L’habitat léger apporte de nombreuses solutions originales, à condition bien sûr de bénéficier des précieux conseils qui permettent d’en éviter les pièges, c’est ce que nous vous indiquions dans la cadre de précédents articles… Mais où s’installer ?, demandions-nous aussi dans les pages de Valériane n°140 ? Nous apportons de nouveaux éclairages dans le cadre d’une conversation – par vidéoconférence, Covid-19 oblige – avec Thibault Céder, de l’Union des Villes et Communes, que nous avions déjà accueilli lors du salon Valériane 2019. Extraits.

Par Dominique Parizel et Hamadou Kandé

Introduction

Mention « grande distinction », tout d’abord, pour l’excellent dossier publié dans Le mouvement communal n°948, de mai 2020, que vous pouvez consulter aisément sur le site Internet de l’Union des Villes et Communes (1). Il s’intitule « L’habitat léger en dix questions« , comprend un récapitulatif de toutes les questions importantes en la matière et devrait rapidement devenir un outil essentiel d’information et de sensibilisation des mandataires et des agents communaux.

« La question de l’habitat léger est récente, précise Thibault Céder, et la façon dont elle est appréhendée est assez différente d’une commune à l’autre. Certaines connaissent bien les questions liées au gens du voyage, ou celles qui sont inhérentes au plan HP – pour habitat permanent -, qui concerne nos concitoyens domiciliés dans des parcs touristiques. Elles sont souvent spécifiques aux communes concernées alors que l’habitat léger – un tout nouveau mode d’habitat – posera des questions transversales à toutes les communes. Toutes devront donc les examiner pour déterminer comment elles vont s’y prendre pour l’intégrer. »

Des questions nouvelles liées à l’habitat

Une dizaine de communes, pas plus, ont déjà eu l’occasion d’entamer leur réflexion sur l’habitat léger. Nous ne vous présentons plus Benoît Piedboeuf, maïeur de Tintigny, que nous avons également eu le plaisir d’accueillir à Valériane ; nous n’évoquerons plus l’expérience du « légendaire » quartier de la baraque, à Louvain-la-Neuve… Nous citerons peut-être la commune de La Louvière qui a récemment accueilli un « festival de l’habitat léger »…

« La grande majorité des communes découvre la question dans le cadre nouvellement fixé, poursuit Thibault Céder, qui ne donne guère d’assurance spécifique sur le long terme. Or chaque commune a ses propres contraintes : contraintes de territoire, zones éventuellement compatibles avec l’habitat léger, questions plus spécifiques liées à Natura 2000, à des zones inondables, à des zones forestières, etc. Et, bien sûr, il y a les inévitables questions politiques : c’est neuf et ce type d’habitat véhicule encore beaucoup de stéréotypes. Je compare volontiers cette question à celle du parement en bois des habitations, dont peu de communes prévoyaient l’intégration. Or, à présent, l’architecture contemporaine en intègre dans pratiquement toutes les nouvelles maisons ; cela ne pose plus le moindre problème. Une large explication et une sensibilisation sont passées par là pour que l’intérêt de l’autoriser soit bien compris par tous. Quelques années seront donc encore nécessaires avant que la question de l’habitat léger et l’intérêt qu’il présente pour un certain type de population soit intégré par tous. Si les communes se posent les bonnes questions, il me paraît certain que les bonnes réponses arriveront petit à petit… Toutes constatent l’émergence de questions nouvelles liées au fait d’habiter, d’une manière générale : questions liées à la densité, questions liées à la dépendance des personnes âgées, etc. Est-ce que l’habitat léger ne pourrait pas rejoindre, par exemple, l’ »habitat kangourou » pour faciliter l’encadrement de personnes âgées, en se posant de manière temporaire au fond du jardin d’un plus jeune ? Ces jeunes, eux-mêmes, y auront peut-être recours qui ne souhaitent plus s’endetter sur le long, aspirent à un retour à la nature, au circuit court, à la permaculture, etc. Nous nous adressons aujourd’hui à un public déjà acquis à la philosophie de l’habitat léger mais de nouveaux publics sont potentiellement concernés. Je pense, par exemple, aux étudiants ; i faut maintenant sensibiliser ces publics tout autant qu’il faut adapter l’habitat léger à leurs besoins mais son principe de modularité leur conviendra très bien, tant pour des questions financières que pour des questions de dépendance, d’indépendance ou d’interdépendance. Il peut, par exemple, permettre très facilement le regroupement de services ; il offre peu d’espace mais ses coûts sont limités ; il permet le regroupement rapide de communautés dont les besoins sont comparables…

L’habitat léger doit évidemment s’efforcer de sortir de la caricature qui en fait encore l’apanage d’une certaine forme de marginalité. Il n’est évidemment pas question non plus de parquer les vieux dans des campings, alors qu’ils avaient une belle maison… L’habitat léger est une piste d’avenir pour certains pans de la population mais à condition de s’inscrire dans la mixité, dans la pluralité des habitats… Certains de ses avantages peuvent déjà être facilement montrés : il permet, par exemple, d’habiter là où l’on cultive quelques hectares de maraîchage bio ou de permaculture. Il permet de lancer sérieusement un projet de vie, d’associer décemment vie quotidienne et travail, même si on n’a que peu de moyens… Notons cependant qu’un problème de financement peut se poser car, au niveau des banques, très peu de prêts semblent envisageables pour ce type de biens. Les prêts hypothécaires ne fonctionnement pas et les prix des habitats légers sont quand même trop élevés pour de simples prêts à la consommation. Peut-être faudrait-il interpeller les banques éthiques sur cette question ? »

Une expérience encore parcellaire

« Mais à cette ouverture, avertit Thibault Céder, correspondent aussi des craintes qui sont autant de freins. Que devient, par exemple, l’habitat léger, une fois que les personnes qui l’ont installé ne sont plus là ? Qui le reprend et à quelles conditions ? Un nouvel occupant ne va-t-il pas le transformer en quelque chose qui n’était pas convenu avec le voisinage ? Bref, comment donner à la commune des assurances dans le temps au sujet d’un projet précis ? Les yourtes, par exemple, font beaucoup parler d’elles… Certaines s’intègrent idéalement puis, quand l’occupant initial part, la yourte est subitement transformée en crèche ou en RBNB (2) et la relation avec le voisinage s’en trouve évidemment considérablement modifiée… Une yourte est rarement pensée en fonction de son isolation phonique et ceux font ce choix de vie sont plus souvent à l’extérieur que la moyenne des gens. Cela peut poser problème, au niveau du « vivre ensemble », avec la résonnance liée aux façades arrière des maisons à l’intérieur d’un îlot urbain. Certaines questions qu’on ne s’était jamais posées appellent donc des solutions nouvelles : soit on modifiera les yourtes, soit elles ne seront plus autorisées dans de tels endroits… Toutefois, une fois le permis délivré, il l’est de manière définitive. Seule l’expérience acquise permet donc aux communes d’être attentives au devenir des projets… Je pense que la crainte d’éventuels « quartiers ghettos » n’est plus guère présente que dans celles qui avaient connu le plan HP. Mais là aussi seule l’expérience acquise permet d’éviter que l’octroi de permis pour des habitations légères soit finalement préjudiciable à l’ordre ou à la sécurité publique… L’habitat léger concernant toutefois une habitation éparse sur un terrain donné, cela semble aisément évitable ; il s’agit essentiellement d’un habitat ponctuel même s’il est imaginable que des familles se regroupent dans le cadre d’un habitat léger groupé mais je n’en connais pas encore d’exemple. D’importantes questions restent donc à régler : elles ont trait à l’intégration urbanistique et aux rapports avec le voisinage Des règles de salubrité adéquates, une fois qu’elles seront définies, devraient également éloigner le spectre du bidonville. »

Le code du logement reconnaît l’habitat léger et lui assigne des objectifs précis. Toutefois, le ministre de l’aménagement du territoire n’a pas encore pris en compte cette question de l’habitat léger et doit donc modifier son code pour permettre la délivrance de permis, dans certains endroits précis. Tout cela sera défini… dans les prochaines années !

« Pour le moment, dit Thibault Céder, avec le code CoDT – pour Code de développement territorial – qui n’aborde pas directement la question de l’habitat léger, eh bien, on bricole. La nouvelle notion doit encore être intégrée dans les législations existantes et cela laisse parfois un grand vide. C’était prévu pour cette année… avant la crise du Covid-19 ! »

De nouveaux atouts entre les mains des communes

« L’habitat léger peut-il se mettre au service du logement social ? Une expérience à été tentée à Walhain, explique Thibault Céder, où il est utilisé pour des logements d’urgence : plutôt que de construire un seul logement en dur, vu les subsides disponibles, il a semblé préférable de s’orienter vers plusieurs logements légers afin de venir en aide à davantage de personnes…Toutefois, si une telle solution s’étend à des logements plus pérennes, comme les logements sociaux, surgira le problème d’appréhension du logement par l’habitant, qui reste très différente de celle d’un logement classique. Il faut être prêt à partager une philosophie nouvelle or la législation sociale ne permet pas, à l’heure actuelle, le choix du logement ; on est juste prioritaire dans une liste et, si un logement se libère, il est proposé. Être subitement appelé à vivre dans une yourte pourrait donc surprendre… Mais apprendre à bien habiter est sans doute un problème très général, du logement social notamment.

Les communes, dans le cadre de l’habitat léger, pourraient être amenées à associer des métiers que nous connaissons bien – menuisiers, ferronniers… -, ce qui offrirait des possibilités de mise à l’emploi…

« Cette question se posera immanquablement avec la crise que nous traversons, confirm Thibault Céder. Les problèmes économiques vont se multiplier et beaucoup plus de personnes, qualifiées ou non, seront en attente d’un travail. Le circuit court, qu’il s’agisse d’agriculture, de construction ou d’autre chose, sera une opportunité intéressante pour relancer l’économie locale. La volonté politique me semble réelle, au niveau de la région en tout cas, d’avancer vers l’économie circulaire. La crise sera un accélérateur pour éviter d’aller chercher ailleurs ce que nous sommes capables de faire nous-mêmes. Mais il y a un an seulement que la sensibilisation et la vulgarisation sont à l’œuvre dans les communes, auprès des agents et des mandataires, à propos de l’habitat léger… Les réponses qu’ils donnent aux questions que les citoyens se posent sont donc en cours d’élaboration, notamment avec l’aide de l’Union des Villes et Communes. Un bourgmestre ou un agent bien informés seront, à n’en pas douter, de bon conseil en la matière… »

Notes :

(1) http://www.uvcw.be/no_index/files/2587-mouvement-communal-948—mai-2020.pdf

(2) A l’origine, Airbnb est le nom d’une plateforme Internet payante de location et de réservation de logements de particuliers, créée à San Francisco, en 2008.