© Nature & Progrès : visite publique Plan Bee 2022
Comment favoriser la biodiversité, produire une eau exempte de résidus de pesticides et avoir une agriculture rentable ? C’est à cette question que Nature & Progrès a voulu répondre dans le cadre du projet Plan Bee.
Encourager un système agricole exempt de pesticides chimiques de synthèse en parallèle à l’implantation de mesures accueillant la biodiversité et de ressources florales est primordial ! L’intégration de cultures mellifères/entomophiles (sarrasin, bourrache, moutarde, fleurs sauvages, etc.) dans les assolements agricoles testée sur les terrains Plan Bee s’est avérée rentable tout en nourrissant nos pollinisateurs et auxiliaires des cultures qui sont des solutions pour pouvoir se passer des pesticides.
Comme elles sont de bons indicateurs de notre environnement, durant 3 ans, des abeilles mellifères & solitaires ont sillonné 5 sites d’étude Plan Bee, des sites de captage d’eau de la Société Wallonne des Eaux. Elles ont permis d’évaluer l’état de l’environnement proche et éloigné en matière de pesticides et ressources florales. Elles offrent ainsi aux acteurs de la protection des ressources en eau, une méthode de signalisation des sites à risques de contamination par les pesticides.
Objectif 1 : augmenter l’(agro)-biodiversité
L’objectif principal du Plan Bee est d’étudier la faisabilité agronomique, apicole et économique d’implanter des cultures mellifères sans pesticides sur de grandes surfaces pour produire du miel et des produits dérivés tout en favorisant l’entomofaune sauvage. Une collaboration apiculteurs/agriculteurs a été développée pour diversifier les produits agricoles. Les cultures mellifères peuvent être valorisées en semences, farines, huiles, condiments, engrais verts, etc. Les arbres, haies et autres vivaces constituent aussi des ressources pour la production de miel et l’accueil de la faune. La demande de miel étant plus grande que l’offre en Wallonie, il est important de favoriser ces cultures mellifères et l’apiculture wallonne. De plus, des grandes zones non-agricoles comme les sites de captages d’eau peuvent aussi être des lieux de biodiversité et servir de ressources alimentaires pour les abeilles.
Résultat : Ces premiers essais sont encourageants ! Nature & Progrès continue à œuvrer afin de développer l’agriculture biologique, les alternatives aux pesticides et diversifier les produits agricoles par l’implantation de cultures mellifères.
Objectif 2 : évaluer l’état de l’environnement à l’aide des abeilles
Le second objectif du Plan Bee était d’étudier l’état de notre environnement à l’aide des abeilles mellifères et osmies (abeilles solitaires). Un environnement sain est indispensable pour leur survie. Les abeilles mellifères ont un rayon de butinage de l’ordre de 3 km alors que les osmies ont un rayon de butinage de 300 m. Les secondes nous donnent donc l’état de l’environnement sur une plus petite distance. Quelles fleurs les abeilles ont-elles butinées [1] ? Quels sont les résidus de pesticides relevés par les abeilles sur les différents sites Plan Bee ? [2] Les résultats ont ensuite été comparés avec les analyses de résidus de pesticides retrouvés dans les eaux de captage [3] et dans le sol [4]. Cela a permis de déceler les contaminants auxquels une population (humaine, d’abeilles) est effectivement exposée. En ce compris les « effets cocktails » de ces contaminants dont les risques toxiques sont évalués individuellement alors que leurs effets devraient être analysés ensemble.
Résultat 1 : de nombreux résidus de pesticides en régions de grandes cultures…
Des résultats marquants en termes de présence de pesticides ont été observés en comparant les sites dont les environnements sont très différents : Orp-Jauche, une région de grandes cultures où les céréales, pommes de terre, betteraves et autre légumes plein champ conventionnels sont bien présents et Ciney, une région de terres d’élevage où les prairies et cultures céréalières (de plus en plus bio) dominent.
Dans le pain d’osmies , nous avons retrouvé à des concentrations élevées principalement des résidus d’herbicides pour les différents sites, excepté à Ciney où les herbicides sont à l’état de traces. Il s’agit surtout d’herbicides appliqués en culture de betterave, pomme de terre, légumes, céréales, maïs ou fruitiers et du tristement connu glyphosate. Quelques résidus de fongicides ont été retrouvés à des concentrations élevées (à Orp-Jauche, Thiméon et Ciney) principalement là où il y avait du colza ou des céréales proches des hôtels d’étude. En termes de résidus d’insecticides, nous avons des insecticides utilisés en fruitiers ou pommes de terre qui reviennent souvent à l’état de traces ou à de concentrations plus élevées à Orp-Jauche.
Les abeilles mellifères ont butiné une diversité de plantes plus importante que les osmies étant donné leur période de butinage plus étendue et leur rayon de butinage plus élevé. Néanmoins, nous constatons que de nombreuses plantes ont été butinées par les deux. Elles ont donc pu partager leurs ressources.
Dans leur pollen et pain d’abeille , nous avons observé principalement des résidus de fongicides et herbicides à des concentrations élevées et parfois supérieures à la Limite Maximale de Résidus (LMR) autorisées dans le pollen destiné à la consommation humaine, mais également des résidus d’insecticides. Il s’agit en général des mêmes molécules que celles retrouvées dans le pain d’osmies avec en plus des pesticides appliqués en été. A Ciney, les résidus de pesticides étaient nettement moins nombreux et à l’état de traces.
–> Les osmies comme les abeilles mellifères ont été exposées à des pesticides appliqués sur des cultures attractives aux pollinisateurs mais également des pesticides appliqués sur des cultures non attractives. Cela suppose qu’en plus d’une contamination directe du pollen, une contamination du pollen butiné via des dérives de ces pesticides sur plantes voisines ou à travers des plantes indésirables s’est produite.
Résultat 2 : certains de ces résidus de pesticides se retrouvent également dans les eaux de captage
Plusieurs pesticides détectés dans les substrats d’abeilles (ou leurs métabolites) ont également été détectés dans les eaux de captage et le sol, et y sont persistants. Certains ont déjà été retirés du marché, d’autres y sont toujours. Il faudra attendre plusieurs années pour que certains pesticides appliqués dans le passé disparaissent de nos eaux de captage. Il est grand temps d’interdire ceux qui sont encore sur le marché.
Toutes les substances retrouvées dans les substrats d’abeilles ne sont pas systématiquement recherchées dans l’eau. Une analyse doit être réalisée pour voir si ceux-ci peuvent arriver jusqu’aux nappes d’eau souterraines pour éventuellement étendre les recherches. Certaines se trouvent sur la liste des 12 pesticides dangereux pour la santé de l’Homme ou l’environnement pour lesquelles l’Europe a demandé des candidats à la substitution.
Le Plan Bee vient de prouver que les abeilles sont un indicateur de l’environnement intéressant pour jauger la présence de pesticides dans l’environnement et ainsi signaliser les sites à risques de contamination. Les abeilles sont nos alliées, protégeons-les !
Mettons en avant les alternatives aux pesticides !
Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse sont déjà bien développées chez nos agriculteurs wallons. Il reste néanmoins encore de nombreuses terres à libérer et à aménager avec des ressources florales. La meilleure issue pour réduire les coûts d’assainissement de l’eau, ce sont : des producteurs faisant le pari d’une production sans pesticides et des apiculteurs qui collaborent pour augmenter les rendements, éclairés par les structures de soutien existantes et soutenus par des consommateurs soucieux de leur santé et de leur environnement.
[1] Analyses réalisées par le Centre Apicole de Recherche et d’Information (CARI) et le Centre wallon de Recherches agronomique (CRA-W)
[2] Analyses réalisées par le CRA-W
[3] Analyses réalisées par la SWDE
[4] Réalisées par le CRA-W et l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP)