Au-delà de simples consommateurs de produits sur des étalages, les partisans et partisanes de Nature & Progrès sont surtout de réels soutiens aux femmes et hommes artisan.ne.s de leur alimentation. En 2001, la campagne « Mes aliments ont un visage » de Nature & Progrès concrétisait l’intention de mettre ce lien au centre de la réflexion. Vingt ans après, la nécessité de nous connecter aux maillons de notre alimentation est toujours bien présente…

Par Mathilde Roda

Est-il encore nécessaire de rappeler que Nature & Progrès puise son origine dans le rassemblement de citoyens, d’agriculteurs, d’agronomes, liés par une vision commune de ce que devrait être l’agriculture productrice de leur alimentation ? Depuis près de cinquante ans, cette interconnexion, ce lien privilégié entre consommateurs et producteurs, anime toutes les actions de l’association.

nouveaux ogm non à la déréglementation
A chaque crise sa solution

C’est à la suite d’une ennième crise du secteur alimentaire industriel – voir l’encadré ci-dessous – qu’est née l’idée de ce message : « Mes aliments ont un visage » ! Cinq mots qui résument notre philosophie, qui ramènent à l’essentiel : derrière chaque aliment, il y a une productrice, un producteur, une transformatrice, un transformateur. Du moins, il devrait y en avoir ! Et c’est ce que nous prônons, chez Nature & Progrès. « Nul n’a le droit, pensons-nous, de limiter l’aliment à un simple bien commercial. Le producteur ne saurait être vu comme un simple fournisseur d’ingrédients ; le consommateur n’est pas davantage un vulgaire acteur économique, un acheteur d’aliments« , indiquait la campagne de 2001. Et aujourd’hui, nous tenons à réitérer cet appel !

Car trop nombreuses sont les crises alimentaires qui nous pendent encore au nez ! Le secteur industriel a de plus en plus la mainmise sur notre alimentation, même en bio. Les débats sont rudes pour tenir le cap. Quand on parle de valeurs, on nous répond « loi du marché ». Comment faire valoir la parole des agriculteurs quand ceux-ci sont réduits à de simples fournisseurs de matières premières ? Comment aider au développement des transformateurs qui veulent valoriser les productions wallonnes quand on les met en concurrence avec des industries peu regardantes sur la provenance des denrées utilisées ? Sous couvert de développement de filières, on continue finalement de soutenir le même modèle agricole productiviste. Au pays du bas prix, le rendement est roi ! Et le risque pour le consommateur reste le même…

Pour nous, c’est un fait : nombres des dérives dans le secteur agroalimentaire seraient évitables si nos aliments transitaient le plus directement possible du lieu de production vers nos cuisines. Et s’il ne fallait qu’un seul geste pour qu’ils passent de la main du producteur ou du transformateur vers celle du consommateur ? Et si, ainsi, nous pouvions nous réapproprier notre droit de manger sainement, en soutenant ceux qui travaillent en ce sens ?

Bien plus qu’une campagne de communication

Il y a vingt ans, nous vous interpellions. « Acheter bio, c’est une chose. Mais, pour faire de votre aliment un outil formidable de développement humain, économique et environnemental, il convient que cet achat concerne des produits locaux, des produits proches des hommes, dont la culture aura un impact positif sur leur lieu et leurs conditions de vie. » Et vingt après, notre position n’a pas changé. C’est dans l’ADN de Nature & Progrès de revendiquer que nos aliments aient un visage ! Les initiatives de regroupement en circuit-court qui essaiment, ces dernières années, soufflent un vent d’espoir et montrent que notre message est porteur. Il est d’ailleurs marquant de voir que ce sont toujours des producteurs bio de Nature & Progrès qui en sont les figures de proue.

Mais finalement, notre modèle alimentaire a peu évolué depuis l’après-guerre. Il suffit de déambuler dans les allées des grandes surfaces, qui restent le canal principal d’achat du bio – 39% des parts de marché en 2019 -, pour voir que le changement tant attendu ne s’est pas réellement opéré. Si les productions bio wallonnes gagnent du terrain dans les étalages, celles-ci restent anonymes. Certes, des visages, on nous en sert : ceux des mannequins qui posent en salopette, fourche à la main, sur des affichages publicitaires trompeurs. Qu’on se le dise, dans les grandes surfaces, les aliments n’ont pas de visage.  La situation reste donc majoritairement la même : le maillon central de l’alimentation, c’est le distributeur – ou la structure de transformation qui le fournit. Le consommateur et le producteur sont réduits au rang d’outils financiers. L’aliment, un objet de spéculation comme un autre ? Pour Nature & Progrès, c’est non. Un grand non !

À la suite de la crise du lait, des producteurs bio belges se sont regroupés pour valoriser les productions locales, auprès des grandes surfaces. Comme la coopérative Biomilk, dont on retrouve le lait dans les rayons de Delhaize. Au départ, la brique mettait clairement en avant la présence de la coopérative. Lors de la révision du packaging bio, Delhaize en a profité pour lisser le visuel, et le logo « Bioptimist » a supplanté celui de Biomilk – saurez-vous repérer la marque Biomilk sur l’emballage ci-dessus ? -, permettant ainsi au distributeur de garder la main mise sur le packaging. Le producteur est déshumanisé et son produit vendu sous une marque de l’enseigne, qui reste maître de la commercialisation, du marketing, et surtout de la négociation des prix. Biomilk devient ainsi plus facilement interchangeable avec un autre groupement, déséquilibrant les négociations à la défaveur de la coopérative.

Un œil dans le rétroviseur : 1999 et la crise de la dioxine en Belgique

Les dioxines, ce sont des molécules organochlorées, des polluants organiques persistants dans l’environnement et qui ont la réputation d’être dangereuses pour la santé. Pourquoi ? Déjà parce que l’Homme est un bio-accumulateur de ces molécules car il est en bout de chaîne alimentaire et incapable de les éliminer de son organisme. Ensuite parce que ces molécules se transmettent de la mère au fœtus ou, via l’allaitement, au jeune enfant. Nous vous laissons ouvrir vos encyclopédies pour en savoir plus sur leurs origines dans notre environnement. Sachez seulement que des études considèrent que certains types de dioxines sont hautement toxiques, en agissant au niveau du développement, du système immunitaire, des hormones… Et qu’elles peuvent également causer des cancers…

On constate, début 1999, que des aliments pour animaux – monogastriques en l’occurrence, donc poulets et porcs -, produits en Belgique, sont contaminés à des doses hors normes de dioxines, via des graisses minérales qui n’auraient pas dû se retrouver là où elles se trouvent. Ces dioxines sont détectées dans les œufs et la viande conventionnelles qui sont consommés. Mais voilà, dans un monde où les filières alimentaires sont de plus en plus compliquées, remonter à la source de la fraude devient un incroyable casse-tête !  Pour en savoir plus, nous vous conseillons de lire l’article du journal Le Soir : La crise qui empoisonna la Belgique, disponible en ligne.

La déconnexion des différents maillons de la chaîne fait qu’au final le producteur n’est plus maître de l’alimentation qu’il donne à ses animaux. Un cas isolé ? Pas vraiment ! La mondialisation et la capitalisation de notre alimentation rend les contrôles toujours plus ardus. La responsabilité de chacun est diluée au nom de la productivité et de la libre concurrence. Pour preuve : on voit revenir la manipulation de l’alimentation par des acteurs industriels qui, à coups de lobbying puissant au niveau européen, tentent de libéraliser la diffusion des OGM dans l’agriculture et donc dans notre alimentation. Pour plus d’information, voir notre brochure intitulée La problématique des nouveaux OGM – disponible sur www.natpro.be – ou relire le dossier de votre précédent numéro de Valériane.

Au-delà du scandale politique et économique que la crise de la dioxine provoqua, c’est la confiance des consommateurs dans le système alimentaire qui fut durablement mise à mal. Heureusement pour l’industrie, l’humain a la mémoire courte. C’est pourquoi Nature & Progrès est là pour vous rappeler que consommer est un acte politique ! Et si nous accordions plus d’importance aux artisans de notre alimentation ?

Réaffirmons que nos aliments ont un visage !

En rapprochant producteurs et consommateurs, nous sommes en mesure de garantir une bio locale et éthique, qui repose sur une relation de confiance. Connaître l’humain qui se cache derrière ce que nous consommons en est l’essence même. L’aliment fait le lien, tel un contrat tacite mais essentiel, entre celui qui le produit et celui qui le consomme. Il est l’engagement du producteur à procurer une alimentation de qualité, tout en respectant l’environnement et la santé. Il est l’engagement du consommateur à soutenir cette philosophie de production. Il est le garant de la confiance du citoyen envers les agriculteurs et les transformateurs qu’il soutient, mais aussi de la qualité de vie de tous ceux qui font que, du champ à l’assiette, l’aliment est !

Dans la nécessité de maintenir les valeurs du bio face au développement important du secteur, il devient de plus en plus limpide que les producteurs bio de Nature & Progrès apportent des solutions. C’est pourquoi chaque jour, nous défendons leurs valeurs qui sont aussi les vôtres ! (Re)découvrez donc les producteurs bio de Nature & Progrèswww.producteursbio-natpro.be – qui vous proposent viandes, fromages, charcuteries, fruits et légumes de saison, farines, biscuits, bières… Toute une variété de produits dont ils maîtrisent la culture et la transformation, en toute transparence.

Les choses ont évolué en vingt ans ! les producteurs bio de Nature & Progrès ont développé leurs magasins et les surfaces agricoles bio ne cessent de croître. Il faut s’en réjouir ! Tout en restant attentifs aux fondamentaux. La croissance des marchés doit se faire en respectant les valeurs du lien entre production et consommation. Nature & Progrès est là pour le rappeler et pour réaffirmer les convictions défendues depuis ses débuts : « Mes aliments ont un visage » ! Nous connaissons tous le nom de l’auteur du dernier livre que nous avons acheté. Nous connaissons le nom de nos animateurs télé et radio favoris. Celui de notre coiffeur, nous le connaissons évidemment parfaitement. Alors comment ne pas connaître celui des hommes et des femmes qui se cachent derrière notre alimentation ?

Soyez attentifs, durant toute cette année, aux messages qu’ils auront à vous faire passer. Ouvrez l’œil, et le bon. Pour voir s’épanouir les visages de vos producteurs bio !