Ce début 2019 voit naître, en Flandre, la désormais autoproclamée plus grande porcherie bio belge. Les porcs de la société Biovar.be sont destinés au groupe Colruyt. Nature & Progrès est interpellée par l’apparition de ces nouveaux élevages de porcs « tout béton » à la limite de la certification biologique et s’éloignant dangereusement de la philosophie bio.
Des élevages minimalistes
Nature & Progrès, association de producteurs et de consommateurs biologiques, est frappée par ce nouveau modèle de porcherie « tout béton », où tant les espaces intérieurs qu’extérieurs directs sont artificialisés. Pourtant, la réglementation européenne précise que « des aires d’exercice permettent aux porcins de satisfaire leurs besoins naturels et de fouir. Aux fins de cette dernière activité, différents substrats peuvent être utilisés » (R889/2008, Art 11, point 6). Les substrats en question ne sont pas définis, mais le bon sens veut que des surfaces en béton ne soient pas adaptées. Les quelques brins de paille servant de litière aux porcs sont évidemment insuffisants pour leur permettre d’assouvir leur besoin naturel de fouir.
Quelques brins de paille pour fouir, voici ce que propose l’élevage industriel de porcs. Image issue du site biovar.be.
Sur son site internet (biovar.be), l’élevage se dit pourtant « plus que bio », notamment en ce qui concerne le bien-être animal. « Chaque animal a le libre choix de manger, de boire et de bouger à tout moment », ce qui est bien heureux et par ailleurs obligatoire selon la réglementation biologique. « Chaque promenade extérieure offre une vue imprenable via une séparation en mezzanine ouverte », on voit en effet une vue imprenable sur quelques mètres carrés de béton et des hautes barrières en plastique. « Toutes les catégories d’animaux vivent en groupe », ce qui est aussi une obligation de la réglementation, le cochon étant un animal sociable.
Vous le comprenez dans le discours de Biovar.be, l’associé de Colruyt, tout est dans la communication et dans l’application au minimum des règles du bio. C’est contraire à l’esprit du Bio qui guide les choix de nos agriculteurs.
Le parcours extérieur (aire « de promenade ») des porcelets et sa « vue imprenable » dans l’élevage de porcs Biovar.be. Image issue du site biovar.be.
L’élevage biologique de porcs selon Nature & Progrès
« La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal […] » (Règlement européen R834/2007 relatif à l’agriculture biologique).
Pour Nature & Progrès, un élevage biologique doit respecter les besoins naturels des animaux : ces derniers ont besoin de fouir, comportement inné lié à leur régime alimentaire et à leur mode de vie. L’accès à des terres ou à d’importantes couches de paille est donc recommandé pour laisser les animaux assouvir leur instinct. Conservons un élevage lié au sol dans notre région où les prairies sont dominantes ! Selon la Bio de Nature & Progrès, les cochons sont élevés à l’extérieur et rentrent quand les conditions sont défavorables. Dans le modèle industriel, les cochons sont à l’intérieur et peuvent parfois sortir « en promenade ». Une différence de philosophie marquante !
A la Ferme des Crutins, les porcs sont élevés en plein air. Photo : Sylvie La Spina – Nature & Progrès.
Nature & Progrès prône pour des élevages de porcs ou de volailles en diversification et non en activité principale. En effet, pour tirer un revenu suffisant de ce type d’élevage, il est incontournable d’élever un grand nombre d’animaux, ce qui est difficilement compatible avec le bien-être animal, la prévention des maladies, l’autonomie des fermes (en amont et en aval de l’élevage) et les aspects écologiques (gestion des fumiers). Les porcs ont la faculté de valoriser les « déchets » de production tels que le son des céréales ou le petit lait de fromagerie. C’est dans ce sens qu’un élevage porcin s’associe avec les activités de fermes biologiques liées au sol, en polyculture élevage.
A la ferme de Stée, les porcs valorisent le petit lait issu de la transformation des laits de vaches, brebis et chèvres en délicieux fromages. Les éleveurs ont développé une boucherie pour proposer la viande de porcs au magasin de la ferme. Photo : Sylvie La Spina – Nature & Progrès.
Bien-être des porcs Pour un animal, pouvoir exprimer les comportements propres à son espèce est une des composantes cruciales de son bien-être. Les porcs explorent leur environnement et manipulent des objets pour la recherche d’endroits attractifs pour se coucher, pour l’acquisition de connaissances générales sur leur domaine vital, et pour la recherche de nourriture. Parmi ces activités, la recherche de nourriture, ou « fouille alimentaire », est un comportement majeur : quand les porcs domestiques peuvent vivre en liberté dans un cadre boisé, ils passent 75 % de leur temps actif à effectuer des comportements de fouille alimentaire, même quand ils sont nourris à satiété. Les fouilles consistent à pâturer, retourner, trouver et renifler des objets. Ce comportement a évolué au cours des millénaires, permettant aux porcs de trouver de la nourriture toute l’année. La sélection naturelle a favorisé ceux qui fouissaient le plus et ces comportements sont maintenant fixés, y compris chez le porc domestique moderne. Pour amener les porcs à combler leurs besoins de fouille, les éleveurs doivent mettre à leur disposition des substrats incitant ce comportement, idéalement comestibles, pouvant être mâchonnés, et pouvant être fouillés avec le groin. Si les besoins d’exploration et de fouille ne sont pas rencontrés, les porcs expriment leur frustration en mordant ce qui se trouve à leur portée, notamment la queue de leurs congénères. La caudophagie est plus fréquente dans des élevages sur caillebotis que dans des élevages plein air ou sur une importante couche de paille. En plein air, les cochons se rouleront dans la boue pour se protéger des parasites et du soleil. En effet, ils sont sensibles aux coups de soleil et nécessitent, quand il fait chaud, de réguler leur température. Une couche de boue leur permet de se rafraichir plus efficacement que des bains d’eau. |
Une volonté d’industrialisation du bio
Dans le cadre de la révision du règlement bio européen, les pressions se font d’ores et déjà sentir pour officialiser un mode d’élevage « tout béton » dans le secteur bio dès 2021. L’idée est de ne plus fournir qu’un caillebotis extérieur aux animaux, donc aller vers le 100 % béton. Pour les producteurs et consommateurs de Nature & Progrès, ce sera un grand NON !
Le développement d’élevages biologiques intensifs et à grande échelle est lié au souhait des grandes surfaces (ici, Colruyt) d’offrir de la viande biologique locale au consommateur, au prix le plus bas possible, grâce à une filière intégrée et à des économies d’échelle. Ces circuits gérés par des investisseurs sont plus faciles à mettre en place que ceux de groupements d’éleveurs. En effet, pour travailler avec les grandes surfaces, il est nécessaire de fournir des produits standardisés, avec régularité. Pour nos producteurs artisanaux wallons, cette démarche est ardue et tend à appauvrir la spécificité de nos élevages. Pour cette raison notamment, Nature & Progrès prône le circuit court et la préservation de l’artisanat tant dans les métiers de l’élevage que dans ceux de la boucherie. Nous nous posons également la question de l’opportunité pour un distributeur de s’investir dans le développement d’outils de production agricole. La production agricole doit rester dans des fermes familiales et nourricières, et les grandes enseignes doivent se cantonner à faire leur job : distribuer.
Les éleveurs de porcs Bio de Nature & Progrès Chez les producteurs Bio labellisés Nature & Progrès, l’élevage de porcs n’est pas une activité dominante. Elle est toujours associée à d’autres activités d’élevage ou de culture, et souvent à la transformation fromagère. En effet, le petit lait issu de la production de fromages est donné aux cochons qui valorisent ce « déchet » en viande. Les éleveurs sont pour la plupart en autonomie au niveau de l’alimentation de leurs cochons : de surfaces de céréales sont cultivées à leur égard pour compléter la ration. La Ferme des Crutins, Pierre Pirson à Sugny. La Ferme à l’Arbre de Liège, Famille Paque à Lantin. La Ferme Dorloû à Ellezelles. La Ferme de Jambjoule à Rochefort. La Ferme de la Sarthe à Mettet. La Ferme du Moulin à Chièvres. La Fromagerie de Stée à Ciney. Le Domaine de Graux à Tournai. Le Chèvrefeuille à Haillot. La Ferme de l’Esclaye à Beauraing. Les pousses vertes à Rochefort. La Ferme du Hayon à Meix-devant-Virton (arrêt temporaire – peste porcine africaine) |
Sources :
Site internet de Biovar.be (www.biovar.be)
Site internet du projet européen Welfare Quality (http://www.welfarequality.net/en-us/home/)
“les porcs doivent avoir un accès permanent à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes, tels que la paille, le foin, la sciure de bois, le compost de champignons, la tourbe ou un mélange de ces matériaux qui ne compromette pas la santé des animaux “(Directive UE 2008/120/CE, Annexe 1, par.4). �7