Cet article est paru dans la revue Valériane n°169

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Par Delphes Dubray,

membre de Nature & Progrès

avec le soutien de Sylvie La Spina,

rédactrice en chef,

et de Mathilde Roda,

animatrice

2 mai 2024 : le bien-être animal est inscrit dans la Constitution belge. Si cette matière gagne du terrain, force est de constater que les animaux d’élevage semblent relativement épargnés par les législations, par rapport aux animaux de compagnie. Les lobbys de l’agro-industrie brandissent des arguments de rentabilité, de concurrence, et prétendent sauver nos éleveurs wallons.

L’élevage paysan respectueux des animaux : impossible ? Nature & Progrès démontre que non, à travers le modèle qu’elle défend, la bio de ses producteurs, et les multiples innovations sur lesquelles ils travaillent : pratiques vétérinaires alternatives, abattage à la ferme et élevage des veaux laitiers sous leur mère.

En tant que citoyens, consommateurs – pour la plupart d’entre nous – de produits animaux, nous ne pouvons ignorer ces questions. Explorons ensemble ce sujet afin de nous positionner et d’agir en tant que citoyens responsables.

Partie 3 : Nature & Progrès sur le front du bien-être animal

 

Elevage de veaux laitiers au pis de leur mère à la Ferme d’Esclaye (famille Henin, Pondrôme – Beauraing).

 

Le modèle agricole défendu par Nature & Progrès est indissociable du bien-être animal. Les fondements de l’agriculture biologique, dont une partie a percolé dans la réglementation bio européenne actuelle, se distinguent de l’élevage industriel par de nombreuses mesures favorisant le bien-être animal. Les alternatives sont en plein développement, en témoignent les travaux de notre association en faveur de l’abattage à la ferme et de l’élevage des veaux au pis de leur mère. Nature & Progrès entend défendre la voie du milieu entre antispécistes et éleveurs industriels : celle de l’élevage paysan respectueux des animaux, des hommes et de la Terre.

La bio, née dans les années ’60 et ’70, a tourné le dos à l’industrialisation de la culture (engrais chimiques de synthèse, engrais, sélection focalisée sur le rendement…), mais aussi de l’élevage (spécialisation, sélection intensive, concentration et enfermement des animaux…). La charte de Nature & Progrès, établie par ses membres producteurs et consommateurs, rassemble différentes balises pour un élevage respectueux des animaux, des humains et de la Terre. Une partie de ces règles a été reprise lors de la rédaction des premiers cahiers des charges bio européens en 1991.

 

Bio et bien-être animal

Aujourd’hui, un éleveur certifié bio est dans l’obligation de permettre à ses animaux de sortir en extérieur quand les conditions le permettent. La densité des animaux, tant dans les abris que dans les parcours, est limitée en vue d’éviter toute concentration néfaste à leur bien-être et à leur santé. L’attache est strictement réglementée, ce qui assure la possibilité pour les animaux de se mouvoir librement. Les porcs ont accès à des zones de fouissage, soit en pleine terre, soit constituées de litière. Les aliments sont certifiés bio et sans OGM, et une partie doit provenir de la ferme ou d’autres producteurs régionaux. La santé est axée principalement sur la prévention en renforçant le système immunitaire des animaux, avec des méthodes et conditions d’élevage respectueuses des besoins physiologiques et éthologiques des animaux et stimulant leurs défenses naturelles. Toute souffrance doit être évitée pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage. Les éleveurs bio choisissent des races rustiques, conjuguant productivité – il en faut ! – et une bonne fonctionnalité. Les organismes certificateurs et autorités de contrôle sont chargés de vérifier le bon respect de ces dispositions lors des contrôles, au minimum annuels.

Au-delà de ces règles de base, les recherches menées par les éleveurs vont bon train, pour aller toujours plus loin dans les bonnes pratiques.

 

Innover, sans cesse !

La prévention des maladies est la base de l’élevage bio. Notre association a été pionnière dans la diffusion de techniques telles que la phytothérapie et l’homéothérapie animale, ou encore, la méthode Obsalim permettant un diagnostic précoce des déséquilibres alimentaires du troupeau. Les formations organisées par Nature & Progrès, aujourd’hui assurées par d’autres acteurs, ont permis aux éleveurs bio de développer une stratégie de soins alternatifs pour assurer le bien-être et la santé de leurs animaux.

C’est à l’occasion de rencontres du projet Echangeons sur notre agriculture, en 2016, que l’idée d’abattre des animaux à la ferme a été proposée par des citoyens et des éleveurs (lire Valériane n°116 et 125). Elle est née de réflexions en réaction aux fermetures d’abattoirs : les distances entre la ferme et le lieu de mise à mort s’allonge, le stress lié au transport et à la manipulation des animaux compromet leur bien-être et la qualité de la viande. Abattre à la ferme de manière cadrée est une idée réaliste, creusée et soutenue par Nature & Progrès. Nos travaux, ainsi que ceux d’autres organisations en Europe, ont mené à une ouverture législative permettant aujourd’hui, « sous certains conditions », cette pratique en ferme. Mais ces « conditions » font encore l’objet de débats, de recherches, de négociations. Depuis, avec le soutien de la Région wallonne, l’Université de Liège a repris les rênes du dossier, et un projet-pilote est en préparation en Wallonie.

Les producteurs sous mention Nature & Progrès sont souvent les pionniers de nouvelles pratiques. A la ferme d’Esclaye à Beauraing, la famille Henin a lancé une expérimentation : laisser des veaux laitiers sous leur mère (lire Valériane n°156). En 2021, cinq veaux ont été nourris au pis et à l’herbe, jusqu’à l’âge de huit mois. Ils ont ensuite été valorisés dans la filière viande. Ce premier test ayant mené à des résultats positifs, la famille Hénin a souhaité poursuivre l’expérience afin de collecter plus de données. Le projet en cours, mené par les éleveurs en partenariat avec l’Université Catholique de Louvain et avec le soutien de la Fondation Baillet-Latour, porte sur le suivi de seize vaches et de leurs huit veaux mâles et huit veaux femelles. Pour compléter ce suivi technique, basé sur les données de production de la ferme, il apparaissait nécessaire d’étudier la faisabilité économique du développement de la filière veaux laitiers, et ce, afin d’encourager la multiplication des élevages s’engageant sur cette voie, et c’est de cette dernière partie que Nature & Progrès à la charge. Les résultats de cette recherche vous seront présentés très prochainement !

N’est-on pas allés trop loin dans l’animal-machine ? Doit-on continuer de piétiner les animaux sous des prétextes économiques ? Pour Nature & Progrès, il est temps de développer une vision globale de nos systèmes d’élevage, à l’échelle de la société, et non à celle de l’étable.

 

Références :

Nature & Progrès. 2017. Potentialités de l’abattoir mobile et du tir en prairie pour les élevages wallons. 128 pages.

Nature & Progrès. 2022. Elevage des veaux sous la mère. Une expérience innovante à la Ferme d’Esclaye-Henin. 32 pages.

Ces brochures sont téléchargeables sur https://www.natpro.be/informations/brochures/

 

 

 

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