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3 décembre 2024

Communiqué de presse

Ces 4 et 5 décembre, les Etats membres de l’Union européenne décideront du sort du flufénacet, un pesticide PFAS, largement utilisé depuis 2004, qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA). Classé récemment comme « perturbateur endocrinien » et présentant un risque élevé de contamination des eaux à l’acide trifluoroacétique (TFA), la Commission européenne (CE) prend ses responsabilités et propose le non-renouvellement de cet herbicide dont les ventes ont atteint 63 000 kilos rien qu’en 2021 en Belgique. Cette dernière a indiqué qu’elle suivra la CE. Le flutolanil, fongicide utilisé notamment pour les pommes de terre et également émetteur de TFA, devrait connaitre la même destinée.

La pollution des eaux de surface et des eaux potables, y compris les eaux minérales, par le TFA est dénoncée par PAN Europe et ses membres, dont Nature et Progrès, depuis plusieurs mois.[1] En Wallonie, les analyses de la Société wallonne des eaux (SWDE) faisant suite à ces rapports montrent des concentrations moyennes de TFA allant de 500 à 1 500 nanogrammes/litre. En Flandre, les niveaux sont encore plus préoccupants : selon les données récentes de la VRT, certaines eaux potables atteignent jusqu’à 9 000 nanogrammes/litre. [2]

Le TFA, un métabolite extrêmement persistant des PFAS, serait principalement issu des pesticides PFAS dans les zones rurales, selon plusieurs études scientifiques[3] et l’Agence allemande pour l’environnement (UBA). Actuellement, 37 substances actives PFAS sont autorisées en Europe, dont le flufénacet et le flutolanil sur l’avenir desquels les Etats membres devront se prononcer demain. Toutes ces substances se décomposeraient en ce métabolite dénommé TFA. À ce jour, seule l’osmose inverse permet de neutraliser le TFA. Alors que les sociétés de distribution d’eau potable risquent de devoir faire face à des investissements exorbitants, in fine à la charge du contribuable, pour maintenir les taux de TFA en dessous des seuils acceptables ; les entreprises d’eau minérale, elles, ne disposent d’aucune alternative pour faire baisser le niveau de TFA dans leur eau.

Or, elles ne sont pas épargnées. A ce titre, la concentration impressionnante de TFA dans les eaux de Villers, révélée aujourd’hui par PAN-Europe, [4] à proximité de zones agricoles a de quoi interpeller. Les agriculteurs et les producteurs d’eau minérale subissent finalement les conséquences de l’industrie à la source de ces polluants. Les autorités qui  ont, jusqu’ici, autorisé la dissémination, en négligeant entre autres, de se soucier de ce métabolite ont la responsabilité de légiférer urgemment.  

Mais cela pourrait évoluer. D’éminents scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur la menace de l’accumulation irréversible de TFA dans l’environnement. Ils soulignent la nécessité de « mesures contraignantes » pour réduire les émissions de TFA [5]. Récemment, l’Allemagne, pour donner suite à une étude produite par Bayer révélant le caractère reprotoxique du TFA, a demandé de classifier le TFA comme Reprotoxique de catégorie 1B, conformément au Règlement EC n°1273/2008 [6], faisant du TFA un « métabolite pertinent », écrit la CE dans sa proposition de non-renouvellement du flufénacet. Une telle classification pourrait être lourde de répercussion pour l’avenir de tous les pesticides PFAS.

Pour Salomé Roynel, responsable politique chez PAN Europe : « L’interdiction proposée par la CE d’interdire les deux pesticides PFAS que sont le flufénacet et le flutolanil est légalement requise.» PAN appelle tous les États membres à « suivre la loi et la science, en donnant la priorité à la protection de la santé humaine et de l’environnement et à adopter rapidement ces interdictions. »

De source sûre, la Belgique a confirmé qu’elle soutiendrait la position de la CE sur le non-renouvellement du flufénacet[7], dont le caractère de « perturbateur endocrinien » et « les risques de contamination des eaux souterraines au TFA sont élevés ». Il devrait en être de même du flutolanil, même si, dans ce cas, c’est l’absence d’étude finalisée sur les risques pour le consommateur liés à la présence de TFA dans les cultures agricoles qui est invoquée à la source de la proposition de non-renouvellement. [8]

Pour Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer : « Dès lors que la CE propose un non-renouvellement de la substance, nous n’en attendions pas moins de la part de la Belgique. La Commission semble enfin prendre le TFA en main, ce qui constitue une étape majeure dans la bataille contre les pesticides PFAS. Mais même si le flufénacet était interdit demain, après avoir été autorisé pendant 20 ans, ce revirement démontre bien que les règles d’autorisation des pesticides ne sont pas fiables. Ce n’est pas parce qu’un pesticide est aujourd’hui légalement mis sur le marché qu’on peut en conclure qu’il n’est pas nocif ou toxique. »

Toutes les analyses de résidus de pesticides, qu’elles soient effectuées dans l’air, [9] dans les chambres à coucher [10]  ou sur les personnes elles-mêmes[11] révèlent la présence de pesticides autrefois autorisés et maintenant interdits : ainsi, l’imidaclopride, le malathion ou l’atrazine, continuent de contaminer nos environnements, même après leur interdiction. 

« Il est temps que la Belgique mette toute son énergie à encourager des modes de production agricole qui se passent de polluants chimiques et qui cochent toutes les cases des défis de notre société : santé publique, biodiversité, eau, environnement, lutte contre les changements climatiques, emploi en milieu rural, etc. », conclut Julie Van Damme, secrétaire générale de Nature et Progrès.

Une agriculture sans polluants chimiques doit devenir une priorité pour protéger notre santé et celle de la Terre.

[1] PFAS – Nature & Progrès

[2] Kleinste soort PFAS duikt op in Vlaams drinkwater: « Lozingen door industrie en pesticiden moeten teruggedrongen worden » | VRT NWS: nieuws

[3] Pesticides can be a substantial source of trifluoroacetate (TFA) to water resources

[4] PAN Europe

[5]  The Global Threat from the Irreversible Accumulation of Trifluoroacetic Acid (TFA), Hans Peter Arp et al, Octobre 30, 2024

[7] EU Commission proposal to ban Flufenacet

[8] Review report on Flutolanil

[9] EXPOPESTEN – ISSeP

[10] Onderzoek in slaapkamers vindt cocktail van 21 pesticiden, Tytgat ziet “geen risico’s voor gezondheid” | VILT vzw

[11] BMH-Wal – ISSeP