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Carte blanche
par Caroline Battheu-Noirfalise, Agronome – Chargée du réseau de producteurs
La politique néo-libérale menée par l’Europe fait tanguer nos agriculteurs wallons au rythme des traités de libre-échange. Les prix de vente qui en résultent entrainent la diminution de leur revenu et l’intensification de leur système de production – avec tous les impacts environnementaux que cela peut engendrer. Par ailleurs, entre Fairtrade, BIO, local et autres mentions, le consommateur a de plus en plus de mal à s’y retrouver et, sous fond de crise économique, choisit souvent la simplicité. Une solution serait-elle de remettre du lien entre producteurs et consommateurs autour d’une « charte de production » co-définie par les deux parties ?
Les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) délivrent une certification non-marchande basé sur l’évaluation des participants par leurs pairs et d’autres acteurs de la communauté concernée. Ainsi, chaque producteur participant reçoit la visite de consommateurs et d’autres producteurs pour évaluer la concordance entre les installations (fermes et/ou ateliers) et une charte définie par le collectif. Sur base des informations récoltées lors des visites, le collectif étudie les dossiers des requérants pour convenir de l’accès et l’utilisation ou non au label au sein de commission locale. Au-delà de leur aspect décisionnaire, ces commissions sont également des lieux de débats et de responsabilité partagée pour trouver des solutions pratiques à des non-conformités relevées. Basé sur la transparence et la confiance, le principe des SPG est donc bien plus qu’un simple contrôle, c’est un cercle vertueux d’amélioration continue.
Valentine Jaquemart (Ferme de la Sarthe à Mettet) : « La mention N&P, c’est un plus pour la dynamique sociale, le bien-être animal ou le lien au consommateur. C’est important d’y adhérer pour que le mouvement continue d’exister ! »
En termes de charte, les SPG ont été créé spécifiquement pour la certification de l’agriculture biologique ou, en son essence, une agriculture plus respectueuse de la santé et de l’environnement. Les SPG permettent de se réapproprier la philosophie plus globale de l’agriculture biologique. Effectivement, les chartes SPG couvrent des aspects plus larges que la certification BIO européenne dont notamment des aspects sociaux, de prix juste pour le producteur et le consommateur ou encore l’utilisation d’énergie et d’eau. Aujourd’hui, le cadre d’application des SPG dépasse l’agriculture et concerne également l’écotourisme ou l’écoconstruction. En 2019, la fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) dénombrait 223 initiatives de SPG dans 76 pays du monde, dont 166 déjà opérationnels regroupant 496 104 producteurs.
Créé en 1964, la fédération Nature & Progrès (N&P) France est à l’origine des premiers SPG dans les années 70. Peu de temps après, son homologue Belge, N&P Belgique voit le jour. Dans notre pays, c’est actuellement une communauté d’une soixantaine de producteurs et d’environ 4000 membres qui œuvrent collectivement pour le maintien de la mention N&P, principalement en Wallonie. Pour lutter contre la concurrence déloyale induite par les traités de libre-échange, le mouvement recrée un lien de confiance entre producteurs et consommateurs permettant de soutenir le développement d’une agriculture locale et durable sur laquelle plane une menace grandissante.