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27 mai 2024

Communiqué de presse

Suite à une étude européenne sur la présence alarmante des métabolites de PFAS dans les eaux, Nature & Progrès et Pesticide Action Network Europe demandent une action politique rapide et efficace pour stopper cette pollution chimique délibérément passée inaperçue.

Une étude exploratoire conjointe de 23 échantillons d’eau de surface et de six échantillons d’eau souterraine provenant de dix pays de l’UE, menée par des organisations membres du Réseau européen PAN Europe (Pesticides Action Network) dont Nature & Progrès Belgique a révélé des niveaux alarmants de TFA (acide trifluoroacétique), un « produit chimique éternel » peu connu et largement non réglementé. Le TFA est un produit de dégradation connu des pesticides PFAS, des gaz F et d’autres produits chimiques à vie (PFAS). Les concentrations trouvées dans les échantillons d’eau sont en moyenne de 1 180 nanogrammes par litre (ng/l). Ce chiffre est 70 fois plus élevé que la concentration moyenne de tous les autres PFAS examinés combinés (17,5 ng/l), y compris les PFAS bien connus qui constituent des points d’attention tels que l’APFO et le PFOS.  En Belgique, l’échantillon prélevé dans la Mehaigne, une rivière wallonne qui sillonne le plateau de la Hesbaye, affiche même un taux de 2500 ng/l.

 « Cette contamination généralisée, qui n’est pas liée à des hauts lieux de l’industrie et donc à une pollution qu’on a souvent qualifiée de localisée, est extrêmement préoccupante. La Mehaigne, en Wallonie, sillonne une région à forte densité agricole, loin des hauts lieux de l’industrie chimique ou pharmaceutique. Or, parmi les 23 échantillons européens, c’est la troisième rivière la plus contaminée au TFA.» Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer pour Nature & Progrès.

Double échec des autorités et de la politique

À notre connaissance, la plupart des 27 pays de l’UE ne surveillent pas aujourd’hui officiellement les niveaux de TFA dans les eaux de surface, c’est en tous cas, la situation de la Wallonie/Belgique. Certains pays se sont penchés sur le TFA. L’agence allemande de l’environnement UBA a récemment identifié les pesticides PFAS comme une source majeure probable de contamination de l’eau par le TFA.

La réglementation européenne sur les pesticides exige que les pesticides ne soient approuvés que si leurs substances actives et leurs « métabolites pertinents » (= produits de dégradation) ne dépassent pas des concentrations de 100 nanogrammes par litre (ng/l) dans les eaux souterraines. Le fait que tous les échantillons d’eau dépassent largement cette limite, alors que les pesticides à base de PFAS restent approuvés, remonte à une décision fatale prise par l’Europe il y a plus de 20 ans. En 2003, l’agence a conclu que le TFA était considéré comme un « métabolite non pertinent », l’exemptant ainsi de toute obligation de surveillance et de toute limite.

« Cette décision désastreuse de négliger la contamination des eaux souterraines par le TFA a permis aux fabricants de commercialiser les pesticides PFAS et a jeté les bases de ce qui est sans doute la contamination la plus importante et la plus envahissante des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme dans l’histoire », déclare Salomé Roynel, chargée de mission à PAN Europe.

Cependant, la directive-cadre sur l’eau de l’UE aurait également dû empêcher cette contamination. Elle interdit notamment la pollution chimique des eaux par des composés organiques halogénés, dont fait partie le TFA (et tous les autres PFAS). L’article 4 demande explicitement aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour inverser les augmentations significatives et durables des concentrations de polluants résultant des activités humaines. Les résultats des tests montrent clairement l’incapacité des autorités et des responsables politiques à mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau pour protéger l’environnement et les citoyens. Ces « mesures nécessaires » exigées par la loi auraient sans aucun doute dû inclure une interdiction des pesticides PFAS et d’un autre groupe de PFAS, les « gaz F », qui pénètrent dans l’atmosphère par milliers de tonnes à partir des réfrigérants industriels et qui entrent ensuite dans le cycle mondial de l’eau sous forme de TFA par l’intermédiaire de la pluie.

Bien que le TFA soit le produit terminal persistant d’environ 2 000 composés PFAS, il existe peu de recherches sur sa toxicité pour l’environnement et l’homme. Cela s’explique également par le fait que l’industrie productrice de PFAS s’est donné beaucoup de mal pour présenter le TFA comme une petite molécule inoffensive dont le danger ne devrait pas être comparé à celui d’autres PFAS plus importants. Pour le Dr Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures (France):  « Cependant, ce discours a récemment été fortement ébranlé, ironiquement par une étude commandée par l’industrie elle-même, dans laquelle le TFA a provoqué de graves malformations oculaires chez des bébés lapins. Ces dernières années, les autorités européennes et américaines ont révisé à plusieurs reprises leurs évaluations de la toxicité de certains PFAS relativement bien étudiés et ont fixé des limites de l’ordre du nanogramme à un chiffre. Nous ne pouvons qu’espérer que le TFA ne s’avérera pas aussi toxique en fin de compte ».

L’Office fédéral allemand des produits chimiques a récemment informé l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de son intention de proposer d’établir un lien entre le TFA et la toxicité pour la reproduction.

« Il est plus que temps d’agir à la hauteur de la contamination. La dépollution de l’eau aux PFAS aura un coût énorme. L’étendue de la contamination détectée par le TFA nécessite une action rapide et décisive, à commencer par une interdiction rapide des pesticides PFAS. Nous réclamons aussi la mise en œuvre rapide de la restriction générale des PFAS dans le cadre du règlement REACH sur les produits chimiques, et la classification systématique du TFA en tant que « substance dangereuse prioritaire » dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau », revendique Virginie Pissoort de Nature & Progrès.

 

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