Comment peut-on encore gaspiller l’eau potable en l’utilisant négligemment aux toilettes ou en remplissant sa piscine, quand partout la terre se craquelle ? Dans une Europe en voie d’assèchement, elle est devenue une ressource rare, forcément de plus en plus chère et… source de conflits !

Par Marc Fasol

 

Quelles pistes devons-nous aujourd’hui adopter pour une gestion responsable, équitable et résiliente de l’eau ? De quoi s’adapter aux effets de plus en plus préoccupants du dérèglement climatique. Ces quelques petits conseils doivent-ils être prodigués aux seuls ménages ? Ou devons-nous aussi prendre en considération l’empreinte hydrique de notre industrie ? Voire celle de notre agriculture intensive, si gourmande en eau ? Voilà ce que se propose d’examiner la présente analyse.

 

Les deux faces d’une même pièce

Après s’être longuement penché, à l’été 2021, sur la façon de prévenir et de contrer les inondations, voilà que l’actualité de l’été dernier nous pousse soudain vers l’autre ornière : affronter les sécheresses à répétition ! Eh bien oui, juillet 2021 et juillet 2022 évoquent à eux seuls les effets désastreux du changement climatique. Inondations record et sécheresse historique ne sont, en réalité, que les deux faces d’une seule et même pièce. Dans son 6e rapport daté du 9 août 2021, le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) annonce sans sourciller que le changement climatique est en train de se généraliser, de s’accélérer et de s’intensifier. A l’avenir, les vagues de chaleur seront plus fréquentes, plus longues, plus sévères, surtout en Europe, région où tous ces changements s’exerceront de manière deux fois plus violente qu’ailleurs. Excusez du peu.

Dans le sud de la France, le mois de juillet dernier aura été le plus sec depuis le début des relevés météorologiques. Un phénomène associé à des vagues successives de sécheresse et de pics de chaleur extrêmes, entrainant à leur tour des effets dramatiques sur la végétation forestière, vulnérable au stress hydrique avec risques accrus d’incendie à la clé, parfois incontrôlables, comme en Gironde ou en Dordogne.

En réaction à ce scénario peu réjouissant pour l’avenir de la planète, la rhétorique habituelle exige de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Tout le monde est maintenant bien d’accord là-dessus, mais il faudra aussi désormais – et c’est le thème de ce dossier – pouvoir s’adapter à tous ces changements. Car ceux-ci sont, hélas, irréversibles. N’en déplaise aux sceptiques, il n’y a pas de retour attendu « à la normale » avant… quelques milliers d’années !

 

« Iceberg droit devant capitaine ! »

A vrai dire, les climatologues – traités jusqu’ici au mieux de grincheux ou de catastrophistes – ne s’attendaient pas à un tel coup d’accélérateur. Ils sont aujourd’hui dépassés par l’ampleur des événements. L’horizon 2030-2040 ? Il est pulvérisé ! L’augmentation du nombre de périodes de sécheresse, tant en fréquence qu’en intensité rend la question de l’eau de plus en plus préoccupante, avec – on s’en doute – des effets catastrophiques sur notre approvisionnement, sur l’ensemble des écosystèmes, sur notre agriculture et notre alimentation en particulier.

La situation est même à ce point alarmante, qu’à la COP 27 qui s’est tenue en Egypte, l’ONU nous demande de nous préparer… aux vagues de chaleur ! Depuis l’accord de Paris, l’espoir de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C est, en effet, largement dépassé et considéré comme « hors d’atteinte ». Nous courons droit vers les +2,8°C. Un brin désabusé, Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’Organisation, en tribun désappointé de la lutte contre la crise climatique, ne mâche pas ses mots : « Nous nous dirigeons droit vers une catastrophe mondiale« , affirme-t-il sans détours. Beaucoup de régions de la planète, touchées par les méga-sécheresses occasionnelles, risquent de devenir des zones définitivement sèches… Et donc tout simplement invivables pour l’être humain – les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature Reviews Earth & Environment.

Cet été, les Européens ont tiré la langue en affrontant le manque d’eau potable. Rien qu’en France, nonante-trois départements sur nonante-six ont connu des restrictions dans l’usage de l’eau dont soixante-six concernant l’eau potable. Tous les prélèvements non-prioritaires y ont été interdits : arrosages de jardins, d’espaces verts, de terrains de golf, lavage des voitures et bien sûr le remplissage des piscines… Des restrictions d’eau qui, pour l’heure, sont toujours en cours dans certaines régions.

 

« Quand tu portes ton propre seau d’eau, tu te rends compte de la valeur de chaque goutte… »

Et en Belgique ? Faute d’eau potable au robinet, de nombreuses communes wallonnes n’ont eu d’autre alternative que d’être approvisionnées par camions-citernes de soixante mille litres chacun. Cet automne encore, en Ardenne, ils font la navette depuis le barrage de Nisramont pour pallier le manque d’eau dans certaines zones de captage. Du jamais vu ! Un surcoût environnemental dont on se serait évidemment bien passé… Les sources seraient-elles moins bien approvisionnées que par le passé en raison d’un déficit pluviométrique ? Ou peut-être, au fil du temps, les besoins de consommation sont-ils devenus de plus en plus importants ? Les deux assurément. Selon la fédération professionnelle des opérateurs d’eau, un ménage moyen de trois personnes ne consommerait que cent quatre mètres-cubes d’eau potable par an, un chiffre qui serait même revu à la baisse, ces dernières années en raison notamment de la performance des appareils économes en eau. Bonne nouvelle donc ? Pas sûr…

Car, à notre petite consommation, s’ajoutent d’abord les pertes liées au vieillissement de notre réseau de distribution – jusqu’à 20% ! La Stratégie Intégrale Sécheresse, S.I.S., approuvée par le gouvernement wallon en juillet dernier, a notamment retenu, parmi ses nombreuses mesures, d’améliorer la performance du réseau d’eau potable en réduisant les fuites. Avec nos quarante mille kilomètres de réseau – de quoi faire le tour du globe – il y a encore du pain sur la planche !

Pour être tout-à-fait honnête, il faudrait cependant préciser que nos besoins en eau ne se limitent pas à l’écoulement du robinet de la cuisine et à celui de la salle de bain. Selon l’ONG Water FootPrint Networkwww.waterfootprint.org/en/ – l’empreinte hydrique du Belge serait quand même une des plus importante au monde… si on veut bien tenir compte de nos consommations indirectes, incluant ne serait-ce que la quantité d’eau nécessaire pour faire pousser les aliments que nous mangeons et celle qu’il faut pour fabriquer les vêtements que nous portons. Les chiffres cités en la matière laissent rêveur. La fabrication d’un hamburger ? Mille litres d’eau ! Celle d’un simple jean ? Dix mille litres… Notre hyperconsommation pèse lourd sur les réserves en eau et, même si la consommation journalière du ménage belge est relativement sobre par rapport à celle des autres Européens, il en consomme malgré tout bien trop. Et il y a fort à parier qu’à l’avenir, restrictions et coupures d’eau se feront de plus en plus pressantes…

 

« Tirer une chasse d’eau potable sera bientôt une aberration totale, voire une hérésie »

A domicile, les principaux postes de consommation d’eau potable se trouvent aux toilettes – 31% – et à la salle de bain – 36%. Se rajoutent à cela, la consommation pour la lessive – 12% -, l’entretien – 9% – et la vaisselle – 7%. En comparaison, l’utilisation en cuisine pour l’alimentation et les boissons apparaît, somme toute, presque négligeable – 5%. De tels pourcentages laissent entrevoir l’énorme potentiel que représente, par exemple, la récupération systématique de l’eau de pluie. Au moins 60% de notre consommation domestique – salle de bain + toilettes – pourrait ainsi être facilement satisfaite, sans compter les usages en extérieur… Mais on mesure surtout pourquoi laver chaque semaine sa voiture, sa terrasse ou son trottoir, arroser copieusement ses vertes pelouses avec de l’eau potable sont devenus des gestes peu éco-responsables, de plus en plus mal vus par l’entourage, surtout quand les pluviomètres restent désespérément vides.

Au nord du pays, comme chez nos voisins néerlandais, le problème devient vraiment très préoccupant. D’année en année, en plus d’être fortement exposé aux pollutions agricoles dont sont responsables les élevages intensifs, le niveau des nappes phréatiques baisse dangereusement. Selon le World Resources Institute, la Flandre est de plus en plus exposée au manque chronique d’eau. Au niveau mondial, même la Namibie ferait mieux ! Ceci explique pourquoi la politique menée en Flandre pour valoriser l’eau de pluie est si différente de celle menée jusqu’ici en Wallonie. Elle est même diamétralement opposée !

En Wallonie, l’inquiétante sécheresse de 2022 fut visible surtout au niveau des cours d’eau historiquement bas, où la pratique du kayak et celle de la pêche furent interdites. Mais notre inquiétude n’aura été, en fin de compte, que fort limitée. Les précipitations de l’automne et de l’hiver précédents avaient été suffisamment abondantes pour permettre de recharger les nappes. C’est dans ces réservoirs souterrains naturels, situés essentiellement dans les zones calcaires, qu’est essentiellement prélevée notre eau de distribution – à raison de 79,2%.

Seules quelques dix-huit communes wallonnes, afin d’éviter tout gaspillage, ont été contraintes de prendre des mesures pour restreindre leur consommation d’eau. De leur côté, pour atténuer les effets du réchauffement sur notre approvisionnement, les hydrologues ne manquent pas d’imagination. Parmi les bonnes idées formulées dans la S.I.S., notons la lutte contre l’imperméabilisation et le soutien à l’infiltration des eaux à très grande échelle, en généralisant par exemple la plantation de haies et de bandes boisées. De telles mesures permettent aux eaux pluviales de recharger davantage les nappes phréatiques, plutôt que de s’engouffrer directement dans les caniveaux… Plutôt que de puiser sans cesse dans les nappes phréatiques, il faudrait peut-être aussi penser à réutiliser les eaux usées. Une fois épurées, elles pourraient très bien servir à l’irrigation des cultures…

En ville, où le moindre mètre carré est asphalté et bétonné, il serait judicieux de créer des trames bleues et vertes en périphérie. Quant aux particuliers, il serait bon de doter chacune de leur habitation d’une grande citerne d’eau de pluie…

 

« Chacun tire l’eau à son moulin »

Généraliser la récupération de l’eau de pluie est une réponse particulièrement intéressante à développer, d’autant qu’à l’instar des autres mesures énumérées ci-dessus, elle atténue également les pics d’écoulement lors de fortes pluies, surtout en ville. Par effet tampon, cet effort de récupération sera de nature à éviter le débordement des égouts et celui des stations d’épuration, tout en diminuant indirectement les risques de débordement des rivières. Les deux phénomènes, sécheresses et inondations, sont ainsi définitivement liés. Hormis sa précieuse gratuité, ce don de la nature qu’est l’eau pluviale présente encore de nombreux autres avantages d’un simple point de vue domestique. Exempte de calcaire, elle prolonge notamment le fonctionnement des appareils ménagers : machines à laver, machines à café, bouilloires, conduites d’eau, robinetterie et pommeaux de douche… Très douce, l’eau de pluie est idéale aussi bien pour laver le linge que la vaisselle. Plus besoin par conséquent d’adoucisseur, de produits anticalcaires ou de détartrage, sans compter l’économie substantielle en savons divers et détergents non ou peu biodégradables.

« Et contrairement à ce qu’on peut lire sur les fiches pratiques publiées par Aquawal, relève Eric Simons, de la société Airwatec, spécialisée en filtration et traitement des eaux, l’eau de pluie n’est pas mauvaise pour la peau. Tant qu’elle n’a pas atteint le sol, celle-ci est de très très bonne qualité. » On a longtemps jeté systématiquement le discrédit sur l’eau de pluie – tiens, tiens, ce qui est gratuit serait-il forcément moins bon ? – mais une fois filtrée, sa qualité est vraiment remarquable : pas de chlore, pas de nitrates, pas de résidus de pesticides…

« En revanche, de plus en plus de produits chimiques se retrouvent dans les nappes phréatiques dont la qualité n’arrête pas de se détériorer. La situation n’est plus la même que dans les années soixante et évolue sans cesse, souligne encore Eric Simons, aujourd’hui des traces d’antibiotiques et de perturbateurs endocriniens par exemple s’y retrouvent. Or, il n’existe aucune méthode, aucune membrane d’osmose pour s’en débarrasser ! »

En France, d’après le journal Le Monde, des substances issues de la dégradation des pesticides épandus durant des décennies sur les terres agricoles, ont fini par percoler jusque dans les nappes phréatiques. Ces produits – parfois entre-temps interdits à la vente et/ou à l’usage – se sont fragmentés et recombinés en nouvelles molécules, connues désormais sous le nom de métabolites. On estime à présent, que douze millions de personnes auraient au moins épisodiquement consommé une eau « non conforme », polluée par ces substances aux noms barbares. Parmi elles, le chloridazone desphényl dérivé d’un herbicide utilisé dans la culture de betteraves. Avec des concentrations maximales régulièrement dépassées, le principe de précaution aurait dû être appliqué. Un prochain scandale sanitaire en suspens ? Voilà qui en dit long en tout cas sur l’étendue de la contamination de nos ressources en eau par les pesticides mais aussi sur les lacunes dans la surveillance de la qualité de l’eau potable – jusqu’ici, la plupart de ces substances dont la toxicité reste inconnue ne sont tout simplement pas recherchées -, sans parler du désarroi de nos élus et des autorités sanitaires contraints d’imaginer, en urgence, de nouvelles normes moins restrictives pour éviter de devoir interdire la consommation d’eau de distribution dans certaines régions…

Aujourd’hui, pour des raisons écologiques mais pas seulement, un nombre croissant de consommateurs se tournent vers l’eau de pluie et optent pour le placement d’une citerne afin de satisfaire au moins une partie de leurs besoins domestiques. Obligatoires en Flandre et à Bruxelles lors de la construction, les nouvelles habitations en sont désormais systématiquement équipées. En Wallonie, il n’a pas semblé nécessaire au législateur de les imposer car de nombreux constructeurs s’en sont équipés spontanément, soit par souci de rentabilité, soit parce que les autorités communales, en particulier celles qui sont régulièrement en déficit hydrique, conditionnent simplement l’installation d’une citerne au permis d’urbanisme, tandis que parfois, d’intéressantes primes sont octroyées…

Reste cependant un problème de taille : si l’eau de distribution est un des produits alimentaires les plus contrôlés – trente mille analyses par an -, par des prélèvements opérés sur les lieux de captage ou directement au robinet du consommateur, en passant par les zones de stockage – d’après la Société Publique de Gestion des Eaux (SPGE), les normes de qualité sont même supérieures aux exigences légales -, il n’y a évidemment guère de garanties apportées pour les eaux dites « alternatives », à savoir l’eau de pluie, l’eau de puits et l’eau de source. Chargée de micro-organismes – virus, bactéries – et de différentes matières en suspension lors de son parcours – toit, gouttière, citerne -, l’eau de pluie est impropre à la consommation en tant que telle. Quant aux eaux de puits ou de source, après avoir ruisselé sur les terres agricoles, elles peuvent malheureusement être chargées en nitrates et en résidus de pesticides. Pour des raisons sanitaires évidentes, ces eaux pourraient donc, en principe, n’être destinées que pour l’usage externe sans risques sanitaires : le jardin, la serre, l’entretien du logement, le lavage de la voiture, à la buanderie ou encore aux toilettes.

 

« Creusez un puits avant d’avoir soif »

Précisons encore que si les propriétaires de citernes d’eau de pluie ne doivent pas les déclarer, ceux des puits sont soumis à d’autres obligations : couvercles fermés à clef, compteurs volumétriques, taxes pour le rejet d’eaux usées, etc. Quant au forage, la tâche doit être exécutée par un professionnel agréé et, cette fois, c’est le permis d’environnement qui est requis. Dans tous ces cas de figure, afin d’éviter toute contamination du réseau publique d’eau potable par une eau qui ne le serait pas, Aquawal a tout prévu. À l’intérieur de l’habitation, c’est le « Code de l’eau » qui s’applique, en reprenant les règles à respecter. Toute connexion physique entre le réseau de distribution et autre « réseau alternatif » est interdite, notamment par un jeu de vannes ou de clapets anti-retour. Ces réseaux doivent donc faire l’objet de raccordements distincts.

Comme la potabilité de l’eau recueillie à la sortie des gouttières peut être mise en doute, le particulier se voit généralement contraint a priori de ne valoriser son eau de pluie qu’à la buanderie, au garage ou au jardin. Même limité uniquement à l’usage des toilettes – ce qui représente quand même un tiers de la consommation d’un ménage -, l’utilisation de l’eau de pluie représente déjà une jolie économie. Fort heureusement, il existe des dispositifs compacts et relativement bon marché pour traiter l’eau, ce qui permet d’élargir davantage le champ des applications, le tout avec une sécurité accrue d’utilisation. Le kit Cintropur TRIO-UV triple action – filtration des particules, traitement par charbon actif et stérilisation UV – que nous avons testé, assure par exemple un traitement intégral particulièrement intéressant. Extraite de la citerne par une aspiration flottante, le traitement de l’eau se fait, dans un premier temps, par filtration mécanique à l’aide d’une « chaussette » – un tamis de 25μ -, afin de retenir les particules les plus fines. L’eau est ensuite traitée au charbon actif à base de noix de coco, puis est finalement stérilisée par rayonnement ultra-violet. L’eau de pluie peut alors être valorisée à hauteur de 95%, et être utilisée en toute sécurité, pour toutes les applications sanitaires de la maison : lave-vaisselle, lave-linge – sept mètres cubes par an -, bains, douches, lavabos, jacuzzis… Et même la piscine – soixante mètres cubes ! -, ces piscines dont les ventes ont littéralement explosé avec la succession d’étés caniculaires. Le serpent est en train de se mordre la queue !

Contrairement aux processus chimiques de désinfection par l’ajout de chlore, la stérilisation par rayonnement ultra-violet est un moyen physique germicide, sans risque de surdosage et sans sous-produits toxiques. Durant le passage de l’eau, les bactéries, les virus et les protozoaires sont neutralisés. L’eau de récupération débarrassée de son goût et de ses odeurs désagréables de citerne devient pure bactériologiquement. Notons cependant que cette eau n’est toujours pas considérée comme 100% potable tant que les paramètres chimiques n’auront pas, eux aussi, été vérifiés et jugés satisfaisants.

Ainsi, écologie rime-t-elle aussi avec économie pour le budget du ménage. Mais ceux qui n’ont pas envie de se lancer dans une telle entreprise, peuvent déjà commencer par une utilisation minimale de l’eau de pluie au jardin, le plus simple consistant, par exemple, à raccorder, sur la terrasse, une descente de gouttière à une cuve ou à un tonneau, via un collecteur à filtre WISY qui envoie à l’égout feuilles, mousses et invertébrés indésirables. L’appoint en eau propre est tout sauf négligeable. Les récipients de mille, voire deux mille litres, sont peu onéreux et aisément disponibles en jardineries…

 

Des citernes et des primes : nos meilleurs « tuyaux »…

Pour ce qui est du stockage, il existe plusieurs types de citernes. Les modèles aériens en polyéthylène, imputrescibles et résistants au gel, montent jusqu’à dix mille litres. Certains peuvent aussi être enterrés et même jumelés. Hélas, ces derniers sont assez onéreux : trois mille cinq cents euros pièce, hors travaux de terrassement… La formule idéale semble plutôt être la dépose dans le sol, lors de travaux de construction ou de restauration, de citernes en béton de dix mille voire vingt mille litres… Budget : deux mille cinq cents euros, hors terrassement. L’investissement est donc relativement vite amorti. Avec les citernes en béton, l’acidité de l’eau stockée est en plus rapidement neutralisée. Notons aussi que la plupart des gens qui recourent à l’eau de pluie regrettent généralement de ne pas avoir opté, dès le départ, pour une citerne de plus grande capacité…

Pour récupérer l’eau de pluie, mieux vaut encore que le toit soit pentu et recouvert de tuiles car la superficie de captage est plus grande. Les toits plats couverts de membranes collées à chaud, ne sont pas adaptés à la récupération de l’eau de pluie ; ils exhalent une odeur de goudron. En période de canicule, les algues ont tendance aussi à y proliférer et à boucher les filtres. En Wallonie, la pluviosité est variable d’une région à l’autre, mais la moyenne est d’environ huit cent cinquante millimètres par an, soit huit cent cinquante litres par mètre carré. Pour récupérer entre quarante-cinq et nonante mètres cubes par an, la superficie totale du toit devrait idéalement être comprise entre cinquante et cent mètres carrés en projection horizontale.

Aujourd’hui, tous les nouveaux raccordements à l’eau de distribution entrainent obligatoirement la visite d’un certificateur agréé pour l’obtention du CertIBEau. Ce certificat garantit la conformité des installations au « Code de l’eau » : sécurité sanitaire des installations intérieures en eau potable et préservation de l’environnement pour les rejets d’eaux usées.

Le prix approximatif d’une pompe auto-amorçante WILO, de type MC305, pour récupération de l’eau de pluie est de 640,- euros, celui d’un kit de filtration Cintropur TRIO UV est de 720,-€. Le prix moyen TVA incluse de l’eau de distribution incluant le « Coût Vérité de la Distribution » (CVD) et le « Coût Vérité de l’Assainissement » (CVA) avoisine actuellement les six euros le mètre cube ; il avait doublé, entre 2004 et 2014, mais voilà qu’après une période de stabilisation, celui-ci repart de nouveau à la hausse…

En Région bruxelloise, il existe des primes à l’installation de citernes d’eau de pluie. De cent à… mille sept cents euros, à Saint-Josse notamment, selon certaines conditions liées en particulier aux revenus des intéressés. Côté Région wallonne, pas de primes à attendre… sauf dans certaines communes. Pour leur installation ou leur rénovation, les communes de Burdinne, Donceel, Remicourt, Stoumont, Thimister et Wasseiges, Namur, Somme-Leuze, Rochefort, Braine l’Alleud, Plombières, Fauvillers, Libramont et Vielsalm, remboursent jusqu’à cinq cents euros.

 

Agriculture : à quand la Transition durable ?

Alors que partout les besoins en eau explosent, l’ONU estime que mondialement, ils devraient encore augmenter de 90% d’ici 2050 – par rapport à 2017. Le déficit menace désormais un quart de la population mondiale, régulièrement sujette à un stress hydrique extrême. Parmi les différentes grosses consommations d’eau, on trouve bien sûr les besoins directs liés à la consommation domestique, notamment dans les grandes villes – 8% -, elles-mêmes étroitement tributaires de la croissance démographique : nous sommes, depuis mi-novembre, huit milliards d’êtres humains. Mais il y a aussi les besoins indirects comme ceux liés à l’industrie – 22% -, ainsi que le secteur de la production d’énergie, son corollaire. Pourtant c’est surtout le secteur agricole qui doit retenir nos préoccupations. Dans le monde, 70% de la consommation d’eau est destinée à l’irrigation des cultures.

Comment adapter durablement cette énorme consommation aux conséquences des grands bouleversements climatiques qui s’annoncent, tout en répondant efficacement à des besoins alimentaires planétaires toujours en croissance ?

De nombreux éléments de réponse sont déjà bien connus. Aussi ne ferons-nous ici que les ébaucher. Dans les pays émergents, ce sont désormais les nouveaux modes de consommation alimentaire qui se taillent la part du lion. Les populations, autrefois peu développées, mangent de nos jours davantage de viandes et de laitages. Or pour produire un seul kilo de viande de bœuf, il faut… quinze mille cinq cents litres d’eau ! Un régime alimentaire clairement intenable s’il fallait l’étendre à huit milliards d’habitants.

Chez nous, la fabrication de biocarburants cristallise, à elle seule, toute l’absurdité de notre société de consommation : la fabrication d’une tonne équivalent pétrole – 1tep – d’éthanol à partir de maïs nécessite… un quart de million de litres d’eau ! La même tep de biodiesel à partir de soya nécessite cent soixante mille litres. C’est donc bien notre mode de vie gourmand en ressources et notre hyperconsommation compulsive qui – a fortiori si elles sont exportées dans le sud – pèsent le plus sur les réserves d’eau de la planète.

Depuis quelques années déjà, nos cultures se heurtent à l’irrégularité et à l’imprévisibilité des précipitations, tandis que les périodes de sécheresse ne cessent de se prolonger. Entre le moment où les agriculteurs ont besoin d’eau et le moment où elle tombe du ciel, le décalage peut être fatal aux cultures. Et comme il fait de plus en plus chaud, irriguer les cultures demande davantage d’eau dont une partie toujours plus importante s’évapore. Il ne s’agit plus de simples caprices de la météo, mais bien de transformations profondes d’un climat qui déstabilisent structurellement les pratiques : « l’avenir n’est plus écrit par le passé ». Sont évidemment montrées du doigt, les cultures très gourmandes en eau, comme les immenses champs de maïs, qui sont aussi les plus fragiles. Avec toutes les conséquences que cela implique principalement sur l’élevage…

En France, des manifestations, parfois violentes, voient le jour : depuis les sécheresses, l’accaparement de l’eau devient une source majeure de conflits. Certains parlent carrément de « guerre de l’eau ». Les méga-bassines, installées par des agriculteurs – dans les Deux-Sèvres notamment -, au mépris des réalités hydrologiques, sont prises à partie, les opposants invoquant la confiscation, au seul profit de quelques-uns, d’une ressource vitale, d’un bien commun. Désormais, les conflits qui concernaient seulement les cultures, touchent aussi les terrains de golf, les terrains de foot, les piscines, les jacuzzis, les pelouses, les parcs publics…

 

Une précieuse ressource qui subit de plein fouet le changement climatique !

Une première conclusion semble s’imposer afin d’anticiper des conflits qui risquent de dégénérer rapidement : il est indispensable de réduire nos consommations et de mettre en place une gestion équitable de cette ressource fragile et limitée qu’est l’eau.  Mais comment faire ? Voici quelques pistes souvent évoquées ; nous laisserons, quant à nous, le soin aux gens de terrain de les investiguer plus en profondeur et d’en débattre sereinement :

– augmenter l’offre par davantage de pompages souterrains et de déviations de rivières ? Irriguer davantage, alors que le thermomètre s’affole, ne saurait résoudre toutes les difficultés auxquelles est confrontée l’agriculture. Les risques d’évaporation et d’assèchement, de dérèglement de systèmes hydriques complexes compenseront sans doute bien mal notre manque de résilience agricole face aux extrêmes climatiques…

– modifier nos consommations en limitant, par exemple, drastiquement les produits de l’élevage ;

– modifier les périodes de semis et de récoltes afin de mieux adapter les choix de cultures à l’évolution générale du climat et singulièrement des températures saisonnières…

– introduire de nouvelles cultures mieux adaptées au dessèchement des sols. Le sorgho serait-il apte, par exemple, à remplacer les cultures de maïs pour l’alimentation animale ?

– tabler davantage sur les enseignements de l’agroécologie, en introduisant davantage de biodiversité au sein de nos cultures afin de mieux lutter contre les maladies et les ravageurs ?

– pratiquer des semis sur sols non labourés et opter résolument pour un couvert végétal permanent afin de limiter le ruissellement des eaux, au moment de la saison sèche ?

Le débat a commencé, l’urgence est là…