Etude 2024

Par Sylvie La Spina, Nature & Progrès  2024

Résumé

L’alimentation bio locale, un truc de bobo ? L’accessibilité de l’alimentation que nous prônons, chez Nature & Progrès, depuis près de 50 ans, est souvent mise en question. A défaut d’arriver à résoudre, une bonne fois pour toutes, le problème de la pauvreté et des inégalités sociales, il est nécessaire de miser sur une transition de l’alimentation collective pour favoriser l’accès du plus grand nombre à une alimentation de qualité. Cette étude s’intéresse aux freins et aux leviers permettant de concrétiser cette évolution.

L’étude dresse un portrait du secteur de l’alimentation collective et de ses évolutions. La pression financière a généré une détérioration de la qualité des repas servis en cantines. Le nombre de repas pris dans les écoles s’est réduit. Des cuisines ont fermé, passant le relais à des sociétés de catering. Certaines écoles ont même cessé de proposer une restauration. Le secteur de l’alimentation collective a besoin d’une transition, de pouvoir valoriser l’origine et la qualité de ses produits, la saveur de ses repas.

Peut-on nourrir toutes les collectivités avec des produits bio et locaux ? L’offre bio locale, bien développée et organisée, peut globalement répondre à la demande, à part celle des plus grandes sociétés de catering qui commandent des volumes trop importants. Les règles des marchés publics, passage obligatoire pour l’approvisionnement des cantines publiques, sont cependant une réelle entrave aux collaborations avec les producteurs bio locaux étant donné leur lourdeur et complexité administrative, ainsi que l’interdiction de cibler une origine locale. Enfin, les contraintes de ressources humaines, de compétences et d’équipement en cuisine représentent également un frein à la transition. Passer en bio local signifie de changer une manière de fonctionner bien ancrée dans la formation et dans les habitudes des professionnels. Finalement, la première contrainte semble être le prix de cette transition, à la fois celui des ingrédients bio locaux, mais aussi le surcroît de travail en cuisine.

Plusieurs solutions ont été identifiées au cours de cette étude, et mériteraient d’être approfondies par nos pouvoirs publics. La plus ambitieuse, qui permettrait de donner un élan à la filière bio locale, serait d’imposer une part – et, à terme, la totalité – d’ingrédients bio locaux dans les repas préparés par les collectivités. Une mesure déjà prise en France et dont les premiers résultats sont prometteurs. Nature & Progrès revendique la mise en place d’une politique alimentaire engagée vers l’agriculture bio et locale. Si ces mesures semblent coûteuses, car il est nécessaire de soutenir financièrement cette transition, elles seraient accompagnées de nombreuses plus-values : amélioration de la santé publique et environnementale, création d’emploi local, renforcement des filières agricoles, etc. N’est-il pas temps de sortir du court-termisme et de décloisonner les budgets publics pour mettre en place une politique alimentaire ambitieuse et transversale, sur le long terme, pour notre santé et celle de la Terre ? Chez Nature & Progrès, nous le croyons ! Deux leviers ont été identifiés pour encourager cette transformation politique : la diffusion et la vulgarisation d’études scientifiques sur les externalités de l’agriculture biologique, et l’inscription du droit à l’alimentation dans la Constitution belge et/ou européenne.

Bio et précarité alimentaire, une question de bon sens

A l’heure où de plus en plus de personnes peinent à boucler leurs fins de mois, Nature & Progrès invite à un pari fou : osons le bio. Fou, car il peut sembler indécent d’évoquer une alimentation connue pour être « plus chère » quand il s’agit de parler de pauvreté et d’aide alimentaire. Mais finalement, pas si fou que ça, quand on y réfléchit vraiment. La bio est la meilleure solution aux enjeux de la précarité alimentaire.

Un droit à l’alimentation bafoué

Selon la Fédération des Services Sociaux, à ce jour, 600.000 personnes ont recours à l’aide alimentaire en Belgique, dont 300.000 en Wallonie et 90.000 en Région de Bruxelles-Capitale. A raison de 2,3 personnes par ménage, on peut donc dire qu’un ménage belge sur dix fait appel à ce soutien. Ces chiffres résultent d’une hausse de 30 % en cinq ans, expliquée par les différentes crises : Covid-19, inondations, guerre en Ukraine, inflation, etc.

L’un des droits fondamentaux de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme n’est pas respecté.

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. » (Déclaration universelle des Droits de l’Homme, 1948, Art.25)

 

Notons que cet article fait référence à un niveau de vie suffisant, soit à une capacité financière de chacun.e à assumer, en toute autonomie, ces différents domaines, dont le plus fondamental est l’alimentation. Les dons alimentaires sont une béquille, une solution d’urgence indéniablement utile, mais qui s’est généralisée et banalisée. Les organisations d’aide alimentaire s’essoufflent, reposant sur un bénévolat de plus en plus rare, des approvisionnements se réduisant comme peau de chagrin tout en devant répondre à une demande de plus en plus importante.

Notre société a besoin d’une véritable politique visant à lutter efficacement et de manière structurelle contre la pauvreté, en donnant la parole et en tenant compte des besoins des principaux concernés. Il est plus que temps de se pencher sur de véritables solutions permettant à chacun.e de se nourrir sainement, dans la dignité, et en toute autonomie.

L’aide alimentaire cantonnée aux produits industriels

Aujourd’hui, l’aide alimentaire repose principalement sur deux types d’approvisionnements : les produits relevant du Fonds social européen (FSE+), représentant 37 % des volumes[i], et les invendus de l’agro-industrie (22 % des volumes) et de la grande distribution (32 % des volumes).

L’enveloppe FSE+, gérée par le Service public fédéral de programmation Intégration sociale (SPP IS), permet l’achat de produits de base de longue conservation auprès de l’agro-industrie européenne : lait, farine, pâtes, conserves, etc. Voici comment l’Etat subsidie indirectement l’industrie grâce à une enveloppe colossale : vingt millions d’euros en 2023 ! On est bien loin d’une alimentation de qualité reposant sur des produits frais (mais périssables), biologiques et locaux !

Les invendus alimentaires, eux, permettraient de diversifier l’aide avec des produits frais. Mais, avouons-le, ces aliments sont quand même un peu défraîchis puisque invendables, et les acteurs de l’aide alimentaire ont d’ailleurs interpellé la presse en novembre 2023. « Nous avons l’impression d’être la poubelle des grands magasins », témoigne l’asbl La Petite Maison du Peuple de Colfontaine dans un article de la RTBF[ii]. En France, l’Agence de transition écologique ADEME estime à dix millions de tonnes la nourriture perdue ou gaspillée chaque année. Les invendus des commerces représentent 14 % du gaspillage, équivalant à trois kilos de nourriture par personne et par an. Cette ressource se tarit en raison des stratégies anti-gaspi – très « greenwashing » mais aussi économiques – développées par les grandes surfaces, et la valorisation de ce type de produits par des start-ups anti-gaspi (Nous anti-gaspi, Too Good To Go, etc.).

Le modèle d’aide alimentaire sous la forme de distribution de colis est une réponse d’urgence à la situation des personnes : il faut donner quelque chose à manger à une personne dénutrie. Quand il est question de vie ou de mort, d’une sous-nutrition ayant des impacts sur la santé, le quoi et le comment sont secondaires. Toute la problématique est que l’aide d’urgence tend à devenir structurelle à défaut d’autres alternatives. C’est dans ce contexte, quand la béquille s’éternise, que les défauts du « quoi » et du « comment » prennent de l’importance. L’association ATD Quart Monde (2019)[iii] en témoigne :

« Le sentiment d’humiliation, d’atteinte à leur dignité, semble être composé de deux éléments : l’humiliation de recevoir des produits invendus, c’est-à-dire les « déchets » des autres consommateurs et de l’agro-industrie, et la violence de ne pas avoir le droit de choisir les produits qu’ils veulent, de ne pas pouvoir les refuser ni les contester ».

Bio & local : « Transformer le cercle vicieux en cercle vertueux »

Dans ce contexte, comment peut-on imaginer renforcer l’accès des publics précarisés à des produits de qualité, paysans, bio, locaux, généralement considérés comme des produits « bio-bobo », plus chers ? Rares sont les acteurs coutumiers des questions sociales qui osent s’aventurer dans ce genre d’idée. De nombreuses structures sociales écartent d’emblée les produits bio locaux et se concentrent sur d’autres sources d’approvisionnement, conventionnelles et industrielles, jugées plus accessibles. Certains acteurs plus hardis ont réfléchi la question.

Le CBCS (Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique) (2013)[iv] met en avant toute la cohérence d’opter pour des produits issus d’une agriculture locale et de qualité dans les dispositifs d’aide alimentaire. « Si des critères de durabilité sont insérés dans les cahiers des charges relatifs aux achats de vivres [relatifs à l’aide alimentaire] de manière à soutenir les produits de qualité issus de l’agriculture paysanne locale, on pourrait transformer le cercle vicieux en cercle vertueux. »

« Fournir des vivres de qualité à ceux qui ont le plus besoin de cette qualité, soutenir l’agriculture paysanne locale, pourvoyeuse d’emplois, et réduire la précarité ».

 

Le pape François interpelle, dans son encyclique « Laudato Si »[v] : « Il est fondamental de chercher des solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. »

« Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. »

 

Le concept d’écologie intégrale appelle à ne plus séparer l’humain d’un côté, à travers des actions sociales et philanthropiques, et l’environnement de l’autre. Renforcer l’accès des publics en situation précaire à des produits bio et locaux coule donc de source, pour résoudre la grande crise que nous vivons.

Associer aide alimentaire et producteurs bio locaux, est aussi une des recommandations exprimées dans le Mémorandum 2024 de la Concertation Aide Alimentaire[vi]. « De nouvelles expériences de collaboration entre des organisations d’aide alimentaire et des producteurs locaux ont été mises en place, souvent à la grande satisfaction des deux parties : les premiers pouvant offrir des produits de qualité aux bénéficiaires, et les seconds bénéficiant d’un prix juste et rémunérateur pour leur labeur. Ces expériences doivent être évaluées, soutenues et déployées partout où cela est possible ».

Production bio locale et alimentation des personnes fragilisées tendent donc à se rapprocher, deux mondes partageant des défis importants, et qui gagneraient à travailler ensemble pour le bien de tous. Mais reste la question épineuse du prix : chacun se demandera donc comment faire pour assurer à la fois un prix correct pour le producteur, et un prix accessible pour le plus grand nombre. Une équation insoluble ?

Résoudre l’équation des prix

Toute personne qui le souhaite devrait avoir accès à une alimentation bio et locale. L’équilibre à respecter est le suivant : le revenu du consommateur doit – au moins – correspondre au prix des aliments. On peut donc actionner deux leviers : le premier est d’augmenter le revenu via des mesures de lutte contre la pauvreté, et le second est de réduire le prix des aliments, mais sans, bien entendu, rogner sur les revenus des producteurs. Les rapports du Secours Catholique[vii] et de l’Insee[viii] en France attirent l’attention sur le fait qu’un producteur est, assez souvent, lui aussi, un consommateur en situation précaire qui a besoin de revenus pour s’alimenter.

Si 10 % des Français ont besoin de l’aide alimentaire pour se nourrir, plus de 20 % des agriculteurs ne vivent pas de leur métier et ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté.

Lutter contre la pauvreté

La solution la plus évidente aux questions d’accessibilité financière de l’alimentation est de lutter contre la pauvreté. Si chacun pouvait disposer d’un revenu suffisant pour couvrir ses besoins essentiels, la question ne se poserait pas. Aujourd’hui, les situations sont contrastées. Les travailleurs, salariés ou indépendants, disposent de revenus. Pour certains, ces rentrées sont trop faibles pour assurer les besoins de base. Les chômeurs et les personnes bénéficiant du revenu d’intégration sociale reçoivent un coup de pouce qui est rarement suffisant pour couvrir l’ensemble des besoins. Et enfin, une frange de la population ne dispose d’aucun revenu, étant dépendante d’une autre personne ou étant à la rue. Notre société a évolué vers un système très inégalitaire, où de nombreux travailleurs se retrouvent sous pression, partent en « burn out » et rêvent d’un temps partiel, et où d’autres personnes ne trouvent pas d’emploi, partent en « bore out » et rêvent de se rendre utiles, de prendre leur place dans la société.

En Wallonie[ix], 64 % des personnes âgées de 20 à 64 ans disposent d’un emploi tandis que 5,5 % sont au chômage. Les autres 30,5 %, dits « inactifs », ne sont pas sur le marché de l’emploi (étudiants, homme ou femme au foyer, prépensionnés, etc.). En 2022, 26 % des salariés travaillaient à temps partiel et 5 % occupent un second emploi.

 

L’idée d’un revenu universel fait doucement son chemin, de même que celle d’une sécurité sociale alimentaire. Elles reposent sur le même principe : fournir aux citoyens un revenu de base suffisant pour couvrir les besoins essentiels. Plus précisément, la sécurité sociale alimentaire repose sur trois piliers. Le premier est relatif à l’universalité de la mesure : tous les citoyens seraient concernés. Le second est la mise en place d’une cotisation proportionnelle au revenu, constituant une caisse commune. Enfin, le troisième pilier, appelé « conventionnement démocratique », stipule que les aliments achetés avec ce pécule (en France, ils imaginent un montant de 150 euros par personne et par mois, soit environ la moitié du budget alimentaire moyen) doivent répondre à certaines conditions (normes environnementales, sociales…) définies démocratiquement.

La mise en place d’un revenu universel et d’une sécurité sociale alimentaire dépend d’orientations politiques. L’idée se propage, séduit de nombreuses personnes. Un lobby se met en place pour mobiliser les décideurs[x]. Cependant, rien ne peut avancer tant que les politiques ne sont pas convaincus et ne prennent pas de mesures. Aucune initiative citoyenne ne peut, en effet, effectuer des prélèvements sur les revenus.

Réduire le prix des aliments bio locaux

Si l’on dispose de peu de moyens pour augmenter les revenus des citoyens, il faut alors activer le second levier : réduire le prix des aliments bio locaux pour les rendre accessibles. Ne tombons cependant pas dans le piège : écraser les prix aux dépens du revenu des acteurs de la filière n’a aucun sens. Il faut alors avoir recours à des fonds publics ou privés pour rétablir l’équilibre. Ces fonds peuvent être utilisés de manière directe pour acheter des vivres ou de manière indirecte pour réduire les frais de la filière. Il peut s’agir de donner l’accès à des terres, à des bâtiments ou à des équipements et de réduire le coût de la main d’œuvre (bénévolat, emplois subsidiés, etc.).

De nombreuses aides sont possibles pour réduire le coût de l’alimentation : des subsides privés, comme des fondations ou des dons de particuliers, et des subsides publics. Outre la question de la pérennité de ces dispositifs, en lien avec la viabilité sur le long terme des initiatives, se pose la question de la concurrence avec les acteurs existants, et le risque de déforcer le maillage des initiatives de distribution. Plusieurs interpellations ont été recueillies dans le cadre du Réseau RADiS. Rappelons en effet que ce projet mené par Nature & Progrès et la Fondation Cyrys vise à favoriser l’accessibilité du bio local pour le plus grand nombre en région dinantaise. La fondation finance une grande partie du travail des chargées de mission. Il est question de créer des lieux de vente, comme une épicerie mobile, en ayant recours à des fonds privés et publics, à du bénévolat ou à d’autres formes de travail subsidié.

Des craintes ont été exprimées lors d’un sondage. « Le gros problème, je trouve, est la concurrence qui se fait entre les producteurs, les épiceries et les réseaux qui fonctionnent avec des bénévoles. Les structures qui travaillent avec des bénévoles cassent le marché pour les épiceries qui, elles, doivent se payer et donc faire une marge. »

« Je trouve ça dommage que, pour un marché aussi petit mais qu’il est nécessaire de développer davantage face aux grosses industries, ce ne soit pas plus solidaire, plus équilibré. Tout le monde se tire dans les pattes et c’est à celui qui tiendra le plus longtemps debout au péril de sa propre rémunération ».

 

Cette concurrence est d’autant plus puissante quand les initiatives d’accessibilité alimentaire sont destinées au tout public, car la cible comprend inévitablement les clients des initiatives privées. Faut-il, dès lors, limiter ces soutiens à des initiatives réservées à des publics fragiles ? Dans son Memorandum 2024, la Concertation Aide Alimentaire revendique une évolution des mesures prises en faveur d’une alimentation de qualité pour tou.te.s vers une inconditionnalité, soit, l’accès à ces aides pour tous, sans critères distinctifs. La sélection des bénéficiaires s’est généralisée du fait que l’aide alimentaire est insuffisante en quantité et qu’il faut trouver un équilibre entre le nombre de personnes aidées et les quantités distribuées à ces personnes. Elle est cependant source de clivage social et renforce le sentiment d’assistanat. La sélection vient aussi de l’idée conçue que les problématiques sont individuelles – « C’est de ta faute si tu es dans cette situation » – et que l’on ne considère pas le défi comme collectif et solidaire. Cela renforce la concurrence entre les personnes. Justifier ses besoins est parfois rabaissant et revient souvent à « se déshabiller », ce qui est contraire à la dignité et au respect des personnes.

Soutenir via les collectivités

Une solution, pour ne pas en revenir à la conditionnalité de cet accès, est de destiner les soutiens à un approvisionnement des collectivités, comme les écoles, les maisons de repos, les hôpitaux, etc., ce qui revient à poser la question du rôle des collectivités dans ces questions essentielles.

Les leviers actionnables au niveau des acteurs publics sont nombreux. Les communes peuvent renforcer l’accès à la terre en mettant à disposition des parcelles dédiées à alimenter les cantines. Certaines communes françaises vont plus loin en créant des régies agricoles gérées par des employés, le plus souvent en alliant production et réinsertion socio-professionnelle. La transformation des produits peut être réalisée dans des cuisines de collectivité communales alimentant les différentes cantines publiques ou les services de distribution de repas liés aux CPAS. Le secteur de la restauration recherche des talents. Pourquoi ne pas donner goût à ces métiers aux personnes fragilisées qui pourraient en faire, par la suite, leur métier ? Les possibilités sont nombreuses et vertueuses, tant au niveau écologique que social.

 

 

Objet et structure de l’étude

Nature & Progrès est une association de producteurs et de consommateurs convaincus de la nécessité de développer un système alimentaire vertueux pour la santé, pour l’environnement et pour la société. En réaction au développement d’un modèle agro-industriel intensif et polluant, l’association mûrit et défend, depuis de nombreuses années, un idéal coconstruit par les producteurs et les mangeurs, et concrétisé par une septantaine d’agriculteurs et d’artisans porteurs de la mention Nature & Progrès.

Cette alimentation, encore réputée trop chère, pose la question de son accessibilité financière pour le plus grand nombre. Une question souvent considérée comme le point faible du bio-local prôné par Nature & Progrès.

La présente étude s’intéresse à l’accessibilité des produits bio locaux par le prisme de l’alimentation collective, en évaluant les possibilités de transition de ce secteur. Nous sommes tous concernés par l’alimentation dans les crèches, les écoles, les maisons de soins et de repos, et dans certaines entreprises. Nous défendons, par cette idée, le droit de chacun et de chacune à une alimentation de qualité, un besoin essentiel, tant du point de vue de la santé que du respect des personnes.

Nous commencerons par faire connaissance avec le secteur particulier de la restauration hors-domicile, d’en comprendre les dynamiques et le fonctionnement (Chapitre 1). Ensuite, nous nous poserons la question de la crédibilité de notre idéal, celui de fournir l’ensemble de l’alimentation collective avec des produits bio et locaux. Le secteur bio est-il capable, est-il prêt ? (Chapitre 2). Nous identifierons ensuite, à travers de nombreux témoignages d’acteurs (repris dans les références), les différents freins à la transition des cantines vers une alimentation bio et locale (Chapitre 3) avant de nous pencher sur des leviers d’action (Chapitre 4) et d’émettre notre proposition (Conclusion).

 

 

Chapitre 1 : Nos cantines ont besoin d’une transition

Crèches, écoles, maisons de repos, cantines d’entreprise… La restauration collective est partout autour de nous. Du foyer à la cuisine collective, puis à la prise en charge par des sociétés de catering, elle s’est transformée parallèlement à notre société. Les promesses de ce secteur quant à la qualité des repas et à leur accessibilité ne sont pas tenues, et le système semble au bord de la rupture. La nécessité d’une transition vers le bio local est une évidence !

Faisons connaissance avec le secteur des cantines. Dans cet article, un coup d’œil dans l’Histoire nous permettra de comprendre les mutations du secteur. Les quelques chiffres du secteur wallon seront complétés par des statistiques disponibles en France. Enfin, un cas concret permettra d’illustrer le propos : celui de la région dinantaise, territoire d’action du Réseau RADiS. Une étude réalisée par le Bureau Economique de la Province de Namur (BEP) expose la situation des cantines scolaires de cinq communes de la région dinantaise (Dinant, Yvoir, Onhaye, Hastière et Houyet). Les résultats interpellent et appuient la nécessité d’une transition.

L’alimentation collective ? C’est quoi au juste ?

La restauration collective est une branche de la restauration hors foyer. Elle se distingue de l’Horeca par le fait que le consommateur ne paie pas le prix réel du repas. Ce dernier est au moins partiellement pris en charge par la structure porteuse, qui peut être scolaire (écoles, universités), sociale ou de santé (maisons de soins, maisons de repos, CPAS, prisons…) ou liée au travail (cantine d’entreprise ou d’administration).

On estime à 7.000 le nombre de cantines présentes en Wallonie et à Bruxelles[xi]. Elles couvrent, en Wallonie, 200.000 repas chauds par jour[xii].

Source des chiffres : Biowallonie[xiii]

Du foyer à la cantine

La restauration collective s’est fortement développée depuis l’après-guerre. Anciennement, les repas étaient pris à la maison. L’évolution de la société vers la mise au travail des femmes, l’augmentation de la distance entre le lieu de travail ou de scolarité et le domicile et la diminution du temps consacré au repas de midi favorisèrent le système « de la gamelle et de la cantine » : les travailleurs et les écoliers emportaient leur repas pour le manger dans un local mis à disposition par l’employeur ou par l’école. Une évolution vers un service de soupes puis de repas chauds eut lieu, en particulier dans le milieu scolaire. A l’époque où l’école n’était pas encore obligatoire, les cantines stimulaient les parents à scolariser leurs enfants et étaient vues comme un moyen de lutter contre la précarité alimentaire des enfants issus de familles pauvres. L’instauration de la cantine bouleversa des habitudes millénaires. Claude Fischler[xiv] écrit en 1996 : « Alors que, tout au long de l’évolution historique, on a assimilé la maison au foyer, c’est-à-dire à la cuisine, l’alimentation s’identifie de moins en moins nécessairement à l’univers domestique ».

De la cuisine à la société de catering

Les repas ont, dans un premier temps, été réalisés dans des cuisines mises en place dans les établissements. Mais face aux coûts et à la lourdeur de la préparation des repas, des collectivités ont décidé d’avoir recours à des prestataires externes, les sociétés de catering. En France, ce service est apparu en 1934[xv], avec succès : le nombre de repas fournis par ces sociétés a été multiplié par 4,5 entre 1973 et 1990[xvi]. Aujourd’hui, si aucune statistique précise n’est disponible en Wallonie, le secteur[xvii] estime que la moitié des cantines sont « autogérées », et que l’autre moitié passe par des prestataires externes. En France, 40 % des repas servis proviennent de sociétés de catering. Cette moyenne cache cependant des disparités en fonction des secteurs. Toujours en France, ce chiffre s’élève à 70 % si on ne considère que les écoles du niveau fondamental (maternelle et primaire)[xviii].

En région dinantaise, l’étude du BEP révèle que quasiment toutes les écoles ont externalisé la production de leurs repas.

 

De la ragougnasse aux plats aseptisés

La qualité des repas proposés à la cantine a eu – et a souvent toujours – mauvaise réputation. Lors de l’Ancien Régime, des soupes légères, des légumes cuits à l’eau et des fromages desséchés étaient servis dans les hospices aux personnes en situation précaire. Plus tard, les cantines étaient synonymes de repas monotones, souvent lourds et indigestes, avec l’obligation, bien entendu, de « manger toute son assiette », qui a terrorisé plus d’un enfant. De la ragougnasse, on est passé aux plats aseptisés garants d’une meilleure sécurité alimentaire. Pierre Perret[xix] nous le raconte en chanson.

Je comprends pas maman que ça t’affole

Ça qu’on mange à la cantine de l’école

Ils l’ont bien précisé tout est pulvérisé

Traité piqué aseptisé ça peut pas nous peser

Crois-moi qu’avec toutes ces vitamines

Le chlorate et la pénicilline

Qu’y a dans les épinoches

Et les chipolatas

Y a pas un astibloche

Qui viendrait y faire sa casbah

Un manque de qualité perceptible

D’après une étude de la Fédération Wallonie Bruxelles menée en 2006[xx], un enfant sur trois, à peine, a recours au service de repas chaud dans les écoles primaires. En région dinantaise, à peine 10 à 15 % des élèves des écoles maternelles et primaires prennent des repas chauds à l’école. Les élus communaux témoignent de la mauvaise qualité des repas proposés par différentes sociétés de catering : « Des soupes trop liquides, des repas fades, trop salés, peu appétissants… ». Les plaintes ne tarissent pas, mais les écoles ne sont pas en position de négocier vu le faible volume de la commande. En réalité, elles peinent à trouver des opérateurs : peu d’offres sont récoltées lors des appels lancés dans le cadre de leurs marchés publics (procédure utilisée par les acteurs publics en vue de désigner leurs fournisseurs).

A quel prix ?

Le projet Réalisab, en France, a évalué les composantes et le prix réel d’un repas de collectivité[xxi]. Les ingrédients comptent pour un quart des frais, le personnel dédié (fabrication et distribution des repas, encadrement des élèves, gestion…) pour la moitié, suivent ensuite le fonctionnement et les investissements. Un repas pris en collectivité revient en moyenne à 8,20 euros, mais seule une partie des frais est prise en charge par le consommateur. Qui finance le reste, et combien ?

Source des chiffres : Réalisab

 

En gestion concédée, la plupart du temps, les communes proposent le repas au même prix que celui facturé par la société de catering, mais elles financent le personnel nécessaire à la gestion et à la distribution. Une partie du prix réel est donc pris en charge par les pouvoirs publics. C’est le cas des écoles de la région dinantaise, d’après l’étude du BEP : le prix des repas varie de 3,55 à 4,75 euros (maternelle et primaire, incluant potage, repas et parfois dessert) et est le plus souvent facturé au prix de la société de catering par les communes aux parents d’élèves.

Pour les collectivités équipées de leurs propres cuisines, des financements publics interviennent dans les frais de fonctionnement (salaires des ouvriers, frais d’énergie…) et de bâtiment. Les subsides étant le plus souvent insuffisants pour couvrir les frais, les écoles ont recours à d’autres sources de financement publiques ou privées.

Malgré le fait que l’enseignement soit, dans notre pays, parmi les mieux financés d’Europe, la tendance est à la rationalisation des coûts afin de maintenir un équilibre financier acceptable et de garantir la gratuité de l’enseignement pour tous. La pression sur les prix est donc bien réelle.

 

 

Le droit de chaise, révélateur des pressions financières

De nombreuses écoles appliquent un « droit de chaise » – appelé aussi « taxe tartine » imposant aux parents d’élèves de participer financièrement aux frais relatifs au temps de midi. La Ligue des Familles[xxii] a évalué que 4 écoles du niveau fondamental sur 10 réclament le droit de chaise, et que la facture s’élève mensuellement, en moyenne, à 17 euros en maternelle et 20 euros en primaire. Ce droit de chaise ne peut être réclamé que lorsque les coûts de surveillance du temps de midi dépassent les subsides prévus par la Fédération Wallonie-Bruxelles. La demande de nombreux acteurs est d’évoluer vers une prise en compte du temps de midi comme activité scolaire, permettant une prise en charge complète par la Fédération Wallonie Bruxelles.

Promesse tenue ?

Un enfant sur cinq arrive à l’école le ventre vide. Une famille belge sur quatre rencontre des difficultés à nourrir ses enfants.

 

L’ampleur de la pauvreté est alarmante autant que silencieuse, et demande des mesures urgentes et structurelles. La restauration collective publique, basée sur un système de solidarité, est présentée comme un levier pour renforcer l’accessibilité du plus grand nombre à une alimentation saine. En effet, une participation financière permet aux bénéficiaires de ne payer qu’une partie des frais liés à la conception et à la distribution du repas. L’évolution du secteur lui permet-elle d’encore tenir ses promesses ?

Oui, aujourd’hui, on peut dire que les cantines scolaires permettent à des enfants issus de familles pauvres de consommer, pour une somme raisonnable, un repas complet par jour, quatre fois par semaine, et ce n’est pas négligeable. Manger, c’est bien. Mais une alimentation de qualité, c’est mieux ! Comme dans le cas de l’aide alimentaire, la tension générée par la limitation des aides publiques amène à distribuer aux enfants des produits industriels à bas coût, provenant des quatre coins du monde et préparés, de plus en plus souvent, dans des cuisines-usines.

De nombreux acteurs soulignent la mauvaise qualité des aliments. Nous ne parlons pas ici de la qualité bactériologique, qui grâce à l’AFSCA, est bien surveillée. En ce qui concerne la qualité nutritive, si les cuisines doivent respecter des équilibres nutritionnels, de nombreux autres paramètres tels que les teneurs en pesticides, par exemple, ne sont pas prises en compte. Sinon, tous les repas seraient bio ! La qualité gustative pose elle aussi problème. Or, un aliment non consommé n’a aucune valeur ! Ce phénomène accroit le gaspillage alimentaire et provoque un détournement du mangeur, quand il en a la possibilité.

Face à la chute vertigineuse des commandes de repas chauds, les écoles sont en recherche de solutions. Si certaines écoles envisagent douloureusement un arrêt de ce service solidaire (elles étaient déjà 18 % en 2006 d’après une enquête de la FWB), d’autres souhaitent reprendre en mains la confection des repas. Ici aussi, l’étude du BEP est révélatrice : les cinq communes interrogées s’intéressent à la possibilité de reprendre en mains la préparation des repas, en vue de les rendre plus qualitatifs et plus attractifs pour les enfants.

Une transition indispensable !

Le secteur de l’alimentation collective meurt à petit feu et doit se réinventer. Une transition vers une alimentation de qualité, bio, locale, goûteuse, porteuse de sens, n’est-elle pas une solution pour redonner vie aux cantines ? Oui, c’est une évidence ! Mais les producteurs bio sont-ils à la hauteur de la demande potentielle ? Les filières sont-elles assez solides et développées pour fournir les collectivités, soit un potentiel de 200.000 repas par jour en Wallonie ?

 

 

 

Chapitre 2 : Notre secteur bio est-il à la hauteur ?

En Wallonie, 200.000 repas sont servis, chaque jour, dans les cantines. Passer la restauration collective en bio local représente un fameux défi ! Si la production bio semble suffisante, la transformation et la distribution sont étudiées à la loupe par le secteur. Se posent des questions de localisation, de rentabilité mais aussi d’échelle, et donc du modèle alimentaire que nous souhaitons.

L’idée bouillonne dans les villes et dans les campagnes : révolutionner l’alimentation des cantines par une transition complète vers une alimentation de qualité, respectueuse de notre santé et de celle de la Terre. Certains diront une alimentation « durable ». Chez Nature & Progrès, nous parlerons d’alimentation « bio et locale », à laquelle nous pourrions encore ajouter quantité d’adjectifs pour exprimer nos idéaux : artisanale, équitable, en circuit court, etc.

Le laboratoire Sytra de l’Université Catholique de Louvain[xxiii] a estimé les quantités de produits agricoles nécessaires pour alimenter les collectivités wallonnes : 1.500 tonnes de froment, 11.000 tonnes de pommes de terre, 7.600 tonnes de pommes et de poires, 4.700 tonnes de petits pois, carottes et haricots verts, 1,5 millions de litres de lait, 9 millions d’œufs, etc. Pour mener à bien la transition, il y a du pain sur la planche pour nos agriculteurs bio ! Sont-ils à la hauteur ?

Les producteurs sont prêts !

Produisons-nous assez de produits bio locaux pour fournir les cantines ? A l’échelle régionale, d’après les projections du laboratoire Sytra, le développement du secteur bio semble suffisant pour la majorité des produits à l’exception de certains légumes. Stéphanie Goffin, coordinatrice du pôle « Alimentation durable » de Biowallonie – l’asbl d’encadrement du secteur bio en Wallonie -, nous rassure : depuis cette étude réalisée en 2019, la production de légumes en grandes cultures a augmenté.

D’autres échelles, plus petites, peuvent être considérées.

L’« hyperlocal », au niveau d’une province voire d’une commune, permet de resserrer les liens avec les producteurs, de favoriser le circuit court et la solidarité, et facilite la logistique. Mais peut-on, à une échelle aussi petite, produire les quantités et la diversité nécessaires aux repas des collectivités, et assurer la régularité d’approvisionnement ?

 

Etant donné que chaque région agricole possède ses spécificités de productions, liées notamment aux types de sols et de climats, il semble difficile de se reposer entièrement sur cette échelle. On assiste cependant à une multiplication des initiatives qui stimulent la production locale. En France, en prenant comme modèle la commune de Mouans-Sartoux, de nombreuses communes initient des régies agricoles pour nourrir leurs collectivités.

Si la production bio wallonne semble suffisante pour alimenter les collectivités du territoire, l’étude du laboratoire Sytra suggère que c’est au niveau des maillons suivants, la transformation et la logistique, que le secteur doit placer ses efforts.

 

Régies agricoles : l’exemple inspirant de Mouans Sartoux[xxiv]

Mouans-Sartoux est une petite commune – 10.000 habitants – du département des Alpes Maritimes. C’est la crise de la vache folle, à la fin des années 1990, qui a fait prendre conscience aux élus d’une nécessité de manger autrement. La commune se met à la recherche de produits bio locaux pour alimenter ses cantines scolaires – 1.100 repas par jour -, avec peu de succès. En 2005, elle fait jouer son droit de préemption pour sauver un domaine agricole de quatre hectares des convoitises de promoteurs immobiliers. Après avoir fait réaliser une étude de faisabilité, la régie agricole est lancée en 2010 avec l’engagement d’une agricultrice. La production de légumes démarre, grandit, se diversifie, s’adapte au calendrier scolaire via l’installation de tunnels de culture puis l’investissement dans un surgélateur. La régie produit 85 % des légumes utilisés par les cantines, tandis que les petits producteurs locaux sont favorisés, autant que possible, pour fournir les autres produits. Le 100 % bio est atteint depuis 2012.

Et le prix ? Il a descendu ! Les collectivités ont réduit de 80 % le gaspillage alimentaire en 5 ans et elles proposent un repas végétal par semaine. La régie agricole représente un coût pour la commune, davantage que l’achat de légumes bio à l’extérieur. Cependant, il s’agit d’une volonté et d’un choix politique, car outre la production alimentaire, la régie présente une plus-value sociale. Elle est investie par les enfants et participe au projet pédagogique, elle crée de l’emploi et elle permet de s’extraire d’une dépendance alimentaire. Les surplus sont valorisés à l’épicerie sociale pour favoriser l’accessibilité du bio aux ménages les plus modestes.

Cet exemple a inspiré de nombreux autres projets : on compte aujourd’hui une vingtaine de régies agricoles en France, sur 0,4 à 12,5 hectares, alimentant chacune 50 à 1.500 convives[xxv]. Ces initiatives démontrent que les pouvoirs publics ont leur carte à jouer pour favoriser le bio local dans les collectivités. Et pourquoi ne pas en profiter pour favoriser la réinsertion socio-professionnelle, comme aux Jardins de la Hulle du CPAS de Profondeville ?

Développer la transformation

Les produits commandés par les cuisines sont, en partie, pré-transformés. Dans le cas des légumes, les produits frais (dits « de 1ière gamme ») représentent moins de la moitié des commandes, les acteurs privilégiant les légumes prédécoupés, soit surgelés (3ième gamme), soit sous atmosphère contrôlée (4ième gamme). Il n’est donc pas tout de produire des carottes ou des pommes de terre, encore faut-il les transformer ! C’est ici que le bât blesse : d’après Sytra, la Wallonie manquerait de légumeries pouvant assurer ce service. Des moyens financiers importants ont donc été mis en œuvre en Wallonie pour créer ces outils de transformation.

 

Quand les légumes font leurs gammes…

La 1ière gamme correspond aux légumes frais et commercialisés en l’état ;

La 2ième gamme correspond aux légumes en conserves ;

La 3ième gamme correspond aux légumes surgelés ;

La 4ième gamme correspond aux légumes épluchés et lavés, crus et conservés sous atmosphère contrôlée.

Enfin, la 5ième gamme correspond aux légumes épluchés, cuits et emballés sous vide (en sachets plastiques)

 

 

Source : Manger Demain

 

Et pourtant, la légumerie d’ADMbio, coopérative de producteurs de la région liégeoise, a fermé ses portes il y a quelques années. Elle transformait des produits bio locaux en potage collation livré aux écoles de la région. Celle installée dans les bâtiments de la Fabrique circuits courts à Namur a été longtemps sous-utilisée, et c’est encore le cas de l’outil disponible dans le hall-relais Agrinew de Marche-en-Famenne. Comment expliquer ce manque de succès ? Plusieurs légumeries sont en cours de création grâce aux subsides délivrés dans les appels à projet de relocalisation de l’alimentation en Wallonie. Vont-elles suivre le même chemin ?

Afin de mieux comprendre la situation de ce secteur et d’accompagner les porteurs de projet, la Cellule Manger Demain coordonne depuis plusieurs années un groupe de travail sur les légumeries. Leur analyse[xxvi] publiée en 2022 est révélatrice. D’une part, une enquête réalisée auprès des collectivités montre que peu se soucient de la provenance des légumes achetés ou de leur caractère biologique. Serait-ce un critère trop secondaire, ou un manque de traçabilité dans l’offre des grossistes ? D’autre part, un comparatif des prix de légumes à destination de la restauration collective est éloquent. Les légumes surgelés revendus par le grossiste Solucious sont souvent bien moins chers que les produits frais bio proposés par Interbio et que les produits de quatrième gamme non bio proposés par Végépack. De nombreuses cantines se fournissent donc au moins cher, de légumes surgelés disponibles toute l’année et nécessitant moins de travail en cuisine.

Source : Manger Demain

 

Un seul acteur produit des légumes bio surgelés en Wallonie. D’après la Cellule Manger Demain, « La surgélation est une technique lourde, onéreuse et complexe impliquant une logistique adéquate dont le coût global constitue davantage un obstacle qu’une solution pour les acteurs de terrain. Plus qu’économique ou technique, la difficulté est aussi environnementale. Par contre, il y a moins de gaspillage alimentaire et une conservation qui passe de sept jours à trois mois. Faut-il donc favoriser la circulation sur le marché des collectivités de produits locaux surgelés ? Les vertus nutritionnelles de ce mode de conservation font également débat. »

La situation n’est donc pas si simple : créer des légumeries afin de fournir aux collectivités les gammes de légumes qu’elles recherchent pose de nombreuses questions liées à la rentabilité, à la localisation et à l’échelle. Ce constat est rejoint par une seconde étude réalisée par le laboratoire Sytra[xxvii] :

« Avec l’émergence et le potentiel foisonnement de ces initiatives, se pose la question de leur nombre et taille optimales, leur répartition géographique, leur rentabilité économique, etc. »

 

D’après Ho Chul Chantraine, co-auteur de l’analyse de la cellule Manger Demain, les outils de transformation se développeront une fois que le débouché sera présent et stable, assurant leur rentabilité. Plutôt que de financer des légumeries qui ne sont pas utilisées, il suggère que l’argent public soit investi dans des aides structurelles à l’achat de produits bio locaux par les collectivités, à l’instar du « coup de pouce dans l’assiette[xxviii] » – finançant à hauteur de 70 % les achats de produits alimentaires bio locaux par les cantines.

Développer la logistique

Les contacts directs entre collectivités et producteurs sont rares, car multiplier les fournisseurs demande davantage de travail. En France, 80 % des achats de la restauration collective passent par des grossistes[xxix]. Le laboratoire Sytra, qui a mené une enquête auprès des acteurs wallons, rejoint ce constat. Or, l’offre des grossistes en produits bio est faible, et la gamme bio locale, quasiment inexistante. L’origine de la plupart des produits bio proposés par les grossistes n’est pas spécifiée.

Les initiatives se développent néanmoins. Des acteurs livrant habituellement les magasins bio ont diversifié leurs activités pour atteindre de nouveaux acteurs. C’est le cas d’Interbio, un outil professionnel de commercialisation actif depuis une quinzaine d’années. Cette entreprise privée travaille avec une dizaine de producteurs bio locaux, surtout des maraichers en grandes cultures, et complète la gamme avec des produits issus d’autres régions. André Lefevre, fondateur et gestionnaire de l’entreprise, est intéressé de travailler avec les collectivités. Cependant, les commandes sont irrégulières et concernent souvent de petites quantités de produits. Pour des raisons de rentabilité, le distributeur ne fournit que les clients réguliers qui commandent pour un minimum de 450 euros.  Etant donné que la flotte de camions de 15 à 50 tonnes, investie pour fournir des magasins, est peu adaptée pour se faufiler dans les villes, Interbio collabore avec Restofrais pour les livraisons dans Bruxelles. Depuis quelques années, la coopérative Paysans-Artisans s’est également lancée dans une activité de « petit grossiste » de produits locaux à destination des magasins et des collectivités.

Pour fournir des collectivités, il est donc important que le secteur puisse se structurer en réseau, favorisant les collaborations entre producteurs. Ce partenariat présente de nombreux avantages : mutualiser l’offre, en diversité, volumes et régularité, et se donner les moyens, collectivement, d’une expertise logistique, commerciale et de gestion des commandes. Afin de répondre aux enjeux logistiques, les collectivités pourraient, elles aussi, s’associer pour atteindre les volumes nécessaires à la rentabilité de la filière. Ceci leur permettrait par ailleurs de lancer des marchés en commun, sur base de valeurs et de critères partagés.

 

Nos politiques sont-ils prêts ?

Le secteur bio est-il prêt à fournir la restauration collective ? Feu vert chez les producteurs, qui attendent cette opportunité avec impatience pour écouler leurs produits. Le développement d’outils de transformation piétine devant le manque de demande, essentiellement en raison des tarifs imbattables des grossistes classiques industriels. Les acteurs logistiques sont présents, mais éprouvent des difficultés face à la demande irrégulière de petites quantités.

D’après les acteurs interrogés, le secteur bio est prêt à fournir les cantines. Stéphanie Goffin ajoute : « Lorsque la Wallonie a lancé le « coup de pouce dans l’assiette », un véritable boum de la demande a eu lieu. Le secteur bio a parfaitement su y répondre, grâce aux producteurs, transformateurs et distributeurs déjà actifs ». Pour conforter ces acteurs, il est donc nécessaire d’activer et de pérenniser la demande de la restauration collective en produits bio locaux. Ho Chul Chantraine plaide pour un soutien structurel :

« Il faut du courage politique, car il s’agit d’une question de santé publique. Il faut mettre l’argent dans les assiettes. »

 

Stéphanie Goffin s’interroge : le frein est-il uniquement financier et technique, ou ne serait-il pas aussi humain ? Ces questions ne sont-elles pas une bonne excuse pour ne pas changer ses habitudes ? La chargée de mission prône une nécessaire revalorisation du métier de cuisinier dans la restautation collective.

 

 

 

Chapitre 3 : Une diversité de freins

L’alimentation durable a le vent en poupe, mais est-elle forcément bio ? Force est de constater que la certification ne fait pas toujours partie des critères de choix des collectivités et de leurs prestataires, et que ces dernières années, le frein financier revient au-devant de la scène. Le changement des pratiques en cuisine est difficile, tout comme les contraintes administratives liées aux marchés publics. Explorons l’une après l’autre ces différentes entraves à la transition des cantines vers une alimentation bio et locale.

Un manque d’intérêt des grands acteurs

Les sociétés de catering sont des entreprises proposant un service de préparation des repas, soit au sein de leur cuisine centrale, soit dans les infrastructures du client via la mise à disposition de personnel. Le segment des sociétés de catering est aujourd’hui dominé par quatre grandes entreprises européennes : Compass Group, Sodexo, Elior et Api Restauration. En France, elles se partagent 82 % du chiffre d’affaires du secteur, laissant 13 % aux acteurs nationaux et régionaux et 5 % à des acteurs locaux[xxx]. Ces grands groupes brassent des volumes importants. Leur approvisionnement via une centrale d’achats repose sur quelques grossistes. Les trois distributeurs généralistes principaux pour les cuisines de collectivités, identifiés lors de l’enquête du laboratoire Sytra (Université Catholique de Louvain) auprès des acteurs du secteur sont BidFood, Java et Solicious. Les distributeurs s’approvisionnent eux-mêmes chez d’autres distributeurs, chez les transformateurs, via des grossistes (ou coopératives de producteurs) ou directement chez les producteurs.

D’après Biowallonie, la Belgique compte sept sociétés de catering certifiées bio, ce qui signifie qu’une partie des ingrédients qu’elles utilisent sont bio. On y retrouve trois des grandes entreprises européennes, Compass Group, Sodexo et Api Restauration, ainsi que des entreprises plus locales : DuoCatering, Les Cuisines Bruxelloises et TCO Services.

Parmi ces acteurs, seuls les deux derniers semblent réellement tournés vers les produits bio et locaux. Les autres sociétés n’indiquent pas le bio dans leurs objectifs de développement.

 

D’après leurs certificats bio disponibles sur biocerti.be, ils ne préparent que quelques ingrédients bio, le plus souvent des produits secs non locaux (riz, pâtes, boulgour, quinoa, haricot rouge, pois chiche…) ou des fruits exotiques (banane, kiwi, pamplemousse…).

La Directive (UE)2022/2464[xxxi] oblige les grandes entreprises européennes à publier des informations en matière de durabilité. Le rapport de responsabilité sociale et environnementale doit préciser, en ce qui concerne les critères environnementaux (art.29ter) : l’atténuation (réduction de l’émission de gaz à effet de serre) et l’adaptation aux changements climatiques, les ressources aquatiques et marines sollicitées, l’utilisation des ressources et l’économie circulaire, la pollution engendrée et les atteintes à la biodiversité et aux écosystèmes. A peu de choses près, ces chapitres sont repris dans les rapports, avec peu de références à l’agriculture biologique, incarnant pourtant une réponse à plusieurs de ces enjeux.

Valentine Boone, responsable durabilité au sein de Sodexo (leader belge de la restauration collective), explique que si le bio n’est pas la valeur première mise en avant par l’entreprise, c’est parce que les produits bio sont peu demandés par leurs clients. Sodexo intervient en effet dans environ cinq cents cuisines en Belgique, dont la moitié en Flandre. Le Nord du pays semble moins intéressé par les productions certifiées bio et durables. La majorité des clients sont des entreprises et des maisons de repos et de soins. Le public scolaire, plus souvent demandeur de produits durables, ne représente que 5 % de leur chiffre d’affaires. Davantage d’efforts sont mis dans la provenance des ingrédients : 60 % sont d’origine belge.

Une alimentation durable est donc plus facilement associée à : plus locale, plus végétale, respectant le bien-être animal, peu émettrice de gaz à effet de serre… mais pas forcément au bio !

 

Place des produits bio dans les sociétés de catering certifiées en Belgique.

 

La liste des produits bio est issue du certificat bio de l’entreprise disponible sur le site biocerti.be.

 

·        Sodexo

Selon leur « rapport de responsabilité d’entreprise 2023 », 18 cuisines sont certifiées bio sur site. Il n’y a pas de chiffres sur les approvisionnements biologiques.

 

·        Compass group

D’après leur site internet, ils servent 180.000 repas par jour sur 260 sites en Belgique. Leur rapport de durabilité 2023 ne fait aucune allusion à des objectifs bio.

Boulgour, chapelure, couscous, farines, fonio, lasagne, lentille verte et rouge, pâtes, (protéines de) soja, quinoa, riz, sucre de canne, polenta, millet, farine de pois chiche, tofu, seitan, tempeh, son d’avoine, blé vert, épeautre.

 

·        Api restauration

Ils préparent 12.500 repas par jour en Belgique. Selon la « déclaration de performance extra-financière » du groupe, pour l’année scolaire 2022-2023, les approvisionnements comprennent 7 % de produits bio et 7 % de produits en circuit relativement court (« ancrage territorial »).

Quinoa, boulgour, haricot rouge, pois chiche, lentille, maïs surgelé, steaks hachés, yaourt, banane, carotte, patate douce, persil tubéreux, panais, kiwi – poivron vert surgelé, tofu, pâtes, chipolata volaille, petit beurre.

 

·        Aramark

D’après leur site internet, ils servent plus de 65.000 repas par jour. Pas d’allusion à des produits bio.

Orange, pomme, riz, pâtes, quinoa, boulgour, tempeh et tofu nature, kiwi, pamplemousse, avocat, concombre, paprika.

 

·        Duo catering

Peu de données sont disponibles sur l’entreprise. D’après une interview accordée à Biowallonie, ils servent plusieurs milliers de repas par jour à une cinquantaine d’entreprises belges.

Boulgour, carotte, haricot azuki, lentille verte et rouge, œufs, pâtes, quinoa, couscous.

 

·        Les Cuisines Bruxelloises

L’entreprise fournit 20.000 repas par jour. D’après le représentant de l’entreprise, 35 % des approvisionnements sont certifiés bio. Les ingrédients sont très variés.

Fruits frais : banane, clémentine, kiwi, mandarine, poire, pomme, orange – Sec : boulgour, couscous, curcuma, huile de tournesol, huile d’olive, laurier poudre, lentille verte, noix de muscade, oignon poudre, pâtes, pois chiche, tomate concentré, tomate coulis – Surgelé : carotte, céleri-rave, courgette, épinard, haricot princesse, pomme de terre, tomate.

 

·        TCO Service – La Cuisine des Champs

L’entreprise fournit quelques 23.000 repas par jour. Lors d’une conférence à un colloque organisé par Biowallonie, une représentante a fourni quelques chiffres sur l’approvisionnement du service. 50 % des produits sont bio, et les potages livrés sont 100 % bio.

Banane, boulgour, clémentine, haricot blanc et rouge, huile d’olive, kiwi, lentille corail, verte et blonde, mandarine, millet, œufs frais, orange, orge, pâtes, poire, pois chiche, pomme, quinoa, semoule, tomates pelées en boite, vermicelles, concentré de tomate, omelettes, boulettes de volaille, lait, burger de bœuf, carotte, potage, yaourt, chocolat.

 

Le prix

Lors d’une table-ronde organisée par Nature & Progrès au Salon Valériane, une participante s’exprime :

« Je pense que s’il n’y a pas de demande de produits bio de la part des parents dans les écoles, c’est parce que les parents ont peur du coût. »

 

Le consommateur est en effet habitué aux différences de prix entre bio et conventionnel en grandes surfaces, ce qui est rebutant. Or, une telle différence ne s’applique pas sur le repas pris en cantine, car le passage en bio ne concerne que les quelques pourcents du prix du repas relatifs aux ingrédients transformés. Les autres frais (personnel, infrastructure…) ne sont que peu changés. Ne vaudrait-il pas mieux communiquer sur les prix potentiels de repas bio locaux pris en cantine, afin que le consommateur en prenne acte et puisse évaluer si le surcoût est trop important pour lui ?

Le prix semble le principal frein d’après les acteurs interrogés.

« Un repas scolaire est vendu quatre euros. Ça reste compliqué » témoigne Céline Ernst, représentante de TCO Services.

 

Lorsqu’ils remettent une offre, les prestataires n’osent pas prendre le risque de proposer des ingrédients trop chers, de peur d’être recalés en raison du prix.

La disponibilité des produits

La disponibilité des produits pose également question.

Céline Grégoire, diététicienne à la maison de repos Notre Dame de Huy, témoigne des difficultés rencontrées pour trouver un fournisseur de pain dans un rayon de quelques kilomètres. Le boulanger doit avoir la capacité de fournir du pain pour environ 200 personnes par jour, en assurant une livraison assez tôt pour le servir au petit déjeuner. Il y eut beaucoup de refus à leurs sollicitations.

Pour les plus gros acteurs, comme Sodexo, toutes les commandes pour la Belgique sont réalisées via une plateforme d’achats. Les volumes demandés sont donc conséquents, et ce sont des grossistes comme BidFood qui répondent à la demande. Valentine Boone témoigne cependant d’évolutions au sein de leur clientèle.

« On recommande aux cuisines de passer par le catalogue (issu de la plateforme d’achats) pour la majorité des achats, mais pour l’hyperlocal, on conseille de passer par des plateformes de distribution, des petites coopératives, des associations de producteurs. L’avantage c’est que quand on commande dix brocolis, ce n’est peut-être pas le producteur A mais le producteur B de la coopérative qui les fournira. Il faut être sûr d’être approvisionné, et ce, malgré les aléas de la production. C’est la solution qu’on a trouvée, et petit à petit, on a de plus en plus de sites qui rentrent dans ce système ».

Dans de nombreuses collectivités, les menus sont établis un mois à l’avance, ce qui empêche d’être réactif et de se coller aux réalités des maraichers.

Les marchés publics

Les collectivités publiques sont soumises à l’obligation de passer par des marchés publics pour désigner leurs fournisseurs de matières premières ou de plats préparés. Tous les acteurs de la restauration collective s’accordent à pointer les modalités de ces marchés comme un frein majeur à une collaboration entre acteurs bio locaux et cantines.

Les marchés publics reposent sur quatre grands principes. La non-discrimination prévoit l’égalité de traitement de tous les opérateurs économiques, qui doivent donc disposer des mêmes informations et dont l’offre sera analysée de manière objective. La transparence assure l’absence de favoritisme. La mise en concurrence permet au pouvoir adjudicateur de contracter aux conditions les plus favorables du marché, dans l’intérêt public. Un nombre suffisant de fournisseurs et prestataires doit donc être consulté. Enfin, le principe de proportionnalité assure que les critères de sélection, d’attribution et les spécifications techniques doivent toujours être liées et proportionnées à l’objet du marché. Dans tous les cas, le cahier des charges du marché ne peut faire allusion à un critère géographique, considéré non-conforme au principe de non-discrimination.

Les marchés publics représentent un obstacle de taille, tant pour les pouvoirs publics que pour les producteurs et transformateurs souhaitant y répondre : lourdeur administrative, difficultés de compréhension du langage juridique, difficultés à remplir tous les critères, etc. José Orrico, représentant des Cuisines bruxelloises, témoigne : « Lorsqu’on lance une procédure de marché, elle est extrêmement complexe. Souvent, on n’a pas de réponse de coopératives ni de producteurs. La collectivité est un levier important pour pouvoir accéder à un changement dans l’alimentation des enfants et des personnes âgées. »

« On aimerait avoir une liberté un peu plus grande sur une part du marché où cette loi serait allégée. Quand on s’adresse à des structures qui ont un visage plus humain, on doit tenir compte d’autres critères que le financier, qui sont aujourd’hui difficiles à intégrer ».

 

« Il faut des changements au niveau législatif. C’est un parcours du combattant » complète Davide Arcadipane, de l’intercommunale ISOSL.

Les coopératives de producteurs et plateformes de distribution partagent également leurs difficultés. « Les marchés publics incluent souvent des fruits et légumes exotiques, ce qui nous empêche d’y répondre car nous travaillons uniquement avec des produits locaux » interpelle Camille Delvaux, représentante de Made in BW, une plateforme logistique de distribution de produits locaux comptant 130 producteurs. « Il y a une complexité administrative des marchés publics des deux côtés, celui qui émet le marché et celui qui y répond » observe Jorge Ercoli, représentant de Mabio, coopérative de distribution de produits bio d’une quarantaine de producteurs.

En fonction des montants et des types de service dont il est objet, le marché public peut être réalisé suivant différentes formules. Certaines permettent de se passer de publication et d’interroger directement des prestataires potentiels choisis par le pouvoir adjudicateur, ce qui permet de cibler une offre locale. Dans les autres cas, il s’agit d’être créatif et de jouer sur certains critères du cahier des charges pour garantir une origine locale, sans la demander explicitement : cueillette des fruits et légumes à maturité, exigences ou préférences de races animales locales… La Cellule Manger Demain propose une expertise et du conseil pour aider les pouvoirs publics à introduire l’alimentation durable et locale dans leurs marchés publics. Rob Renaerts, gérant du bureau d’études Coduco, n’y croit pas. Pour lui, intégrer des clauses durables dans les marchés publics impliquant de gros volumes – ce qui est le cas des structures qu’il accompagne en milieu urbain – est quasiment impossible.

Enfin, Valentine Boone dénonce aussi de nombreuses contradictions dans les cahiers des charges d’acteurs publics.

« Ils veulent des produits bio, de saison, les plus locaux possible, mais ils demandent aussi des courgettes et des potirons toute l’année ! ».

 

Ces acteurs sont-ils suffisamment informés sur les réalités de la production et de la transformation alimentaire ?

Les réalités des cuisines

Un frein essentiel est lié au personnel de cuisine. De moins en moins de personnes souhaitent travailler dans la restauration, la main d’œuvre est difficile à trouver, notamment depuis la crise du covid. Chez Sodexo, de nombreux chefs sont issus de l’HoReCa. Ils ont rejoint l’alimentation collective pour disposer d’horaires compatibles avec leur vie de famille.

Valentine Boone témoigne : « Le défi des projets durables, c’est qu’on change une manière de fonctionner. Par exemple, apporter plus de végétal dans les menus, c’est un réel changement culturel. Ce n’est pas dans les habitudes des consommateurs ni de nos chefs, qui ont appris à bien faire leur viande. Si on n’est pas derrière eux et si on ne les accompagne pas, le changement est voué à l’échec. Le bio, ou le frais, c’est pareil. Il faut trouver la perle rare qui a la motivation. »

La formation des cuisiniers est un point crucial. Selon Marie Legrain, le secteur évolue mais il y a encore du travail. « C’est comme pour nous, consommateurs, ce sont des changements d’habitudes. Il ne faut pas essayer de faire la révolution du jour au lendemain. Il faut que les cuisiniers comprennent le pourquoi du projet, il faut les intégrer dans une démarche de réflexion en amont, sinon ils vont freiner des quatre fers, et ça se comprend. » La coordinatrice de la Cellule Manger Demain sensibilise aux réalités de la transition en cuisine : « Ce sont des projets complexes et coûteux en termes de ressources humaines. »

«  Si on veut une alimentation durable, on va travailler du frais, de saison, du local. En cuisine, ça demande des ressources humaines en conséquence, sinon, on va retomber dans des modèles que l’on veut éviter, c’est-à-dire des assembleurs de sachets surgelés. On se complique la vie parce qu’on y croit. Ce n’est pas simple, mais c’est beaucoup plus riche. Il faut toute une équipe motivée autour du projet. »

 

Les collectivités manquent souvent de ressources humaines pour la préparation des repas, ce qui est un obstacle au changement des pratiques. Par ailleurs, les installations sont souvent vétustes, les cuisines, sous-équipées. Ces freins financiers sont autant d’obstacles pour assurer la transition des collectivités vers une alimentation bio et locale.

Les freins à la progression de l’alimentation bio locale étant identifiés, que peut-on mettre en œuvre pour lever ces obstacles ?

 

Chapitre 4 : Augmenter la part du bio local dans les collectivités

Les entraves à la transition de l’alimentation collectives vers le bio local ont un dénominateur commun : le manque de moyens financiers, que ce soit pour l’achat des produits de qualité, la valorisation et la formation du personnel de cuisine ou l’investissement dans les infrastructures. N’est-il pas temps de développer une politique alimentaire ambitieuse et résolument engagée vers l’agriculture biologique et locale ?

Compenser la hausse des prix

Nous l’avions vu dans le Chapitre 1, les ingrédients ne représentent que le quart du prix d’un repas, soit, en moyenne, deux euros. Passer à une alimentation bio, locale et en circuit court, aurait donc un impact relativement limité sur le prix des repas : cinquante centimes d’euro, à peine ! Mais, nous l’avons vu également, les pouvoirs publics disposent de peu de marges budgétaires pour prendre totalement en charge ce surcoût.

Economiser ailleurs

Plusieurs collectivités françaises ont choisi de faire la chasse aux dépenses inutiles et de consacrer les économies réalisées au passage à une alimentation bio locale.

Dans une table-ronde organisée par Ecotable, une entreprise de l’économie sociale et solidaire accompagnant la transition de la restauration vers l’alimentation durable en France, Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, s’exprime :

« Chez les restaurants engagés, peu importe l’inflation, quand on a décidé de mettre du bio au menu, on joue sur tous les leviers. Le prix du bio n’est qu’un pixel de la photo. La grande photo, c’est le projet d’établissement et comment on gère tout, de l’énergie au gaspillage, pour retrouver des marges et mettre du bio. »

 

Plusieurs leviers permettent aux collectivités de réduire ou d’annuler le surcoût de produits bio : gaspiller moins, cuisiner plus en évitant les produits hyper-transformés, acheter de saison, en direct, en vrac…  Dans le cadre de ce même événement, Ariane Delmas, dirigeante des Marmites Volantes, rapporte les pratiques de leur cuisine collective pendant la poussée d’inflation des produits alimentaires : « On met moins de biscuits achetés bio et on fait plus de cakes maison parce que ça nous coûte moins cher. On met du citron ou des pépites au lieu de ne mettre que du chocolat, et les enfants se régalent. »

Xavier Anciaux relaie quelques constats réalisés par la ville de Liège.

« Avant de démarrer sa transition alimentaire, la ville a fait une étude sur le gaspillage : 60 % des soupes finissaient à l’égout, 55 % du poids de l’assiette allait à la poubelle. Une école était livrée pour 20 élèves, et 30 élèves mangeaient dessus car les portions étaient souvent trop grosses. »

 

« Il y a déjà de la marge pour la transition en gérant mieux les doses. » Le Collectif Développement Cantines Durables propose de réduire – sans pour autant les supprimer – la part de produits carnés, qui pèsent lourd dans la balance économique.

Un plan d’action global doit donc être mis en place par la collectivité et/ou par la société de catering qui s’occupe de la préparation des repas.

Imposer une part de produits bio locaux dans les collectivités publiques

Votée en octobre 2018, la loi Egalim prévoyait une évolution de l’offre des collectivités françaises vers une part d’au moins 50 % de produits de qualité durable, dont 20 % de produits biologiques pour 2022. Si l’ambition n’a pas été totalement remplie, il est important de noter l’ascension impressionnante des chiffres. Alors qu’en 2019, les produits bio ne représentaient que 2,9 % des ingrédients de la restauration collective, cette part a doublé en à peine deux ans, passant à 6,6 % en 2021. Si à peine 4 % des cantines proposaient du bio dans leur menu en 2007, ce chiffre est passé à 65 % en 2019[xxxii]. Les cantines autogérées sont légèrement plus engagées (67 %) que les cantines en gestion concédée (60 %), les acteurs publics (78 %) le sont davantage que les privés (53 %). Les produits bio proposés sont à 72 % d’origine France et à 50 % d’origine régionale, ce qui montre l’importance du choix de produits locaux[xxxiii]. Imposer des pourcentages de produits bio locaux dans toutes les collectivités semble donc porter ses fruits.

Serait-ce une idée à appliquer dans la Fédération Wallonie-Bruxelles ? C’est un avis partagé par Valentine Boone. « Tant que nous ne disposons pas de véritables directives politiques dans toutes les régions, l’ensemble du marché continuera à rédiger des cahiers des charges « à la carte ». En Wallonie et à Bruxelles, des entités comme la cellule Manger Demain et Good Food permettent d’instaurer un cadre. Nous avons d’ailleurs observé une évolution positive dans les appels d’offres ces dernières années. » Imposer un certain pourcentage, voire la totalité, de produits bio locaux dans les collectivités permettrait de renforcer nos filières. Etant donné toutes les externalités négatives de l’alimentation conventionnelle, industrielle et mondialisée, le retour sur investissement serait immédiat : en termes de santé publique, de santé environnementale, de développement de l’économie locale et de l’emploi… Qu’attendons-nous ?

Pour Marie Legrain, les aides publiques dédiées à l’alimentation durable sont un investissement gagnant sur le long terme.

« Le coup de pouce du local dans l’assiette, le Green Deal cantines durable coûtent, mais ils font faire des économies à long terme. L’alimentation durable a beaucoup moins d’externalités, beaucoup moins de coûts cachés. Elle pèse beaucoup moins sur la société en termes de frais de santé, biodiversité, environnement… C’est un calcul d’austérité à long terme ! ».

 

Xavier Anciaux partage cet avis. « Il y a du capital dans lequel on peut aller chercher, ce sont ces externalités négatives. On investit maintenant dans l’alimentation, et on réduit les frais de santé. Diabète, cancer, obésité sont des maladies liées au mode de vie et à l’alimentation. On va financer cette transition par des gains en soins de santé, en biodiversité, par la création d’emploi ».

« La ville de Liège a investi pour un million de marchandises alimentaires cette année. 600.000 euros restent en province de Liège, et la plus grande partie est consacrée au bio. »

Vers des repas gratuits à l’école ?

De nombreuses aides publiques existent pour intervenir dans l’introduction de produits durables et locaux dans les collectivités. Et si les aides publiques s’orientaient vers une gratuité des repas à l’école ? Cette mesure incitative permettrait d’augmenter le nombre de repas pris à la cantine, et donc d’atteindre une masse critique suffisante pour développer l’offre, que ce soit via une société de catering ou une cuisine de l’établissement. Comme pour toutes les aides publiques, si une telle mesure se met en place, il faut veiller à sa pérennité afin de ne pas mettre en danger toutes les structures qui se développeraient pour développer la filière.

La gratuité des repas pour les écoles maternelles et primaires est déjà en cours dans les écoles à discrimination positive. Marie Legrain partage son avis sur cette mesure. « Ça fait un grand boost dans le nombre de repas pris à l’école. Il y a beaucoup d’avantages, mais on observe qu’il y a beaucoup plus de gaspillage. Parfois les parents commandent les repas et les enfants ne se présentent pas, ou ils se présentent mais ne mangent pas. Comme c’est gratuit, ça déprécie la valeur de la nourriture. » La coordinatrice de la Cellule Manger Demain préfère l’approche de la sécurité sociale alimentaire, qui préserve la valeur de la nourriture, et où chacun cotise proportionnellement à ses revenus. Pour Rob Renaerts, gérant de Coduco, offrir des repas à des familles qui ont les moyens financiers de les payer n’a pas de sens. Il préfère également l’option d’un tarif basé sur les revenus.

Pérenniser les aides publiques

Les aides publiques sont les bienvenues pour soutenir une alimentation bio locale dans les collectivités. Actuellement, des enveloppes budgétaires sont mobilisées dans les secteurs de la santé, de l’environnement et du développement durable à travers différentes politiques (voir encadré). Cependant, ces politiques sont court-termistes, susceptibles de changer, notamment à chaque législature. Cette instabilité est inconfortable, voire dangereuse pour les filières qui s’investissent pour nourrir les collectivités.

Marie Legrain relaie la situation des producteurs. « Il faut diminuer la prise de risque pour les agriculteurs. C’est aux politiques à réfléchir à long terme. Si on veut durablement encourager l’offre, il faut assurer la demande. Le plan de relance a été une grande chance, en Wallonie, pour le circuit court. Mais il a un début et une fin. Le « coup de pouce du local dans l’assiette » doit être un levier financier mis en place de manière structurelle. Il répond à un déséquilibre entre les moyens que les consommateurs ont à mettre dans leur alimentation, y compris les consommateurs les plus fragilisés – et on sait qu’il y en a de plus en plus -, et la volonté de rémunérer les producteurs correctement et avoir des produits de qualité. »

« Le jour où ça s’arrête, tout s’écroule comme un château de cartes. Il y aura peut-être quelques écoles qui continueront mais ça restera à la marge. Or nous voulons une transition de masse. Il faut une politique à long terme ».

 

 

Des politiques publiques en faveur de l’alimentation durable dans les cantines

 

Des soutiens politiques se développent, au fil des années, pour favoriser la progression des collectivités vers une alimentation durable.

 

·        Un programme européen finance des fruits, légumes et produits laitiers dans les écoles, en favorisant, par un système de points, les produits issus du circuit court, de coopératives, achetés à un prix juste, certifiés bio ou cultivés selon les principes de la lutte intégrée. En Belgique, en 2023, ce subside a permis à 776 écoles participantes de fournir à leurs élèves une vingtaine de collations gratuites par an.

 

·        Le Green Deal Cantines Durables, initié en 2019, favorise la transition des cantines et une relocalisation de l’assiette via une labellisation volontaire (avec obligation de résultats) en bénéficiant d’un accompagnement de la Cellule Manger Demain et de plusieurs subsides permettant d’acheter des produits et du matériel.

 

·        Le programme Collation Soupes gratuites finance la distribution de potage-collation (ou autres collations saines) gratuit aux enfants de 73 écoles maternelles et primaires situées dans des zones à indice socio-économique faible. Ce subside est géré par le Collectif Développement Cantines Durables. C’est dans ce cadre que notre Réseau RADiS fournit des potages à plusieurs écoles de la région dinantaise.

 

·        Le Gouvernement wallon a également mis en place des repas chauds gratuits dans les écoles à encadrement différencié (une école sur quatre). Cette mesure, démarrée en 2018 par un projet pilote avec les classes maternelles spécialisées, s’est progressivement étendue à tout le fondamental, ordinaire et spécialisé. La subvention octroyée aux écoles est de 3,7 € par repas et par élève. De plus, une intervention de 40 € par élève et par an est prévue pour financer l’achat de matériel et le personnel nécessaire à l’organisation des repas. En 2024, on voit une pérennisation de ce subside via un décret avec un budget de 21 millions d’euros.

 

Deux labels permettent aux collectivités de mettre en avant leurs actions pour renforcer la durabilité des repas.

 

·      En Wallonie, 351 cantines (7 %) sont à ce jour signataires du Green Deal Cantines Durables, 119 sont labellisées. Le label implique l’utilisation obligatoire de 5 à 15 produits bio selon le niveau de reconnaissance (nombre de « radis »). L’ensemble des signataires représente 4,3 millions de repas par an, majoritairement dans le secteur de l’enseignement (79 %) et de la santé (19 %).

 

·      A Bruxelles, 53 cantines (3 %) sont labellisées Good Food et 16 sont en voie de recevoir le label. L’engagement porte sur l’utilisation de minimum 8 produits achetés en bio pendant toute l’année.

 

Avec quel succès ?

Contrairement à la France, qui procède chaque année à une enquête de grande ampleur auprès des collectivités en vue d’évaluer la progression de l’alimentation durable, la Belgique ne dispose pas de moyen de suivi. Impossible, donc, de savoir quelle est la part des produits bio et locaux dans les assiettes de la restauration collective.

Une évaluation de la situation des cantines labellisées Cantines durables est réalisée par la Cellule Manger Demain. Elle s’appuie sur le « coup de pouce du local dans l’assiette », un dispositif d’aide financière proposé par la Région wallonne aux signataires du Green Deal. Ce soutien s’élève à 50 % des dépenses en produits locaux (70 % pour les produits bio) à hauteur de maximum 0,5 euros par repas. En 2023, les factures remises par les collectivités demandant ce soutien concernent 1,1 millions d’euros d’achats de produits locaux, parmi lesquels les produits bio représentent 50 % (76 % si on exclut la viande). 78 % des cantines affirment avoir augmenté leur approvisionnement en produits bio grâce à cette aide financière.

 

 

Revoir la loi sur les marchés publics

« Même si nous vivons dans le pays de Magritte, l’alimentation n’est pas une chaise de bureau. On est tous d’accord sur ce point. Une chaise de bureau, un vêtement ou encore un album photo, nous pouvons nous en passer. Pour l’alimentation, c’est différent, c’est un bien vital, que ce soit en quantité mais aussi en qualité ! En effet, celle-ci a un impact essentiel sur notre santé. Elle mérite donc un traitement différent d’une marchandise lambda », peut-on lire sur le site internet de la Cellule Manger Demain. L’association travaille, depuis juillet 2022, pour la mise en place d’une exception alimentaire dans les règles de marchés publics, autrement appelée « cadre rénové de la commande publique »[xxxiv]. Une pétition citoyenne a été mise en place, et un plaidoyer a été réalisé en vue des élections européennes de juin 2024. A l’échelle de l’Europe, la campagne « Buy Better Food »[xxxv] réclame des règles en matière de marchés publics qui soient bénéfiques pour l’environnement, pour les consommateurs et les travailleurs, et qui fournissent une alimentation saine à tous les citoyens européens dans les lieux publics tels que les écoles, les hôpitaux et les maisons de retraite.

Rob Renaerts, gérant du bureau d’études Coduco, désapprouve cette initiative. « On ne va pas changer une réglementation qui est basée sur le fondement de l’Union européenne, qui est le libre-échange de biens et de services, parce qu’on veut acheter des produits locaux alimentaires. Je n’y crois absolument pas. » Affaire à suivre…

Sensibiliser

La transition des collectivités vers le bio local implique des adaptations dans des cuisines qui sont déjà sous pression, en sous-effectif, en manque d’infrastructures et de compétences. Pour initier le changement, il faut à la fois que les mangeurs fassent pression sur le pouvoir organisateur, et que le personnel de la collectivité soit sensible et motivé, mais aussi, accompagné et formé.

Les formations proposées par la Cellule Manger demain sont essentielles pour le personnel de cuisine. « On parle de protéines végétales, on parle de choses que certains n’ont jamais appréhendé dans leur métier : comment cuisiner les légumineuses, comment équilibrer l’assiette, car les référentiels ont changé. »

Sodexo a mis en place une dynamique pour former son personnel à une cuisine plus végétale : intégrer plus de légumes et réduire la portion de viande, pour une alimentation plus diététique et plus durable. Une formation a été organisée dans une grande école culinaire par le siège de Sodexo, et chaque pays l’adapte à ses réalités. La formation des premiers chefs belges de la société a eu lieu en juin dernier.

Chez ISOSL, une intercommunale liégeoise active dans les soins de santé et fournissant les repas d’écoles et de crèches, les cuisiniers sont invités à rencontrer les producteurs pour mieux comprendre leur travail et pour dialoguer sur la qualité des produits.

« On a réussi à décloisonner le monde des collectivités avec celui des producteurs. C’étaient souvent des mondes qui ne se parlaient plus. Une de nos réussites est d’avoir remis nos cuisiniers dans les fermes, et inversement, d’avoir permis à des fournisseurs de venir voir ce secteur. »

 

Les coopératives de producteurs livrant les collectivités mettent également le pied à l’étrier. « On essaie de communiquer au maximum sur les pratiques de nos producteurs, la façon dont les différents aliments sont produits » témoigne Jorge Ercoli, représentant de Mabio.

Chez SAW-B, Xavier Anciaux insiste sur la nécessité que les collectivités s’intéressent aux acteurs de l’approvisionnement bio local pour bien établir leurs marchés publics et mieux coller à la réalité de terrain. « Si on veut 40 légumes différents, découpés de trois manières différentes, pendant toute l’année, aucun maraicher ne sait y répondre. Il faut une société coopérative ou une entreprise qui a la capacité de faire ce type de produit, qui a des producteurs avec elle qui sont capables de produire cette matière première. Un acteur qui a des frigos, des chauffeurs, des camionnettes, qui sait facturer, etc. »

Small is beautiful ?

Et si on remettait en service des cuisines destinées à une transformation hyperlocale de petits volumes de produits bio locaux ? Cette solution présente plusieurs avantages. Le premier, mis en avant par Thérèse Marie Bouchat de la coopérative Paysans-Artisans, est de permettre à de petits producteurs de participer à l’approvisionnement des collectivités. Le second avantage est de bénéficier, grâce aux moindres volumes d’achats, de procédures simplifiées de marchés publics, ce qui permet de les orienter davantage vers des producteurs locaux. Ainsi, la commune d’Onhaye a pu facilement collaborer avec la Ferme Piette, située à quelques kilomètres de ses écoles, pour l’approvisionnement en yaourts bio pour la collation. La proximité des producteurs et des mangeurs renforce les liens sociaux en leur permettant de se rencontrer, dans les champs ou au sein de la collectivité, ce qui est un atout précieux dans la sensibilisation des enfants. Enfin, la cuisine permet de recréer une dynamique locale, comme l’a démontré le Réseau RADiS en région dinantaise : des séances d’épluchage et de découpe des légumes pour le potage-collation ont été réalisées avec les bénéficiaires de structures sociales, qui ont eu beaucoup de fierté à participer à la transition alimentaire des écoles de leurs communes. Ces outils de transformation locale sont aussi, potentiellement, des leviers d’action sociale, via une réinsertion sociale ou professionnelle de publics défavorisés.

Cependant, la juste échelle doit être recherchée. Dans la commune d’Ath, accompagnée par l’asbl Biowallonie, plusieurs cuisines dispersées ont été supprimées en faveur d’une cuisine centralisée afin d’atteindre une échelle plus favorable à la rentabilité. Dans la commune d’Onhaye, Nathalie Lekeux, première échevine, souhaiterait développer une cuisine en vue de préparer les repas des écoles publiques. Elle s’inquiète des contraintes financières et de la gestion du personnel.

« A notre échelle, un cuisinier serait nécessaire. Mais que faire s’il tombe malade ou souhaite partir en vacances ? »

 

Il faut donc, pour des raisons d’organisation pratique, atteindre une masse critique permettant l’engagement d’une équipe de cuisine pouvant se relayer. Selon Rob Renaerts, gérant du bureau d’études Coduco, un cuisinier peut préparer entre 50 et 80 repas en travaillant de manière manuelle (et de 200 à 300 en utilisant des ingrédients surgelés). Il faut aussi penser à la logistique, c’est-à-dire à la livraison des repas dans les différents établissements. Selon Rob Renaerts, l’organisation pratique est un problème aussi important que celui de la rentabilité.

Et le citoyen, dans tout ça ?

Comment, en tant que citoyen, agir pour une transition de l’alimentation collective vers le bio local ? La question fut posée lors de la table-ronde organisée par Nature & Progrès au Salon bio Valériane en septembre 2024.

L’un des participants propose de rejoindre les associations de parents dans les écoles, afin de porter l’idée et d’encourager la direction, ainsi que toute l’équipe éducative et de cuisine.

« Les perturbateurs endocriniens n’aident pas les enfants à bien réfléchir ! Il y a moyen de se saisir de ces questions. C’est énergivore, ce sont des combats… Que fait-on pour la cantine, comment coopère-t-on avec l’équipe éducative autour des questions de santé et d’alimentation, comment introduit-on ces changements dans l’école… C’est un des moyens où on peut mettre un point de pression supplémentaire. »

 

En France, une association, Un plus bio[xxxvi], encourage les citoyens à s’investir dans la transition alimentaire de l’école en publiant un guide pratique pour les parents (mais aussi pour les élus), et en donnant des conférences et du conseil. L’association, née en 2002, rassemble également les collectivités engagées et les décideurs pour qu’ils puissent échanger sur leurs pratiques.

Xavier Anciaux insiste sur ce levier.

« Surtout pas de culpabilité personnelle car c’est un problème collectif, donc politique. Il faut faire du lobbying. La meilleure chose à faire c’est de rejoindre des collectifs. Rejoindre une association de parents, rejoindre Nature & Progrès ou un conseil de politique alimentaire ».

 

Les conseils de politique alimentaire regroupent des personnes intéressées par la transition alimentaire à l’échelle locale. A Charleroi, parmi les six groupes de travail lancés dans ce cadre, un s’intéresse à l’alimentation collective.

Dans le cadre du Réseau RADiS, des bénévoles sont appelés à participer à la préparation des légumes pour la réalisation des potages-collation. Une petite pierre qui permet de soutenir l’initiative. Plusieurs autres coopératives de producteurs reposent elles aussi sur du bénévolat.

Il existe donc plusieurs manières, pour les citoyens, de s’impliquer dans la transition des cantines vers une alimentation bio locale.

 

 

 

 

Conclusion : Vers une politique alimentaire ambitieuse ?

Depuis sa naissance en 1976, Nature & Progrès milite pour un changement de modèle alimentaire vers une agriculture bio et locale, « pour notre santé et celle de la Terre ». Mais cette alimentation durable et de qualité est vendue à un prix plus élevé que la malbouffe industrielle, alors que ce sont les collectivités qui paient la facture des dégâts sur l’environnement, sur la santé et sur la société de ce modèle agro-alimentaire destructeur. La question de l’accessibilité des produits biologiques et locaux se pose, la bio étant souvent associée à une alimentation de riches et de niche.

Les collectivités constituent un levier important de la transition alimentaire et de son accessibilité pour le plus grand nombre. Une intervention publique permet en effet de combler le trou entre les moyens des consommateurs et un prix rémunérateur pour toute la filière, notamment les producteurs. Le secteur de l’alimentation collective a évolué de manière défavorable ces dernières décennies. La pression financière a généré une détérioration de la qualité des repas. Le nombre de repas pris dans les écoles s’est réduit. Des cuisines ont fermé, passant le relais à des sociétés de catering. Certaines écoles ont même cessé de proposer une restauration. En tant que citoyens, nous sommes tous concernés car nous, nos enfants, nos parents passons tous par des cantines : des crèches, des écoles, des maisons de soins ou de repos… Revendiquons le droit à une alimentation saine et de qualité dans les collectivités, pour toutes et tous !

Le secteur de l’alimentation collective a besoin d’une transition, de pouvoir valoriser l’origine et la qualité de ses produits, la saveur de ses repas. Le prix des ingrédients bio locaux semble être le premier obstacle des acteurs de l’alimentation collective, même s’il ne représente, in fine, que l’équivalent de cinquante centimes par repas. L’offre bio locale est bien développée et organisée, et peut globalement répondre à la demande des collectivités, à part celle des plus grandes sociétés de catering qui commandent des volumes trop importants. Les règles des marchés publics, passage obligatoire pour l’approvisionnement des cantines publiques, sont une réelle entrave aux collaborations avec les producteurs bio locaux étant donné leur lourdeur et complexité administrative, ainsi que l’interdiction de cibler une origine locale. Enfin, les contraintes de ressources humaines, de compétences et d’équipement en cuisine représentent également un frein à la transition. Passer en bio local signifie de changer une manière de fonctionner bien ancrée dans la formation et dans les habitudes des professionnels.

Plusieurs solutions ont cependant été identifiées au cours de cette étude, et mériteraient d’être approfondies par nos pouvoirs publics. La plus ambitieuse, qui permettrait de donner un élan à la filière bio locale, serait d’imposer une part – et, à terme, la totalité – d’ingrédients bio locaux dans les repas préparés par les collectivités. Une mesure déjà prise en France et dont les premiers résultats sont prometteurs.

Une intervention publique pour favorise l’accès à des repas bio locaux dans les écoles, en se basant par exemple sur les principes de solidarité de la sécurité sociale alimentaire, permettrait un engagement des parents, augmentant la part de repas pris à l’école, et permettant d’arriver aux volumes nécessaires à une meilleure balance économique de la filière.

 

Si ces mesures semblent coûteuses, car il est nécessaire de soutenir financièrement cette transition, elles seraient accompagnées de nombreuses plus-values : amélioration de la santé publique et environnementale, création d’emploi local, renforcement des filières agricoles, etc.

Nature & Progrès demande une évolution de la vision des politiques vers une meilleure prise en compte des externalités de nos systèmes alimentaires. Misons sur une agriculture et une alimentation vertueuses et responsables, pour les générations futures. N’est-il pas temps de sortir du court-termisme et de décloisonner les budgets publics pour mettre en place une politique alimentaire ambitieuse et transversale, sur le long terme, pour notre santé et celle de la Terre ? Chez Nature & Progrès, nous le croyons !

Comment parvenir à un changement de cap politique vers un engagement pour une agriculture et une alimentation bio et locale ? Nature & Progrès s’intéresse à deux leviers.

Le premier est d’apporter des chiffres et études scientifiques apportant la preuve que l’investissement dans le bio local est gagnant par rapport aux externalités du modèle alimentaire dominant actuel. Une étude réalisée en France par l’ITAB (Institut technique de l’agriculture biologique) en 2016, et actualisée à la demande du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en 2024, a chiffré les externalités de l’agriculture biologique. Les chercheurs se sont basés sur quelques 800 articles scientifiques, avec l’appui de différents organismes de recherche (INRAE, INSERM, ISARA). Les résultats de cette recherche – et d’autres menées dans les pays voisins – gagneraient à être diffusés et vulgarisés vers les politiques et les citoyens. Et pourquoi ne pas réaliser une telle étude pour le territoire belge ?

Le second levier consiste à inscrire le droit à l’alimentation dans la Constitution belge et européenne. En France, Magali Ramel, docteure en droit public et chercheuse, défend cette idée. « Le droit à l’alimentation est consacré en droit international. Il a été pensé pour lutter contre la faim dans le monde, défini et largement travaillé au niveau de la FAO. Mais c’est un droit qui n’est pas reconnu aujourd’hui dans les pays développés. » Que changerait l’inscription du droit à l’alimentation dans la Constitution de pays comme le nôtre ? « Reconnaitre un droit a une incidence juridique : c’est reconnaitre que l’enjeu de l’accès à l’alimentation engage la responsabilité des pouvoirs publics. L’enjeu n’est alors plus individuel ou dans les mains des associations. » Cette avancée juridique porterait donc la responsabilité de fournir une alimentation durable pour toutes et tous sur les politiques. Elle envisage l’accès à la nourriture, non pas comme un besoin, mais comme un droit, permettant aux citoyens d’avoir recours à la justice si aucune aide ne leur est apportée. « Toutes les politiques publiques, qui concernent la production, le commerce, le droit des semences, le foncier, la propriété intellectuelle, le marketing… devront s’accorder à cet enjeu de donner accès à tous à une alimentation durable. » Voici donc un moyen d’encourager – voire de forcer – le développement d’une politique transversale sur le long terme. « Venir contraindre les politiques publiques à engager leur responsabilité contribuera à faire bouger les systèmes alimentaires, plutôt que de laisser le changement reposer sur la seule responsabilité individuelle de consomm’acteurs », complète la chercheuse.

Nature & Progrès compte donc utiliser ces deux leviers pour encourager les politiques publiques à miser sur l’agriculture biologique et locale, et la rendre accessible pour tous, notamment via le levier de l’alimentation collective.

 

 

 

Références

Personnes-ressources

Xavier ANCIAUX SAW-B, chargé de projet Interview, 21 août 2024

Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Cantines bio locales, et si on recréait des cuisines » organisée par Nature & Progrès, 6 septembre 2024

Davide ARCADIPANE ISOSL, chargé de projet Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Valentine BOONE Sodexo, responsable développement durable Interview, 19 août 2024
Thérèse-Marie BOUCHAT Paysans-Artisans, gérante Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Ho Chul CHANTRAINE SAW-B, chargé de projet Interview, 6 mai 2024
Ariane DELMAS Les Marmites volantes, dirigeante Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Comment rester engagé dans une période inflationniste » organisée par Ecotable, 22 avril 2024
Camille DELVAUX Made in BW, chargée de projet Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Sylvie DESCHAMPHELEIRE Collectif Développement Cantines Durables, directrice Interview, 21 février 2024
Jorge ERCOLI Mabio, chargé de projet Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Céline ERNST TCO Services, chargée de projet Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Stéphanie GOFFIN Biowallonie, coordinatrice du pôle alimentation durable Interview, 23 avril 2024

Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Cantines bio locales, et si on recréait des cuisines » organisée par Nature & Progrès, le 6 septembre 2024

Céline GREGOIRE Maison de repos Notre-Dame de Huy, diététicienne Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Cantines bio locales, et si on recréait des cuisines » organisée par Nature & Progrès, le 6 septembre 2024
André LEFEVRE Interbio, gérant Interview, 24 avril 2024
Nathalie LEKEUX Commune d’Onhaye, Première échevine Interview, 21 août 2024
José ORRICO Cuisines Bruxelloises, représentant Témoignage recueilli lors de l’atelier « Du bio wallon en restauration collective » organisé par Biowallonie, 22 février 2024
Rob RENAERTS CODUCO, gérant Interview, 23 septembre 2024
Marie LEGRAIN Cellule Manger Demain, coordinatrice Interview, 28 août 2024

Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Cantines bio locales, et si on recréait des cuisines » organisée par Nature & Progrès, le 6 septembre 2024

Magal RAMEL Docteure en droit public et chercheuse Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Le droit à l’alimentation : bientôt dans la Constitution » organisée par Ecotable, 17 jullet 2024
Laure VERDEAU Agence bio, directrice Témoignage recueilli lors de la table-ronde « Comment rester engagé dans une période inflationniste » organisée par Ecotable, 22 avril 2024

 

Publications

[i] En 2022 pour la Belgique selon la Fédération belge des banques alimentaires. En savoir plus : www.foodbanks.be

[ii] « Nous ne sommes pas la poubelle des grandes surfaces » : le secteur de l’aide alimentaire demande plus de contrôle sur les dons. Article de Maïté Warland pour la RTBF, publié le 6 novembre 2023 : https://www.rtbf.be/article/nvoixous-ne-sommes-pas-la-poubelle-des-grandes-surfaces-le-secteur-de-laide-alimentaire-demande-plus-de-controle-sur-les-dons-11282187

[iii] ATD Quart Monde. 2019. L’expérience de l’aide alimentaire. Quelles alternatives ? Rapport d’une recherche en croisement des savoirs. 72 pages. https://atd-quartmonde.be/cms/wp-content/uploads/2019/11/19033-rapport-croisement_06-compp.pdf

[iv] Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique. 2013. Alimentation de qualité. Un accès pour tous ! Bis, Bruxelles information sociales (169), 44 pages. https://cbcs.be/bis-no169-2013-alimentation-de/

[v] Le Pape François. 2015. Laudato Si’. Editions Embrasure. 268 pages.

[vi] La Concertation Aide Alimentaire rassemble les organisations actives dans l’aide alimentaire en Région bruxelloise et en Wallonie : épiceries sociales, restaurants sociaux, centres de distribution de colis, frigos solidaires, plateformes d’approvisionnement, etc. Concertation Aide Alimentaire. 2023. Pour un accès à une alimentation de qualité pour tou.te.s. Mémorandum 2024. 24 pages. https://www.fdss.be/fr/publication/memorandum-2024-de-la-concertation-aide-alimentaire/

[vii] Secours Catholique. 2021. Etat de la pauvreté en France, faim de dignité.

[viii] Institut national de la statistique et des études économiques : www.insee.fr

[ix] Statbel : www.statbel.be

[x] Collectif de réflexion et d’action pour la SSA en Belgique : https://www.collectif-ssa.be/

[xi] Un inventaire des types de collectivités par province wallonne a été réalisé en 2021 par Manger Demain. Manger Demain. 2021. Etat des lieux de l’alimentation durable en Wallonie. Partie IV – Restauration hors domicile, les chiffres clés. 5 p.

[xii] Goffin S. 2020. Approvisionner le secteur de la restauration collective : une opportunité pour le secteur bio wallon. Itinéraires bio 53 : 12-15.

[xiii] Goffin S. 2020. Approvisionner le secteur de la restauration collective : une opportunité pour le secteur bio wallon. Itinéraires bio 53 : 12-15.

[xiv] Claude Fischler. 1996. La « macdonalisation » des mœurs ; dans J.-L. Flandrin et M. Montanari, Histoire de l’alimentation, Fayard, Paris, 915 p.

[xv] Lessirard J., Patier C., Perret A. et Richard M.-A. 2017. Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité. Rapport. 62 p.

[xvi] Ministère de l’emploi et de la solidarité. 1997. Contrat d’études prospectives Hôtellerie-Restauration-Cafés. 34 p.

[xvii] Biowallonie et Manger Demain. Présentation orale dans le cadre d’un atelier « Du bio wallon en restauration collective : tendances actuelles et à venir « , lors de la journée annuelle de réseautage bio du 22 février 2024.

[xviii] Lessirard J., Patier C., Perret A. et Richard M.-A. 2017. Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité. Rapport. 62 p.

[xix] Pierre Perret. 1972. C’est bon pour la santé.

[xx] Voir sur le site www.mangerbouger.be

[xxi] Realisab. 2014. La restauration collective peut-elle être un débouché pour vous ? Restauration collective et approvisionnement local, les clés de la réussite. Brochure, 124 p.

[xxii] Ligue des Familles. 2022. Où est passée la gratuité scolaire ? La facture salée de l’école. Etude, 57 p.

[xxiii] Antier C., Petel T. et Baret Ph. 2019. Etude relative aux possibilités d’évolution de l’approvisionnement des cantines vers des modes d’agriculture plus durables en Région wallonne. Rapport, 106 p.

[xxiv] https://mead-mouans-sartoux.fr/

[xxv] Rapport 2022 de l’Observatoire Restauration Biodurable.

[xxvi] Manger Demain. 2022. Les légumeries de produits de 4ième gamme locaux, une réelle opportunité ? 24p.

[xxvii] Amrom, C., Baret, P., Courtois, A.-C., Montois, R., Riera, A. 2022. Soutenir la relocalisation de l’alimentation en Wallonie : cartographie et analyse de l’offre alimentaire. UCLouvain.

[xxviii] https://www.mangerdemain.be/coup-de-pouce-local-assiette/

[xxix] Confédération des Grossistes de France, 2017

[xxx] Kassel E. et Leroux Y. 2020. Etude comparative de systèmes alimentaires de restauration collective publique en région Grand Est. Rapport, 111 p.

[xxxi] Directive (UE) 2022/2464 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32022L2464

[xxxii] Agence Bio et CSA Research. 2019. Mesure de l’introduction des produits bio en restauration collective. Rapport présenté sous forme de slides. 80 p.

[xxxiii] Agence Bio et CSA Research. 2019. Mesure de l’introduction des produits bio en restauration collective. Rapport présenté sous forme de slides. 80 p.

[xxxiv] https://www.mangerdemain.be/exception-alimentaire-wallonie/

[xxxv] Site internet de la campagne : https://buybetterfood.eu/

[xxxvi] https://www.unplusbio.org/