Cet article est paru dans la revue Valériane n°172
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Un témoignage de Corentin Hennuy,
pépiniériste chez Arbuste fruitier,
recueilli par Sylvie La Spina,
rédactrice en chef chez Nature & Progrès
Comment réaliser un jardin-forêt, oasis alliant gourmandise, bien-être et biodiversité ? Corentin Hennuy nous explique les principales étapes à suivre pour démarrer et entretenir ce type de milieu. Sa technique ? Imiter et accompagner la succession végétale naturelle.
Illustration (c) Jeanne Buffet
Dans la dernière revue Valériane, Claire Lengrand nous présentait le concept des jardins-forêts, un nouveau modèle qui conjugue abondance, résilience et autonomie. Ce reportage vous a mis l’eau à la bouche ? Vous avez envie d’en créer un chez vous ou de lancer un projet sur une parcelle publique ? Corentin Hennuy a créé sa propre pépinière Arbuste fruitier où il expérimente des modèles de forêt-jardin et haies fruitières sur deux hectares. Il nous livre ses précieux conseils.
Imaginer son projet
Quelques mètres carrés suffisent pour créer une oasis de verdure. Commencez par localiser l’endroit où vous souhaitez l’installer, en traçant les éléments structurants que sont les chemins, mares, abris de jardin, etc. Le choix des essences dépendra des conditions de la parcelle – microclimat, type de sol, etc. – mais aussi de l’usage : nourricier, mellifère, dédié à la vannerie, à la récolte de bois… L’écosystème comprend de nombreux étages : plantes herbacées, arbustes, arbres, lianes… et évolue au fil des années. Pensez votre projet en trois dimensions, sur le long terme ! Comme au potager, certaines plantes sont bonnes compagnes. Il existe des listes de « guildes » permettant de choisir les meilleures associations. Réaliser un dessin des aménagements et plantations est d’une grande aide pour imaginer et planifier. Les plantations sont réalisées sur plusieurs années. Si plusieurs écoles existent, Corentin privilégie un ordre bien précis imitant la recolonisation végétale naturelle.
Préparation de la parcelle
Le plus souvent, le point de départ est une zone enherbée. Mais parfois, on démarre d’une friche voire d’une forêt où l’on créera des éclaircies pour former des clairières. Si l’on part d’un gazon, l’enjeu sera d’affaiblir les graminées afin qu’elles n’entrent pas en concurrence avec les plantations. Si la parcelle est petite, il est possible de bâcher ou de pailler, puis de passer la grelinette avant de planter. Sinon, on couchera régulièrement les herbes autour des plants. Un bon conseil encore : plantez dense ! Corentin a observé à plusieurs reprises que la présence de plantes proches stimule la croissance individuelle et permet à la forêt-jardin de bien se développer.
Organiser la succession végétale
Pour créer un jardin-forêt, Corentin accélère la recolonisation d’un milieu ouvert qui, sous nos latitudes, mène progressivement à la forêt climacique. La première année, il installe donc les arbres pionniers comme le bouleau, le peuplier, l’aulne et le saule. Ces essences supportent mieux la concurrence des graminées et ont une croissance très rapide qui permet de préparer le milieu à une colonisation par les arbres et arbustes suivants. Lorsque cette première cohorte est implantée, au bout d’un an ou deux, on peut installer le second stade de colonisation : les fruitiers, arbustes et les plantes vivaces qui coloniseront leur pied. Corentin affectionne la consoude, la menthe de la variété Pomme et la mélisse, de bons couvre-sol qu’il plante en bordure du massif pour freiner la progression des graminées. Enfin, au bout d’une année ou deux encore, les arbres du stade climacique – noyers, châtaigniers, pacanier, tilleul…- sont installés de façon plus espacée au sein des parcelles. Arrosez les plantations la première année et assurez un paillage pendant deux à trois ans.
Un jardinage permanent
Quelle joie de cheminer dans les allées de son jardin-forêt ! La végétation luxuriante brise le vent et procure une fraicheur bienvenue en été. De plante en plante, que de découvertes ! Des feuillages de toutes les formes et couleurs, ici, un insecte qui butine une fleur, là, une chenille qui grignote une tige, et là encore, le pépiement d’un oiseau qui sautille de branche en branche. Fruits et aromates offrent leur saveur au promeneur de passage. N’oubliez pas d’avoir en poche votre sécateur, car dès la première année, et tant que vivra votre jardin-forêt, il est nécessaire de l’entretenir. Tailler, en saison, quelques branches pour dégager le chemin ou pour donner de la lumière à une plante qui en a besoin, et en automne, réaliser les tailles plus sévères. Le jardin-forêt est en équilibre dynamique. Les plantes pionnières, qui auront permis l’installation des stades suivants, seront progressivement éliminées.
Aller plus loin…
L’étape de conception du jardin-forêt est cruciale : le choix des plantes et leur disposition conditionnent fortement vos chances de succès. N’hésitez pas à vous faire conseiller par une personne expérimentée.
- Corentin Hennuy, Arbuste fruitier (Vaux-sur-Sûre) : https://arbustefruitier.com/ – corentinhennuy@gmail.com
- Mickael Teerlinck, Le Potager du Gailleroux (Jodoigne) : lepotagerdugailleroux.com – mickael.teerlinck@gmail.com
Documentez-vous, visitez des jardins ! Et pourquoi pas lors des portes ouvertes des membres de Nature & Progrès ?
Quelques photos du jardin-forêt de Corentin, des expérimentations sur deux hectares à Vaux-sur-Sûre – (c) Corentin Hennuy
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