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10 juillet 2024

Communiqué de presse

En mai 2024, Nature & Progrès, PAN Europe et d’autres organisations européennes, avaient sorti un rapport visant à alerter les autorités publiques sur une pollution chimique, jusqu’ici largement invisibilisée malgré sa présence généralisée : celle du TFA «TFA dans l’eau. Révélations exclusives sur une pollution ignorée». Ce 10 juillet, un nouveau rapport parait sur la présence du TFA dans l’eau que nous buvons. Les résultats de notre enquête ne sont pas rassurants. Nous demandons une interdiction rapide des sources de pollution, particulièrement les pesticides PFAS et les gaz fluorés.

Le TFA (l’acide trifluoroacétique) est un des principaux produits de dégradation des pesticides PFAS[1] et des gaz fluorés.[2] PFAS à chaine ultra courte, il n’en reste pas moins (par sa structure d’atome de carbone entièrement fluoré) extrêmement persistant dans l’environnement et très mobile. Négligé par les autorités publiques européennes, ses effets sur la santé publique sont encore largement méconnus. Cependant, les rares études toxicologiques laissent apparaitre des risques sanitaires comparables aux autres PFAS de structure similaire, comme le PFOA (malformation des fœtus -reprotoxicité et problèmes hépatiques), à des concentrations toutefois bien plus importantes[3].

Selon Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer pour l’ASBL Nature & Progrès, « Ce polluant émergent n’est pas nouveau, il a simplement été ignoré, tant dans le cadre de la réglementation européenne sur les pesticides chimiques de synthèse, alors qu’il s’agit d’un métabolite de pesticides, qui aurait dû être classé comme « pertinent » et à ce titre plafonné à 100 nanogrammes/L, que dans le cadre de la réglementation européenne sur l’eau. Résultat des courses, aujourd’hui, aucune limite claire et contraignante sur la présence du TFA dans nos eaux, n’existe à l’échelle européenne ».

Dans le cadre de la révision de la directive sur les eaux destinées à la consommation humaine, une limite réglementaire de 500 nanogrammes pour le « Total PFAS »[4] est proposée à partir de janvier 2026[5]. Ce plafond a été repris dans les trois régions, en Belgique. Mais, les résultats d’analyse des 55 échantillons d’eau potable, dont 36 échantillons d’eau du robinet, montrent que ce plafond « Total PFAS » est dépassé pour près de la moitié des eaux du robinet par le seul TFA.  On a observé une contamination des eaux potable au TFA allant jusqu’à 4100 nanogrammes/L, avec une moyenne de 740 ng/ L.

En Belgique, les deux seuls échantillons d’eau potable réalisés par nos soins dans le cadre de cette étude ont révélé des teneurs de 1100 et 320 ng/L. Ces résultats sont à mettre en perspective par rapport à d’autres sources d’information. Ainsi, à Bruxelles, selon la société Vivaqua, les analyses afficheraient des taux de 500 à 1500 ng/L, selon les points de captage et les dates. Les analyses chez nos voisins des Pays Bas pointent des valeurs entre 1200 et 1600 ng/L selon le rapport officiel néerlandais de 2022 sur la qualité de l’eau. En région wallonne, la SWDE a été chargée le 6 juin 2024 de coordonner un monitoring du TFA dans les eaux destinées à la consommation humaine de l’ensemble du territoire wallon.  Les résultats officiels sont attendus à la rentrée.

Par ailleurs, comme le montre notre rapport, un basculement vers la consommation d’eau en bouteille ne permet pas de s’assurer de l’absence de toute contamination. En effet, l’analyse des 19 eaux en bouteille révèle une contamination de 63% des eaux minérales et de source, même si la contamination moyenne affiche 278 ng/L.

Selon l’éminent institut des Pays Bas, le RIVM, qui s’est penché sur le TFA, une valeur maximale de 2200 ng/ L dans l’eau potable, pour le seul TFA, serait acceptable. A ce jour, dès lors les niveaux de contamination observés seraient, dans l’ensemble, encore contenus dans les marges de sécurité. Mais qu’en sera-t-il demain, sachant que les ventes de pesticides PFAS augmentent[6]?

Nous appelons à une réponse politique et globale rapide, pour garantir que nos eaux restent saines pour l’avenir. Cela implique au premier rang, l’arrêt en amont des sources de pollution au TFA de nos eaux, soit l’interdiction des pesticides PFAS et des gaz fluorés.

« Parmi les mesures sollicitées, dont un arrêt planifié et rapide des sources de contamination, nous demandons également une orientation des politiques publiques pour que les agriculteurs puissent se détourner du recours à ces pesticides PFAS. Également, conformément au principe du pollueur payeur, nous demandons que les distributeurs d’eau, et donc in fine donc, les consommateurs ne supportent pas la charge de la pollution et que les industries qui ont mis ces produits polluants sur le marché assument leur part de responsabilité. »

[1] Les pesticides qui contiennent des substances alkyls per- et polyfluorées (PFAS)

[2] Selon l’agence allemande (UBA), les pesticides chimiques seraient la principale source de pollution de l’eau en zone rurale. Viennent ensuite les gaz fluorés (que l’on retrouve dans l’eau de pluie), les stations d’épuration d’eau et la contamination industrielle, Trifluoracetat (TFA): Grundlagen für eine effektive Minimierung schaffen – Räumliche Analyse der Eintragspfade in den Wasserkreislauf | Umweltbundesamt

[3] Registration Dossier – ECHA (europa.eu)

[4] Le paramètre intitulé « PFAS (total) »,  vise à intégrer l’ensemble des PFAS mesurables dans l’eau.

[5] Directive – 2020/2184 – EN – EUR-Lex (europa.eu)

[6] Les ventes de pesticides PFAS, dont le top 3 en Belgique sont le flufenacet, le fluazinam, et le diflufenican, sont en augmentation sur la période de 2011-2021 de 20%. Rien que pour le flufenacet, 63 tonnes ont été vendues en 2021.  recolte-toxique-pfas-etude.pdf (natpro.be)

 

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