Une Maison de la semence citoyenne
au sein de Nature & Progrès
(septembre 2012)

Sommaire
Dossier coordonné par Dominique Parizel

I. Que pourrait être notre Maison de la semence citoyenne ?

Un groupe de permanents et de bénévoles se réunit, au sein de Nature & Progrès depuis près d’un an et demi. Son but ? Mieux comprendre les enjeux de la semence tels qu’ils se posent pour nous et, surtout, examiner comment nous pouvons aujourd’hui redevenir des acteurs de la question. Ce comité est arrivé à un moment crucial de son travail car il se propose de passer maintenant de la théorie à la pratique. D’où la nécessité de faire de le point à l’intention de tous ceux qui souhaiteraient se joindre à l’action.
Signalant que des maisons de semences, ou équivalents, fonctionnent déjà en Inde, au Brésil et en France notamment – c’est l’exemple français de Maison de la semence paysanne du Périgord qui a le plus inspiré notre réflexion -, le comité, lors de sa réunion du 18 juin, s’est accordé sur la définition suivante : « la maison de semences est une tentative citoyenne de se réapproprier les semences, c’est un lieu d’échange de savoir-faire, de connaissances et de semences. La maison de semences n’est pas forcément un lieu physique, un local ou un bâtiment, elle peut être virtuelle. Son activité peut s’organise en trois pôles : échanges de connaissances, échanges de savoir-faire et échange de semences. »

Potagère, paysanne ou… citoyenne ?

En toute logique par rapport à nos objectifs et à notre inscription dans le champ de l’Education permanente, nous avons choisi d’intégrer le qualificatif « citoyen » à la dénomination du projet. Nous l’appellerons donc Maison de la semence citoyenne, un choix qui permet, tout à la fois, de ne pas trahir la réalité de départ – il s’agira essentiellement d’un réseau de particuliers-jardiniers – tout en laissant la porte grand ouverte à des producteurs qui, bien sûr, sont eux aussi des citoyens… Mais, plus encore, notre Maison de la semence citoyenne se posera en véritable pôle de cristallisation de toutes les actions citoyennes autour de la semence. À ce titre, elle sera une invitation permanente au simple particulier en quête de réflexion sur le sujet à venir s’informer et, le cas échéant, agir. Des campagnes de sensibilisation spécifiques devraient idéalement être menées à son initiative.
Certes, le simple choix d’un nom peut sembler anecdotique ou précipité. Cependant, l’adoption d’un nom précis et bien choisi a pour but évident de rappeler, de manière continuelle, aux différents acteurs de la dynamique l’objectif essentiel qui est poursuivi et le sens de la démarche. Un tel choix, s’il est judicieux, doit permettre de ne pas devoir toujours tout réexpliquer et redéfinir. Or, au-delà de la stricte réflexion relative à l’Education permanente, le qualificatif « citoyen » semble d’autant mieux adapté qu’il permet une compréhension très aisée du sens de notre projet par des gens qui lui sont extérieurs. Il est plus rassembleur que le mot « potager » ou le mot « paysan » ; en réalité, il les inclut ! Ultérieurement, le choix d’un logo et d’un petit visuel sympathique aidera également à une identification plus facile de notre Maison de la semence citoyenne. Un agenda reprenant les diverses réunions et activités liées à la Maison de la semence citoyenne permettra de rendre très concret ce qu’elle est et ce qu’on y fait.

Spécificité et défis du projet de Nature & Progrès

Les maisons de semences connues sont toutes essentiellement composées de producteurs professionnels ; elles s’inscrivent dans un contexte social de récupération d’autonomie par les paysans. D’où l’appellation de Maison de la semence paysanne, en France.
Ici en Belgique, chez Nature & Progrès, sans exclure la possibilité que des professionnels puissent se joindre au projet, il s’agirait avant tout de s’enraciner dans une spécificité importante de notre association. Cette spécificité est d’avoir tissé un réseau de membres et de bénévoles riche de nombreux jardiniers bio, déjà compétents en matière de production de semences ou simplement désireux de le devenir. Le point de départ du projet consiste donc à rassembler tous ces jardiniers bio, à les mobiliser autour d’un projet collectif et citoyen.
Mais échanger des connaissances, des savoir-faire et des semences, c’est bien beau, mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ?
Les objectifs de notre Maison de la semence citoyenne sont définis comme suit par le comité :
1. sensibiliser à la question des semences : faire prendre conscience au grand public du rôle capital des semences dans notre agriculture et notre alimentation, et par conséquent de la nécessité de préserver la diversité et la qualité de ces semences afin de maintenir ou de développer la diversité et la qualité de notre alimentation ;
2. convaincre qu’il y a bien, aujourd’hui, d’importants problèmes au niveau des semences : ils sont le fait d’un accaparement des ressources génétiques au profit d’une minorité et d’une érosion de la biodiversité cultivée. Ils conduisent à un appauvrissement inquiétant du contenu de nos assiettes ;
3. construire des alternatives collectives qui permettent à tout un chacun de se réapproprier les semences dans le but de produire librement une alimentation choisie.
Les actions qui seront menées par Nature & Progrès contribueront à la conservation des savoir-faire et des semences ; elles passent par la sensibilisation du grand public, les échanges de savoirs et de savoir-faire et, éventuellement, par un travail de lobbying au niveau politique. 
Une Maison de la semence citoyenne, telle que nous l’imaginons, déclinerait ces objectifs dans les objectifs spécifiques suivants :

 

(INTERSECTION DE TROIS ENSEMBLES)

– au centre : Réappropriation citoyenne
– dans les intersections : 
* bas, à droite : actualisation de la théorie
* bas, à gauche : visite des lieux de production
* au-dessus : registre des productions (lieu, producteur, variété, volume)
– à l’extérieur : 
* haut, à droite : échange de connaissances (causeries et conférences sur les enjeux, actions grand public)
* haut, à gauche : échange de semences (production, bourses et autres systèmes d’échanges)
* en-dessous : échange de savoir-faire (formations et production de documents pratiques)

Un calendrier d’action

Le Comité Semences de Nature & Progrès a fixé quelques objectifs opérationnels internes :
– lors du salon Valériane Namur 2012, dont le thème est Les semences, c’est la vie, un stand tenu par nos agronomes informera les visiteurs sur la question des semences et les invitera à manifester leur intérêt pour nos projets,
– au salon Valériane toujours, un stand spécialement consacré par nos jardiniers à la production de semences invitera les membres de notre association à s’investir dans notre projet de Maison de la semence citoyenne,
– fin septembre : une délégation de membres de Nature & Progrès participe à la rencontre internationale des Maisons de semences, dans le Périgord,
– jusqu’à la fin du mois d’octobre : des formations pratiques des professionnels à la production de semences sont organisées par nos agronomes ; les jardiniers de Nature & Progrès y sont invités afin de permettre une diffusion ultérieure de l’information vers les autres jardiniers,
– dès la fin de l’année, et dans le courant de 2013 : au sein des locales de Nature & Progrès, invitation à tous nos membres à des causeries ou à des animations sur les enjeux de la semence aujourd’hui. Tous les jardiniers intéressés seront invités à rejoindre activement notre Maison de la semence citoyenne…
– dans le courant de 2013, un groupe pilote de jardiniers volontaires de Nature & Progrèsteste le fonctionnement pratique de la production de graines,
– en 2013 toujours : multiplication des séances de formation pratique organisées par les agronomes de Nature & Progrès, à destination des professionnels, et par notre « pôle activités », à destination des particuliers et des membres ; ces formations pratiques sont toujours articulées à des sessions de discussion sur les enjeux citoyens…
– dans la seconde moitié de 2013, la création de la Maison de la semence citoyenne est officialisée par un événement qui rassemble tous les acteurs du projet. Entre-temps, des articles spécialisés sur la production de semences et sur l’évolution des enjeux de société continuent à être régulièrement publiés dans votre revue Valériane…
– des ponts sont ensuite lancés entre le groupement des professionnels et signataires de la charte de Nature & Progrès et la Maison de la semence citoyenne,
– dans le courant de l’année 2013, création d’un « Espace semences », au sein de votre Petite Gazette, reprenant l’ensemble des activités, des infos disponibles sur tout ce qui se fait dans le monde de la semence, de nouvelles invitations à rejoindre notre Maison de la semence citoyenne, etc. Enfin (provisoirement), meilleur signe tangible qu’il existe bel et bien une Maison de la semence citoyenne, un petit « catalogue » des variétés autoproduites et disponibles en son sein, devra être publié aussitôt que possible…

Discussions autour d’un organigramme

Pourquoi un organigramme ? Réponse simple : pour nous mettre en route, pour trouver une dynamique, pour qu’aucun problème inattendu ne vienne soudain bloquer notre action et la rendre vaine… Pour l’heure, les discussions sont en cours au sein du Comité Semences de Nature & Progrès et les réflexions particulièrement intenses entre les réunions. 
Première certitude : le groupe pilote des jardiniers volontaires qui s’apprête à tester le fonctionnement pratique de la production de graines est, lui-même, une semence qu’il nous faut absolument faire germer ! Comment y arriver, sinon en invitant les nombreux jardiniers actifs dans les nombreux groupes locaux de Nature & Progrès à le rejoindre et l’épauler ? C’est notre deuxième certitude. Et nous en avons même déjà une troisième : des actions d’information et de sensibilisation, judicieusement menées auprès du grand public doivent inciter tous les citoyens concernés à rejoindre nos groupes locaux… et nos groupes locaux à créer, à leur tour, leur propre Maison de la semence citoyenne !
Dans l’immédiat, le Comité Semences de Nature & Progrès garde la main afin d’épauler le groupe pilote des jardiniers et de mettre en place des actions dynamiques, tant auprès de nos groupes locaux que du grand public. Mais la réflexion se prolongera sans aucun doute. Affaire à suivre, donc…
Pour clore en beauté sa réunion du 18 juin, le comité formula encore trois recommandations « pratico-pratiques » appelées à présider aux échanges de semences dans notre future maison :
– le choix des variétés autoproduites devra répondre à des critères bien précis – la facilité, la culture en bio, il devra s’agir de variétés oubliées, rares, non disponibles, etc. – et être directement lié à un enjeu de société !
– la Maison de la semence citoyenne devra permettre l’intégration, à la fois, de personnes «expertes» et de débutants. Regrouper uniquement des jardiniers-experts n’aurait aucun sens à nos yeux, même s’il faudra évidemment veiller à la qualité des graines.
– une documentation très rigoureuse de la production devra s’imposer d’emblée : qui produit quelle variété de semences, où, en quelle quantité, et pour qui ? Il sera absolument indispensable de centraliser ces informations.
Vous souhaitez donner du sens à vos semences ? N’hésitez pas : venez nous rejoindre lors du salon Valériane (Namur Expo, 31/8, 1 et 2/9). A tout le moins, venez discuter avec nous des enjeux de société qu’elles recouvrent… 

II. Petite histoire des semences - Par Philippe Delwiche

Cela peut paraître difficile à croire, mais les légumes qui nous sont si familiers n’ont pas toujours existé tels que nous les connaissons. Si telle tomate est bien goûteuse, tel oignon si puissant, telle chicorée si savoureuse, c’est parce que tous ont fait l’objet, au fil des siècles, de sélections et d’adaptations fines et précises. De tout temps, la semence joua, par conséquent, un rôle central. Une bonne raison pour en retracer brièvement l’histoire…
Pendant plus de cent siècles, l’empirisme a conduit l’Humanité dans l’évolution des outils et des techniques, ainsi que dans la sélection et la diversification d’une infinité d’espèces et de variétés potagères dont certaines sont aujourd’hui menacées de disparition. Il serait passionnant de pouvoir suivre chacun de nos légumes depuis les premières cultures, parfois involontaires, de plantes encore sauvages : « […] combien d’étapes parcourues dont le souvenir est à jamais perdu ! On aurait désiré pouvoir les suivre dans leurs migrations chez les différents peuples, voir leurs transformations successives sous l’influence du changement de milieu, assister à la naissance des variétés de plus en plus améliorées par l’effet de la sélection naturelle ou par la main intelligente de l’Homme. Une telle histoire complète des végétaux cultivés, si elle était possible, serait en même temps une véritable histoire de la civilisation […] » (1).
Dès qu’il maîtrise le feu, l’Homme devient un « animal qui fait la cuisine » (2). Il peut rôtir, cuire à l’étouffée et chauffer des liquides à l’aide de pierres brûlantes. La poterie lui permet encore bien plus, avec la confection de brouets et de soupes, et les premières herbes potagères furent probablement des plantes à pot. De nombreux légumes furent domestiqués très tard alors que d’autres étaient déjà cultivés dès les premiers temps de l’agriculture qui apparut simultanément en plusieurs lieux – Bassin méditerranéen, Proche-Orient, Asie du Sud-Est, Pérou, Mexique… – entre 10.000 et 7.000 ans avant notre ère (3). Longtemps, l’Homme fut contraint à un semi-sédentarisme et l’agriculture ne fut qu’un complément de la cueillette, tout comme l’élevage qui ne supplanta jamais la chasse. Pendant cette longue période, les plantes cultivées furent emportées par l’Homme, lors de ses incessants déplacements, et la même espèce a parfois été domestiquée séparément en plusieurs lieux…

Mieux produire à l’aide de semences de qualité

Mais quittons ces temps primordiaux pour constater que l’empirisme a été remplacé, bien plus tôt qu’on ne le croit, par l’expérimentation couplée à de patientes observations. Ainsi, dès la fin du XIIIe siècle, Walter de Henley (4) consacra une part importante de son ouvrage Hosebondrye à l’accroissement de la production. Il fournit ce conseil afin d’éviter l’appauvrissement génétique des plantes cultivées : « […] A la Saint-Michel, prenez des graines d’ailleurs pour constituer votre semence habituelle de l’année. Votre récolte se trouvera enrichie par ces graines nées sur le terrain d’un autre. […] »
C’est également très tôt que l’Homme s’intéresse à la production de semences de qualité visant à l’amélioration des productions végétales. Ainsi, Gérard Sivery (5) relève-t-il, pour la fin du Moyen Age, le cas du petit prieuré d’Aymeries, dans la vallée de la Sambre, spécialisé dans la production de semences… Les semences voyagent probablement beaucoup et de nombreuses variétés remontent lentement vers nous, d’Italie principalement. Nous savons par la correspondance de Rabelais que, lors de son séjour à Rome entre 1534 et 1537, il expédia à son ami et protecteur Geoffroy d’Estissac, évêque de Maillezais, des graines de « salade ». Sans doute s’agissait-il de laitues et de chicorées mais également d’herbes aromatiques qui garnissaient les salades puisqu’il précise qu’il n’a pu obtenir de la semence de pimprenelle. Il écrit, dans une lettre datée du 30 décembre 1535 : « […] Je vous escrivy du XXIXe jour de novembre bien amplement, et vous envoyay des graines de Naples pour vos salades, de toutes les sortes que l’on mangue de par deça, excepté de pimpinelle [Pimprenelle], de laquelle pour lors je ne peus recourir. Je vous en envoye presentement, non en grande quantité, car pour une fois je n’en peux davantage charger le courrier ; mais si plus largement en voulez, ou pour vos jardins ou pour en donner ailleurs, me l’escrivant, je vous l’envoiray. […] ».
La maîtrise de la culture des nouvelles plantes ou l’acclimatation fut sans doute difficile car dans un autre courrier daté du 15 février 1536, il écrit : « […] Au regard de la saison et semailles, il faudra advertir vos jardiniers qu’ils ne les sement du tout si tost comme on faict de par deçà, car le climat ne y est pas tant advancé en chaleur comme icy. Ils ne pourront faillir de semer vos salades deux fois l’an, savoir est, en Caresme et en Novembre, et les Cardes ils pourront semer en Aoust et Septembre ; les melons, citrouilles et aultres, en mars, et les armer certains jours de joncs et fumier leger, et non du tout pourry, quand ils se douteroient de gelée. On vend bien icy encore d’aultres grenes, comme d’oeillets d’Alexandrie, de violes matronales, d’une herbe dont ils tiennent en esté leurs chambres fraisches, qu’ils appellent Belvedere, et aultres de medecine. Mais ce seroit plus pour Madame d’Estissac. S’il vous plaist, de tout je vous envoiray, et n’y feray faulte. […] (6) »
On découvre également avec cette lettre l’intérêt des classes bourgeoises pour les fleurs et les médicinales…
Pour Charles Estienne, les semences « […] doyvent estre gardees en sachets ou vaisseaux de terre qui ayent la bouche estroite : ou dedans boëttes, ou bien calebasses bien estouppees, & en un lieu bien sec, & ou l’on n’espande aucune eau […] ». Il sait reconnaître les bonnes semences et propose, alors qu’il parle des courges, de les sélectionner ainsi : « […] Avant que les planter faut mettre tremper leurs graines une nuict entière en eau, pour les bien choisir & cognoistre leur bonté : & en ce regard on prendra celles qui iront au fond, & laissera les autres qui flotteront par dessus l’eau, comme inutiles & de nulle valeur à estre plantee […] (7) ».
Bonnefons, à propos du chou-fleur, nous apprend que la bonne semence vient de Rome et que « […] les Marchands Lingers, ou Gantiers, vous pourront donner du contentement en vostre affaire, car ils y traffiquent de leur Linge, Passemens & Gands […] (8) ». Plus tard, de Combles confirme ainsi, à plusieurs reprises, que le commerce des graines était déjà bien installé avec des régions réputées pour la production de certaines semences : « […] Les bonnes raiponces nous viennent de Meaux en Brie […] & c’est aussi de-là que nous vient la bonne graine […] (9) ». Pour le chou de Bruxelles, maraîchers et jardiniers croyaient encore, au milieu du XIXe siècle, que la bonne semence de ce chou ne pouvait venir que de Bruxelles. On découvre également très tôt le souci de sélectionner, parmi ses semis, les spécimens les mieux adaptées au terroir, au climat et aux saisons, les plus gros, les plus faciles à cultiver, les plus tendres ou les meilleurs : « […] il y aura encore pour les Amateurs du Jardinage un petit embarras dont il me reste un mot à dire, c’est la difficulté d’être pourvus de Plants & de Semences à leur gré : sur les descriptions que je fais des différentes espèces de Plantes, on sçaura bien se décider pour celles auquelles le goût se trouvera le plus incliné, & qu’on jugera en même tems les plus convenables à son terrein & a son climat […] (10) ».

Nouveaux légumes et variétés éponymes

Joseph Bastin nous apprend qu’avant la guerre de 1914-1918, dans la région de Malmedy, deux ou trois « semenciers » colportaient encore, « un bissac de toile bleue sur l’épaule », les semences à domicile et « étaient bien reçu partout comme avant-coureurs du printemps » (11). Au début du XXe siècle, en Gaume, une marchande passait dans les villages et « […] avait ses graines dans des sacs en tissus, avec une petite boîte ronde dans chaque sac […] ce qui était la ration […] ». De grandes quantités de choucroute étaient encore fabriquées et les jardiniers plantaient de nombreux choux blancs. A l’époque de la plantation, un maraîcher de Mussy-la-Ville sillonnait les campagnes et vendait les choux à repiquer par paquets de cent (12). Dans le Namurois, ces revendeurs de plants à repiquer portaient le nom de mawetis(13).
L’autoproduction constitue cependant la règle pour une gamme de légumes qui, pendant des siècles, est somme toute restée assez réduite.
A partir du XVIe siècle, de nouveaux légumes apparaissent et de nombreuses variétés sont sélectionnées. En 1752, de Combles fournit, pour chaque légume, la manière de produire les graines. Il en explique les raisons dans le premier chapitre : « […] mais où trouver ces Plants et ces graines sûres ? Où trouver ces espèces rares & nouvelles qu’on remarquera dans le cours de l’ouvrage ? Il ne manque point de Marchands à Paris ni ailleurs, rien de si difficile cependant que d’être servi fidélement. Ces Marchands sont trompés par les gens de la Campagne qui les leur fournissent, & ils trompent par contre-coup sans pouvoir le parer, car on ne distingue point une Graine vieille d’avec une nouvelle, ni certaines espèces qui se ressemblent, telles que la Graine d’Oignon & de Ciboule ; ils ne sçavent pas mieux l’âge de ces Graines, qui est un point important : les unes ne lèvent qu’autant qu’elles sont nouvelles, les autres plus elles sont vieilles, mieux elles réussissent (j’entens jusqu’à un certain nombre d’années.) Pour obvier à cette difficulté qui entraîne des désagrémens infinis, il faut que chacun se fasse une régle de recueillir lui-même les Graines dont il a besoin, & qu’il tienne un ordre exact des espèces & de l’année […] »
Voici ses conseils pour de la semence de panais : « […] au mois de Mars il faut en arracher la quantité dont on a besoin pour donner de la graine, & les replanter tout de suite comme les Carottes, à un pied ou dix-huit pouces de distance ; il est entendu qu’on doit choisir les plus belles : lorsqu’ensuite au mois de Juillet les tiges sont à-peu-près à leur hauteur, on fait très-bien de les soutenir avec des échalas ausquels on les lie, sans quoi le vent les renverse & les ruine. La graine meurit à la fin d’Août, & n’est bonne que pendant le cours de la premiere année, je veux dire, pour les deux semences de Mars & de septembre 
[…] (14) ».
La désaffection pour certaines variétés étonne déjà de Combles et dans son article sur la chicorée, il écrit que la variété : « […] Régence (15) étoit autrefois la Chicorée à la mode, & accueillie de tout le monde, ses feuilles extrêmement fines & déliées, & sa blancheur parfaite, faisoient plaisir aux yeux ; sa tendreté & sa douceur flattoient également le goût : je ne sais par quelle bisarrerie elle est aujourd’hui des six la moins bien reçue : c’est sans doute que tout est mode, chez notre Nation surtout […] (16) ».
A partir du XVIIIe siècle, dans chaque région, les maraîchers sélectionnent quelques portes-graines parmi leurs plus belles productions. Ils échangent et améliorent les variétés locales bien adaptées au climat et au terroir. C’est à cette époque qu’apparaissent toutes les variétés éponymes (17) comme la laitue ‘Cabusette de Saint-Hubert’, une laitue d’hiver résistante aux plus grands froids, la chicorée frisée ‘de Namur’ résistante à la sécheresse, la tomate ‘Triomphe de Liège’ ou l’oignon ‘rouge de Huy’. La multiplicité des sélectionneurs actifs pour la production d’une même variété régionale ne permet pas toujours de maintenir une grande homogénéité génétique, mais les variations sont bien souvent un atout pour la création de nouvelles variétés qui apparaissent à foison à cette époque. L’érosion génétique des espèces potagères que nous connaissons depuis le milieu du XXe siècle peut être attribuée à la quasi disparition des petits maraîchers producteurs de semences, aujourd’hui remplacés par quelques grandes multinationales. A la fin du XVIIIe siècle, de nombreux maraîchers se spécialisent dans la production de semences et créent également de nombreuses nouvelles variétés. Ainsi, en 1904, après quatre générations, la maison Vilmorin propose-t-elle un catalogue de semences potagères de plus de huit cents pages…

Les aléas de la semence moderne

Aujourd’hui, la plus grande diversité variétale n’est plus assurée par les paysans, les maraîchers ou les jardiniers. Généticiens, botanistes et autres techniciens travaillent dans les laboratoires et les serres de sociétés multinationales, et de nombreuses nouvelles variétés voient toujours le jour mais ne répondent plus qu’à des impératifs commerciaux. Résoudre des problèmes de maladies, de rendements, de récolte mécanique, de transport, d’emballage et de calibrage ou de conservation dicte le choix des grands semenciers afin de satisfaire les maraîchers industrialisés et les chaînes de « frais » des grandes surfaces. Les critères de qualités gustatives et nutritives ne sont pratiquement plus pris en compte. Ainsi le goût n’arrive-t-il plus qu’au septième rang des critères de sélection dans la recherche actuelle pour de nouvelles variétés après la productivité, le calibrage, la couleur, la conservation, la résistance aux chocs et la facilité de récolte (18). Ces professionnels de la sélection qui dominent aujourd’hui le marché de la semence offrent à l’industrie agro-alimentaire des variétés très fiables du point de vue de leur stabilité génétique et de leur état sanitaire.
Avec l’émergence du jardinage biologique apparut à nouveau le besoin pour le jardinier de cultiver des variétés bien adaptées à la région et résistantes aux aléas climatiques, aux maladies et aux ravageurs. Un intérêt nouveau s’est donc porté vers les variétés anciennes proposées par de petits semenciers « alternatifs » qui ont vu le jour, depuis les années septante, afin de répondre à ces nouvelles attentes. Ces semenciers, souvent issus de l’agriculture biologique, se retrouvent souvent hors-la-loi car ils ont développé une part de leurs activités commerciales en marge des catalogues officiels. Ceux-ci, destinés au départ à garantir la fiabilité des semences commercialisées des variétés de légumes, sont devenus des outils économiques utilisés par les grands semenciers afin de promouvoir et d’imposer les nouvelles obtentions au détriment des variétés anciennes théoriquement interdites à la vente.
Si les consommateurs, aujourd’hui, ne cultivent plus leurs céréales, beaucoup continuent à cultiver un potager et choisissent ou produisent souvent des variétés anciennes bien adaptées, riches et savoureuses. Ils sont les derniers à pouvoir influer, pour ce qui est des variétés légumières, sur la préservation d’un héritage fragile et réellement menacé.

Notes :
(1) Georges Gibault, Histoire des légumes, Paris, Librairie Horticole, 1912, dans son avant-propos.
(2) Michel Chauvet, Albert Bry, Pierre Moncourtois et Georges Trébuchet, « L’Histoire des légumes » in La diversité des plantes légumières : hier, aujourd’hui, actes du Symposium organisé à Angers du 17 au 19 octobre 1985, Paris, BRG/JATBA, 1986.
(3) Jack R. Harlan, Crops and man, Madison, American Society of Agronomy, 1975.
(4) Helley est un agronome anglais né vers 1240. Il acquiert une grande expérience comme intendant d’une exploitation des Midlands. Il est considéré, pour l’Europe occidentale, comme le pionnier des méthodes expérimentales en agriculture. Son œuvre, très didactique, révèle un esprit indépendant, libre de tout conservatisme. Il invite ses lecteurs à toujours conserver un esprit critique et préconise souvent d’essayer des méthodes culturales différentes afin de les comparer. Il termine sa vie comme dominicain. Son ouvrage Hosebondrye, écrit entre 1276 et 1290, est un des premiers traités d’agronomie du Moyen Âge. Il est composé de trois parties : l’élevage du bétail, la culture des céréales et la gestion manoriale.
(5) Gérard Sivery, Terroirs et communautés rurales dans l’Europe occidentale au moyen âge, Lille, 1990, 202.
(6) François Rabelais, Oeuvres de Rabelais avec notice bibliographique par Henri Clouzot, Paris, Garnier, [ca 1919], tome II, 381 et 389.
(7) Charles Estienne et Jean Liebault, L’agriculture et maison rustique, s.l., s.é., 1625, livre second, 153 & 179.
(8) Nicolas de Bonnefons, Le Iardinier françois, Paris, Pierre Des-Hayes, 1651, 147.
(9) de Combles, L’Ecole du jardin potager, Paris, A. Boudet, Le Prieur, 1752, II, 488.
(10) de Combles, Op. cit., I, 30.
(11) Joseph Bastin, Les plantes dans le parler, l’histoire et les usages de la Wallonie malmédienne, Liège, Vaillant-Carmanne, 1939, 112.
(12) Le Jardinage en Gaume dans la première partie du siècle, Rossignol, Groupe d’Histoire Collective, 1983, 178.
(13) Fernand Danhaive, Les « Coteliers » de la banlieue de Namur-Nord, Namur, Le Guetteur wallon, 1983, 44.
(14) de Combles, Op. cit., I, 30 & II, 371.
(15) De Combles parle d’une variété très populaire autrefois. Devait-elle son nom à l’époque de la Régence (1715-1723) où Philippe d’Orléans gouverna pendant la minorité de Louis XV ?
(16) de Combles, Op. cit., I, 293.
(17) Variétés éponymes : variétés qui portent des noms de lieux. Avant cette époque, les noms des variétés de légumes et de fruits étaient plutôt fondés sur la forme, la taille, la couleur, le goût ou sur une caractéristique particulière observable lors de la croissance.
(18) Hervé René Martin, La Mondialisation racontée à ceux qui la subissent, vol. 2, La Fabrique du diable, Paris, Climats, 2003, 28. 

III. Pouvons-nous échanger librement nos semences ?

Que faire des semences sous droit d’obtention végétale ? L’inscription de nos semences au catalogue officiel est-elle toujours indispensable ? Rappelons qu’historiquement, la mise en place de ce catalogue a répondu au besoin de protéger l’agriculteur des marchands qui lui pouvaient lui vendre n’importe quelle variété sans jamais revenir voir ensuite… si c’était la bonne ! Aujourd’hui ce catalogue se retourne manifestement contre les intérêts des paysans et de la biodiversité dans nos assiettes. Nous avons interrogé directement les autorités publiques pour tenter d’identifier notre marge de manœuvre et de voir où celle-ci rencontre des obstacles.
Nature & Progrès a donc convié divers experts et passionnés à une matinée d’études sur les semences qui eut lieu le jeudi 1er mars 2012, à Jambes. Etaient notamment présents : madame Camille Van Slembrouck – et Françoise Deschutter qui l’a entre-temps remplacée -, de l’Office de la Propriété Intellectuelle qui s’occupe des brevets, marques et droits d’auteur et est donc l’interlocutrice pour les aspects juridiques et administratifs en matière de droits d’obtention végétale au niveau fédéral, et monsieur Dominique Perreaux, du Service Public de Wallonie qui s’occupe de tout ce qui est qualité différenciée mais aussi du contrôle de la qualité des plants et semences. Cette direction gère donc l’inscription des variétés aux catalogues – espèces agricoles et légumes – et effectue les contrôles sur le terrain pour la certification des semences. Les cinq encadrés annexés au présent chapitre ont été aimablement rédigés par M. Perreaux suite aux échanges de ce 1er mars. Ils clarifient les possibilités d’échanger des semences en Wallonie.

Les droits d’obtenteurs (Certificats d’Obtention Végétale) 

Les droits d’obtenteurs, sécurisés par les Certificats d’Obtention Végétale (COV) visent à protéger le travail effectué par un sélectionneur en vue de l’obtention d’une nouvelle variété. Fruit d’un long travail, la sélection représente un investissement important pour un semencier qui voit cet investissement rentabilisé via les rétributions des utilisateurs – paiement de droits ou royalties. Cette rétribution, légitime certes, a pourtant des conséquences importantes sur les paysans et sur les agriculteurs biologiques. En effet, dû à la concentration extrême de la production semencière dans les mains de seulement quelques semenciers, on ne trouve sur le marché de la semence que des variétés pour lesquelles ils touchent des droits. Les variétés mineures sont dénigrées et non reproduites, ce qui restreint très fortement l’offre, notamment en variétés adaptées à l’agriculture biologique.
« En terme d’obtention végétale, expliqua Camille Van Slembrouck, la question centrale pour ce qui concerne les échanges sera toujours de savoir si la semence est commercialisée ou pas. Commercialisé ne signifie pas qu’il y ait nécessairement un échange financier ; faire de la publicité sans qu’il y ait finalement une transaction est bien du commerce. On pense souvent qu’il faut qu’il y ait vente, mais ce n’est pas le cas… »
Précisons que les variétés sous droit d’obtention – qui dure vingt ans – sont souvent des variétés modernes souvent créées pour l’agriculture intensive. Les anciennes variétés rustiques ne sont certainement pas les variétés recherchées dans les échanges évoqués ici.
« Il ne faut, en aucun cas, confondre un titre de propriété – le droit d’obtention végétale – avec une autorisation de commercialisation – l’inscription au catalogue, continua notre interlocutrice. Je précise également que le droit d’obtention végétale n’est pas un brevet car il a été taillé sur mesure pour les espèces végétales qui ne sont pas reproductibles à l’identique, contrairement à une invention ou à un produit. Le végétal étant du matériel vivant, il est évidemment beaucoup plus variable et c’est pour cela que le droit d’obtention végétale a été particularisé par rapport au brevet, avec l’avantage très important qu’il comporte ce qu’on appelle l' »exception en faveur de l’obtenteur ». De quoi s’agit-il ? Si vous êtes obtenteur, si vous souhaitez créer de nouvelles variétés, il vous sera toujours possible, à titre de dérogation, d’utiliser des variétés protégées sans devoir payer de royalties pour le faire, alors qu’il sera évidemment toujours impossible d’utiliser une machine brevetée pour l’améliorer et en faire une autre sans payer de droits au titulaire… Petite nuance quand même en ce qui concerne les hybrides : si vous avez chaque fois besoin des lignées parentales protégées pour les multiplier, des royalties seront malgré tout redevables au premier titulaire. Mais si vous obtenez votre propre variété au départ d’une variété protégée, vous n’avez strictement aucun compte à rendre au titulaire de base. Ce n’est pas la seule différence avec le brevet, mais elle mérite d’être soulignée et elle est en faveur de la sélection variétale… »

L’inscription au catalogue officiel (européen et/ou national)

L’inscription d’une variété au catalogue est en réalité une simple autorisation de commercialisation, ni plus ni moins. L’origine de ce catalogue réside dans le besoin de réglementer un commerce nouveau, celui des semences. Il fut instauré à la demande des agriculteurs qui voulaient se voir garantir des semences de qualité professionnelle. Aujourd’hui, le catalogue apparaît pourtant plus comme un obstacle aux activités paysannes. Les conditions d’inscription sont incompatibles avec un grand nombre de variétés qui ne rentrent pas dans le schéma d’inscription, à savoir les tests de Distinction, Homogénéité et Stabilité (DHS) et de Valeur Agronomique et Technologique (VAT). Les variétés non stables, également appelées « variétés-population » parce qu’adaptables et donc de grand intérêt, ne peuvent être inscrites. Juridiquement, ce ne sont pas des variétés alors qu’elles recèlent une richesse et une adaptabilité immenses. Ensuite, le coût de l’inscription est un véritable frein pour les variétés « mineures », peu produites, sur lesquelles peu de profits peuvent être dégagés. Ces faibles profits ne peuvent donc pas supporter la « taxation » supplémentaire que représente l’inscription au catalogue et par conséquent ne sont pas produites. Les contraintes techniques spécifiques au catalogue (VAT) sont autant de barrières infranchissables pour toutes les variétés qui ne valorisent pas bien les conditions de confort de l’agriculture chimique. Autrement dit, les variétés sélectionnées avec une logique d’utilisation en agriculture biologique et paysanne sont peu susceptibles d’entrer au catalogue et ne peuvent, par conséquent, pas être commercialisées. 
La possibilité existe néanmoins d’inscrire, avec une certaine souplesse, des anciennes variétés dans le catalogue officiel mais il est alors toujours nécessaire de prouver l’origine locale des variétés. Reste toutefois à apprécier ce qui est local ou pas. Des variétés cultivées ici depuis un siècle et qui sont venues d’Italie, par exemple, pourront en bonne logique être inscrites car la plupart des variétés qui sont chez nous maintenant étaient évidemment ailleurs avant. En Wallonie, une forme de description minimale devrait permettre de caractériser une variété afin de l’inscrire dans le catalogue à très peu de frais – entre vingt-cinq et cinquante euros ! – et de l’y maintenir sans le moindre coût. Quant aux tarifs « normaux » pour inscrire une variété au catalogue, et donc pour obtenir le droit de la commercialiser, ils sont de deux cents euros pour le dépôt de la demande, et six cents euros pour l’examen de la DHS – distinction, homogénéité, stabilité – pour les légumes… Pour le maintien de cette variété au catalogue : cent euros la première année, cent soixante la deuxième, deux cents la troisième, la quatrième et toutes celles qui suivent..

Les échanges entre particuliers

Puisque c’est la commercialisation de semences qui est visée par le catalogue, les autres formes d’échanges n’étant pas réglementées, il serait utile de savoir ce qu’elle recouvre précisément. Légalement, la commercialisation est « la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente ou toute cession, toute fourniture, tout transfert en vue d’une exploitation commerciale, de semences à des tiers, que ce soit contre rémunération ou non ».
« Du point de vue du droit d’obtention végétale, expliqua Camille Van Slembrouck, il est nécessaire que l’échange se fasse à titre privé sans commercialisation. Mais cela reste toutefois assez marginal vu que les variétés protégées sont peu produites par les particuliers… »
Serait-il cependant judicieux qu’un particulier passe une petite annonce en disant qu’il possède des semences sous droit d’obtenteur, même si son intention est juste de les donner ?
« Le cas est limite, répondit Camille Van Slembrouck. Le particulier fait cela à titre privé, c’est sûr, mais si la semence est protégée, le titulaire du droit d’obtention, pour peu qu’il soit au courant, va évidemment poser des questions. Un cas plus typique serait celui de voisins de potager dont l’un vante une variété qu’il tient de sa grand-mère et qui propose à l’autre de l’essayer l’année suivante… Là, il n’y a absolument aucun problème ».
Quant aux bourses de semences dont l’organisation peut être annoncée dans la presse en précisant les principales variétés qui seront proposées ? S’il n’y a pas de commercialisation, il n’y aura aucun problème ! De même, si les fins sont privées, si l’organisateur n’a pas de numéro de TVA en tant que producteur… Mais dès qu’un professionnel s’insère dans la bourse pour faire de la publicité ou donner des échantillons, la démarche sera commerciale, même s’il n’y a pas d’échanges financiers. On recommandera donc de limiter ces échanges aux variétés qui sont dans le domaine public, voire à celles qui ne sont pas inscrites au catalogue. 
Mais l’une ou l’autre variété protégée par un droit d’obtention végétale serait-elle susceptible d’intéresser des jardiniers ? C’est peu probable. Il y a environ deux cent trente variétés protégées de tomates. Or il y en a près de trois mille qui sont inscrites au catalogue ! Rappelons, une fois encore, que le droit d’obtention est une chose et que le catalogue et la commercialisation en sont une autre ! Une variété doit être inscrite au catalogue pour pouvoir être commercialisée en vue d’un usage commercial. Une variété sous droit d’obtention ne peut être multipliée/vendue sans versement d’une rétribution – des royalties – à l’obtenteur.
Les échanges de producteur à producteur

« C’est toujours le même refrain, répéta Camille Van Slembrouck : si on échange entre professionnels, on n’est donc plus dans la dérogation de la sphère privée ! Si les productions et les échanges se font à des fins commerciales, on est donc soumis au droit d’obtention végétale pour les variétés protégées. La règle reste la même quels que soient les interlocuteurs. Il y a dérogation pour ce qui est fait à titre privé et à des fins non commerciales ; il y a paiement de royalties et de licences pour tout ce qui est multiplication en vue de la commercialisation. »
Mais des producteurs peuvent-ils s’échanger des semences qui ne seraient pas inscrites au catalogue ?
« La réponse est non, dit clairement notre interlocutrice ! Il est clair que c’est strictement interdit car l’échange entre producteurs est de la commercialisation et que la commercialisation de semences de variétés de légumes qui ne sont pas inscrites au catalogue est interdite. »
Toutefois, une nouvelle législation datant de 2009 instaure une dérogation possible pour les variétés dites de conservation, ou pour les variétés sans valeur intrinsèque, les variétés d’amateur… Cette ouverture permet d’inscrire des variétés à peu de frais selon une procédure très souple, mais ces variétés doivent quand même être inscrites ! Une variété de conservation peut être, selon la définition légale, une variété qui a quitté le catalogue commun depuis plus de deux ans. Il s’agit du cas le plus simple. Sa description était correcte avant qu’elle ne sorte, elle peut donc rentrer sans problème. Il en coûte vingt-cinq euros pour une variété d’amateurs, vingt-cinq euros pour les frais de dossiers, et rien pour la maintenir… Ceci fait, elle pourra donc être commercialisée à certaines conditions. Et il s’agit bien, ici, du catalogue européen, par l’intermédiaire, bien sûr, du catalogue national… Il faut bien distinguer les variétés dites de conservation – pour synthétiser, il s’agit des variétés destinées à la production professionnelle de légumes – et les variétés d’amateurs – il s’agit des variétés destinées aux jardiniers amateurs, et donc réputées « sans valeur intrinsèque ». Il y a, pour les premières, une limitation relativement stricte de la quantité de semences qui peut être produite et de la zone de commercialisation, de la zone d’origine. Quant aux variétés sans valeur intrinsèque, elles doivent être produites dans leur région d’origine mais peuvent être commercialisées partout en Europe, la limitation résidant uniquement dans le conditionnement : des sachets de cinq grammes, par exemple, pour la commercialisation des semences de tomates…
Les variétés de conservation sont destinées à des professionnels et il faut nécessairement qu’un mainteneur les inscrive au catalogue ; il doit prendre la responsabilité de maintenir cette variété en l’état afin qu’elle soit toujours disponible pour la commercialisation. Il ne paie rien pour que sa variété reste au catalogue mais il n’a aucun droit particulier sur la variété concernée. Son action s’apparente surtout à une forme de bénévolat pour sauvegarder la variété concernée…

Et l’AFSCA dans tout ça ?

Précisons qu’un certificat sanitaire de l’AFSCA est parfois indispensable pour vendre certaines semences. C’est le cas de la plupart des solanacées – tomates, pommes de terre – qui peuvent être porteuses de virus transmissibles à la graine. Des tests de quarantaine doivent donc être faits en laboratoire pour vérifier si la lignée n’est pas touchée, dans le double but d’empêcher la propagation du virus et de protéger le producteur contre les éventuelles pertes économiques dues à une mauvaise récolte. L’AFSCA est donc également un interlocuteur qu’il eut été intéressant de convier à notre matinée d’étude. Mais le chapitre semences n’est évidemment pas clos et nous ne manquerons pas d’aller rencontrer ses représentants afin d’identifier les implications éventuelles du travail de l’agence sur nos diverses initiatives d’échanges autour des semences. Affaire à suivre donc.

Pour résumer et pour se dépasser

On apprend donc finalement que les échanges entre particuliers ne posent absolument aucun problème. Ouf ! On apprend aussi que les problèmes apparaissent à partir du moment ou il y a commerce ou destination commerciale. On apprend encore que, dans notre partie du pays, c’est un peu au cas par cas que les règles sont appliquées, que tant qu’il n’y a pas de pertes économiques pour un acteur, des activités en marge de la légalité sont tolérées. Des bonnes nouvelles en somme si on reste le nez dans son jardin. Pourtant, derrière ces constats encourageants, subsistent de graves menaces liées au cadre réglementaire qui s’applique aux semences. Les enjeux de biodiversité, par exemple, très liés aux semences, ne sont pas pris en compte dans les tests et les autorisations. Les enjeux mondiaux ou internationaux sont également absents, alors que le bât des multinationales de la semence blesse en permanence. Enfin, les droits d’obtention végétale cachent malheureusement des cas de biopiraterie – accaparement du vivant – par les obtenteurs. La suite de tous ces enjeux dans nos prochains articles…

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Le catalogue communautaire des espèces de variétés de légumes
La règle générale

L’inscription d’une variété de légume au catalogue communautaire constitue un prérequis à la commercialisation des semences de cette variété. Le catalogue communautaire est une compilation des catalogues nationaux des différents Etats membres de l’Union européenne. Ceci concerne une liste fermée de trente-sept espèces de légumes, regroupant les principaux légumes commercialisés.
Pour admettre une variété au catalogue, les seuls critères évalués sont la distinction, l’homogénéité et la stabilité de cette variété (critères DHS). La distinction doit assurer que la variété mise sur le marché sous un nouveau nom est bien différente de toutes les autres variétés déjà disponibles. Les essais de distinction, qui nécessitent une description précise de la variété et une comparaison avec une large gamme de variétés existantes dans des conditions de culture similaires, sont particulièrement coûteux. Le test d’homogénéité doit démontrer que les individus au sein de cette variété sont, dans certaines limites, identiques les uns aux autres. La stabilité assure que la variété se reproduit identiquement à elle-même de génération en génération.
L’inscription au catalogue nécessite la désignation d’un « mainteneur » de la variété, qui assure la disponibilité de cette variété identique à sa description.

Le catalogue communautaire des espèces de variétés de légumes
Les adaptations

Dans un objectif de conservation/diversification des ressources génétiques, la législation a été assouplie pour l’inscription au catalogue des variétés dites « de conservation » et pour les variétés particulièrement destinées aux jardiniers amateurs. Les critères DHS sont moins stricts et, différence notable, ne dépendent plus nécessairement d’essais de mise en culture coûteux. Une variété peut en effet être admise sur dossier, reprenant par exemple une description et un historique d’utilisation, pour une ancienne variété par exemple.
La notion de « variété de conservation » est réservée aux variétés destinées au producteur professionnel de légumes. L’objectif étant la conservation in situ du patrimoine génétique d’une région, les semences de ces variétés doivent obligatoirement être multipliées et commercialisées sur un territoire délimité par le législateur, dit « région d’origine » de cette variété. La quantité de semences commercialisables par variété est limitée. Pour une variété de tomate inscrite au catalogue belge, on peut, par exemple, produire au maximum la quantité de semences nécessaire pour planter quarante hectares de production professionnelle de tomates avec cette variété.
Pour les « variétés d’amateur », il n’y aucune contrainte quant à la région d’origine, de multiplication ou de commercialisation. Les quantités à produire ne sont pas limitées. Seule la quantité maximale des semences commercialisées par sachet mis en vente est imposée : par exemple, au maximum cinq grammes de semences de tomate par sachet vendu.

La production de semences bio

La commercialisation des semences bio est soumise aux mêmes règles que la commercialisation des semences conventionnelles. Les semences bio doivent, de plus, répondre aux exigences du règlement relatif à la production biologique, qui ne prévoit cependant pas de conditionner l’attribution du label bio au respect de la législation sur les semences. Les contrôles de la production biologique sont menés indépendamment des contrôles de la production et du commerce des semences. Toutefois, ces informations ne préjugent pas des exigences en matière phytosanitaire, de compétence fédérale et contrôlées par l’AFSCA.

La commercialisation

La commercialisation est légalement définie comme « la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente ou toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d’une exploitation commerciale, de semences à des tiers, que ce soit contre rémunération ou non ». L’interprétation des termes « exploitation commerciale » fait débat (exploitation des semences ou des légumes produits). Il n’y a pas de commercialisation (pas de transfert de semences) lorsque le producteur de semences est aussi propriétaire des légumes produits à partir de ces semences. Il endosse le risque économique de la production de légumes.
L’échange de semences entre jardiniers amateurs ne constitue pas un acte de commercialisation au sens légal. Tout autre type d’échange – amateur-professionnel, professionnel-professionnel – peut être considéré comme un acte de commercialisation qui requiert, notamment, l’inscription de la variété au catalogue. Dans ces situations, le service officiel de contrôle privilégie une approche pragmatique qui proportionne les exigences du contrôle aux risques économiques encourus par l’utilisateur des semences. Le principal souci reste la protection et la bonne information de l’utilisateur.
Le contrôle de qualité

Outre l’inscription obligatoire de la variété au catalogue, la commercialisation des semences de légumes est aussi soumise à des normes de qualité, toujours dans le souci de la protection de l’utilisateur des semences. La bonne identité de la variété diffusée est une première exigence. Cette norme d’identité variétale nécessite la disponibilité d’une description correcte de la variété, officialisée par l’inscription au catalogue. Le lot de semences commercialisé doit, d’autre part, remplir des exigences de pureté variétale (pas de mélange accidentel avec d’autres variétés), de pureté spécifique (teneur maximale fixée en semences d’autres espèces) et de qualité germinative. Les informations minimales qui doivent être renseignées sur l’emballage sont aussi fixées légalement. Les mêmes normes sont d’application pour les variétés de conservation et pour celles destinées au jardinier amateur. La grande majorité des semences de légumes sont commercialisées sous l’appellation « semences standard » qui implique que l’adéquation des semences aux normes de qualité prescrites est de la responsabilité du producteur (auto-contrôle). Le responsable de la production doit consigner les informations assurant la traçabilité des lots commercialisés (comptabilité matière). Le service de contrôle officiel effectue des contrôles aléatoires en cours de commercialisation pour s’assurer que les semences correspondent aux normes prescrites.

IV. Des semences dans les mains des paysans - Par Corentin Hecquet (doctorant ULg - Campus d’Arlon)

Mais jusqu’où pourrait vraiment aller une Maison de semences pour peu que de simples jardiniers citoyens et de grands producteurs professionnels prennent clairement conscience de la nécessité de son action ? Nous sommes allés voir au Brésil, un des pays où les Maison de semences sont nées. Voici donc l’expérience de Bionatur, une structure qui s’est lancée dans la production de semences agroécologiques, dans la foulée de la coopérative du Mouvement des travailleurs Sans Terre…
En juin 2012, je me suis rendu dans la pampa brésilienne, à Candiato, à quatre cents kilomètres de Porto Alegre, dans le sud du Brésil, afin de découvrir Bionatur. En ce mois de juin, nous sommes en hiver ! Les températures varient entre -2 C° la nuit et 23 C° en journée. Les paysans ont attendu la pluie pendant trois mois et demi. La pampa est un paysage de vastes étendues, un petit peu vallonnées par endroit. La production monoculturale d’exportation de cellulose d’eucalyptus coupe ces vastes étendues. Certaines propriétés passent les dix-sept mille hectares. Le paysage se compose de prairies, où tant les vaches laitières que de production alimentaire gambergent. Outre ces productions, les semences ont une place importante mais elles occupent bien moins d’espace. Le plus visible, ce sont les noms d’entreprises, telle Islandia détenue, entre autres, par l’actionnariat de Monsanto. Finalement, l’une des grandes fiertés de la région est la production viticole.

A la recherche d’alternatives

Bionatur a vu le jour en 1998 au sein de l’asentamento (1) Roça Nova, commune de Candiato, du Mouvement des travailleurs Sans Terre (MST). Dans cette région, les familles d’agriculteurs sont multiplicatrices de semences pour l’industrie. L’idée des quelques fondateurs de Bionatur fut d’offrir la possibilité aux familles de produire leurs propres semences potagères, de leur permettre d’accéder à un revenu plus élevé ainsi qu’à des semences de qualité. Se posa alors la question du type de semences à produire : semences industrielles ou semences d’autres types plutôt tournées vers l’agroécologie. Il faut bien comprendre qu’à cette époque, les discussions autour de l’agroécologie n’étaient pas du tout présentes ; seules quelques personnes s’intéressaient à la question…
Le MST est alors très orienté vers le coopérativisme. De manière générale, il tente de permettre à des familles sans terre d’en obtenir une, de produire et de valoriser leur production via les coopératives du mouvement. Le type d’agriculture n’est pas mis en question car l’enjeu se concentre surtout autour de la répartition de la terre. Mais, vers le début des années 2000, le MST prend en main la question du type d’agriculture. Deux phénomènes se produisent alors de manière simultanée.
Premièrement, ces années voient la conquête par le marché, et celle des entreprises du territoire brésilien, par la production de transgénique, principalement du soja. A cette époque pourtant, la loi brésilienne interdit les OGM. Malgré cela, un champ expérimental est octroyé dans la zone de préservation environnementale des chutes d’Iguazu, au sud du pays. Le MST et Via Campesina protestent, occupent le territoire, le conflit se solde par un mort. Aujourd’hui, cette zone a été récupérée par le gouvernement et est devenue un centre expérimental agroécologique. Dans la même période, du soja transgénique est planté illégalement (2). Comme le souligne M. Varella, « les agriculteurs brésiliens ont importé le soja, multiplié les semences au Brésil et ont commencé la culture à grande échelle, malgré l’interdiction » (3). La réaction du gouvernement fut d’accorder la commercialisation et non de sanctionner par la loi. L’année suivante, la production illégale augmenta pour atteindre, en 2005, plus de trois millions d’hectares. Suite à cela, la production de soja transgénique fut autorisée. Aujourd’hui plus de 90% du soja est transgénique. 
Deuxièmement, suite à la dénonciation et à l’opposition par rapport au transgénique, le MST ouvrit une discussion sur le type de production et les modèles qui la sous-tendent. Dans cette deuxième phase, les dirigeants du MST développèrent une approche systémique liant les questions d’accès à la terre, du mode de production et du capitalisme. En 2003, lors du Forum Social Mondial à Porto Alegre, fut lancée la campagne internationale « les semences sont patrimoine de l’humanité ». L’expérience de production de semences agroécologiques de Bionatur est alors mise en avant. Depuis lors, cette expérience est la vitrine du MST en termes agroécologiques. Dans six mois, en partenariat avec la partie de la formation du MST (CEPPA), une école de formation en agroécologie pour les paysans ouvrira à côté de Bionatur.

La politique par la pratique

L’objectif poursuivi par Bionatur, depuis presque quinze ans, est de permettre aux paysans de produire leurs propres semences, tout en les impliquant dans la gestion de la coopérative. Pour les fondateurs, la production de semences agroécologiques est une manière pratique de résister à un modèle agricole dévastateur. Cela amène également les paysans à réfléchir aux modes de production et à créer la contagion autour d’eux par la démonstration pratique. La production de semences agroécologiques renforce la biodiversité, du fait que les paysans doivent au minimum produire trois sortes de variétés. Mais c’est également une manière de réduire les risques économiques. Les paysans ne définissent pas l’agroécologie, ils la vivent.
La production de semences, combinée à d’autres productions – potagères, fourragères, légumineuses, vaches – offre la possibilité à ceux qui y travaillent de renforcer leur souveraineté alimentaire. Mais cela dépend de chacun ; le MST laisse les paysans libres de produire ce qu’ils désirent. Par exemple, dans une même région, certains font des semences agroécocologiques et d’autres plantent du soja transgénique. Ce qui démontre que l’agroécologie, au sein même du MST, a encore du chemin à parcourir. Il s’agit d’un véritable changement culturel pour le milieu de l’agriculture familiale.

Une coopérative dans les mains des paysans

Les multiplicateurs de semences s’organisent, par groupe et par assentamento. Il existe, au total, quarante-quatre groupes composés de cinq à huit personnes, soit plus de deux cents familles qui participent à la coopérative. Pour devenir membre d’un groupe, le paysan doit participer à des réunions de son groupe, montrer par sa pratique qu’il est capable de produire des semences de qualité agroécologique, mais aussi être en accord idéologique et pratique avec l’agroécologie. Après avoir été accepté par le groupe, la première année, il peut multiplier une partie restreinte de semences et, en fonction du résultat de l’année suivante, il peut multiplier sur une plus grande surface. Le coordinateur du groupe a pour fonction de transmettre les informations de la coopérative et d’être un point de référence pratique pour les paysans. Les « techniciens agricoles » de la coopérative ont pour fonction, quant à eux, d’animer les groupes, d’échanger avec les paysans, de mettre en relation différentes expériences.

Pratiquement

Bionatur produit deux récoltes par an, en été et en hiver. La planification générale est préparée, par saison, par les salariés de Bionatur. Les animateurs de groupes se rendent dans les quarante-quatre groupes afin d’élaborer une planification, par groupe, définissant la superficie par variété et par paysan. Les semences utilisées pour la multiplication sont de deux origines : variétés du catalogue et variétés anciennes provenant des paysans. Au Brésil, les semences paysannes peuvent être échangées entre producteurs, mais ne peuvent pas être vendues…
Les paysans multiplient en respectant un ensemble de critères de production liés à l’agroécologie. Une fois les semences multipliées, récoltées, les animateurs techniques de la coopérative réalisent la partie administrative pour les paysans. Puis, une fois les semences arrivées à Bionatur, elles sont séchées : en fonction du type d’espèce, on utilise soit un sécheur à tiroir – pour les potagères – ou un séchoir ouvert – pour les céréales. Un échantillon de chaque semence est ensuite envoyé au laboratoire pour obtenir des informations sur le niveau de pureté et sur le taux de germination ; une date de validité est également donnée. Une fois les résultats déclarés positifs, les paysans sont payés. Les semences sont gardées dans des tonneaux, dans un frigo. Elles sont ensuite mises en paquets, en conserves ou vendues en vrac…
Bionatur commercialise quarante tonnes de semences via différentes canaux : achats par le gouvernement en vue de distributions, achats par le gouvernement pour faire des envois dans certains pays en crise – Haïti, par exemple -, achats par des producteurs… 80% de la production sont commercialisés dans le cadre de politiques publiques. Actuellement, Bionaturne parvient pas à fonctionner uniquement sur les bénéfices de ces ventes. La viabilité de l’organisation est assurée, en partie, par la vente et, en partie, par des projets gouvernementaux. De ce fait, le nombre de personnes travaillant pour Bionatur varie en fonction des projets. L’une des difficultés de l’organisation est la commercialisation car elle ne présente pas des produits « classiques » et manque de personnel pour développer la commercialisation.

Une expérience riche d’enseignements

Cette expérience montre, une fois de plus, que c’est en marchant que l’on crée le chemin. Bionatur est parvenu à construire un projet à portée politique, en impliquant les paysans via des éléments concrets, aux portées diverses, liés à l’agroécologie : renforcement de la biodiversité, création de revenus, changement de la gestion agro-environnementale, possibilité de souveraineté alimentaire… Toutefois, la coopérative contrôle les aspects techniques de la multiplication dans un environnement incertain dû en grande partie aux aspects climatiques, à la sécheresse principalement. De plus, à cause de problèmes quotidiens liés au nombre de personnes, l’organisation est en permanence sur le fil de rasoir d’un point de vue économique. Mais, malgré cela, 
Bionatur est un exemple visité par différentes organisations du monde entier qui veulent développer des projets similaires, au Venezuela, au Mozambique, à Cuba…

Notes :
(1) Un assentamento est un territoire ayant obtenu la réforme agraire. Le processus consiste en une occupation de terre non exploitée. Après plusieurs années de campement, de production sur la terre et un processus juridique, le territoire change de classification. Il devient un assentamento dont la superficie est répartie en différents lots donnés aux familles.
(2) Comme l’explique Varella, M. D. : « Ce soja génétiquement modifié produit au Brésil n’a pas été élaboré par Monsanto ; c’est le résultat d’un croisement fait par les agriculteurs entre le soja Monsanto importé illégalement de l’Argentine et le soja traditionnel du Brésil. »
(3) Varella, M. D., Propriété intellectuelle et semences: les moyens du contrôle des exportations agricoles par les entreprises multinationales. Revue Internationale de Droit Économique, v. 2, p. 211-228, 2006.

V. Partout dans le monde, des semences paysannes - Par D. Dive, B. Boutiau, Y. Baudaut, Fr. de Gaultier et G. Lohest

Pendant des millénaires, la production de semences a été naturellement le fait des paysans. Quelques décennies dites « d’amélioration variétale » nous l’ont fait oublier. Cette logique poussée à bout a mené aux OGM et à d’autres manipulations génétiques qui ont, par effet de réaction et de prise de conscience, réveillé des initiatives paysannes partout dans le monde. Lors des Rencontres internationales des Maisons des Semences Paysannes (1), une délégation de notre association s’est connectée à ce vaste mouvement, et a ramené des tas de contacts, d’exemples et d’expériences qui sont autant de sources d’inspiration pour notre Maison de la Semence Citoyenne.

En route pour Périgueux !

Jeudi 27 septembre. Premier jour des Rencontres Internationales des Maisons des Semences Paysannes, à Périgueux en Dordogne. L’auditoire est plein, nous assistons à la séance introductive. À la fin de la présentation des délégations, l’animateur pose la question : « y a-t-il un pays que l’on aurait oublié ? ». Quelques mains se lèvent au centre de la salle. Les Belges. C’est qu’on nous avait placés à l’endroit prévu pour les délégations africaines… Et que nous nous y sentions bien, avec nos amis luxembourgeois, béninois et togolais. « Ah, mais vous ne faites jamais rien comme tout le monde, vous, qu’est-ce que vous foutez là ? » blague Bob, du BEDE (2), qui anime la séance.
Les Rencontres, ce sont trois cents participants venus d’une vingtaine de pays différents, de tous les continents. Ce sont des paysans essentiellement, mais aussi des chercheurs (INRA, CNRS), des animateurs de structure, des agronomes… Dès le premier jour, ce qui nous impressionne, c’est la confiance et la conviction qui émanent des organisations présentes. On ressent très fort la cohérence des actions qui sont menées en France et à l’étranger. C’est un véritable mouvement social. Autrement dit, tous les collectifs présents identifient clairement leur action en faveur des semences paysannes comme une résistance créatrice, pour la biodiversité cultivée et pour l’autonomie des paysans. Cette force, cette conscience commune doivent beaucoup à l’existence du Réseau Semences Paysannes (RSP) qui organise l’événement. Créé en 2003, lors des Rencontres d’Auzeville, le RSP se donne pour mission de coordonner les différentes organisations de gestion et de protection de la biodiversité cultivée, et lutte également pour la reconnaissance juridique des semences paysannes. Notre association fait partie de ce réseau.

Au fond, que veut dire « Semences paysannes » ?

L’appellation « Semences paysannes » est très récente. Il a fallu des années de débat au sein du Réseau pour aboutir à une compréhension plus ou moins partagée de ce terme. D’un côté, ceux qui considèrent qu’il faut conserver rigoureusement le patrimoine génétique des variétés locales et anciennes, en les maintenant sur leurs terroirs d’origine. De l’autre, les partisans d’une vision plus évolutive, moins attachée aux descriptifs phénotypiques qu’à la capacité d’adaptation des variétés à l’évolution du climat, des conditions de culture et aux différents terroirs. Au fil des débats et en réalité, ces deux tendances sont entremêlées, complémentaires et chacune nécessaire. Ce qui a permis au Réseau d’aboutir à une définition englobante : « Nous entendons par “variétés paysannes”, les variétés que nous, paysans, sélectionnons et que nous ressemons et continuons à faire évoluer dans nos champs pour les adapter à de nouvelles nécessités agronomiques, alimentaires, culturelles, ou dues aux changements climatiques. Nous considérons que ces activités sont un droit imprescriptible de chaque paysan, chaque jardinier et qu’il nous appartient de plein droit de gérer collectivement le “patrimoine génétique” issu de milliers d’années de travail de nos ancêtres paysans3. » Ailleurs dans le monde, il est question de semences créoles, de semences natives, de semences traditionnelles. En Belgique, nous avons choisi le terme « Semences citoyennes ». Le point commun entre tous ces adjectifs, c’est qu’ils ne décrivent évidemment pas les caractéristiques matérielles de la semence (qui peut distinguer à l’œil nu une semence paysanne d’une autre ?). Ils mettent l’accent sur le processus, et sur les acteurs de la sélection. Exactement comme on parle de café « équitable », par exemple.

Du noyau dur à une myriade de structures

Lors de ces trois jours de rencontres, nous avons tous été marqués par certaines personnalités, qu’on pourrait qualifier de véritables « papes » et « papesses » de la semence paysanne, chacun dans leur métier propre, jeunes et moins jeunes : François Delmond, Guy Kastler, Philippe Catinaud, Véronique Chable, Florent Mercier, René Léa, Bertrand Lasseigne, Jean-François Berthellot… et tant d’autres ! 
Mais le plus impressionnant est l’émergence de très nombreux nouveaux collectifs. Le Sud de la France et la Bretagne, le Brésil, l’Inde sont en avance sur nos contrées de tradition plus individualiste et consensuelle… L’Autriche – voir ci-après, Arche Noah – a également un réseau très structuré et très efficace. Il y a un tel enthousiasme dans les échanges, un tel réalisme, une telle confiance que nous sommes tous ressortis de nos ateliers et des exposés avec la conviction et l’évidence que Nature & Progrès devait aussi agir en Belgique, qu’il était hors de propos de tergiverser. Nos interlocuteurs ont d’ailleurs écouté le projet de Maison de la Semence Citoyenne avec une curiosité et un zeste d’admiration pour « ces petits Belges qui trouvent toujours une façon originale de se positionner. » 
L’esprit de ces rencontres est festif, convivial, passionné, résolument collectif. C’est avant tout par la fête et le partage que se tisse le mouvement. Les Rencontres Internationales des Semences paysannes nous incitent à faire germer, dans nos terroirs, les graines de cet état d’esprit. C’est en se rassemblant qu’on crée quelque chose de solide. Ce qui fait dire à Guy Kastler, lors de la séance de clôture : « Aux rencontres d’Auzeville en 2003, nous étions menacés, fragiles, à présent nous sommes indestructibles ! »

Notes :
1. Rappel : Une maison de semences est un mode d’organisation collective de la biodiversité cultivée
2. BEDE (Biodiversité, échanges et diffusion d’expériences) est une organisation de solidarité internationale qui contribue à la protection et à la promotion des agricultures paysannes en soutenant les initiatives d’une gestion respectueuse du vivant par un travail d’information et de mise en réseau.
3. Définition tirée du site du RSP, citée dans Demeulenaere E. & C. Bonneuil, 2010, « Cultiver la biodiversité : semences et identité paysanne », in Bertrand Hervieu, Nonna Mayer, Pierre Müller, François Purseigle & Jacques Rémy, Les mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole. Paris, Les Presses de Sciences Po :73-92.

VI. Des initiatives, parmi tant d'autres…

– Pétanielle (France)

Un bel exemple d’initiative jeune, dynamique et fertile : l’association Pétanielle fondée en janvier 2010, dans le Tarn. Ses objectifs rejoignent les préoccupations de Nature & Progrès en matière de semences : soutenir la sauvegarde, la gestion in situ et la promotion de la biodiversité cultivée. L’association se veut être un lieu d’échanges, de réflexion, d’expérimentation, ainsi qu’une force de proposition. 
Au point de vue de ses membres, Pétanielle rassemble des jardiniers et des paysans autour de projets de conservation, de multiplication, de sélection et de diffusion de semences. Un point supplémentaire qui les rapproche de Nature & Progrès réside dans la charte dite « des semeurs et semeuses de la biodiversité des jardins et des champs » sur laquelle se basent les projets. 
Grâce à leur structuration en association, les membres ont pu se doter des moyens humains et techniques nécessaires à son développement (permanents, matériel de battage et de nettoyage des semences). Des fiches techniques et des fiches d’observation des conditions de culture ont été développées pour garantir la qualité des semences produites. 
De la présentation de Pétanielle émanait une confiance, une simplicité et un esprit positif. De quoi nous inspirer, nous aussi, pour nous lancer !

– Des semeuses venues d’Inde

La Deccan Development Society est une association de paysannes qui, ensemble, organisent leur indépendance semencière. Entre autres activités, l’association développe des banques de semences chez les paysannes, des échanges et de la formation. Dans le contexte actuel de déploiement des hybrides en Inde, leurs actions constituent une force d’opposition et un lieu de création d’alternatives. L’association défend et représente les droits des paysans les moins écoutés, à savoir ceux des femmes de la caste des intouchables. La délégation était d’ailleurs composée uniquement de femmes, âgées de huit à plus de septante ans !
Leur apport, mis à part sur leur mode de fonctionnement extrêmement décentralisé, a surtout été de nous transmettre tout un registre sémantique lié aux semences auquel nous ne sommes pas habitués et duquel nous devrions nous inspirer. C’est en effet par des mots très chaleureux, du cœur, que ces femmes s’expriment et communiquent. Elles parlent de leurs « semences d’espoir », de paix, de célébration de la vie. Une belle ouverture sur la symbolique des semences, ces mondes contenus dans une enveloppe, ces grains de vie.

– Semences paysannes en Afrique de l’Ouest

Mêmes constats, mêmes problèmes liés au déploiement des hybrides, et mêmes solutions envisagées en Afrique (cf. encadré sur les semeuses d’Inde). Au Togo, le « Centre de Développement Agricole et Artisanal » organise formations, démonstrations et multiplications de semences dans un contexte agricole qui ressemble fort à celui que nous avons connu au début du siècle dernier. Face à la déferlante de la révolution verte et à son cortège de pesticides, d’engrais et de semences hybrides, les fermiers ne délaissent pas leurs variétés paysannes et s’organisent collectivement. Le contexte est extrêmement défavorable puisque les techniques dites modernes ont un fort succès, mais certains voient déjà plus loin le malheur qui s’annonce. Peut-être grâce à la situation dans laquelle se retrouvent les paysans des pays industrialisés. Toujours est-il que la conservation des pratiques paysannes autour des semences est au cœur des préoccupations de certains, au cœur de la lutte contre l’industrialisation néfaste pour les paysans. Un point commun de plus entre agriculteurs et jardiniers du Nord et du Sud.

 Arche Noah, source d’inspiration…

Trois jeunes femmes souriantes et avenantes… Les Autrichiennes étaient de la partie, témoignant en toute modestie d’un projet pourtant déjà bien abouti ! Fondé il y a un peu plus de vingt ans, Arche Noah compte aujourd’hui dix mille membres et six mille variétés de plantes potagères et pérennes (fruitiers). Une spécificité de l’association est de proposer aux jardiniers deux façons de transmettre leurs graines : ils peuvent soit les donner à Arche Noah pour enrichir la collection principale, soit les échanger au sein du réseau de jardiniers amateurs. Dans le premier cas, les graines doivent passer un contrôle de qualité et deviennent payantes pour toute personne qui souhaite se les procurer par la suite. Dans le second cas, les échanges sont gratuits et basés sur la confiance entre jardiniers qui se contactent via un catalogue reprenant les coordonnées des membres ainsi que les variétés cultivées par chacun d’eux. La collection et les bureaux d’Arche Noah sont installés dans un magnifique château entouré d’un vaste terrain sur lequel ils cultivent leurs plants et accueillent des groupes pour des formations et des animations de sensibilisation. Voilà un collectif qui non seulement nous a fait rêver mais qui, en plus, s’avère être une réelle source d’inspiration pour l’élaboration de notre future Maison de la Semence…

– L’exemple brésilien : entre lutte et fête

Au Brésil, il existe deux législations pour les semences : l’une pour les grandes entreprises, qui facilite le commerce national et international, l’autre pour les petits paysans, qui protège les semences « créoles ». Résultat de fortes pressions de la part des mouvements sociaux, cette situation montre à quel point l’esprit de lutte est présent au cœur des Maisons de Semences brésiliennes. Ces « casa de sementes » sont nées de l’idée qu’il ne fallait pas attendre du gouvernement qu’il trouve la solution pour assurer l’alimentation de tout son peuple mais que les savoir et savoir-faire étaient entre les mains des familles. C’était donc bel et bien ceux-là qu’il fallait mettre en valeur et dont il fallait profiter pour proposer une alternative. Les fêtes des semences, qui occupent une grande place dans leurs projets, sont justement l’occasion de valoriser les savoirs liés à la culture de graines et le mode de vie paysan. Elles permettent de se rassembler et d’échanger des graines, elles offrent un espace de dénonciation et d’amusement, où conférences et défilés festifs dans les rues se côtoient.

– Au Luxembourg, de futures collaborations près de chez nous ?

Près de chez nous aussi, des initiatives se mettent en place… C’est le cas au Luxembourg, où une douzaine de personnes viennent de fonder un réseau appelé SEED. Il s’agit d’un réseau ouvert et indépendant qui a pour objectif de promouvoir la diversité des plantes cultivées par la sauvegarde, la multiplication et l’évolution de variétés traditionnelles et localement adaptées. SEED a été inauguré en juillet de cette année et est actuellement porté par les membres fondateurs qui représentent chacun une association ou un organisme luxembourgeois actif dans la préservation de l’environnement. Le réseau développe diverses activités : la culture de graines bien entendu, mais aussi un volet information (formation, expériences, recherche, documentation, publications) et un travail politique avec les autorités, organismes et associations nationaux et internationaux. Nature et Progrès se réjouit à l’idée de collaborer dans le futur avec Frank Adams, membre de SEED que beaucoup connaissent déjà chez nous par le livre Récolter ses propres semences. Vivement, en effet, que nos chemins se recroisent et qu’ensemble, comme il le dit si bien, nous puissions œuvrer à multiplier tant les semences que les multiplicateurs !

 Kaol Kozh : l’exemple breton

Kaol Kohz signifie ‘Bien commun’ en russe… et ‘vieux choux’ en breton. Cette association prend le sens des mots au sérieux ! Lors des Rencontres, René Léa, agriculteur et président de l’association, a surtout mis en avant la détermination des paysans et des jardiniers face à la loi. Chez Kaol Kohz, les semences sont véritablement « bien commun », c’est-à-dire qu’elles sont la propriété collective de tous. Les activités de multiplication et de sélection sont donc considérées comme des prestation de service ; il n’y a pas d’échange au sens où l’entend la législation. Parmi les objectifs de l’association : le recensement des variétés de terroirs bretons, la multiplication et la sélection évolutive de ces variétés par les membres, la défense des droits des paysans à produire leur semence… À une question de la salle sur la légalité de ce fonctionnement, René Léa répond : « On n’en sait rien à vrai dire… mais qu’ils viennent seulement ! Cela fera encore plus de bruit en faveur des semences paysannes ! »

Conclusion

Plus que jamais, la question de la semence occupe, à nos yeux, une place capitale au sein des enjeux de souveraineté alimentaire. Et, plus que jamais, toute approche citoyenne de cette question essentielle nous paraît devoir passer inéluctablement par celle de la semence…

Car, à une conception technocratique, centralisée, industrielle, Nature & Progrès oppose aujour’hui – pour des raisons de respect humain mais aussi de biodiversité inhérentes à la nature même du vivant – une vision participative, locale et paysanne… L’une est aliénante car elle organise la dépendance de l’utilisateur de semences – du simple jardinier amateur au monde agricole dans son ensemble – au seul profit de gros intérêts privés ; l’autre est libératrice car elle garantit l’indispensable autonomie qui seule sied tant à la dignité des Hommes qu’à la biodiversité. Elle défend par la gratuité le bien commun dont la valeur est inestimable. Plus encore, la semence manipulée – des hybrides aux OGM – devient une abstraction qui la dérobe à son propre cycle naturel mais surtout à la simple compréhension du citoyen. Combien de jardiniers savent-ils ce qu’est exactement une semence hybride ?

La semence paysanne, la semence citoyenne, elle, est on ne peut plus palpable puisque chacun est invité à suivre et à observer le cycle entier de la plante qu’elle fait naître, voire à l’améliorer en fonction des contextes locaux, innombrables. L’une ment sciemment à travers une communication illusioniste au sujet de mystérieuses « banques de semences » – le non-sens complet puisque la graine n’a d’intérêt qu’une fois en terre ! -, elle masque ainsi, tant bien que mal, sa funeste et inexorable avancée vers l’épuisement génétique… L’autre n’a que son évidence à offrir : elle est la vie qui se dévoile et se renouvelle sous nos yeux ébahis. Voilà bien ce qui force l’engagement au sein de structures telle que notre Maison de la semence citoyenne