Cet article est paru dans la revue Valériane n°171

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Par Sylvie La Spina,

rédactrice en chef

chez Nature & Progrès

Souvent encore considérés comme de simples supports pour la culture ou la construction, les sols sont exploités de manière intensive. Pourtant, ces dernières décennies ont révélé leur vraie nature : véritables écosystèmes vivants, ils remplissent des rôles multiples et cruciaux pour l’équilibre de l’environnement et pour nos vies : alimentation, santé et bien-être.

Quelles sont les menaces pesant sur notre terre nourricière ? L’état des lieux réalisé par l’Europe et celui réalisé par la Région Wallonne sont alarmants. Comment peut-on la protéger ? Ce dossier constitue la première étape de notre enquête. Qui protègera nos sols… Et comment ?

 

Le goût de la terre

« Regarde-moi ce sol. J’en mangerais ! » Ces mots, prononcés par Charles de Cannière, mon ancien promoteur de thèse dans le domaine forestier, m’ont fait sourire. Il poignait dans la terre, ce bon limon humifère de Forêt de Soignes, la portait à son nez et la humait à pleins poumons.

Que peut donc goûter la terre ? Sa couleur brune me fait penser au chocolat. Un délice. Si elle est argileuse, elle aura une consistance douce en bouche, mais peut-être un peu lourde sur l’estomac. Quoi que, ne dit-on pas que l’argile est un précieux remède ? Sableuse, elle sera râpeuse.  Imaginez une pincée de sucre en poudre dans votre bouche, le contact des grains avec votre langue et votre palais, le crissement sous vos dents, avant que les cristaux ne fondent délicatement au contact de votre salive. Ah, le sucre… Mais choisissez-le bio.

Et la terre, est-elle bio ? Difficile à dire. Le label bio ne s’applique qu’aux produits alimentaires, et le sol n’en est pas un, en déplaise à mon ami Charles. D’ailleurs, on n’analyse pas le sol des cultures bio, mais uniquement les végétaux, à la recherche de traces de pesticides pour traquer d’éventuels tricheurs. C’est ce qui fait la force de notre label : la garantie de la non-utilisation de pesticides chimiques de synthèse (entre autres !) lors de la culture.

Les jardiniers et agriculteurs font régulièrement analyser leur sol pour en définir la texture, l’acidité, la teneur en éléments minéraux et en matière organique… Rarement pour la teneur en polluants, plus complexe et onéreuse. Que révèleraient de telles analyses ? Que nos sols sont régulièrement contaminés par des molécules chimiques complexes. Le DDT, interdit depuis de nombreuses années, est parfois au rendez-vous, tout comme ce fameux heptachlore, que l’on a retrouvé dans des courgettes bio l’année dernière (lire Valériane 170).

Nos sols sont malmenés. Urbanisation, pollutions, déstructuration par les pratiques agricoles, appauvrissement en matières organiques… S’ils ne se mangent pas, ils sont la base de la production de notre nourriture. Jardiniers et agriculteurs bio le savent mieux que quiconque ! C’est la raison pour laquelle nous leur consacrerons l’étude de cette année. Il est temps de protéger nos sols, de prendre soin de notre terre nourricière. Pour notre santé et celle de la Terre…

 

Qu’est-ce, le sol, au juste ?

Le sol est défini comme « la couche superficielle de la croûte terrestre située entre le substrat rocheux et la surface terrestre, constituée de particules minérales, de matières organiques, d’eau, d’air et d’organismes vivants, hormis les gisements de matières premières » (Proposition de Directive 2023/0232 sur la surveillance des sols, article 3, alinéa premier).

Il nait de la dégradation de la roche-mère sous l’effet de la pluie, de la chaleur et du gel. Les fragments minéraux sont peu à peu colonisés par des êtres vivants (bactéries, champignons, lichens, mousses et autres végétaux) qui y plongent leurs racines – quand ils en ont -, produisent des exsudats, des déjections ou de la litière qui se mélange à la matière minérale. « Le sol est le mariage réussi du minéral et de l’organique », analyse Frédéric Denhez, journaliste, dans son livre « Cessons de ruiner notre sol » (2014, Flammarion). Avec le temps, le sol s’approfondit, s’enrichit en biodiversité, et la migration d’éléments en son sein conduit à la formation d’horizons, couches aux propriétés distinctes.

Il faut cinq siècles – ou plus – pour obtenir deux centimètres de sol.

Selon le portail Environnement de la Région wallonne, « Un sol est le produit d’interactions constantes et subtiles : sa composition et ses propriétés dépendront de la roche d’origine, du climat, de la végétation qui y pousse, du relief, du temps… La combinaison de ces facteurs aboutit à une incroyable variété de sols différents. »

 

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