© Unsplash (nouveaux OGM)
Carte Blanche publiée sur LLB Débats
Des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), nous en débattons depuis la fin des années nonante. L’industrie des biotechnologies vendit alors les OGM de première génération comme des produits miracles, notamment pour réduire la faim dans le monde, pour combattre les plantes et les insectes indésirables, et réduire ainsi l’utilisation de pesticides ! La technologie de production de ces organismes modifiés était, prétendait-on, précise et entièrement maîtrisée.
De longues discussions, relatives notamment à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement, conduisirent à l’adoption de la directive 2001/18/CE qui définit, entre autres, les obligations d’évaluation et d’étiquetage des produits alimentaires à base d’OGM. Vingt ans après, les OGM n’ont strictement rien apporté à l’agriculture et aux agriculteurs, si ce n’est une dépendance toujours plus forte aux pesticides de synthèse. La quasi-totalité des OGM sont, en effet, modifiés pour tolérer des herbicides ou contenir un insecticide. Les plantes indésirables acquièrent, peu à peu, une tolérance à l’herbicide qui est alors utilisé en quantité plus élevée jusqu’à ce que d’autres herbicides doivent le remplacer. Les insectes résistent assez vite à l’insecticide dans l’OGM, impliquant l’utilisation d’autres insecticides.
Les mêmes vieux arguments refont aujourd’hui surface avec une nouvelle génération d’OGM qui serait indispensable pour lutter contre les effets des changements climatiques, contre la crise de la biodiversité et… pour diminuer l’utilisation de pesticides ! Les techniques de production seraient totalement maîtrisées car l’ADN de la cellule hôte est modifié en des endroits ciblés, et non plus au hasard comme ce fut le cas avec la transgénèse, technique de première génération qui introduit un gène étranger dans l’ADN de la plante et est reconnue pour engendrer des erreurs génétiques.
Les « nouveaux OGM » sont des OGM !
En juillet 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt selon lequel les organismes issus des nouvelles technologies OGM sont bien des OGM et relèvent donc de la Directive OGM. Ils doivent donc être traçables et étiquetés, et faire l’objet d’une analyse de risques pour la santé et l’environnement !
Mais ceci contrarie énormément le lobby de la déréglementation des nouveaux OGM, voulu par les producteurs de pesticides et de semences OGM, des chercheurs d’instituts de recherche, des agriculteurs industriels, des négociants en denrées diverses… Leur pression s’est donc fortement intensifiée auprès des Etats, de la Commission et du Parlement européen. Cette pression de ceux qui se revendiquent de la « vraie science » court-circuite le débat politique et la participation des publics concernés à la prise de décision, que ce soit pour des risques sanitaires et environnementaux ou pour des risques économiques, sociaux et éthiques.
Le simple citoyen veut une agriculture de qualité, de proximité, un déploiement important de l’agro-écologie qui puisse garantir sa sécurité alimentaire et s’intégrer harmonieusement dans le tissu social et local. Il refuse les vaines promesses d’une agriculture de haute technicité, sous brevets, cause d’une perte considérable de diversité semencière et de savoir-faire agricoles. Il n’entend pas se laisser confisquer ce choix !
Quelle sera la position belge ?
Le 25 septembre 2017, un « groupe technique » des administrations belges ad hoc s’est entendu, avant d’être dissout, sur une proposition selon laquelle « une révision du cadre législatif en matière d’OGM est nécessaire afin de tenir compte des évolutions scientifiques et technologiques ainsi que de critères socio-économiques qui ont également évolué depuis vingt ans de Directive 2001/18 ». Cette proposition n’a pas évolué depuis lors. Une abondante littérature scientifique indépendante continue pourtant à montrer les erreurs génétiques engendrées par les nouvelles technologies rebaptisées d’ »édition du génome ».
Un « steering group » fédéral informel a été constitué en septembre 2020. La teneur de ses discussions est restée secrète. Selon les ministres fédéraux compétents, une position modifiée sera préparée si les conclusions de l’étude de la Commission sur le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union, à publier ce 30 avril, nécessitent une nouvelle concertation entre autorités fédérales et régionales. Le Vlaamse Instituut voor Biotechnologie (VIB) joue un rôle prépondérant, tant au niveau national qu’international, dans ce lobby. Fondé et en partie financé par le gouvernement flamand, il compte Bayer et BASF dans son Conseil d’administration et a pour mission de déposer des brevets et des applications dans l’ingénierie génétique.
Les responsables politiques doivent prendre leur responsabilité
Au niveau européen, de nombreuses associations, soutenues par des généticiens moléculaires et des spécialistes du fonctionnement des écosystèmes, se mobilisent pour dénoncer les conséquences d’une déréglementation des nouveaux OGM. Les technologies d’édition du génome dont celle la plus utilisée dite CRISPR-Cas engendrent des erreurs génétiques même si les mutations produites sont « ciblées » en des endroits précis de l’ADN. Ces erreurs peuvent induire des effets non intentionnels – toxines, allergènes, modifications de la valeur nutritionnelle, du métabolisme, impacts sur les écosystèmes – qui ne sont pas toujours perceptibles immédiatement. Ces nouvelles technologies interfèrent directement avec les mécanismes biologiques des cellules et de l’évolution et peuvent modifier l’expression d’autres gènes des cellules. Elles utilisent aussi une phase de transgénèse.
Un nombre croissant de parties prenantes demande que les responsables politiques prennent leurs responsabilités face aux citoyens, engagent un débat public avec l’audition de scientifiques indépendants et maintiennent les nouveaux OGM dans la Directive 2001/18/CE.
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M. Fichers, Ir.Agronome, Secrétaire général
C. Wattiez, Dr.Sc.biologiques, chargée de mission OGM