sur les différents sites étant donné que ce sont les apiculteurs entre autres qui les ont amenées. En ce qui concerne les abeilles solitaires, toute une série a pu être observée à nouveau sur nos différents sites. Des abeilles caulicoles/rubicoles comme les osmies (Osmia bicolor, Osmia cornuta, Osmia bicornis) ou coupeuses de feuilles (genre Megachile). Nous avons aussi pu observer des abeilles terricoles comme les andrènes (Andrena haemorrhoa, Andrena fulva, Andrena cineraria), collètes ou halictes (Halictus scabiosae).

La production de miel

En 2021, les miels de printemps des sites de Ciney, Orp-Jauche et Gerpinnes étaient riches en colza et fruitiers. Les abeilles mellifères ont un rayon de butinage élevé (jusqu’à 5 km) et ont donc pu s’alimenter sur des cultures voisines car les sites de Ciney et Orp-Jauche n’étaient pas cultivées avec du colza. A Pont-à-Celles le miel de printemps en 2021 était riche en fruitiers, ronces et saules. Une diversité d’autres fleurs étaient présentes en plus petites quantités. En ce qui concerne le miel d’été de Ciney et de Gerpinnes, nous avons à faire avec du nectar et miellat riche en ronces, fruitiers et tilleul. Les trèfles, phacélies, centaurées cultivées à Ciney se retrouvent dans le miel mais en plus petites quantités qu’en 2020. En ce qui concerne le sarrasin cultivé à Ciney, il est bien présent dans le miel d’éte mais <10%.

Les cultures agricoles

A Orp-Jauche, les cultures vivaces comme la carotte sauvage, centaurée des prés, chicorée sauvage, mélilot, sainfoin et trèfle blanc vont à nouveau fleurir en 2022 et on espère plus abondement. En ce qui concerne Ciney, les cultures vivaces qui vont refleurir cette année sont la silphie, centaurée des prés, trèfle blanc, prairie fleurie. Cette année nous avons semé du petit épeautre en rotation des cultures et des espaces se libèrent pour tester de nouvelles cultures mellifères comme la courge oléique, luzerne, vesce, … ou retenter certaines cultures comme le tournesol, coriandre, origan, bourache, … A côté de l’aspect mellifère, le choix des cultures dépend aussi beaucoup de la disponibilité des machines agricole pour faire les semis, désherbage et récolte propre à chaque culture.

Plus d’informations 

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Page web : Plan Bee
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PAN Europe et Nature & Progrès demandent à la Cour de justice de mettre fin au régime abusif de dérogation aux pesticides

CJEU dérogations aux pesticides

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Article original publié en anglais sur le site de PAN Europe

Le 17 mars 2022, une audience importante a eu lieu à la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg. PAN Europe a demandé à la Cour de clarifier les règles d’octroi de dérogations pour les pesticides interdits en Europe. Depuis des décennies, les Etats membres de l’Union européenne prolongent artificiellement l’utilisation de pesticides hautement toxiques et interdits dans l’Union, en abusant du régime des dérogations, avec la bénédiction de la Commission européenne.

PAN Europe, conjointement avec son organisation membre Nature & Progrès Belgique et un apiculteur belge, a réussi à faire en sorte que la Cour de justice européenne se positionne sur la légalité des centaines de dérogations accordées chaque année par les États membres pour des pesticides interdits par l’Union. Les juges européens ont été invités à répondre à une série de questions parmi lesquelles : est-il permis d’accorder une dérogation pour un pesticide qui ne respecte pas les fondements du droit européen : hautement toxique pour les abeilles, pour l’environnement, pour l’homme ? Autre question importante : une dérogation pour l’utilisation d’un pesticide toxique peut-elle être accordée de manière préventive, même en l’absence de preuve de danger pour une culture ? Notre avocat a plaidé notre cause et a dû faire face aux avocats de la Commission européenne, soutenu par les avocats de la France, de la Grèce et de la Belgique.

Le contexte

Depuis que l’Union européenne a harmonisé sa législation sur les pesticides, elle a toujours autorisé les États membres à accorder des dérogations aux pesticides. Les États membres ont continuellement utilisé et abusé du système. En effet, tant dans la directive 91/414 de 1991 que dans le règlement 1107/2009 de 2009, les États membres avaient la possibilité, en cas d’« urgence » et en l’absence d’alternative raisonnable, d’accorder à leurs agriculteurs des dérogations pour l’usage d’une substance spécifique pendant 120 jours. Mais ce qui devait rester exceptionnel est devenu la norme : les États membres n’ont cessé de contourner les règles. Au cours des 6 dernières années, pas moins de 3 600 dérogations ont été accordées pour l’utilisation de pesticides non autorisés dans les États membres.

Urgence vous dites ?

En fait, pour toutes sortes de ravageurs communs et récurrents, l’agro-industrie a demandé aux États membres d’accorder des dérogations concernant les pesticides toxiques interdits tels que les néonicotinoïdes toxiques pour les abeilles, le chlorpyrifos nocif pour le cerveau ou le mancozèbe toxique pour la reproduction ! Et quand on regarde les demandes envoyées par les agriculteurs ou souvent par l’industrie des pesticides elle-même, on se rend compte qu’il n’y a aucune urgence ! Et que le soi-disant danger est complètement hypothétique, non prouvé, que des dérogations sont accordées pour maintenir le statu quo, empêchant les agriculteurs de passer à des pratiques moins nocives.

Pas d’alternative, vraiment ?

Dans le même ordre d’idées, dans leurs dossiers de candidature, les agro-industriels prétendent qu’aucune alternative n’existe, que c’est trop coûteux ou pas assez efficace. Mais comment diable les agriculteurs biologiques peuvent-ils cultiver la même culture de manière rentable ? Comment se fait-il que des dérogations soient accordées alors que d’autres pesticides de synthèse sont déjà approuvés pour le même ravageur ?

Alors… qu’est-ce qui ne va pas avec les États membres ?

Les dérogations sont généralement prévues systématiquement : vous en faites la demande, vous l’obtenez ! Les États membres utilisent ce système pour prolonger l’utilisation d’un pesticide sur le marché même s’il a été interdit. Les autorités nationales compétentes sont généralement liées aux ministères de l’agriculture qui favorisent l’agriculture intensive ! Ainsi, lorsque les néonicotinoïdes sont interdits pour protéger les abeilles… ils continuent d’être utilisés dans la majorité des États membres par le biais de dérogations. Et la Commission ne fait rien ? Malheureusement non ! La Commission européenne ferme les yeux sur les pratiques des États membres et n’exerce pas son rôle de gardienne des traités, afin de protéger la santé des personnes et l’environnement.

Pourquoi PAN Europe va-t-il en justice alors ?

Quand on regarde la loi, elle énonce quelques conditions pour accorder une dérogation. Vous avez d’abord besoin d’une urgence : un danger inattendu pour lequel une réaction urgente est nécessaire. Deuxièmement, il ne peut être fourni que s’il n’existe aucune alternative. Et enfin, la loi ne dit pas qu’en accordant une dérogation, l’autorité nationale compétente est autorisée à ne pas respecter les autres dispositions de la loi qui stipulent que les pesticides ne peuvent pas nuire à la santé des personnes et à l’environnement.

PAN Europe vise à clarifier les contours de la loi et à obliger la Commission européenne et les États membres à protéger la santé des personnes et l’environnement, pas le profit de l’agro-industrie !

Quelle est la procédure légale ?

PAN Europe, Nature & Progrès Belgique et un apiculteur belge ont d’abord poursuivi l’État belge en 2019 pour avoir accordé des dérogations à l’utilisation de néonicotinoïdes toxiques pour les abeilles sur la betterave sucrière. Nous avons demandé au tribunal administratif belge d’adresser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’UE afin de clarifier les grandes lignes des règles permettant aux États membres de prévoir des dérogations. La Cour belge a accepté notre demande pour plus de clarté et a envoyé, en février 2021, 5 questions préjudicielles à la Cour de justice de l’UE.

La France, la Hongrie, la Finlande, la Grèce et la Belgique sont intervenues dans l’affaire pour protéger le système actuel, ainsi que les producteurs belges de betteraves sucrières et l’industrie des pesticides/semences.

L’avocate générale rendra ses conclusions le 2 juin 2022 et la Cour rendra un arrêt quelques mois plus tard.

Industrie du sucre et abeille : cela ne fait pas bon ménage

Betterave sucrière

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La Belgique a, par le passé, misé énormément sur l’industrie du sucre en permettant notamment le développement de La Raffinerie Tirlemontoise qui est à la tête de la majorité de la production de betterave sucrière du pays. Cette culture fleuron de notre agriculture présente néanmoins un inconvénient notoire : elle concourt à la disparition de la biodiversité, de par l’utilisation d’insecticides dangereux, entre autres pour les abeilles. Nature & Progrès et PAN Europe ont tenu à écrire au dirigeant du géant belge du sucre pour lui demander de changer de cap.

Depuis plusieurs saisons, un dangereux pesticide – le sulfoxaflor – est proposé pour être pulvérisé dans les champs de betterave sucrière (suite à l’obtention de dérogations). Il s’agit d’un néonicotinoïde de dernière génération. Il agit sur le système nerveux des insectes suivant le même mode d’action que les 3 néonicotinoïdes interdits en 2018. De plus, il est systémique : il se diffuse dans toute la plante et contamine l’ensemble des feuilles, tiges et fleurs.

C’est un dangereux pesticide pour la biodiversité. La Raffinerie Tirlemontoise qui contrôle la majorité de la production sucrière en Belgique aurait pu par sa position orienter la production pour qu’elle soit plus respectueuse de la biodiversité, nous lui avons écrit pour l’interpeller et regretter qu’elle n’œuvre pas à la disparition de ce dangereux pesticide. Nous regrettons que l’entreprise n’ait pas investi des moyens pour diffuser les techniques alternatives à l’utilisation de ces pesticides et développer comme d’autres industries étrangères la production de sucre bio. Dans notre courrier du 25/02/2022 (disponible ici), nous présentons les nombreuses études scientifiques sur la toxicité du sulfoxaflor sur les abeilles et nous encourageons à développer les alternatives.

Un danger pour les bourdons et abeilles solitaires

Le sulfoxaflor a été approuvé en 2015, avec l’obligation pour le demandeur de fournir des données confirmatives avant août 2017. L’EFSA n’a publié son examen revu par les pairs sur ces informations que près de deux ans plus tard, en mars 2019. Une année plus tard encore, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mis à jour ses conclusions. Un risque élevé pour les abeilles mellifères et les bourdons a été identifié dans les champs et en marge de ceux-ci, ce qui signifie que les utilisations extérieures de cette substance représentent un risque élevé pour la biodiversité.

Déjà en 2014, l’EFSA relevait dans son étude « Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance sulfoxaflor » qu’un risque élevé pour les abeilles n’a pas été exclu pour les utilisations sur le terrain. De plus, un risque élevé à long terme a été indiqué pour le scénario des petits mammifères herbivores pour les utilisations sur le terrain dans les légumes. Cette étude a été complétée par une seconde, elle aussi de l’EFSA, en 2020 : « Peer review of the pesticide risk assessment for the active substance sulfoxaflor in light of confirmatory data submitted ».

Le sulfoxaflor présente également un risque important pour les bourdons et les abeilles solitaires. De nombreuses espèces de pollinisateurs sauvages sont terricoles et nidifient directement dans les terres agricoles.

Les études scientifiques le prouvent

Ci-dessous, une mise à jour des nouvelles publications scientifiques sur la toxicité du Sulfoxaflor sur les abeilles. Toutes ces publications travaillent avec des doses auxquelles les abeilles sont effectivement susceptibles d’être confrontées en plein champ :

  • Troubles de la reproduction chez les bourdons (ici, ici & ici)
  • Augmentation du pouvoir pathogène de Nosema bombi sur les larves de bourdons (ici)
  • Induction d’un stress oxydatif et une apoptose chez les abeilles mellifères (ici)
  • Trouble du butinage chez les bourdons (ici)
  • Modifications de l’immunocompétence des bourdons (ici)
  • Réduction de l’activité de butinage de l’abeille solitaire Osmia bicornis (ici)
  • Réduction de la survie et de la fécondité des bourdons (ici)
  • Effets sur l’activité d’alimentation des abeilles domestiques (ici)

Par ailleurs, il a été démontré que les résidus de néonicotinoïdes, étant solubles dans l’eau, migrent d’une parcelle à l’autre. Quand on sait que les abords des champs sont les derniers lieux de biodiversité qui présentent des floraisons en quantité, on mesure les risques pour les insectes.

Les études menées par l’EFSA n’ont pas analysé l’effet sublétal du sulfoxaflor, ce qui est assez inconcevable lorsque l’on connait les graves effets des néonicotinoïdes. Ce manquement justifie à lui seul le refus de l’usage de cette molécule le temps de réaliser des études.

Sulfoxaflor : des alternatives existent

L’autorisation du sulfoxaflor en culture de betteraves est d’autant plus regrettable que des alternatives à ce produit existent. La production de betterave biologique est en développement à l’étranger et en Belgique. Elle répond à une demande croissante des consommateurs et nous regrettons que l’entreprise sucrière n’y porte pas plus d’intérêt. Certains de nos voisins, comme la France et le Luxembourg, n’ont accordé aucune autorisation pour cette substance.

De par sa position de leader dans la production betteravière, la Raffinerie a les moyens d’orienter les modes de production. C’est pourquoi nous lui demandons de mettre tout en œuvre pour développer la culture biologique de la betterave.